Chapitre 42 : Le prince assassine la jeune demoiselle (où le planifie)
Partie 1
Une atmosphère étrange flottait dans le bureau du Prince Elliott. Lorsqu’il fut enfin sorti de sa chambre, il le fit avec l’aura vicieuse d’un chihuahua acculé dans un coin. Il ordonna immédiatement à tous ses partisans de se rassembler dans son bureau, ce qu’ils firent rapidement. C’était un Elliott qu’aucun d’entre eux n’avait jamais vu auparavant.
« Messieurs, demain est le jour où mes parents reviennent de leur inspection royale. Ils sont restés dans la ville de Tyrell la nuit dernière, et nous avons reçu des informations suggérant qu’ils arriveront demain matin. », leur dit Elliott.
« Ohh, enfin… »
« Cette inspection a pris beaucoup plus de temps que la plupart des autres… »
« J’ai entendu dire que Sa Majesté est tombée malade pendant le voyage. »
Levant une main pour faire taire leurs chuchotements excités, Elliott ajouta : « Le plan initial était de faire avouer ses crimes à Rachel, de la traîner devant mon père et de le laisser reconnaître formellement la fin de mes fiançailles avec elle et le début d’une nouvelle avec Margaret. Cependant… ! »
Elliott brandit ses poings en l’air, puis les fit claquer sur le bureau.
« Cette inqualifiable sorcière ne craint pas la justice et n’en fait qu’à sa tête dans le donjon ! Je ne comptais pas sur une réelle contrariété de sa part, mais elle s’amuse plus maintenant qu’à l’extérieur ! C’est quand même fou, non ?! »
Ses adeptes s’étaient regardés les uns les autres. C’était exactement comme Elliott l’avait dit, et ils en étaient aussi douloureusement conscients que lui, alors à quoi bon les rassembler pour leur dire ce qu’ils savaient déjà ? Ils penchèrent alors tous la tête sur le côté, confus.
« Ce n’est pas tout. Parce que les inspections royales ont traîné en longueur, les gens de Rachel ont pu agir en coulisses. Chacun des incidents dans lesquels elle a été impliquée a tourné en sa faveur. Maintenant, nous en sommes au point où les gens du palais lui expriment ouvertement leur soutien publiquement ! », poursuivit Elliott.
Pour être plus précis, ils disaient des choses comme « Le prince n’est pas fiable » et « C’était une erreur de punir Rachel ». Ils ne soutenaient pas directement Rachel. En fait, si Elliott avait mené l’affaire à bien, rien de tout cela n’aurait été dit, mais Elliott et son équipe ne pouvaient pas faire la différence… parce que le pauvre petit Elliott était un idiot.
« Si mon père revient avec les choses telles qu’elles sont, il pourrait très bien tout mettre sur le compte d’un malentendu de notre part. Ne me faites pas rire ! Si je laisse faire ça, à quoi auront servi ces trois mois de lutte et d’épreuves ?! »
Sa position était considérablement pire que ce qu’il venait de dire, mais c’était ainsi qu’Elliott la voyait.
« Donc, voici le plan. »
Elliott passa finalement à son point principal. Ses partisans attendaient en retenant leur souffle.
« Je me suis retenu assez longtemps. Nous assassinons Rachel ce soir ! »
Ses partisans voulaient dire « Mais tu ne t’es jamais retenu », cependant, personne n’avait le courage de dire quoi que ce soit dans cette situation.
Tous les partisans d’Elliott se raidirent. C’était différent de ses explosions habituelles. Le regard coincé dans ses yeux, touché par la folie, leur disait qu’Elliott était mortellement sérieux. Il avait la soif de sang insouciante d’un chihuahua à poils longs prêt à essayer d’arracher la gorge d’un mastiff.
Elliott désigna le fils du comte : « Toi, prépare les armes. Rachel a une arbalète. Il nous faudra au moins trois boucliers, trois arbalètes et, si possible, trois longues lances pour finir le travail. Amène trois hommes, et qu’ils soient prêts immédiatement ! »
« Oui, monsieur ! », répondit le fils du comte.
Le prince regarda le deuxième fils d’un vicomte qui était assis en face de lui.
« Tu auras deux gars qui veilleront à ce que personne ne pénètre dans le donjon. Mon père reviendra demain, et Rachel pourrait avoir ses propres gens qui viennent la voir, et pas seulement les invités ordinaires. »
« Oui, monsieur ! »
« Nous agirons après le départ du gardien de prison afin d’empêcher quiconque de la découvrir avant le matin. »
« Il travaille à peine la nuit, bien qu’il soit gardien de prison », fit remarquer un parasite.
