Chapitre 3 : Les assassins
Partie 7
« Mm. Je ne peux pas partager cette information avec un étranger. Cela touche aux règles de notre clan. »
Le visage du vieil homme s’était considérablement déformé.
« Je comprends. Je m’excuse donc de l’avoir demandé. »
Ryoma baissa la tête en s’excusant.
« Oh… Vous ne souhaitez vraiment pas le savoir ? »
Ryoma avait abandonné si facilement que le vieil homme le lui avait demandé par curiosité.
« Je passe mon tour. Ce n’est pas dans mon intérêt de fouiller dans les secrets des autres… D’ailleurs, on dit que la curiosité est un vilain défaut. »
Il était naturel pour un individu de s’intéresser aux secrets des autres, et plus un secret était bien gardé, plus il piquait sa curiosité.
Mais les secrets avaient des raisons d’être gardés cachés, et ce qui pouvait avoir peu de conséquences pour un étranger pouvait signifier beaucoup pour les personnes concernées.
Que des gens s’en prennent à ma vie parce que j’en sais trop ne serait pas drôle…
La vie dans ce monde ne valait au départ déjà pas grand-chose. Le point de vue de Ryoma était qu’il n’était pas nécessaire de s’exposer à des risques inutiles.
« Vous avez une sacrée retenue pour quelqu’un de si jeune… Vous avez vraiment piqué mon intérêt ! Je m’appelle Genou. Genou Igasaki. Je me réjouis d’avoir une amitié prolongée avec vous. »
« Prolongé… ? »
Ryoma avait été stupéfait par ses propos.
Tout cela était trop soudain.
« Arrêtez de faire semblant. Vous avez sauvé Sakuya parce que vous vouliez en faire votre rappa ? Pour cela, en tant que grand-père, je vous servirai à ses côtés ! »
Genou sourit comme s’il venait de faire une faveur à Ryoma. Il était tellement renfrogné jusqu’à présent que lorsqu’il souriait, il avait l’air d’un vieil homme amical.
« Grand-père… ? », demanda Sakuya avec crainte.
« Qu’est-ce qu’il y a, Sakuya ? Ne me dis pas que tu es mécontente de ça… ? Ayant échoué dans ta tâche, tu devrais être morte à l’heure qu’il est. Mais Maître Mikoshiba ici présent t’a sauvé la vie. Il est préférable de laisser celui-ci t’utiliser, non ? »
Genou commença à parler de Ryoma comme « Maître Mikoshiba ». C’était une nette amélioration par rapport à la façon dont il l’avait appelé « gamin » ou « petit ». Il semblerait que Genou était résolu à servir Ryoma.
« Ah… Eh bien… Oui. »
Réalisant que Genou avait pris sa décision, Sakuya n’avait pas eu d’autre choix que de hocher la tête.
« Je suis sûr que ça ne vous dérange pas, Maître Mikoshiba ? »
La question de Genou fit sombrer Ryoma dans ses réflexions. Il était vrai qu’il avait l’intention de l’aider si elle était japonaise et qu’il envisageait de mettre à profit ses talents d’assassin, mais la conversation avait dégénéré à la suite de l’apparition soudaine de Genou.
Que diable se passe-t-il ici ?
C’était une aubaine du point de vue de Ryoma. Mise à part Sara et Laura, il était au mieux dans une alliance commode avec tous les autres. Lione et Boltz étaient des mercenaires en qui il pouvait avoir confiance sur le plan personnel, mais on ne savait pas quand les chevaliers pourraient le trahir.
Ils n’obéissaient aux ordres de Ryoma que parce que la princesse Lupis l’avait reconnu comme commandant. Si la princesse Lupis décidait d’abandonner Ryoma, les chevaliers ignoreraient immédiatement ses ordres.
À cet égard, il était reconnaissant d’avoir des camarades compétents à ses côtés. Sauf que…
Cela va trop vite… Ces deux-là se sont pointés pour me tuer. Mais… Ils valent certainement la peine d’être utilisés. Si je peux vraiment les mettre de mon côté, ce serait vraiment pratique… La seule question est : qu’est-ce qu’ils gagnent à me demander ça ? Mais s’ils pensent vraiment à me servir…
Ryoma fixa son regard sur Genou. Il avait un besoin urgent de pions utiles.
