Une vie en prison est facile pour une Vilaine – Tome 2 – Chapitre 44

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Chapitre 44 : Le roi rend son jugement

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Chapitre 44 : Le roi rend son jugement

Partie 1

Le roi et la reine étaient finalement rentrés au palais royal après leur long voyage. Leur carrosse, flanqué de la garde royale, traversa le parc tandis que les bureaucrates et les soldats qui avaient veillé sur le palais en leur absence les accueillaient.

« Ha ha ha ! Quel accueil ! », s’exclama le roi tout en souriant aux courtisans qui l’acclamaient.

Bien qu’il soit habituel pour eux de saluer leur souverain de cette manière, ils le faisaient avec une telle passion que le roi avait l’impression d’être vraiment populaire.

La reine sourit également.

« Nous avons quand même été absents pendant un certain temps. Ils ont dû se rendre compte de l’influence que tu as sur eux. »

« Pourtant, dans une semaine, je suis sûr qu’ils diront combien il est étouffant de m’avoir dans les parages. »

« Oh, Sire. Tu ne dois pas douter de la loyauté de tes serviteurs comme ça. »

« Ha ha ha ha ha. »

En regardant par les fenêtres de leur voiture qui avançait lentement, ils virent des fonctionnaires civils et militaires de haut rang se précipiter pour saluer le souverain. Les courtisans qui bordaient la route semblaient également très heureux de leur retour. Trop heureux, en fait.

« Ma reine… Sens-tu que quelque chose ne va pas ? »

« Je commençais en effet à avoir ce sentiment… »

Les personnes qui les saluaient le faisaient avec beaucoup trop d’enthousiasme. Ce n’était pas l’accueil auquel il s’attendait pour un retour de voyage. Cela ressemblait plutôt à une parade célébrant son retour triomphal de la guerre. En fait, cela ressemblait à l’accueil qu’il aurait reçu s’il s’était précipité à leur secours lorsque le château était assiégé et que tout espoir de tenir le coup était perdu.

« Serait-ce à cause d’Elliott ? », demanda le roi.

« Retournons dans notre chambre et installons-nous avant de vérifier », suggéra la reine.

Ils se sentaient tous deux quelque peu mal à l’aise alors que leur cortège continuait à passer devant cet accueil frénétique.

*****

Au moment où un chambellan informa Elliott du retour de ses parents, ce dernier grimaça.

« Père et mère sont de retour ? Bien ! C’est le moment où je vais devoir les persuader de la méchanceté de Rachel ! »

Il faisait preuve d’une détermination impensable chez un homme qui avait décidé hier soir encore que la scélérate en question l’ennuyait suffisamment pour vouloir l’assassiner.

« Je me rends compte que c’est une annonce assez brutale, mais il y aura un procès dans la salle d’audience concernant vos fiançailles rompues dans une heure. », dit le chambellan.

« Je vois. Je vais m’y rendre immédiatement. »

« Très bien, monsieur. Voulez-vous que je pousse ? »

« Oui, s’il vous plaît ! »

Le chambellan poussa Elliott hors du bureau dans son fauteuil roulant.

Lorsque Sofia informa Rachel du retour du couple royal et de ses parents, cette dernière ferma son livre, s’étira et bâilla.

« Je vois. Ils auraient pu prendre leur temps et se détendre un peu plus longtemps », remarqua Rachel avec désinvolture, bien que son visage semblait dire : « Quel ennui ! »

« Je pense qu’il serait imprudent de ta part de manquer le procès. »

« Tu as raison. Très bien, allons-y. »

Rachel changea ses vêtements d’intérieur en quelque chose de plus approprié pour une promenade.

« N’es-tu pas trop décontractée pour te présenter devant le roi ? », demanda Sofia.

« Ayant été en prison pendant tout ce temps, il serait étrange que je me présente en tenue de soirée. Tant que je m’habille suffisamment bien pour rencontrer des gens, cela devrait suffire. », dit Rachel en gloussant d’amusement.

« Et comment te sens-tu vraiment ? »

« Si je m’habillais, je ne pourrais pas me rendormir avant qu’on m’appelle. »

Sur ce, Rachel se glissa sous les couvertures.

*****

Ceux qui étaient impliqués au moment où Elliott avait rompu ses fiançailles il y a trois mois étaient réunis dans la salle d’audience. Il s’agissait d’un espace plus petit utilisé pour des affaires telles que les visites de courtoisie et les entretiens non officiels, par opposition à la grande salle d’audience, qui était réservée aux affaires plus importantes. En plus du couple royal, Rachel, Elliott et Margaret étaient également présents. Puis il y avait le Premier ministre et le grand-duc, ainsi que le commandant des chevaliers et les principaux ministres du cabinet. Le duc et la duchesse Ferguson étaient également présents. C’était tout.

