Une vie en prison est facile pour une Vilaine – Tome 2 – Chapitre 45

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Chapitre 45 : Le Prince apprend que son pouvoir à des limites

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Chapitre 45 : Le Prince apprend que son pouvoir à des limites

Partie 1

Les garden-parties organisées périodiquement dans un autre château de la périphérie de la capitale permettaient de resserrer les liens avec les autres familles, mais elles étaient ennuyeuses pour les enfants. Ils se tenaient généralement aux côtés de leurs parents, mais dès que les adultes commençaient à conspirer ensemble, ils étaient généralement laissés à eux-mêmes. Les enfants se réunissaient et commençaient à explorer les jardins ou à parler entre eux. Et tout comme les adultes avaient des factions, les enfants avaient aussi leurs propres communautés.

Le groupe centré sur Elliott, six ans, était la plus grande faction parmi les enfants de l’événement d’aujourd’hui. Elliott était quand même le premier prince, et même les enfants pouvaient comprendre que cela le rendait spécial. En plus de cela, un groupe de garçons plus âgés, assez vieux pour comprendre la signification de la position d’Elliott, le protégeait. Les autres fils de la noblesse montraient évidemment de la déférence au prince, et Elliott se promenait comme si l’endroit lui appartenait.

Mais alors qu’ils quittaient le patio où se tenait la fête, le deuxième fils d’un marquis, qui suivait Elliott d’un demi-pas, fit une proposition.

« Qu’en dites-vous, Votre Altesse ? Voulez-vous aller explorer la forêt à l’est ? »

Il y avait une petite forêt à l’est du site de l’événement, mais cela ressemblait plus à un bosquet qu’une forêt. Les adultes pouvaient le traverser en deux minutes. Néanmoins, c’était un excellent endroit pour stimuler le sens de l’aventure des garçons.

« Hmm, oui, ça a l’air bien… »

Elliott était sur le point d’accepter l’idée, lorsqu’une fille aux cheveux couleur chocolat passa devant lui, lui coupant la parole. Elle avait à peu près le même âge qu’Elliott et portait une robe tablier d’une seule pièce. Elle avait une assiette dans les mains et semblait aller chercher de la nourriture.

C’est quoi son problème ?! pensa Elliott, irrité.

Elliott était important. Il était un prince. Il se promenait avec ses « vassaux », alors qu’est-ce qui lui donnait le droit de le couper comme ça ?! Maintenant, si cela avait été quelque chose d’urgent, Elliott aurait compris, mais elle était juste en chemin pour aller chercher de la nourriture. Cela étant, elle aurait dû attendre qu’il passe ou, au moins, incliner la tête avant de passer.

« Hé, toi ! », appela Elliott.

Elle l’avait ignoré.

« Hey, toi là ! Tu m’écoutes ?! »

Comme Elliott était furieux de la façon dont elle l’ignorait et continuait à avancer, une autre personne à proximité s’était empressée d’aller l’arrêter. Quand il l’avait amenée devant le prince, elle semblait de mauvaise humeur.

Elliott n’était pourtant pas moins en colère.

« Hé, toi ! Qu’est-ce que ça veut dire, de m’ignorer quand je te parle ?! »

« Je suis terriblement désolée. Je n’ai pas pu vous entendre », répondit-elle comme si de rien n’était.

Elle fit ensuite une révérence.

Elle semblait avoir à peu près son âge, et de par sa façon de parler et d’agir, elle avait un air mature, digne d’une fille de noble. Elliott n’appréciait pas qu’elle ait l’air plus « adulte » que lui. Il avait l’impression qu’elle se moquait de lui.

« Tu crois qu’un “Je ne pouvais pas t’entendre” va suffire après avoir ignoré un prince ?! »

Ses partisans dénigrèrent bruyamment la fille.

« Oui, oui ! »

« C’est impoli de dire que tu n’as pas remarqué Son Altesse ! »

La fille, qui avait l’aura des brutes, baissa la tête une fois de plus.