« Cela n’a plus aucune importance maintenant. Bref, allons-y ! »
Les garçons passèrent à l’action, se précipitant hors du bureau pour exécuter les ordres d’Elliott.
Peu après, la femme de chambre qui avait préparé le thé rangea les tasses et quitta la pièce. Et dès qu’elle fut entrée dans les couloirs utilisés par les domestiques, elle abandonna le chariot à thé et se mit à courir.
*****
Même en se dépêchant avec ses camarades, le fils du comte n’avait pu s’empêcher de se plaindre.
« Une action ferme, c’est très bien, mais Son Altesse aurait pu en parler plus tôt. »
Le soir était tombé maintenant, et ils se préparaient à frapper. Le gardien de la prison allait rentrer chez lui d’un moment à l’autre. Si les lumières du donjon étaient allumées au milieu de la nuit, cela attirerait probablement les soupçons des chevaliers de passage en patrouille, s’ils devaient prendre d’assaut la prison, il fallait que ce soit bientôt.
« Il n’était pas nécessaire que ce soit hier, mais s’il avait pu au moins nous prévenir avant midi, j’aurais apporté des armes de chez moi. »
Ils ne s’étaient pas encore demandé si les gardes de la porte les laisseraient passer avec des lances et des arbalètes. Après tout, c’étaient les larbins d’Elliott.
Le fils du comte n’avait aucune idée de l’endroit où les acquérir, aucun endroit où aller, et aucune idée de ce qu’il fallait faire, alors il fit tourner en rond ces camarades autour du palais.
« Pouvons-nous les voler dans l’armurerie des chevaliers ? Elles sont néanmoins gardées… », se demanda-t-il à haute voix.
Alors que le complaisant fils du comte se débattait avec le plus grand souci de sa vie choyée, l’un des garçons qui étaient venus avec lui, le troisième fils d’un baron, lui tapa sur l’épaule.
« Là ! Regarde ça ! »
« Hm ? »
En haut, à côté d’une sorte d’entrepôt, il y avait trois boucliers, trois lances et trois arbalètes appuyés contre le mur. Il y avait même des carquois complets de carreaux d’arbalète avec eux. Un morceau de papier avait été affiché sur le mur, disant, « En cours de séchage, ne pas toucher ! — La Garde royale. »
Les garçons se tapèrent sur les épaules avec une joie évidente.
« C’est un signe du ciel ! »
« C’est exactement ce dont nous avons besoin ! Si on apporte ça à Son Altesse, il ne sera pas fâché contre nous ! »
Tous les quatre vérifièrent que la voie était libre avant de s’enfuir précipitamment avec les armes.
Pourquoi y avait-il le nombre exact d’armes dont ils avaient besoin ? Pourquoi les chevaliers n’auraient-ils sorti que celles-là ? Pourquoi n’y avait-il pas de gardes alors qu’elles avaient été laissées à la vue de tous ?
Les garçons n’avaient jamais rien soupçonné parce qu’ils étaient les larbins d’Elliott.
*****
L’avertissement était arrivé à la prison après le premier fils du vicomte, car il s’y était rendu directement après avoir quitté la réunion dans le bureau d’Elliott.
Le jardinier, qui avait appris l’information par la servante dans le bureau du prince, s’arrêta là où il pouvait voir la prison de loin et observa comment les hommes d’Elliott surveillaient l’endroit. Il fit le tour du bâtiment une fois pour confirmer, puis pencha la tête sur le côté.
« Ils ne surveillent que la porte ? »
Effectivement, comme on le lui avait signalé, trois fils de nobles choyés surveillaient le donjon. Mais le trio restait là, à regarder dans la direction de la porte. Ils n’avaient même pas remarqué que le chevalier, qui avait été posté là avec la même tâche, les regardait avec confusion depuis les buissons à côté d’eux. Il soupçonnait qu’il pouvait s’agir d’un piège, mais il avait beau chercher, il n’y en avait pas. Le jardinier confus n’était pas familier avec le niveau d’idiotie des larbins d’Elliott.
Peu importe ce qui se passait, comme ils n’allaient pas se mettre en travers de son chemin, le jardinier fit le tour en direction de la fenêtre grillagée à l’arrière du bâtiment. Comme le chevalier qui y montait la garde était du même côté, le jardinier expliqua brièvement son affaire et demanda au chevalier de garder un œil sur le trio.