« Est-ce tout ? », murmura Elliott.

Il était surpris et un peu déçu par la faible participation.

Margaret était silencieuse, allongée sur le sol, bâillonnée et enroulée dans une natte.

Dès le premier coup d’œil sur le visage du roi et sur les personnes rassemblées, Rachel avait plus ou moins compris ce qui se passait.

« Oui, Elliott. Ce n’est pas comme si nous organisions un procès public », dit le roi tout en hochant calmement la tête depuis son trône.

« Très bien. On me dit que les choses ont été mouvementées depuis qu’Elliott a rompu ses fiançailles, alors j’aimerais mettre fin à cela ici et maintenant. », continua-t-il en regardant toutes les personnes rassemblées.

Les principaux serviteurs murmurèrent leur approbation. Le grand-duc semblait particulièrement soulagé.

« Eh bien, père, permets-moi d’expliquer la raison pour laquelle j’ai jugé nécessaire de mettre fin à mon engagement ! »

C’était le moment qu’Elliott avait attendu, et il était venu avec des armes à feu. Disons plutôt qu’il avait essayé, mais le roi tira avant même qu’Elliott puisse dégainer son arme.

« Non, ça n’a pas d’importance. »

« Hein ? Pardon ? »

Le roi appuya son coude sur le bras de son trône et prit sa joue dans la paume de sa main en répétant : « Je te le dis, ça n’a pas d’importance. »

« Mais… hein ? Comment peux-tu dire que ça n’a pas d’importance ? Ne sommes-nous pas réunis ici pour débattre exactement de cela ? »

« Il n’y a rien à débattre. J’ai entendu tous les détails depuis longtemps. »

Les commissures de la bouche du roi s’étaient levées alors qu’il regardait son fils.

« Pensais-tu que je passais mes journées aux sources d’eau chaude ? »

C’était exactement ce qu’il avait fait.

« Pendant que je donnais à mon estomac le temps de récupérer, en faisant trempette dans les eaux curatives, nous recueillions et analysions des informations. »

C’était le travail de ses subordonnés.

Le roi s’assit alors droit, ajustant la position de ses jambes.

« La raison pour laquelle je vous ai tous réunis ici est de vous informer de la décision que j’ai prise concernant mon héritier. »

Elliott fut assommé par le silence, mais il s’empressa d’objecter.

« A -Attends, père ! Comment peux-tu ne pas te soucier de la raison pour laquelle moi, un prince, j’ai rompu mes fiançailles ?! »

« Peut-être devrais-je dire que j’ai cessé de m’en soucier au cours des trois mois qui ont suivi. »

Le roi fixa alors son regard sur Elliott.

« Pour te dire la vérité, j’avais déjà découvert tout ce que je devais savoir sur tes jeux infantiles deux semaines après qu’ils se soient produits. Il ne me restait simplement qu’à parler à toutes les autres parties impliquées et à vérifier ce qui s’était réellement passé. Mlle Rachel n’a jamais intimidé personne. Sans cette justification, ta rupture des fiançailles et tout ce que tu as fait depuis est sans fondement. »

« Non ! Tu as tort ! Tu dois avoir tort ! », insista Elliott.

« Écoute ! Une fois que nous avons confirmé tout cela, les Ferguson sont venus nous rencontrer aux sources thermales. Nous avons commencé à discuter de la façon dont nous pourrions régler cette affaire sans faire de bruit, mais… les choses ont trop dégénéré pour cela. »

Le roi se tourna vers ses chambellans, qui apportèrent un chariot rempli de documents.

« Elliott. La montagne sur ta gauche est formée par les rapports que j’ai reçus du bureau du gouvernement, des ministres du cabinet et des départements concernés. Celle de droite est constituée des rapports résumant ce que les agents que j’ai dépêchés ont pu recueillir. Et au centre, deux fois plus gros que les deux autres réunis, se trouvent les rapports de situation que les propres agents de Mlle Rachel ont envoyés à son père. Ils sont si bien rédigés que le duc a pu se tenir au courant de la situation dans la capitale comme s’il y était lui-même. »

Le roi lança un regard sévère à Elliott.

« Alors, où sont tes rapports ? »

Elliott n’avait pas de réponse.