« Je suis vraiment incroyablement désolée pour ça. Ils ont commencé à servir le gâteau au fromage et à la cerise, et il n’y a qu’un nombre limité de tranches disponibles pour une courte période, alors j’ai senti que je devais simplement sécuriser la mienne dès que possible. C’est pourquoi j’ai automatiquement filtré toutes les informations de faible priorité sans rapport avec cela. »

« Exact… », bégaya Elliott.

Elle avait donné une sorte d’explication compliquée, mais la seule partie qu’Elliott avait comprise était « gâteau au fromage et à la cerise ». Eh bien, ça n’avait pas d’importance. Comme il ne voulait pas admettre qu’il ne comprenait pas, il décida donc de changer de tactique.

« Hm… Je vois. Je vais te permettre de venir dans notre aventure. Considère que c’est un honneur. »

Elliott était positivement suffisant. Il lui permettait de se joindre à lui dans une aventure alors que normalement seuls ses « vassaux » pouvaient y aller. Cette gamine hautaine ne pouvait qu’en être reconnaissante. Cependant, à la grande surprise d’Elliott, la jeune fille refusa, l’air mécontent.

« Je passe mon tour, merci. Comme je vous l’ai déjà dit, je suis pressée d’avoir un gâteau au fromage et aux cerises. Je ne suis pas si dépourvue de choses à faire que je puisse m’impliquer dans des tâches non essentielles. Maintenant, je vous souhaite une bonne journée. »

Ses mots étaient polis, mais son intention ne l’était pas.

Elliott, non déconcerté par son attitude, se demanda si tout cela était bien réel, puis se mit en colère devant l’insolence de la situation.

« Comment oses-tu ! Je t’offre l’honneur de nous rejoindre ?! »

« Je vous souhaite donc bon voyage. Je n’ai pas le moindre intérêt, le plus minuscule, à partir à l’aventure. Je prierai pour votre réussite tout en savourant des sucreries. Ta-ta. », lui dit-elle.

Elle ponctua le dernier mot d’un sourire.

« C’était pour quoi ce sourire ?! Hé, attends, écoute-moi ! », ordonna Elliott.

Il la pressa de répondre, mais elle ne lui prêta pas attention et essaya de continuer son chemin. Bien que ses paroles soient ostensiblement polies, ses actions rejetaient totalement son statut de prince. Elle était un exemple modèle de courtoisie superficielle.

Je ne peux pas supporter ça plus longtemps. Ce n’est pas que je l’aie vraiment supporté, mais quand même. Je ne peux pas supporter cette fille !

« Qu-Quoi, gamine ! »

Elliott claqua des doigts et jeta une pierre dans le dos de la fille.

Bonk !

Quand la pierre toucha l’arrière de sa tête, elle s’arrêta.

« C’est pour avoir été impolie envers un prince ! As-tu appris ta leçon ?! », affirma Elliott.

Alors qu’Elliott chantait et que ses acolytes l’acclamaient obséquieusement, elle frotta l’endroit où la pierre l’avait frappée.

Je ne serai pas satisfait tant que je ne l’aurai pas obligée à s’excuser en face de moi.

Elliott s’approcha donc pour l’attraper par l’épaule…

Pow !

Ayant discerné sa position grâce au bruit de ses pas, elle se retourna et lui asséna un coup de poing en pleine figure, l’envoyant voler.

« Gyaaah ! »

« Votre Altesse ?! »

Plusieurs partisans d’Elliott s’étaient précipités à ses côtés et l’avaient aidé à se relever en toute hâte. Les autres entourèrent la fille, quoique prudemment puisqu’elle venait de frapper le prince, et ils essayèrent d’utiliser leur nombre pour la retenir.

« Pourquoi tu… ! Aaagh ?! »

Le troisième fils du comte tenta de lui attraper le bras, mais elle l’attrapa par le poignet, puis lui faucha les jambes. Il dégringola au sol.

