Chapitre 3 : Les assassins
Partie 2
« Les soldats issus du peuple ne comptent pas pour moi. Mais perdre une si grande partie de mon ordre de chevalier… Cet idiot ! »
Il n’y avait pas d’absolu dans la guerre. Quelle que soit la supériorité de sa position, une perte reste une perte. Mais malgré cela, les flammes de la colère dans le cœur du Duc Gelhart ne pouvaient pas s’éteindre.
Renvoyant ses assistants, le duc Gelhart s’enfonça dans la chaise longue de son bureau et poussa un long soupir, commençant à se calmer.
Cela arrive à un mauvais moment… Maintenant que le général Albrecht s’est associé à moi, je ne peux pas me permettre de prendre d’autres coups dont il pourrait profiter…
Il était en pleine négociation avec le général Albrecht pour savoir lequel d’entre eux aurait le droit de commander, et tout résultat qui ferait en sorte que le général remettrait en question sa capacité à commander la guerre pèserait considérablement sur la position du duc Gelhart.
Le général Albrecht avait servi comme général de Rhoadseria pendant de nombreuses années, commandant les affaires militaires. Le duc Gelhart, lui, était chargé des affaires intérieures.
Dans toute autre situation, céder le commandement militaire à l’expert expérimenté serait la ligne de conduite naturelle. Mais s’il faisait cela, le général Albrecht lui volerait tout.
Son ambition est évidente. Si je lui donne négligemment l’initiative, il viendra m’ôter la vie. C’est exactement comme ça qu’il est… Zut ! Si seulement il était un peu moins ambitieux, je pourrais lui donner sans aucune crainte le droit de commander…
Du point de vue du Duc Gelhart, les compétences du Général Albrecht étaient précieuses. C’est pourquoi il les avait aujourd’hui acceptées, alors qu’il était sur le déclin. Mais en le rencontrant maintenant, le duc découvrit qu’il était resté aussi avide et ambitieux qu’avant.
Non, quand il servait encore la faction des chevaliers avec la princesse Lupis comme bannière, il faisait encore des efforts pour cacher ses intentions. Mais cela n’était plus nécessaire, et l’homme ne faisait qu’exhaler sa cupidité, comme un loup affamé.
Je ne peux pas compter sur les conseils de Sudou… Peut-être que croire ses paroles et accepter Albrecht était une erreur de ma part ?
Le visage d’un seul homme fit surface dans l’esprit du Duc Gelhart. Lui, qui avait toujours agi dans l’ombre de la princesse Radine, était aussi celui qui avait conseillé au duc Gelhart d’accepter le général Albrecht à ses côtés. Et c’était également lui qui avait présenté la princesse Radine au duc Gelhart.
Les traits de son visage étaient simples, comme ceux d’un homme que l’on pouvait trouver à n’importe quel coin de rue. Il avait de plus une taille moyenne. Son seul trait notable était ses yeux et ses cheveux, qui étaient aussi noirs que l’obscurité pure.
Comme il était toujours aux côtés de la princesse Radine, peu de gens, y compris le duc Gelhart, l’avaient rencontré.
Non… Je vais me servir d’Albrecht, comme Sudou l’a conseillé. Il est une source précieuse en terme de puissance de combat… Vu le nombre de chevaliers que je viens de perdre dans cette guerre, il est d’autant plus précieux… Le seul problème, c’est son avidité…
A proprement parler, le Duc Gelhart n’était pas entièrement opposé à ce que le Général Albrecht prenne le commandement de l’armée. Il savait qu’il était plus facile de prendre le contrôle de l’ensemble du pays, y compris des affaires intérieures, des affaires militaires et de la diplomatie, que de le faire. Le Duc Gelhart voulait tout contrôler, mais il avait analysé la situation de façon rationnelle.
Mais je n’ai pas beaucoup de temps… Si la princesse Lupis arrive avec sa force principale, la guerre basculera immédiatement en leur faveur.
Les roturiers étaient faibles, mais en même temps, ils détenaient une grande force. Ils avaient obéi à son appel aux armes à la fois parce qu’il était leur gouverneur et parce qu’ils savaient qu’ils pouvaient écraser les forces de la princesse Lupis par leur nombre.
