Chapitre 4 : Direction la péninsule
Partie 4
« Tout s’est déroulé comme prévu jusqu’à présent. », déclara Ryoma.
Tout le monde assis autour de la table hocha la tête fermement en signe d’affirmation, avec des sourires indomptables et sauvages sur les lèvres.
Un territoire qui leur est propre. Un royaume à eux. Et outre l’envie et l’aspiration, ils avaient pleinement confiance qu’ils avaient bravé avec succès cette région dangereuse.
Ils étaient entrés dans la péninsule et avaient été attaqués par des monstres des dizaines de fois. Même un chasseur expert dans la poursuite de sa proie rencontrerait rarement cela le premier jour. En comparaison, le taux de rencontre avec les monstres était alarmant.
De plus, les monstres qui les attaquaient étaient tous dangereux, classés comme étant de niveau moyen ou même de haut niveau par la guilde des aventuriers. Ces rencontres firent quelques blessés, mais le fait qu’ils les aient tous éliminés sans aucune victime était un accomplissement tangible dont ils étaient fiers. Ils ne pouvaient s’empêcher de se réjouir.
« Demain, nous arriverons enfin… à cet endroit, n’est-ce pas ? », demanda Ryoma.
« Oui, à notre vitesse actuelle, nous devrions arriver demain à midi. » Genou fit un signe de tête.
Cela faisait trois jours qu’ils étaient entrés à Wortenia. La route qui partait d’Epire avait disparu depuis longtemps, et le convoi de Ryoma traversait un arrière-pays inhabité. L’herbe poussait en hauteur et le feuillage était épais, comme pour empêcher les gens de progresser. Pendant que le convoi marchait, ils devaient constamment couper les branches qui se mettaient en travers de leur chemin et marcher prudemment.
Mais aussi rude que soit l’environnement, ils ne manquaient pas de sources d’eau et n’avaient pas de mal à trouver des lieux de campements appropriés. Ce serait normalement la partie la plus difficile d’un tel voyage, mais Ryoma avait passé des mois à faire des recherches topographiques des régions intérieures de la péninsule de Wortenia. Grâce à cela, ils avaient su choisir des itinéraires efficaces pour traverser la péninsule, et en faisant des arrêts pour se reposer de temps en temps, ils avaient réussi à atteindre les régions arrière de la péninsule.
À l’heure actuelle, ils étaient assis autour d’une carte que Genou avait faite de la région de Wortenia pour planifier leur politique à venir.
« Nous devons notre progression à travers la péninsule à la qualité de nos soldats, bien sûr, mais vos ordres d’examiner la topographie de la région étaient également importants. Les informations de la guilde d’Epire auraient été insuffisantes. », déclara Sara, suite à quoi tout le monde acquiesça.
Effectivement, les profondeurs de la péninsule étaient une région inexplorée, mais cela ne voulait pas dire que personne n’y était jamais allé. Certains aventuriers avaient en effet pénétré dans la péninsule à la recherche d’un moyen de gagner rapidement de l’argent. Les informations qu’ils avaient fournies avaient été recueillies par la guilde des aventuriers d’Epire.
Mais suite aux conseils de Genou, Ryoma demanda au clan ninja d’Igasaki de mener une enquête approfondie sur la péninsule de Wortenia. Les résultats de cette demande étaient désormais évidents. La carte qui était étalée devant tout le monde détaillait maintenant les forêts, les vallées et les rivières. Il était difficile d’imaginer à quel point leur marche aurait été plus difficile sans cette carte. Au moins, ils n’auraient pas pu aller aussi loin sans perdre une seule âme.
« Oui, le fait que Genou et son groupe aient trouvé toutes les bonnes sources d’eau et les emplacements pour les campements a été une grande bénédiction. On te doit beaucoup, Genou. »
Le fait était que des groupes d’une douzaine d’aventuriers ne chercheraient pas les mêmes choses qu’une armée — même si elle était petite, plusieurs centaines de personnes — pourrait chercher, comme de grandes sources d’eau. Un filet d’eau s’écoulant entre les rochers ne suffirait pas à satisfaire tous les soldats de Ryoma. Il en était de même pour les campements, lorsqu’ils s’arrêtaient pour la nuit. Un plus grand nombre de personnes nécessitait naturellement des zones plus grandes.
