Chapitre 25 : La jeune demoiselle entretient des invités
Partie 2
« Je suis passée par là en me rendant au château, et il y avait tous ces invités en tenue fantaisiste qui se dirigeaient vers le donjon. »
Dès que Margaret eut fini de leur raconter ça, Elliott et les autres s’étaient précipités sur les lieux.
« Mince ! J’aurais dû le remarquer cet après-midi », s’était réprimandé Elliott en chemin.
« Oui, tu aurais vraiment dû. Je veux dire, quand est-ce que les trucs bizarres que Mlle Rachel fait n’ont pas un impact négatif sur toi ? », convint Sykes.
« En quoi ceci est une base pour décider de ce qui est notable ?! »
Quand ils étaient arrivés à la prison, ils avaient trouvé la porte grande ouverte. Des lumières éblouissantes se déversaient de l’embrasure de la porte, ainsi que d’agréables bavardages que l’on pouvait entendre jusque dans les jardins de l’arrière.
« Bon sang ! Quel genre d’idiote organise une fête dans un donjon ?! », beugla Elliott.
« Eh bien, c’est Mlle Rachel », proposa Sykes.
« C’est ma sœur… », ajouta George.
Lorsqu’ils atteignirent le bas de l’escalier, ils trouvèrent un large lustre allumé, rendant la pièce aussi lumineuse que le jour. Tout était un peu grossier pour appeler cela une soirée, mais les dames et les messieurs étaient raisonnablement bien habillés. Un certain nombre de tables qui n’étaient pas censées être là étaient alignées, et des garçons servaient plat après plat. Et dans un coin se trouvait le gardien de prison, portant un nœud papillon avec ses habituels vêtements de travail sordides, qui servait du vin dans un tonneau.
Le gardien de prison…
« Hé, vous ! », lui cria Elliott.
« Oh, si ce n’est pas Son Altesse. »
« Ne me dites pas à moi “Oh, si ce n’est pas Son Altesse” ! Qu’est-ce que vous faites ici ?! »
« Je sers de l’alcool. J’ai pris un verre pour moi, et le blanc et le rouge sont tous les deux excellents. Nous avons aussi du rosé, mais il est en bouteille et nous n’avons qu’une seule caisse. Si vous ne vous servez pas rapidement, il n’y en aura plus. »
« Ce n’est pas le problème ici, d’accord ?! Vous êtes censé gérer la prison ! Pourquoi n’avez-vous pas arrêté ces gens avant qu’ils n’entrent ?! »
Le gardien de prison regarda autour de lui.
« Euh, n’est-ce pas évident ? Avec tous ces gros bonnets qui se présentent en groupe, l’un après l’autre, qui étais-je pour leur dire qu’ils ne pouvaient pas entrer ? »
« Et vous êtes justement payé pour ça ! Fais-les partir ! », demanda Elliott.
« Mais ils m’ont bousculé, disant qu’ils avaient des invitations. Et beaucoup d’entre eux avaient aussi des accents lourds. »
« Huh ?! »
Se frayant un chemin à travers la foule excitée, Elliott atteignit finalement Rachel, qui menait une conversation agréable.
« Hé, Rachel ! C’est quoi tout ce boucan ?! », demanda Elliott.
Rachel l’avait alors salué : « Bonjour, Votre Altesse »
Rachel était aussi très bien habillée. Elle portait une robe de soirée bleu foncé, différente de celle qu’elle portait lorsqu’ils l’avaient emprisonnée, et des bijoux en perles discrets. Il était impossible qu’elle ait préparé quelque chose comme ça dans sa cellule. Elle avait dû l’apporter à un moment donné.
Elliott lança à Rachel un regard qui pourrait tuer, mais elle lui répondit d’un ton lent et détendu, comme celui qu’on utilisait normalement avec une connaissance.
« J’y avais bien réfléchi, je n’avais pas encore organisé de crémaillère », commenta Rachel.
« Une crémaillère ?! », s’écria Elliott.
« Mais tu sais comment est ma position en ce moment ? »
« Donc tu n’avais pas oublié que… »
« J’ai pensé qu’il pourrait être difficile pour les nobles et les politiciens de venir à la fête, par déférence pour Votre Altesse, alors… je me suis retenue et j’ai plutôt limité les invitations aux ambassadeurs étrangers, aux hommes d’Église et aux marchands avec lesquels je fais des affaires. »
« Quel genre de tentative d’attention peu enthousiaste est-ce là ?! »
Lorsqu’Elliott se retourna pour examiner la foule, il réalisa que même s’il reconnaissait certainement les personnes présentes, ce n’était pas ses compatriotes. Il y avait même des prêtres dans leurs habits de cérémonie. Certaines personnes étaient habillées pour une soirée normale et parlaient la langue du royaume, mais il ne reconnaissait aucun d’entre eux, ils devaient donc être des marchands. S’ils étaient des fournisseurs de la maison ducale, ils devaient tous être assez riches.
À voir l’expression du visage de George, il les avait évidemment reconnus.