« Généralement, lorsque je suis absent, le bureau du gouvernement gère nos communications, ce qui t’évite d’avoir à vérifier auprès de moi avant de traiter des questions anodines. Mais là, il s’agissait d’un incident majeur, celui où tu t’es débarrassé de ta fiancée, celle que nous avions choisie pour être reine. N’aurais-tu pas dû expliquer ta position ? »

« Et bien… »

Elliott s’était raclé la gorge et répondit faiblement : « J’avais l’intention de les faire tous plus tard… »

« Ne parle pas comme un enfant qui a laissé ses devoirs s’empiler. »

Le roi prit un document qu’un quatrième chambellan lui présenta sur un plateau.

« C’est un résumé de tous les incidents que toi et les tiens avez causés depuis que tu as rompu tes fiançailles et des effets qu’ils ont eus. Il y en a tellement qu’il a fallu beaucoup de travail pour les trouver tous. »

Ses subordonnés l’avaient également fait.

« Si tu lis ceci, tu verras à quel point tu étais en retard dans ton travail. Tu gaspillais des ressources pour harceler Mlle Rachel, et quand elle ripostait, tu n’étais pas en état de travailler. Encore et encore. »

« C’est à cause de Rachel ! », argumenta Elliott.

« Rachel réagissait presque toujours à la volée à une initiative de ta part. Même lorsqu’elle élaborait elle-même un plan, elle demandait aux autres de le mettre en œuvre, puis continuait à lire, à faire la sieste et à s’adonner à ses loisirs. Ce n’est pas juste, je suis si jaloux. Elle n’était jamais surchargée à s’occuper de toi. »

Il semblerait que même le roi n’était pas au courant du fait que Rachel avait passé son temps à écrire des romans homo-érotiques.

« Combien d’ennuis penses-tu avoir causés au reste du palais en négligeant tes devoirs pour t’en prendre à Mlle Rachel ? N’y avait-il pas des choses plus importantes à faire pour toi que d’essayer de lui arracher une concession ? », demanda le roi.

Les yeux du roi se rétrécirent.

« Tu n’as pas le talent d’un chef d’État ni la capacité de définir des priorités. Cela ressort clairement de tous les rapports. Comprends-tu comment ces trois mois de chaos que tu as causés ont incommodé le reste du palais ? Aucun noble ou courtisan ne te fait confiance à ce stade. »

Il feuilleta le document qu’il tenait.

« Ils ont été tourmentés par le bruit tard dans la nuit à plusieurs reprises et ont été obligés de nettoyer le désordre laissé par les contre-attaques que tu as subies. Tu as également interrompu les horaires des chevaliers en les utilisant à ta guise, et tu as provoqué un déchaînement de Mlle Evans qui a entraîné de nombreuses blessures et des dégâts considérables sur le matériel. Et, pour couronner le tout, non seulement les Ferguson se sont plaints, mais même les maisons qui leur sont opposées m’ont envoyé de sévères condamnations de tes actions. Tu n’es même pas encore en mesure de diriger la politique, et tu as déjà retourné toutes les factions nobles contre toi ? Comment as-tu fait ça ? »

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Partie 2

« Pour être honnête, je n’ai jamais pensé que tu étais aussi incompétent. Mlle Rachel a été choisie pour être ta fiancée afin de combler tes lacunes, mais non seulement tu n’as pas cherché son aide, mais tu as essayé de t’en débarrasser d’elle parce que tu ne l’aimais pas. Si tu étais le fils d’un comte, je pourrais te voir te marier par amour. Mais c’est un luxe que le roi n’a pas. »

« P-Père… », balbutia Elliott tout en jetant un coup d’œil sur le côté.

« Alors, quand tu as épousé ma mère… »

« Ne m’interromps pas ! », cria le roi.

« Non, je me demandais simplement. Si tu n’as pas épousé mère pour… »

« N’essaie pas de changer de sujet ! »

« Je te le renvoie ! »

Une fois qu’il mit fin à l’interrogatoire d’Elliott, le roi se leva de son trône.

« Mes deux fils laissent beaucoup à désirer en tant que dirigeants. Sur ce point, Mlle Rachel, qui a une personnalité affreuse mais est excellente par ailleurs, sera indispensable au prochain souverain. »

« Qui est donc cette personne qui a une personnalité affreuse ? », demanda Rachel.

« Passons à autre chose ! » interjeta bruyamment le roi.

Rachel essaya à nouveau : « Allô ? Je vous pose une question. »

« Si tu dis que tu ne peux pas prendre Rachel comme épouse, alors je nommerai ton jeune frère Raymond comme prince héritier. »

« Hey ! Hey ! », dit Rachel.

« Mais père ! », pleurnicha Elliott.

« Pourriez-vous tous les deux arrêter de m’ignorer ? »

« La décision est déjà prise », déclara le roi.

« Les rubis dans votre couronne sont si jolis. Peut-être que je vais les arracher et les emmener à la maison avec moi. », dit Rachel.