J’ai vraiment besoin de gens qui peuvent obtenir des informations… Mais comment puis-je confirmer que les informations qu’ils m’apportent sont authentiques… ? Non… Je suppose que cela dépend de mon jugement…
« Entendu », conclut Ryoma.
En fin de compte, faire confiance à quelqu’un nécessitait toujours de prendre un risque.
« Dans ce cas, ma petite-fille Sakuya et moi entrons à votre service dès aujourd’hui, Maître Mikoshiba… Non, seigneur. »
Genou exhorta Sakuya à courber la tête devant Ryoma.
« Grand-père ! À quoi pensais-tu !? »
Sakuya laissa finalement sortir ses frustrations refoulées, en s’en prenant à Genou.
Ils se trouvaient dans une forêt, à une courte distance des douves, Sakuya et Genou étaient les seuls à proximité. Le seul témoin de leur échange était la lune qui flottait dans le ciel nocturne.
« Qu’est-ce qui t’énerve tant, ma fille ? »
La voix calme de Genou n’avait fait qu’irriter davantage Sakuya.
« Quoi, tu me le demandes… ? As-tu sérieusement l’intention de servir cet homme !? »
« Es-tu insatisfaite ? »
Genou négligea avec désinvolture l’énervement de Sakuya.
« Comment ne le serais-je pas !? Pour commencer, comment pourrais-je simplement accepter de renoncer à ma tâche première et de servir ma cible d’assassinat !? »
Les plaintes quittèrent les lèvres de Sakuya les unes après les autres.
« Qu’est-ce que tu faisais là ? C’est moi qui ai été désigné pour ce travail, alors pourquoi me suivais-tu !? »
Elle n’avait que dix-huit ans, mais était encore considérée comme très capable parmi les plus jeunes membres du clan. Elle n’était pas du genre à laisser cela lui monter à la tête, mais elle était fière de ses talents d’assassin.
Mais non seulement elle avait échoué dans sa tâche, mais elle avait aussi été capturée. C’était irritant en soi, mais l’apparition de son grand-père, un des aînés du clan, avait rendu la situation encore plus humiliante.
En tant qu’ancien, Genou n’était plus fait pour le service actif, et le fait qu’il était là signifiait que les anciens doutaient des compétences de Sakuya. Sakuya pensait que ses capacités étaient reconnues, ce qui ne faisait que la rendre plus humiliée.
Pour couronner le tout, son grand-père avait décidé unilatéralement qu’ils serviraient Ryoma Mikoshiba. Le fait qu’elle soit contrariée n’était pas exagéré.
Mais dans sa colère, Sakuya avait oublié que malgré leur lien de sang, il y avait un grand écart de statut social entre elle et Genou. Elle pourrait bien un jour hériter de sa position d’aîné, mais pour l’instant, elle n’était rien d’autre qu’un ninja qualifié de la classe inférieure. Elle devait être très agitée pour lancer autant de plaintes à un ancien vénéré.
Cette petite idiote n’a toujours pas réussi à garder son cœur en équilibre… Perdre son sang-froid à cause de ça… chuchota Genou dans son cœur, regardant froidement Sakuya alors que sa colère s’attardait. Mais qu’il en soit ainsi. Depuis combien de temps notre clan n’avait-il pas trouvé un futur maître digne de servir ? Nous ne devons pas laisser passer cette chance…
Normalement, il n’était pas du genre à laisser Sakuya lui parler de la sorte, ce qui ne faisait que montrer à quel point il était ravi. Suffisamment pour ne pas tuer Sakuya là où elle se tenait.
« À qui crois-tu parler, ma fille ? »
L’air s’était rempli d’une intention meurtrière.
Les yeux de Genou se rétrécirent comme des fils, fixant le visage de Sakuya. La jeune fille se mit à transpirer froidement et tomba à genoux.
Il va me tuer… Ah ! Qu’est-ce que j’ai... Qu’est-ce que je viens de… ?