Elliott résista désespérément à l’envie d’appeler George pendant que Rachel continuait à échanger des plaisanteries avec ses invités. Elle était le centre de la fête. Personne ne semblait se soucier qu’elle soit la seule derrière des barreaux de fer. Elliott et les autres se sentaient tellement exclus qu’ils auraient pu aussi bien se trouver de l’autre côté de l’horizon.
« Maudite Rachel ! », cria Elliott.
Les invités étaient tous soit des étrangers, soit des hommes d’affaires, soit des officiers religieux. En d’autres termes, le prince ne pouvait pas les faire taire en usant de son autorité. Il ne pouvait même pas reprocher au garde de les avoir laissés entrer de force.
Lorsque les invités virent l’état des choses, on savait clairement de quel côté ils allaient se ranger. Rachel utilisait habilement la fête pour faire connaître sa position, et si Elliott ne faisait pas attention à sa réponse, cela ne ferait qu’empirer les choses.
Alors qu’Elliott grinçait des dents si fortement que s’en était presque audible, Rachel discuta avec un vieux schnock aux cheveux blancs dans une langue qu’Elliott ne comprenait pas.
Rachel et le vieil homme firent tinter leurs verres ensemble joyeusement.
« Prison, yay ! »
« Yay ! »
Quand Elliott entendit leurs acclamations énergiques, il ne put pas s’en empêcher. Il se jeta sur eux et dit : « Hey ! Qu’est-ce qu’il y a de si amusant avec la prison ?! Hein ? ! »
« Attends ! Tu ne peux pas faire ça, Votre Altesse ! », glapit George tout en essayant désespérément de tirer le prince en arrière.
« Cet homme est un archevêque ! Tu ne peux pas te battre avec lui ! »
Elliott avait finalement cédé.
« Bon sang. N’y a-t-il aucun moyen de convaincre ces gens que Rachel est dans l’erreur ? », dit-il en pleurant amèrement.
« Nous devrons envoyer des gens pour expliquer notre position à chacun d’eux plus tard. Pourtant, avec un si grand nombre d’individus ici, pourrons-nous nous souvenir d’eux tous ? »
Alors qu’Elliott et George se cachaient derrière un tonneau de vin dans un coin pour discuter stratégie, Margaret sauta sur ses pieds, les narines dilatées.
« Prince Elliott, je vais aller leur expliquer ! », annonça-t-elle.
« Margaret ?! »
« Je veux dire, tout ceci est fou ! Tu es vertueux ! On ne peut pas laisser la diabolique Mlle Rachel te surpasser comme ça ! »
« Me surpasser… », murmura Elliott.
C’était la vérité, mais entendre Margaret le dire faisait mal.
George s’empressa d’aider Elliott à se remettre, tandis que Margaret se dirigea résolument vers une boîte au bord de la foule et grimpa dessus.
« Tout le monde, écoutez-moi ! », cria Margaret, semblant hors de propos.
Cela attira l’attention des participants, tous les regards s’étaient donc tournés vers elle.
« Je ne sais pas ce qu’on vous a dit, mais c’est Rachel la méchante ! Le Prince Elliott a pris le risque de mettre sa fiancée en prison pour me sauver ! Ne la laissez pas vous tromper ! »
La pièce était devenue silencieuse. Margaret exhiba sa maigre poitrine avec fierté, un air suffisant sur le visage.
Le son était revenu… mais pas d’une façon dont Elliott l’aurait apprécié.
« Wa ha ha ha ha ! »
« C’est une bonne blague ! »
« Prison, yay ! »
Les invités ivres pensèrent que c’était une sorte de divertissement et l’avaient applaudie. La façon dont Margaret s’était inclinée devant chacun d’entre eux après cela ne l’avait rendue que moins convaincante. À la fin, elle s’était laissée emporter par l’excitation et avait aussi porté un toast avec les autres.
« Prison, yay ! », dit Margaret en applaudissant.
« Yay ! »
Margaret était revenue avec une montagne de nourriture dans son assiette et une étincelle dans les yeux.
« Je l’ai fait, Prince Elliott ! », s’exclama-t-elle.
« Oui, tu l’as fait… »
Elliott s’était effondré. Il n’avait pas le courage de lui dire qu’elle n’avait produit aucun effet.
Margaret le regarda avec confusion en se bourrant les joues de nourriture.
*****
Soudainement, George remarqua quelque chose.
« Huh ? Où est Sykes ? Il est venu ici avec nous », s’était-il demandé à voix haute.
Le gardien de prison désigna le centre de la pièce en versant à George un verre de vin frais.
« Si vous cherchez le chevalier, ce dernier participe à la fête depuis son arrivée. »
Ayant manqué la délicieuse nourriture et le vin plus tôt dans l’après-midi, Sykes discutait avec excitation avec un vieil homme qu’il ne connaissait pas.
« C’est agréable. J’aimerais qu’on puisse faire ça tous les jours », dit Sykes.
« Wa ha ha ha ha ! Moi aussi ! », dit le vieil homme en acquiesçant.
« Moi aussi ! », ajouta l’ambassadeur d’un pays voisin.
Sykes fit tinter son verre contre celui de l’ambassadeur.
« Prison, yay ! »
merci pour le chapitre