« Tu veux te battre… ?! Gwogh ? ! »

Le fils aîné d’un marquis se jeta sur elle, mais elle esquiva et lui asséna un uppercut qui le fit tomber comme un sac de pommes de terre.

« Qu’est-ce qu’elle a ?! »

« Oh, merde ! C’est quoi ce bordel ?! »

Avant même de parler de la différence de taille, ses coups de poing étaient bien trop de poids pour une fille du même âge qu’Elliott, six ans.

« Arrête, arrête, ça fait mal ! »

Et il n’y avait pas que ça, elle était aussi vicieuse. Elle porta le coup de grâce et frappa plusieurs fois ses victimes à terre.

Elle est folle… pensait Elliott.

N’ayant pas peur de se laisser aller à un peu d’exagération, les garçons avaient l’impression d’être tombés sur une bête démoniaque non identifiée qui avait pris la forme d’une petite fille intense.

« Putain ! Réduisez-la en bouillie ! », ordonna Elliott tout en tenant son nez douloureux et en luttant contre les larmes.

En réponse, les garçons… ne s’étaient pas rués sur la fille. Ils n’avaient en fait rien fait. Ils avaient déjà essayé la violence avec elle, et cinq d’entre eux étaient maintenant étalés sur le sol. De plus, la fille garda sa position de combat et donna occasionnellement des coups de poing en l’air pour marquer un point.

Quoi d’autre ? se demanda Elliott.

Comme elle semblait avoir l’âge d’Elliott, la plupart des garçons étaient probablement plus âgés qu’elle. Comme ils étaient tous en phase de croissance, ils avaient un avantage de taille, mais aucun d’entre eux ne pouvait envisager un scénario où ils venaient à elle dans l’espoir de gagner réellement le combat.

Le deuxième fils d’un comte, qui aidait Elliott à se relever, vit la confusion de ses camarades et cria : « Allez chercher nos grands frères ! On va les laisser lui donner une leçon pour avoir blessé Son Altesse ! »

« Oh, oui ! »

« C’est logique. »

Il ne leur était pas venu à l’esprit, dans le feu de l’action, qu’appeler des renforts était une option, et une option incroyablement attrayante en plus. Ayant vu une lueur d’espoir, les garçons entourant la fille s’y étaient accrochés et agirent immédiatement. Ils se précipitèrent vers le site de l’événement principal pour chercher les garçons plus âgés. Ils laissèrent derrière eux Elliott, le deuxième fils du comte, et quelques autres qui étaient effondrés sur le sol.

La fille fit craquer ses articulations en s’approchant du fils du comte.

« Diminuer délibérément son propre nombre… Tu dois être terriblement confiant. »

« Huh ? Quoi ? Hey, quelqu’un… Aaargh ?! »

*****

Lorsque les garçons indemnes qui avaient couru chercher de l’aide revinrent avec trois garçons plus âgés, la fille avait déjà fini de donner ses derniers coups de pied et quittait la scène de violence. Quand elle vit les renforts arriver, elle fit claquer sa langue.

« Qu-Quoi, petite… ! »

Lorsque l’aîné des garçons vit la tragédie qui se déroulait devant lui, et notamment l’état de malheur d’Elliott, il fut pris d’une panique supérieure à toute la colère qu’il aurait pu ressentir. Ils avaient quand même l’obligation de protéger Elliott. Ils avaient été réunis en tant que gardes du corps d’Elliott, mais une petite fille les avait battus, et le prince lui-même était vraiment amoché. Il pouvait dire qu’il n’était pas là quand c’était arrivé, mais cela ne ferait que contrarier davantage les adultes.

« Merde ! Battez-la ! », aboya l’aîné des garçons.

« Mais Steve, c’est une fille… »

Ses camarades continuaient à dire des bêtises naïves et à se montrer indécis.