Mais s’ils ne pouvaient pas anéantir la force de deux mille hommes en tête de pont, que se passerait-il lorsque la force principale de la princesse Lupis arriverait ? Les roturiers en viendraient à douter de la force du Duc Gelhart. Compte tenu de cela, l’échec de Kael était si paralysant que le mot « défaite » n’était même pas suffisant pour le décrire.
Est-ce un coup fatal ? Non, pas encore… Je peux encore renverser la situation. Le Duc Gelhart secoua la tête, comme pour se débarrasser de sa faiblesse. Je peux m’occuper de la punition de Kael plus tard… Mais le commandant ennemi est extrêmement vif… Si je l’élimine, pourrais-je encore gagner ?
Bien qu’il puisse le dénigrer maintenant, le Duc Gelhart avait accepté Kael car il avait foi en ses talents. Ses talents d’épéiste et de commandant correspondaient à ceux de Mikhail. Mais quelques coups de malchance et le fait que sa lignée ne soit pas aussi respectable qu’il pourrait l’être avaient fait baisser l’opinion des autres sur lui.
Mais, du point de vue du Duc Gelhart, il était un pion bien plus utile que Mikhail. Et retirer tout commandant assez rusé pour le vaincre donnerait un avantage au camp du Duc Gelhart.
Les lèvres du Duc Gelhart se retroussèrent en un sourire vicieux. L’assassin n’était qu’une sorte de pion jetable. L’ennemi étant ravi de sa victoire, ce qui signifiait qu’il serait moins sur ses gardes.
Le moment était venu…
Le Duc Gelhart sonna une cloche, convoquant un aide de la pièce voisine.
« Ordonnez à l’espion que nous avons envoyé dans les lignes ennemies d’assassiner leur commandant ! Et faites vite ! »
« Oui, milord ! Tout de suite ! »
L’assistant quitta immédiatement son bureau.
« Maintenant, comment les cartes vont-elles tomber… ? »
La voix du Duc Gelhart résonnait dans son bureau.
Son ambition et sa cupidité n’avaient pas faibli…
La première aube depuis que Ryoma et ses forces avaient mis en place la tête de pont s’était levée.
« Comme je m’y attendais, ils ne nous ont pas attaqués pendant la nuit… »
« Oui, il semblerait qu’ils n’aient pas été capables de réorganiser leurs forces en si peu de temps. »
« Je pense qu’il est juste de supposer que l’ennemi se démène pour rassembler ses forces en ce moment… Je suppose qu’utiliser cet atout en valait vraiment le coup. »
« Il est probable que même en se dépêchant ils mettront plusieurs jours pour se regrouper », indiqua Laura d’un signe de tête.
« Alors nous ferions mieux de nous préparer pour la suite, maintenant que nous avons le temps… »
« Parles-tu de ce que tu as dit plus tôt ? »
Les yeux de Laura s’illuminèrent aux paroles de Ryoma.
« Je pense que le moment est idéal pour cela. L’ennemi est assez secoué après ta tactique d’inondation. »
« Effectivement. Il leur faudra du temps avant qu’il ne produise des résultats tangibles, il vaut donc mieux le mettre en place à l’avance… Et je suppose que le reste dépend de Lione… »
« Oui. J’ai été informé que les préparatifs nécessaires sont en place… »
« Très bien. Ensuite, après le petit déjeuner, convoque tout le monde pour une réunion… »
L’estomac de Ryoma se plaignait depuis un certain temps déjà.
« J’ai déjà préparé le petit déjeuner. »
Normalement, il y avait une personne chargée de la cuisine, et les sœurs Malfist n’auraient pas besoin de préparer les repas de Ryoma, mais elles n’avaient jamais voulu laisser quelqu’un d’autre s’occuper de lui. C’était une règle non écrite, datant de l’époque où elles vivaient dans le palais.
« Mangeons-le tant qu’il est chaud », dit Ryoma tout en se dirigeant vers sa tente.
Ainsi commença la matinée de leur deuxième jour sur le champ de bataille.