« Arrête ça ! »

Le roi repoussa alors la main de Rachel d’un coup sec.

« Raymond ! Viens ici ! »

Tout le monde se tourna pour regarder la porte. À l’appel de son nom, le deuxième prince… n’était pas entré.

« Hm ? »

Le garde à côté de la porte s’agita maladroitement devant cette attention soudaine et se dirigea dans le hall pour vérifier.

« Hum, Son Altesse n’est pas venue… », lui dit le garde.

« Je l’ai appelé à l’avance ! Où est Raymond ? Augh, pourquoi mes deux fils doivent-ils être comme ça… »

Ce fut à ce moment que le deuxième prince fit sa première apparition.

« Père, je suis là », dit Raymond.

Ce n’était pourtant pas sa première apparition.

Étant un mini-Elliott, Raymond était un beau jeune garçon aux cheveux blonds.

« Ouah ! Tu m’as surpris ! »

En regardant de plus près, un garçon qui ressemblait à une version plus jeune d’Elliott se tenait près du trône.

« Qu-Quand es-tu entré ?! », demanda le roi.

« J’ai été ici tout le temps », répondit Raymond.

Les gens dans la pièce essayèrent de se souvenir…

« Oh, j’ai comme l’impression qu’il était ici. »

« Maintenant qu’il le dit, je pense qu’il était là depuis le début. »

« Je vois le peu de cas que vous faites de moi… », dit Raymond en reniflant.

Je vais peut-être devoir ajouter un personnage de petit garçon dans le prochain volume de Son Altesse est après moi !, pensa Rachel.

« Où l’avez-vous caché pendant tout ce temps ?! », demanda Rachel.

Surpris et consterné par l’excitation de Rachel, Raymond répondit : « Je ne me suis pas caché du tout. Je me tiens toujours aux côtés de mon frère lors des événements officiels, mais à en juger par ton expression, tu ne te souviens pas de moi. »

« Je suis désolée. Non seulement je n’ai pas reconnu ton visage, mais je ne me souvenais même pas de ton existence. »

« Le fait que tu puisses dire ça de quelqu’un comme moi est assez impressionnant. »

Dans une tentative de retrouver un peu de dignité, le roi s’éclaircit bruyamment la gorge et demanda à son furtif deuxième fils : « Raymond, serais-tu prêt à épouser Rachel et à hériter du trône ? »

Le garçon pubère de quatorze ans répondit immédiatement.

« Bien sûr ! »

Ses yeux pétillèrent. Il montra alors sa poitrine avec fierté.

« À cause de mon frère aîné, je ne m’attendais pas à avoir cette chance, mais si c’est ce que tu attends de moi, alors je serai volontiers ton prince héritier ! »

Elliott regarda son frère avec incrédulité.

« Raymond, tu visais le trône ? ! Je pensais que la seule bonne chose à ton sujet était que tu ne laissais pas beaucoup d’impressions. »

« Frère, ce n’est pas une bonne chose. »

Raymond plaça sa main sur son cœur.

« Pour être honnête avec toi, je ne me soucie pas plus du trône que du temps qu’il fera demain, mais si cela signifie que je peux épouser quelqu’un d’aussi extraordinaire que Rachel, je supporterai la position qui l’accompagne ! »

« Cette position est la partie importante, d’accord ?! », objecta le roi, s’offusquant de la déclaration scandaleuse de son fils.

« Mon frère, veux-tu te marier avec ça ?! As-tu la moindre idée de l’enfer dans lequel tu vas te fourrer ?! », railla Elliott tout en regardant son père.

Raymond avait un regard rêveur dans les yeux alors qu’il ignorait l’avertissement de son frère.

« Vu le peu de présence que j’ai, ma servante personnelle oublie de me servir à l’heure du thé, et même quand je l’appelle, elle m’ignore. Cela m’a appris combien il est excitant d’être traité froidement par une jolie grande sœur ! Rachel est jolie, et elle a de gros seins, et elle est cool, et elle a de gros seins… Elle est juste la meilleure ! Je veux qu’elle m’ignore pour toujours. Quand je pense qu’elle a complètement oublié mon existence. Ohh, elle est si merveilleuse ! »

« Reprends-toi, Raymond ! Elle n’est pas cool. Elle n’est tout simplement pas intéressée par les gens ! Et ne mets pas un diable comme Rachel dans le même sac que ta brusque bonne, ok ?! Ne pense pas que, parce que tu es capable de supporter un peu de vin de prune, tu peux boire une chope de liqueur distillée si forte que tu pourrais y mettre le feu ! », cria Elliott.