« Pensez-vous que nous allons nous en tirer à bon compte après avoir laissé cela arriver à Son Altesse ? ! Peu importe si c’est une fille. On doit l’assommer et l’obliger à s’excuser auprès de Son Altesse, ou les adultes vont être furieux ! », aboya-t’il.

Steve était le plus mature du groupe et assez grand pour comprendre à quel point leur situation était mauvaise. Cependant, il n’était encore qu’un garçon de dix ans, ce qui signifiait qu’il n’était pas assez adulte pour rester vigilant pendant qu’il persuadait les autres garçons.

« Alors ? Vous comprenez ce que je dis ?! », demanda Steve.

« Steve ! »

« Quoi ? »

« Derrière toi ! »

« Hein… ? »

Il se retourna à temps pour voir la fille, qui s’était rapprochée à un moment donné, frapper avec une longue et fine perche vers lui.

« Elle a eu Globnar ! »

« Aaaah ?! »

La fille avait assommé le garçon le plus âgé avec un bâton qu’elle avait trouvé quelque part. Les deux autres garçons qui avaient essayé de l’arrêter subirent le même sort et le rejoignirent au sol. Avec ça, les renforts qu’ils étaient allés chercher avaient été anéantis.

Ni le grand nombre ni les garçons plus âgés n’avaient gagné le combat. Elle n’était qu’une petite fille, et ils étaient plus de dix garçons, et tous étaient plus âgés qu’elle. Pourtant, malgré leur avantage apparent, ils ne voyaient aucun moyen de gagner.

« Et maintenant ? Qu’est-ce qu’on est censés faire ? », demanda l’un des acolytes d’Elliott.

Ils avaient aidé les garçons les moins blessés à se relever, mais ils n’arrivaient pas à déterminer leur prochaine action. Le groupe centré autour du prince était connu pour sa capacité à se déchaîner, mais il s’était révélé être indécis. Ils savaient pourtant maintenant qu’ils ne devaient pas quitter la fille des yeux pendant qu’ils parlaient. Ils avaient donc grandi un tout petit peu.

Certains de ses partisans aidèrent Elliott à se relever. Ce dernier serra les dents en évaluant la situation.

« Comment une seule fille a-t-elle pu faire tout ça ? »

***

Partie 2

Puisque ses acolytes ne pouvaient pas mettre la main sur elle, Elliott réfléchit jusqu’à ce qu’il ait un éclair d’inspiration.

« Hé, tout le monde, jetez-lui des pierres ! »

Il suggérait que plus de dix garçons attaquèrent une petite fille avec des armes de longues portées. Les gens avaient une façon de perdre leur conscience lorsqu’ils se retrouvaient acculés dans un coin.

Les garçons suivirent l’ordre d’Elliott et commencèrent à ramasser les pierres à proximité et à les jeter sur la fille. Même elle ne pouvait pas se défendre contre ça, elle recula donc. Quand ils virent qu’elle reculait, Elliott et les garçons poussèrent leur avantage et continuèrent à lancer.

« Oui ! On peut le faire ! »

« On peut gagner ! »

Voyant qu’elle était face à plusieurs adversaires, une différence dont les garçons auraient dû avoir honte même s’ils devaient gagner, et qu’ils s’emportaient à cause de ça, elle s’était finalement enfuie.

« On a réussi ! »

« Maintenant, coince-la et oblige-la à s’excuser auprès du prince ! »

Si elle avait perdu la volonté de se battre, il ne leur restait plus qu’à lui couper la route et la forcer à se rendre. C’est ce qu’ils pensaient en la poursuivant, des pierres à la main, mais elle grimpa à un arbre.

Lancer les pierres vers le haut était difficile, ils eurent beau essayer, ils n’avaient pas pu l’atteindre. Ils auraient dû la coincer, mais ils ne pouvaient rien faire dans cette situation.

Elliott et les garçons s’étaient rassemblés autour du pied de l’arbre et regardèrent en l’air. La fille était en haut dans les branches, peut-être en train de préparer une contre-attaque, alors que son adorable visage était empli d’un air renfrogné en les regardant.