Genou rassembla ces informations à l’avance et planifia un itinéraire idéal pour leur passage. Tout le monde était aussi reconnaissant que Ryoma l’était envers le vieux ninja. Bien sûr, ils pouvaient produire un approvisionnement stable en eau potable grâce à la magie verbale. Cela pouvait également être utilisé pour obtenir un espace suffisamment grand pour un camping, mais même ainsi, cela leur évitait de se donner la peine et de faire des efforts.
« Les membres les plus compétents de mon clan se sont occupés de cette question… Mais même ainsi, traverser cette terre n’était pas une chose simple. Deux d’entre eux ont été blessés lors d’une enquête dans les profondeurs de la péninsule et n’ont pas encore récupéré. Il en va de même pour les pirates, mais nous devrons nous méfier… d’eux. », répondit Genou.
« Eux… ? Vous voulez dire les demi-hommes ? » demanda Sara.
À cette question, toutes les personnes présentes semblaient tendues. Ils étaient déjà au courant de l’existence de ces êtres, mais en entendre parler une seconde fois après leur entrée en Wortenia avait choqué tout le monde une fois de plus.
« Les demis, eh… J’ai entendu dire qu’ils étaient encore vivants quelque part, mais je ne pensais pas qu’ils existaient encore. », dit Boltz en se frottant le menton.
« Effectivement, Boltz. Ces choses sont encore vivantes… Et apparemment, ils ont même une colonie ici. », dit Lione d’un signe de tête sinistre.
Boltz et Lione étaient chargés d’enseigner les enfants esclaves, et n’avaient jusqu’alors entendu parler de leurs projets d’avenir qu’en termes généraux. Outre ce rôle, ils avaient de nombreuses autres questions à régler, comme la gestion de la ligne de ravitaillement, le choix de l’emplacement des campements et les itinéraires à emprunter. En tant que tels, ils ne savaient pas comment Ryoma allait s’occuper des demi-hommes.
Pour commencer, qui était donc ces demi-hommes ? Demi-humains, ou demis pour faire court. C’était un terme général donné aux espèces bipèdes, non humaines, qui semblaient soutenir ce qui était vraisemblablement une civilisation. On pourrait les décrire comme des hommes-bêtes, qui avaient une tête d’animal, mais un corps humain, ou des elfes et des nains. Toutes ces espèces civilisées pouvaient être classées de manière générique comme des demi-hommes.
Mais alors que dans les romans fantastiques, Ryoma savait que ce genre d’espèces était considéré comme célèbre et populaire, la plupart des gens dans ce monde ne quittaient presque jamais leurs villes et n’avaient jamais vu un demi-homme. En fait, à part les aventuriers qui bravaient les régions inexplorées du continent occidental, on pouvait dire sans risque de se tromper que presque personne ne les avait vus.
Et c’était parce que, selon la légende, les demi-hommes qui habitaient ce continent avaient été poussés à l’extinction il y a de nombreuses années par la main de l’homme. Plusieurs raisons avaient conduit à l’extinction présumée des demi-hommes, mais la principale raison était l’Église de la Lumière et sa foi dans le Dieu de la Lumière, Menios.
Selon cette foi, six dieux créèrent cette Terre. Sur les six, Menios était considéré comme la divinité principale. Et le groupe religieux qui adorait le Dieu de la Lumière, Menios, était l’Église de la Lumière. Leur doctrine était simple. Le Dieu de la Lumière et créateur de l’humanité était la divinité principale de ce monde. Et en tant que tels, les humains, étant les créations de la divinité principale, étaient l’espèce suprême.
On pouvait dire dans une certaine mesure que cela était vrai pour toutes les religions. On pourrait très bien dire que la religion était un outil pratique développé par les gens, destiné à se positionner comme une existence spéciale dans ce monde. Normalement, cela ne posait pas de problème. La religion qui donnait le sentiment que son groupe était le peuple élu ne posait généralement pas de problème en soi.
Et en effet, selon les documents de l’Église de la Lumière, l’organisation existait depuis plus de mille ans. L’extermination des demi-hommes, en revanche, n’avait eu lieu que quatre cents ans avant la génération de Ryoma. Cela signifiait que l’Église de la Lumière n’avait pas pris de mesures pour exterminer les demi-hommes durant plusieurs siècles après sa fondation.