Raymond exhiba alors sa poitrine pas si musclée avec confiance : « N’aie pas peur, mon frère ! Mes tuteurs ont toujours dit que je suis un garçon à qui “tu apprends la première chose, et il est convaincu qu’il sait la dixième” ! »

« C’est ce qui m’inquiète ! »

Le roi se pencha et chuchota à l’oreille de la reine : « Hé, je sais qu’il est un peu tard à ce stade, mais je ne vois pas beaucoup d’espoir pour l’avenir, peu importe qui nous nommons comme prince héritier. »

« Oui, c’est beaucoup trop tard. Mais c’est pour cela que nous avons Rachel, non ? », répondit la reine en cachant sa bouche avec son éventail.

Le roi frappa dans ses mains pour attirer l’attention de tous.

« Maintenant que les fiançailles de Mlle Rachel avec Elliott sont rompues, elle sera désormais fiancée à mon deuxième fils, Raymond. Je reconnais aussi officiellement Raymond comme prince héritier. Elliott deviendra un sujet de l’État et recevra un nouveau titre, celui de comte de Leaflane ! »

« Non ! », gémit Elliott.

Le titre mentionné par le roi était un titre traditionnellement donné à la noblesse, mais si le domaine avait une importance historique, il n’était pas spécialement prospère. Il aurait même pu avoir moins de pouvoir financier que certaines baronnies riches. En toute honnêteté, ce titre n’était pas destiné à être donné en tant que tel. C’était plus souvent un titre supplémentaire donné à un grand-duc ou une récompense donnée à un membre de la famille royale à la place d’une pension.

« Père ! Tu donnes l’impression que je me retire de la vie publique ! », se plaignit Elliott.

« Je ne donne pas l’impression que tu te retires. C’est exactement ce qui se passe, imbécile ! Je ne peux pas laisser à quelqu’un qui en veut à la prochaine administration le pouvoir de fomenter une rébellion. Tu as fait assez de bruit pour te faire déshériter, alors sois reconnaissant que je te laisse un titre honorifique. »

« Mais ! »

« Alors, dis-moi. As-tu la force de t’attirer les faveurs de Mlle Rachel et de la convaincre de t’épouser ? Tu as rompu tes fiançailles, tu l’as harcelée à plusieurs reprises, et tu as même essayé de l’assassiner hier soir, m’a-t-on dit. C’est déjà beaucoup de point négatif que tu as déjà contre toi. Il te faudrait un effort gargantuesque pour gagner son approbation à ce stade. Tu comprends ça ? »

« Guh ?! »

Il était déjà impensable pour Elliott de rejeter Margaret et de revenir en rampant vers Rachel.

« Et encore une chose, Elliott, puisque tu sembles l’oublier… »

Alors qu’Elliott restait là, sans voix, le roi dévoila un chapitre sombre de leur histoire.

« Quand tu étais jeune, tu t’es battu pour quelque chose d’insignifiant et quelqu’un t’a assommé avec des pierres. C’était Mlle Rachel. La reine est tombée amoureuse quand elle a vu les représailles excessives que Rachel a réussi à exercer alors qu’elle ne faisait que se défendre. Elle est allée voir le duc et lui a fait endosser la responsabilité de tes blessures en le forçant à vous fiancer tous les deux. »

« Se pourrait-il que celle qui a asséné un coup de massue à mon cousin, le comte de Globnar, soit… ? », murmura Elliott.

« C’était aussi Mlle Rachel. »

« Alors, celle qui m’a jeté des pierres en souriant alors que je me noyais dans l’étang était… »

« C’est juste ton complexe de victimisation, Votre Altesse. Je ne souriais pas du tout. Je voulais finir cette tâche ennuyeuse et aller manger un dessert. », protesta Rachel.

« Me tuer était une tâche ennuyeuse pour toi ?! », cria Elliott.

« Mon Dieu, quelle grossièreté. Je ne suis pas le genre de personne qui tire du plaisir d’un meurtre. Je voulais t’éliminer rapidement et me diriger vers le buffet, mais tu ne voulais pas te noyer, et je ne savais pas quoi faire. Honnêtement, je ne sais pas ce que je t’aurais fait si j’avais raté le cheesecake à la cerise. »

« Tes priorités sont toutes chamboulées ! »

« Je préférerais ne pas entendre ça de ta part après avoir échoué à garder tes propres priorités au travail, Votre Altesse. »

Interrompant leurs chamailleries, le roi demanda : « Alors, qu’est-ce que ce sera, Elliott ? Vas-tu te retirer tranquillement ? Ou retenter ta chance avec Mlle Rachel ? »

« Je, euh… Je… »

Les souvenirs de ce qui lui était arrivé il y a longtemps et de ses luttes au cours des trois derniers mois défilèrent dans l’esprit d’Elliott. Il se leva de son fauteuil roulant, pour retomber sur son visage avec angoisse.