Les garçons commencèrent à discuter de leurs contre-mesures.

« Qu’est-ce qu’on fait ? Nos pierres ne l’atteignent pas. »

« On pourrait attendre, mais on ne sait pas combien de temps elle va rester là-haut. »

Au moment où ils se disaient qu’ils ne voulaient pas que ça s’éternise, un bruit de claquement vint d’en haut.

« Hm ? »

Ils levèrent les yeux pour voir la fille suspendue à une branche épaisse et donnant de toutes ses forces des coups de pied dans une branche plus basse. Avant même qu’ils aient eu le temps de se demander pourquoi, la branche fine tomba en plein milieu de leur groupe, et la ruche plutôt impressionnante qui y était attachée, qui devait faire une vingtaine de centimètres de large, libéra un essaim massif de guêpes.

« Aaaaahh ?! »

« Heeeelp ! »

Les guêpes durent supposer que les personnes rassemblées autour de la ruche étaient les coupables, car elles s’étaient attaquées à Elliott et aux garçons, et non à la fille dans l’arbre. Folles de rage, elles poursuivirent les garçons à gauche et à droite. Les garçons s’étaient enfuis dans toutes les directions, mais les malchanceux continuèrent à hurler de douleur à chaque fois qu’ils étaient piqués. C’était le chaos.

Elliott, ayant réussi à s’échapper de la scène, s’était assis à côté de l’étang. Tout s’était passé si vite qu’il ne savait pas où il était maintenant ni ce qu’étaient devenus ses acolytes.

« Je pensais que j’étais fichu… »

Au moment où il pensait qu’il n’avait même plus la volonté de tenir debout, une ombre s’abattit sur lui.

« Huh ? »

Elliott, complètement épuisé, leva les yeux pour voir la fille qui était montée dans l’arbre. Elle était penchée en arrière, et son pied était levé.

« Quoi ? Gwuh ?! »

Elle lui donna un coup de pied dans la poitrine, et Elliott tomba. Il essaya alors de se relever, mais elle lui donna un autre coup de pied au cul. Il tomba à nouveau, se releva à quatre pattes, prit un autre coup de pied aux fesses… et tomba la tête la première dans l’étang.

« Bwarghlarghlargh ! »

Il essaya de crier « À l’aide », mais tout ce qui sortit était un tas de bulles alors que l’eau boueuse envahissait sa bouche. Il ne pouvait pas dire si sa tête était tournée vers le haut ou vers le bas. Il s’était débattu comme un fou, mais l’eau continuait à pénétrer dans son nez et sa bouche. Elle se précipitait pour remplacer l’air qu’il avait expiré sans le vouloir. Avec ses poumons pleins d’eau, Elliott ne pouvait même plus crier en se débattant.

C’est sans espoir… pensa-t-il.

« Bwah ! »

Au moment où il sentit sa mort imminente, la tête d’Elliott surgit de l’eau. Son champ de vision s’était soudainement éclairci, et il put voir la lumière vive du soleil une fois de plus. Le fait que la tête d’Elliott s’était retrouvée hors de l’eau alors qu’il se débattait, se noyant, était une pure coïncidence.

Toussant et crachant, il cria, « Quelqu’un ! »

Maintenant que sa tête était hors de l’eau, ses poumons pouvaient enfin aspirer tout l’oxygène dont ils avaient besoin. Sa poitrine se gonflait d’air et il appelait à l’aide d’une voix nasillarde entre deux crachats d’eau.

Le rivage semblait si loin. Il avait fini par dériver en se débattant, et même ses yeux d’enfant pouvaient voir qu’il y avait une bonne distance jusqu’à l’endroit où se tenait la fille. Il agita ses bras et ses jambes, essayant de s’y rendre d’une manière ou d’une autre, mais les manches de sa chemise et de son pardessus étaient toutes emmêlées, rendant ses bras incroyablement difficiles à bouger. Malgré cela, il avait presque atteint le rivage, quand…

Pow !