Réalisant qu’elle n’était pas restée à sa place en parlant ainsi, le cœur de Sakuya se figea aussitôt. Les aînés n’étaient pas simplement un rassemblement de vieillards. Certes, ils n’acceptaient pas les demandes d’assassinat, mais cela ne constituait pas une preuve de leur manque de compétence ou de faiblesse.
Ils avaient passé la majeure partie de leur vie à faire le sale boulot, et ils étaient gratifiés d’un talent véritable qui les amenait à l’âge de soixante ans. Aussi compétente qu’elle fût, une jeune fille de dix-huit ans comme Sakuya ne pouvait espérer se comparer à eux quant au nombre de fois où ils avaient survécu à des combats à mort.
L’intention meurtrière de son grand-père avait ramené Sakuya à la réalité.
« Je… je m’excuse. J’ai dépassé les bornes, en parlant de cette manière », Sakuya avait à peine réussi à faire sortir ces mots d’excuse.
« Ce n’est pas grave… »
Genou détourna le regard de sa petite-fille, qui s’était mis à ses pieds.
« Je comprends ton raisonnement. Il est vrai qu’après avoir accepté un travail, tu as la responsabilité de le mener à bien… Mais tuer cet homme serait du gâchis. »
« Tu penses qu’il vaut la peine d’être utilisé… ? Mais qu’en est-il du contrat… ? », demanda timidement Sakuya.
Les contrats étaient particulièrement contraignants pour les assassins. Un assassin indigne de confiance n’était jamais engagé, surtout s’il choisissait de servir sa cible d’assassinat. Cela pouvait avoir des implications sur les moyens de subsistance et la survie du clan.
Genou, cependant, se moqua de l’objection du Sakuya.
« C’est un détail insignifiant. Les contrats sont faits pour la tranquillité d’esprit et rien de plus ! Tu es bien consciente de l’humiliation dont notre clan a été victime ! Crois-tu vraiment que le noble Gelhart nous donnera la récompense qu’on nous a promise ? »
Les paroles de Genou avaient laissé Sakuya sans voix. Certaines personnes les inondaient de promesses lors de la signature du contrat, pour ensuite lésiner sur le paiement une fois le travail terminé. Les vrais méchants envoyaient à la place des soldats pour les éliminer. Sakuya avait déjà été trahie par des clients à plusieurs reprises dans le passé.
Et le Duc Gelhart était tristement célèbre pour son avarice. Le montant qu’il avait spécifié cette fois-ci était inhabituellement élevé, mais est-ce qu’il allait réellement verser ce montant ? Là était toute la question.
« Mais cela ne va-t-il pas réduire le nombre de clients que nous allons recevoir à l’avenir… ? »
« Cela ne me dérange pas. Le fait de ne pas pouvoir travailler dans ce pays n’est guère un problème. Finalement, nous ne sommes que des vagabonds. Nous avons simplement besoin de travailler dans un autre pays. Je suis sûr qu’il y a beaucoup de pays qui voudraient nos services. Mais ce qui m’intéresse beaucoup plus, c’est cet homme… Il pourrait très bien être… »
Les paroles de Genou s’envolèrent.
Je ne dois pas encore le dire à Sakuya… Et je dois le signaler au Conseil des Anciens… Mais cet homme. S’il n’avait été qu’un homme au cœur tendre, cela aurait été une déception. Mais la compétence que j’ai sentie chez lui… Si je ne me trompe pas, nos jours d’errance sont peut-être terminés.
Genou chuchota cela pour lui-même, se rappelant les événements de la journée. Quand Sakuya avait été capturée, il était résolu à voir la mort de sa petite-fille.
Même au sein du clan, Sakuya était particulièrement douée et avait reçu un entraînement considérable. Le Conseil des Anciens ne considérait pas qu’elle était un ninja obéissant simplement aux ordres. Ils avaient donc envoyé son grand-père, Genou, pour servir d’assurance.
Il devait confirmer les compétences de Sakuya, et si elle échouait dans sa tentative, Genou devait prendre la responsabilité de la situation de ses propres mains.
Mais même si le grand-père avait un regard partial, les compétences de Sakuya étaient impressionnantes. Son agilité, la façon dont elle dissimulait sa présence, sa détermination. Elles étaient toutes plus que satisfaisantes.
Mais elle s’était confrontée à la mauvaise personne.