« J’accepte humblement ton offre de devenir le comte de Leaflane… »

C’était un homme brisé.

« Très bien, maintenant que le cas d’Elliott est géré… »

Le roi tourna son regard vers Margaret. La fille du baron se tortillait sur le sol comme une chenille. Ils l’avaient attachée ainsi après qu’elle se soit rendue directement au carrosse du couple royal afin de justifier les actions d’Elliott. Et même après ça, comme elle avait continué à crier, ils avaient dû aussi la bâillonner.

Au signal du roi, un chambellan derrière Margaret retira le bâillon de sa bouche.

« Bweh ?! Hé, Votre Majesté, n’est-ce pas un peu trop ? ! Je sais que vous êtes le roi et tout, mais… »

« Si tu ne te tais pas, nous mettrons un mors de cheval dans ta bouche. », l’avertit le roi.

« Je vais me taire. »

Une fois que Margaret, qui s’agitait il y a un instant, s’était calmée, le roi commença à l’interroger.

***

Partie 3

« Maintenant, Mlle Poisson. Pouvez-vous me dire quelles choses sont importantes pour un prince ? »

Margaret inclina la tête sur le côté pour réfléchir.

« Umm… Son visage ? »

« Autre chose ? », demanda le roi.

« Euh… L’argent ? »

« Autre chose ? »

« Il y en a d’autres ?! Uh, uhm… S’il a un cheval, il devrait être blanc. »

Le roi s’était retourné vers les autres.

« Comme vous pouvez le voir, parce que cette fille a été élevée comme une roturière, elle n’a pas l’éducation appropriée pour un noble. »

« Il me semble qu’il y a des problèmes plus importants », marmonna le Premier ministre.

Ignorant le Premier ministre, le roi pointa du doigt Margaret.

« En tant que cause de ce tumulte, je ne peux pas simplement vous laisser partir libre. C’est pourquoi nous avons décidé de vous placer indéfiniment au service d’un noble influent afin que vous puissiez apprendre les bonnes manières. »

« Quoi ?! Est-ce tout ? »

Margaret était choquée. Après avoir vu ce qui était arrivé à Elliott, elle s’était inquiétée de ce que le roi ferait à quelqu’un qui était pratiquement un roturier comme elle. Même si elle n’était qu’une mauvaise herbe, elle voyait qu’elle avait de sérieux problèmes.

« Oui. J’en ai déjà parlé au Duc Ferguson. Il va vous affecter à sa fille pour le moment. »

L’audience réfléchit aux mots du roi.

Quand Margaret comprit ce que ça voulait dire, elle hurla : « Attendez, c’est Rachel ! Vous avez utilisé un tas de jolis mots, mais en réalité vous me donnez à Rachel comme son jouet ?! »

« De quoi parlez-vous ? Il semble qu’elle ait aussi l’intention de vous apprendre les bonnes manières. », demanda le roi.

« De la façon dont vous venez de le dire, on dirait que c’est juste un truc en plus ?! Son but principal est de m’utiliser comme son jouet, hein ?! »

« Oui, vous avez raison. Peut-être qu’il est préférable de dire clairement les choses cette fois. », soupira le roi.

« Quoi ? »

« Eh bien, après ce qu’Elliott a fait, le gifler ne suffira pas à satisfaire Mlle Rachel. C’est pourquoi nous avons décidé de vous offrir à elle comme sacrifice humain. »

« Le dire clairement n’arrange pas les choses ! Je suis une mineure, d’accord ? Si vous comptez me rééduquer, ou m’offrir en sacrifice humain, il vous faut une autorisation parentale ! Maman ne laisserait jamais cela m’arriver ! »

En entendant cela, le roi donna le signal.

« Pardonnez-moi de parler malgré ma basse condition. »

Sofia, la servante de Rachel, qui se tenait près du mur, s’était avancée.

« Le baron Poisson et sa femme ont déjà donné leur permission pour que la jeune femme soit apprentie chez nous pour apprendre les bonnes manières. »

« Ce n’est pas possible ! Maman n’est pas si stupide qu’elle ne se rendrait pas compte de ce que cela signifie ! », protesta Margaret.

Et qu’en est-il de son père ?

« C’est pourquoi elle m’a confié une lettre en guise de preuve », répondit Sofia en sortant une enveloppe.