La vision d’Elliott trembla. Au moment où il s’était rendu compte que quelque chose l’avait frappé, la zone frontale touchée par l’impact devint chaude.

« Huh ? Quoi ? »

Elliott ne comprenait pas ce qui se passait, mais comme il continuait à se débattre vers le rivage, la réponse vint en volant quelques secondes plus tard.

Juste après que la fille sur le rivage ait balancé son bras, une autre petite pierre le frappa à la tête. Elle jetait des pierres pour l’empêcher d’atteindre la terre ferme.

« Aaaah ?! »

Si Elliott fuyait au centre de l’étang, elle le laissait s’enfuir, mais plus il s’approchait du rivage, plus elle envoyait des pierres voler. Son but était précis, et elle atteignait toujours sa cible.

« E-Eeeeek ! »

Il était impuissant, mais il ne pouvait pas abandonner l’idée d’atteindre la rive. Même s’il restait où il était, ses petites jambes ne pourraient pas atteindre le fond.

Pendant qu’il essayait désespérément de ne pas se noyer, la bande d’Elliott se rassembla autour de la fille sur la rive, tous dans un état lamentable. Ils l’avaient supplié d’épargner Elliott, mais elle n’avait pas écouté un mot. Elle regarda Elliott, jouant avec l’une des pierres dans sa main.

Alors qu’il regardait les adultes se précipiter, la conscience d’Elliott s’effaçait progressivement.

*****

La scène autour de l’étang s’était transformée en chahut. Pendant que les servantes soignaient les garçons ensanglantés, un certain nombre de chambellans sautaient dans l’étang pour sauver le prince qui se noyait. Personne n’était gravement blessé, mais ils avaient tous besoin de premiers soins suivis d’une visite chez le médecin, ainsi les adultes avaient-ils appelé tous les médecins de la cour du palais, même ceux qui n’étaient pas en service.

Lorsque le roi et la reine arrivèrent, après avoir été informés de ce qui s’était passé, ils regardèrent ce qui ressemblait à un champ de bataille tout en écoutant un rapport sur l’incident.

« Voilà donc ce qui s’est déroulé, si l’on en croit Mlle Rachel de la Maison Ferguson, la seule qui a su garder la tête froide. »

« Hmm… »

Même s’ils n’étaient que de jeunes garçons sans capacité de décision, il était difficile de croire que plus de dix d’entre eux avaient décidé de se liguer contre une petite fille pour un manquement accidentel à la bienséance. Mais là encore, ils avaient perdu contre elle et avaient presque fait tuer le prince. C’était plus qu’un simple manque d’éducation, à la fois pour le groupe d’Elliott et pour la fille.

Le roi avait mal à la tête en essayant de comprendre comment il devait interpréter cela.

Sur le bord de l’étang, le duc Ferguson, qui était devenu très pâle, tenait dans ses bras sa fille, la jeune femme au centre de cette calamité. Les chambellans avaient beau l’implorer, elle ne cessait de lancer des pierres à Elliott, alors son père l’avait attrapée et l’avait lui-même arrêtée.

La jeune fille, qui était aussi adorable qu’une poupée, n’avait aucune expression sur son visage, et avec la façon dont son père la tenait, elle avait l’air d’être une poupée. Cependant, le roi frissonna en voyant l’hostilité flagrante et l’intention meurtrière dans ses yeux.

Le duc commença à s’excuser et tenta d’expliquer, mais le roi regarda le visage calme de la jeune fille dans ses bras.

« Rachel, c’est ça ? Pourrais-je lui parler ? »

Rachel inclina la tête sur le côté.

« Est-ce que cela prendra du temps, Votre Majesté ? »

« Hm ? Qu’est-ce que tu veux dire ? », demanda doucement le roi.