Oui, si deux hommes n’avaient pas fait surface et changé l’histoire du continent occidental il y a environ quatre cents ans, peut-être que les races d’elfes et d’hommes bêtes que véhiculait les romans fantasy japonais actuel auraient existé et prospéré sur cette terre.
Mais les choses n’avaient pas été ainsi, et la réalité était que les demi-hommes avaient été poussés à la quasi-extinction il y a de nombreuses années. Les seules traces qui subsistaient étaient les rumeurs selon lesquelles un petit nombre d’entre eux vivraient encore dans les régions les plus reculées du continent.
« Alors… On va les attaquer ? », demanda Lione.
Cela semblait être une question naturelle pour elle, mais Ryoma secoua la tête en signe de déni.
« Nous allons surveiller attentivement les demi-hommes pour l’instant. Nous n’avons pas l’intention de les combattre volontairement pour le moment. Je l’ai déjà dit à Genou, mais je ne veux pas attaquer leur village dans la forêt du nord. »
Les yeux de Lione et Boltz s’élargirent par surprise. Quelles que soient les circonstances, les subordonnés qu’ils avaient envoyés pour enquêter sur la péninsule étaient revenus blessés. Lione et Boltz ne pouvaient s’empêcher de penser que choisir de ne rien faire était un choix étrange.
À en juger par la personnalité de Ryoma, ils avaient supposé que même s’il n’avait pas recours à la force, il enverrait au moins un messager pour se plaindre.
« Et honnêtement, je ne pense pas que les provoquer maintenant soit une bonne idée… Nous ferions mieux de surveiller le comte Salzberg et Epire, je ne veux donc pas que nous ayons plus d’ennemis sur les bras pour l’instant. De plus, c’est à nous qu’on reproche de nous être faufilés dans leur village. Alors pour l’instant, je me suis dit qu’on devrait les laisser tranquilles. »
Pour conclure, Ryoma avait dessiné un grand cercle rouge sur la carte autour du nord de Wortenia, un cercle qui entourait environ un quart de la péninsule. En d’autres termes, ce cercle était leur frontière avec le territoire des demi-hommes.
Lione fit un signe de tête profond.
« Je suppose que c’est logique… le royaume de Xarooda est dans un état chaotique en ce moment, alors il vaut mieux ne pas se faire d’ennemis, hein ? Et je suppose qu’on ne peut pas être trop en colère vu que c’est nous qui sommes entrés sur leur territoire… »
Les enseignements de l’Église de la Lumière postulaient que les demi-hommes étaient des existences souillées qui devaient être systématiquement tuées, mais Lione n’avait aucune aversion particulière pour eux. Elle était prête à se battre contre les demi-hommes si le besoin s’en faisait sentir, mais n’avait pas l’intention de les contrarier volontairement.
Et surtout, la façon de penser de Ryoma était très rationnelle et impartiale. La façon dont il avait admis qu’ils avaient tort dans cette affaire et n’avait pas cherché à se venger pour ce qui avait été fait à ses subordonnés était une décision que Lione avait considérée favorablement. La question des demi-hommes ayant été mise de côté, Lione aborda le problème suivant qu’ils devaient résoudre.
« Mais qu’en est-il des pirates ? Nous aurons des ennuis si Simone finit ses préparatifs, mais que nous n’avons pas de port pour les recevoir, n’est-ce pas ? »
La présence des pirates était un obstacle majeur au pacte secret de Ryoma avec Simone. Les manipuler était un problème majeur, qu’il s’agisse de les persuader de partir ou de les éloigner de force. Lione n’avait pas eu le loisir d’interroger Ryoma à ce sujet en raison de sa charge de travail, mais elle voulait savoir comment il avait décidé de traiter avec les pirates.
« Je ne peux dire qu’une chose à ce sujet. Honnêtement, mon pays n’a pas besoin de pirates. »
Ryoma répondit à sa question par un léger haussement d’épaules.
Un petit feu avait été allumé dans la grande tente, ce qui avait permis de garder l’endroit au chaud, mais malgré cela, tout le monde avait ressenti un frisson glacial à la suite des paroles de Ryoma. Et ce, malgré le fait qu’il était toujours aussi calme et recueilli. Mais aucune des personnes présentes dans cette tente ne s’était trompée sur le sens de ses paroles.
« Alors il va falloir les anéantir, hein… », murmura Lione.
C’était un murmure, mais tout le monde l’avait entendu trop clairement.
Des elfes ? Cela manquait dans cet autre monde 😇