Lorsque le jardinier s’accroupit près de la fenêtre et appela Rachel, cette dernière lui répondit immédiatement.
« Y a-t-il un problème ? Personne n’a eu à me contacter directement avec un message urgent jusqu’à présent. »
« Oui, madame ! La vérité est que… »
Une fois que Rachel entendit ce qui se passait, il lui fallut peu de temps pour arriver à une conclusion.
« C’est donc nous qui fournissons leurs armes, hein ? »
« Oui. Nos agents à l’intérieur de l’ordre des chevaliers en ont préparé. Et elles ne leur seront absolument d’aucune utilité, juste au cas où. »
« Que Son Altesse et ses hommes attaquent donc. Nous avons une montagne de preuves circonstancielles contre lui. Laissons-le faire maintenant quelque chose de si gros qu’il lui sera impossible de s’excuser pour s’en sortir. »
« Oui, madame ! »
Rachel fit changer de place le jardinier avec le chevalier, puis donna à ce dernier des ordres à rapporter aux autres chevaliers.
« Il n’y a pas besoin de s’assurer que ce soient nos gens qui sont de service cette nuit. Cependant, veillez à ce que cet homme soit l’officier de service. », ajouta Rachel.
« Voulez-vous que nous retirions nos surveillants des alentours de la prison ? Son Altesse semble avoir oublié que nous vous surveillons. »
« Les choses sont très bien ainsi. Pourquoi personne ne me surveillerait-il ce soir ? En fait, je pense que nous devrions les laisser se charger de courir à la station des chevaliers en disant que Son Altesse a forcé le passage ici. »
« Oui, madame ! »
Et pendant que les idiots d’Elliott s’excitaient sur leurs nouvelles armes, les gens de Rachel faisaient silencieusement leurs propres préparatifs.
*****
Et une fois la nuit tombée…
« Go ! »
Elliott donna l’ordre. Ses acolytes entrèrent en trombe dans le donjon. Leurs pas résonnaient lourdement alors qu’ils entraient dans la pièce principale, les porteurs de boucliers d’abord, suivis des arbalétriers. Leurs armes étant dirigées vers la cellule. Elliott avait été le dernier à entrer, s’adressant avec assurance à la résidente de la prison. Il avait l’air calme, mais ses yeux étaient teintés de folie.
« Rachel, te connaissant, tu as sans doute entendu dire que père et mère seront de retour demain. Je suppose que ton plan est de clamer ton innocence et de demander à ma mère de te libérer parce qu’elle t’aime tellement, mais… malheureusement, cela n’arrivera pas. Tu ne verras jamais l’aube se lever. »
Il le disait d’une manière détournée, mais Rachel savait ce qu’il voulait dire.
Alors qu’Elliott attendait avec impatience d’entendre sa réponse, elle laissa échapper un soupir exaspéré.
« J’aurais pensé que tu aurais réfléchi un peu plus… »
« Hein ? Quoi ? Pensais-tu que je n’aurais jamais recours à la force ? Tu m’as sous-estimé. Je suis un homme d’action », affirma Elliott.
« Eh bien, voici un mot d’avertissement à “l’homme d’action”. Tu ne devrais pas attendre que ta victime se mette à l’abri, non ? »
« Quoi ?! »
Se précipitant à l’avant du groupe, il vit Rachel derrière une pile de boîtes, avec sa propre arbalète braquée sur eux. Autrement dit, ses défenses étaient bien meilleures que celles de ses hommes, qui n’avaient que des boucliers pour se protéger.
« Pourquoi avez-vous attendu qu’elle se mette à couvert ?! », hurla Elliott.
« Eh bien, nous ne pouvions pas simplement nous lever et lui tirer dessus… »
« Vous auriez pu lui dire, “Ne bouge pas !” »
« Oh, oui, vous avez raison. »
Tandis qu’Elliott s’en prenait à ses copains incompétents, Rachel lui donna un avertissement.
« Cela se produit parce que tu ne travailles pas sur les détails de tes plans. Si tu ne fais rien pour remédier à ton manque de rigueur, tu auras beaucoup de problèmes plus tard. Mais tu te mens à toi-même à ce sujet depuis si longtemps que tu ne remarques même pas que ton pantalon est en feu. »
En voyant Rachel encore capable de se défouler alors qu’elle était entourée de la sorte, Elliott fut frappé d’une admiration plus grande que sa haine pour elle. Il était en train de faire le truc de l’individu qui croit à tort avoir le dessus, il regarde les autres de haut parce qu’il se sent omnipotent.
merci pour le chapitre