Rachel, six ans, était tout à fait sérieuse quand elle répondit : « Ils vont arrêter de distribuer le gâteau au fromage et à la cerise si je ne me dépêche pas, alors cela vous dérangerait-il d’attendre que j’aie pu en obtenir ? »

Le roi fut déconcerté et ne savait pas comment réagir, mais il ordonna à un chambellan d’aller lui chercher du gâteau.

La reine hocha la tête en signe d’approbation.

« Votre Majesté », dit-elle à son mari.

« Qu’est-ce qu’il y a ? », demanda-t-il.

« Rachel est vraiment quelque chose. »

« Eh bien… Je ne vais pas le nier… »

Mais pas d’une manière que je peux approuver, pensa le roi.

« J’ai décidé. Faisons de Rachel la future épouse d’Elliott », dit la reine comme si c’était un coup de génie.

Comment est-elle arrivée à cette conclusion dans une situation comme celle-ci ?

Le roi ne comprenait pas mieux sa femme qu’il ne comprenait la jeune fille du duc et, sans réfléchir, il demanda : « Es-tu sérieuse ? »

« Absolument. De penser qu’elle puisse provoquer une telle scène et pourtant être capable de l’expliquer calmement et objectivement… Ce n’est pas une chose facile à faire. »

« Je suis sûr que non, mais peut-être qu’elle est une telle enfant qu’elle ne comprend pas ce qu’elle a fait ? »

La reine se tourna vers Rachel et lui demanda : « Que penses-tu du fait que tu as blessé Elliott, Mlle Rachel ? »

« Je suppose que je vais être exécutée ? Si c’est le cas, j’aimerais au moins manger un gâteau au fromage et à la cerise avant que vous ne me coupiez la tête. », répondit-elle.

« Qu’en penses-tu, Sire ? Regarde le courage qu’elle a pour rester si calme face à la peine capitale ! »

« Je suis plus curieux de ce gâteau au fromage et à la cerise sur lequel la jeune Mlle Rachel fait une fixation. »

*****

Au moment où Elliott s’était réveillé de son profond sommeil, ce dernier n’avait plus aucun souvenir de la garden-party. Pour être plus précis, il se souvenait que quelque chose s’était passé, mais ses souvenirs étaient fragmentaires, comme un rêve.

Profitant de cet état de fait, la reine lui présenta Rachel non pas comme la coupable qui l’avait blessé, mais comme sa fiancée nouvellement choisie. Elliott était déconcerté par la rapidité avec laquelle cette décision fut prise, mais leur mariage était prévu pour plus d’une décennie à ce stade, cela ne semblait donc pas être quelque chose dont il devait se soucier.

« Voilà, c’est fait ! Elliott a accepté, alors donnez-nous votre fille et j’oublierai l’incident de la garden-party. », leur assura la reine.

« Vous n’êtes pas raisonnable ! », protesta le duc.

Il n’y avait aucun moyen pour le duc de résister une fois que le roi et la reine avaient pris leur décision, surtout quand ils offraient d’oublier un incident où sa fille avait brutalisé le prince. Ils étaient venus prêts à toutes les objections possibles, et il n’était pas en position de s’y opposer quand cela signifiait que sa famille serait déclarée innocente.

« Quel est le problème ? Je doute que vous ayez déjà trouvé un mari pour elle. », déclara le roi.

« Eh bien, non, mais… êtes-vous sûr ? », demanda le duc.

« De quoi ? »

Le duc soupira et s’essuya le front avec un mouchoir.

« De marier dans votre famille la fille qui a fait tout ça. »

Eh bien, s’il le dit comme ça… Attendez, non, arrêtez.

Le roi secoua la tête pour chasser ces pensées.

« Je-je veux dire, ce n’est pas le genre de chose qui pourrait arriver deux fois. Mm-hm. »

« Je l’espère… », dit le duc qui finit par céder.

Il faudrait encore plus d’une décennie avant que ce duo ne cause un incident bien plus grave.

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