« Ahem, “À ma très chère Margaret. Sa Majesté est venue nous proposer de te mettre en apprentissage à la maison ducale de Ferguson où tu apprendras leurs manières. Nous ne savions pas quoi faire au début, mais nous avons décidé d’accepter.” »

« Pas possible ? ! C’est forcément un mensonge ! »

« “Parce que si je signe les papiers, ils ont promis de m’obtenir des billets platine pour une place en loge premium au dernier spectacle d’Adam. Je ne pouvais pas laisser passer ça, non ? À bientôt, et travaille dur sur tes leçons.” C’est ce qu’elle dit. »

Une fois que Sofia finit de lire la lettre, Margaret arrêta de se rouler et commença à claquer sa tête contre le sol.

« Bien sûr qu’elle dirait oui à ça ! C’est un spectacle d’Adam ! Je vendrais volontiers deux ou trois de mes propres filles pour avoir cette chance ! Attendez, si elle m’a vendu pour avoir ces tickets, alors ils devraient m’appartenir !!! Laissez-moi partir pour au moins un jour !!! »

« Vous comprenez donc que vous allez faire un apprentissage avec eux ? », demanda le roi.

« Ouais ! Mais je ne veux pas ! Je comprends pourquoi, mais je ne veux pas y aller ! »

Margaret s’était soudainement arrêtée et jeta un coup d’œil à Rachel. Rachel avait les bras écartés, avec le plus grand sourire sur son visage.

« Bienvenue ! », dit-elle.

« Je ne veux vraiment pas y aller !!! »

Le grand-duc Vivaldi poussa un soupir de soulagement.

« C’est fini maintenant, hein ? »

Le Premier ministre avait aussi l’air soulagé.

« Oui, c’est vrai… »

« Je ne perdrai plus Enrique ? »

« Non, vous ne le perdrez pas. »

« Il n’y aura plus de singe qui mangera mes pommes ? »

« Non, plus aucun. »

Les deux hommes s’étaient serrés l’un contre l’autre, pleurant des larmes de joie.

« Que t’est-il arrivé, mon oncle ? », demanda le roi.

Rien de tout cela n’était apparu dans les rapports.

« Hmm, je dirais que tout s’est finalement bien arrangé », remarqua le roi, satisfait. C’est-à-dire, jusqu’à ce qu’il sente quelqu’un derrière lui.

« Robert. »

« Hm ? »

Le roi se retourna pour trouver la Duchesse Somerset et la Comtesse Marlborough attendant derrière lui.

« Qu’est-ce qu’il y a, ma tante ? Je m’excuse de ne pas être venu te saluer plus tôt. »

« Ce n’est pas ce qui est important », répondit la duchesse Somerset.

Elle tenait le pointeur d’un professeur.

« Robert. Nous devons parler à couvert de certains problèmes liés à tes décisions, à tes directives et à ta capacité à communiquer. »

« Attends, écoutez ! Il y avait des raisons ! », plaida le roi.

« Nous devons parler. Dehors ! »

La duchesse balança son pointeur.

« Ou bien préfères-tu baisser ton pantalon ici ? »

*****

Le roi rendit son jugement, mais la salle d’audience était encore bruyante, Rachel regarda alors depuis une fenêtre à l’extérieur, un sourire éphémère sur le visage.

Est-ce que tout est enfin terminé maintenant ? Si tout revient à la normale après cela, ce sera le cas. Au-delà, les choses se passeront comme elles se passeront.

Rachel fit lentement un pas en arrière, essayant d’éviter de se faire remarquer par les gens bruyants.

Mon rôle ici est terminé. Alors…

En quittant silencieusement la terrasse, Rachel sourit en se retournant pour regarder la salle d’audience une fois de plus.

Je suis libre… d’aller où je veux maintenant, non ?

« Oh, ça suffit. Rachel, laissons-les faire et rentrons à la maison. Rachel ? »

Émergeant du chaos dans le hall, le duc appela sa fille, avec l’intention de rentrer déjà à la maison. C’était la première fois que Rachel sortait de prison en trois mois, la maison devait donc lui manquer. Enfin, c’est ce qu’il pensait.

« Rachel ? »

Il n’y avait personne à l’endroit où Rachel s’était tenue. Les rideaux en dentelle se balançaient tranquillement dans le vent qui soufflait par la grande fenêtre ouverte.

« Rachel ! », dit le duc.

« Mmngh. »

Rachel se retourna dans son sommeil.

« Allez, Rachel ! Réveille-toi ! »

« Ngh… Je dormais pourtant si bien. Qu’est-ce qu’il y a ? »

Duc Ferguson fit claquer les barreaux de fer.