« Eh bien, je n’ai pas à me plaindre moi-même. »
« Moi non plus. Si nous nous préparons, nous pouvons l’utiliser chaque fois que nous en avons besoin. »
À la fin de leur petit déjeuner, Lione, Boltz et les sœurs Malfist étaient tous assis dans la tente de Ryoma. Les assiettes alignées le long de la table étaient vides, leur contenu ayant déjà été consommé.
« Pourrais-je te demander de choisir dix personnes ? J’aimerais qu’elles soient envoyées avant midi… »
« Entendu, mon garçon. »
Lione et Boltz lui firent un signe de tête, après quoi Lione vida son verre d’un seul coup et le claqua sur la table.
« On va s’en occuper. »
« Très bien, c’est réglé… Sara, qu’est-ce que tu as découvert sur elle ? »
Ryoma orienta la conversation vers un autre sujet pressant.
« À propos de cette fille… »
Comprenant immédiatement à qui sa question s’adressait, Sara acquiesça d’un signe de tête prudent.
« Elle s’appelle Sakuya. Il ne fait aucun doute qu’elle a été en contact permanent avec quelqu’un lorsque nous étions dans la capitale, mais je ne sais pas exactement avec qui… »
« Aww, donc tout ce que nous savons d’elle c’est son nom ? », soupira Lione.
« Mes excuses. Maître Ryoma m’a ordonné de ne rien faire d’imprudent… »
Sara ne semblait pas non plus très satisfaite de ses réalisations et considéra le mécontentement de Lione en baissant sa tête comme un signe d’excuse.
Elle avait peut-être confirmé que cet individu, Sakuya, était une espionne, mais elle n’avait rien trouvé d’autre. Mais contrairement au pessimisme de tous les autres, le sourire de Ryoma était plus paisible que d’habitude.
« Je vois… Eh bien, je suppose qu’on devrait la surveiller pour l’instant. »
Au son de ces mots, tous les regards se tournèrent vers Ryoma.
« En es-tu sur, mon garçon ? On pourrait lui arracher des aveux… »
Lione grimaça face à la suggestion de Boltz. Elle savait exactement ce qu’il voulait dire. Ses nombreuses années en tant que mercenaire signifiaient qu’il n’était pas opposé à la torture. Il n’était pas du genre à en tirer un plaisir malsain, mais il pouvait être froid quand la situation l’exigeait.
« Ce n’est pas un sujet brûlant. Si nous essayons négligemment d’agir contre elle, ils enverront simplement quelqu’un d’autre, et cela nous ramènerait à la case départ… En plus, j’ai le sentiment qu’elle va bientôt agir… »
Les quatre participants firent un signe de tête silencieux sur le sens caché derrière les mots de Ryoma.
Se débarrasser des cadavres était un travail important qui devait être fait rapidement. Les cadavres laissés sans surveillance pouvaient provoquer une épidémie de peste. Et entre les soldats, se déplaçant avec agitation, il y avait une fille.
« Mlle Sara, où vont ces soldats ? »
Sakuya, qui avait entrepris de se débarrasser d’un cadavre gisant à proximité, s’était arrêtée lorsqu’elle remarqua un groupe traversant les douves inondées sur un radeau.
« Oh, ce sont des marchands de la ville voisine. Ils reviennent des négociations. », répondit vivement Sara.
« Les commerçants… ? »
« Et alors ? Y a-t-il quelque chose de suspect à leur sujet ? »
Sakuya n’avait rien pu dire en réponse à la question de Sara.
« Non… Rien… », dit Sakuya, qui tourna son regard vers le cadavre couché devant elle.
Quelle est la signification de tout cela ? Des marchands ? Au milieu d’un champ de bataille… ? Non, pour commencer je ne les ai jamais vus arriver… Ont-ils traversé les douves secrètement ? Non… S’ils l’avaient fait, ils seraient également partis secrètement.
Sakuya avait retenu l’agitation qui s’élevait en elle. C’était normal, car cela faisait plus d’un mois qu’elle avait infiltré cette bande de mercenaires. Mais elle n’avait pas recueilli beaucoup d’informations durant cette période.
merci pour le chapitre
Merci pour le chapitre.