« Non, pas “Qu’est-ce qu’il y a ?” ! Lève-toi, Rachel ! »

Même si tout le monde faisait encore du grabuge, la fille au centre de tout cela leur avait échappé. Le duc s’était empressé de partir à sa recherche, pour la retrouver dans la prison, profondément endormie.

À quoi pense-t-elle ? pensa-t-il avec colère en regardant son visage endormi.

« Pourquoi es-tu de retour dans le donjon maintenant que tout est réglé ?! Sors d’ici tout de suite ! »

« Je ne veux pas », répondit Rachel tout en lui coupant la parole.

« Qu… »

Rachel savoura la douceur de sa literie alors qu’elle tirait la couette sur sa tête et plongeait profondément en dessous.

« Je profite d’un rendez-vous romantique avec celui que j’aime dans un endroit où personne ne peut se mettre entre nous en ce moment. C’est grossier de ta part d’interférer. »

« Un rendez-vous ? »

Le duc regarda de travers sa fille, qui tenait des propos étranges.

Sofia intervint calmement : « Jeune maîtresse, celui que tu aimes serait-il par hasard ton doudou ? »

« Oui… Nous sommes follement amoureux… Ngh. »

« Assez de bêtises sur l’amour de ta literie ! Sors d’ici immédiatement ! », demanda le duc.

« C’est la vérité ! Au début, je dormais sur des coussins, mais après avoir changé pour un lit, j’ai réalisé quelque chose. Un édredon est vraiment plus confortable. », affirma Rachel, sa voix étouffée par la couette.

« Bien sûr que c’est vrai ! C’est même évident ! »

« Maintenant que j’y pense, les doudous me réconfortent depuis le jour de ma naissance. »

« C’est leurs rôles ! »

« Quand j’étais fatiguée ou triste, ils me prenaient dans leurs bras sans un mot. »

« Parce qu’ils ne peuvent pas parler. »

Rachel s’était retournée dans son lit, ignorant les répliques apathiques de son père.

« Tu as donc compris. Au cours de ces trois mois, je me suis réhabituée à la valeur d’un bon doudou. Je n’ai pas le temps de faire des leçons pour devenir reine. S’il te plaît, n’interfère pas dans notre temps de relation amoureuse. »

« Tu as pris l’habitude de te relâcher, n’est-ce pas ? Sofia. Dis quelque chose à mon idiote de fille ! », s’écria le duc.

À la demande du duc, Sofia regarda le lit.

« Jeune maîtresse, es-tu heureuse comme ça ? »

« Oui », répondit Rachel.

Sofia regarda dans le vide pendant un moment, en réfléchissant, et dit : « Je vois. C’est bon à entendre. »

Elle s’arrêta alors de réfléchir.

« Pourquoi l’acceptes-tu ? Essayerais-tu de la réveiller correctement ?! », interrogea le duc.

« Le bonheur de la jeune maîtresse est mon bonheur », expliqua Sofia.

« Tes servantes font semblant d’être douées, mais elles sont en fait inutiles ! Hé, Rachel ! Lève-toi ! »

« Ngh. »

Le duc se tourna alors vers le gardien de prison, qui observait de loin.

« Vous, traînez-la hors de là ! Déverrouillez la porte ! »

Le gardien de prison se gratta la tête maladroitement : « Euh, oui… À propos de ça… »

« Quoi ? »

« Quand la jeune femme est revenue, elle a dit : “Je vais gérer la serrure de l’intérieur à partir de maintenant”, et a confisqué la clé… »

« Et vous n’avez pas trouvé ça étrange ?! Quel genre de prison laisse le détenu gérer les serrures ?! »

« Euh, je pensais effectivement que c’était étrange, mais… »

Le gardien de prison détourna le regard. Il avait le regard d’un homme qui s’était fait une raison.

« Je me suis dit que discuter avec la jeune demoiselle était inutile… »

« Pourquoi tout le monde est-il comme ça autour de Rachel ?! », se lamenta le duc.

Quelque chose tapa sur le genou du duc. Tout en baissant les yeux, il vit le singe de compagnie adoré de sa fille lui offrir une pomme.

« Je te donne ça, alors fais-moi plaisir en laissant tomber ça, d’accord ? »

« Sérieusement, qu’est-ce qui se passe autour de Rachel ?! »

Avec les cris de son père et de ceux qui essayaient de l’amadouer comme bruit de fond, Rachel s’était enveloppée dans la chaude couette et s’était endormie avec un sourire satisfait sur le visage.

Il semblerait que la jeune demoiselle allait pouvoir continuer à vivre sa vie paisible en prison un peu plus longtemps.

***

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Un commentaire :

  1. Merci pour le chapitre et bon courage pour la suite !

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