Chapitre 5 : Qu’en est-il de l’homme qui a ouvert la cage à oiseaux
Partie 2
La sombre salle du sous-sol était peinte de pâles nuances mélancoliques. Les faibles sources de lumière qui brillaient étaient issues des outils magiques dispersés dans la salle. La lumière naturelle n’avait jamais atteint cet endroit.
Kiad se recroquevillait sur le sol, alors que son corps tremblait. Ce qui avait été de sa silhouette musclée avait maintenant disparu. Il semblait une ou deux tailles plus petites et plus faibles qu’auparavant.
Aucune lumière ne brillait dans ses yeux de mort alors qu’il balayait la pièce de son regard.
Ce qui était posé avant ça sur son bureau jonchait maintenant le sol. Tous ses documents avaient été déchirés en morceaux et des fragments de bois gisaient près des murs — il s’agissait probablement d’anciennes chaises qu’il avait cassées.
Kiad avait été privé de son pouvoir magique. Takumi l’avait jeté dans cet enfer après leur combat.
Il ne pouvait plus activer aucune des formules de loi que son père avait recherchées pendant si longtemps.
Bien que lié par le sang à Elvis, il n’avait jamais goûté à la bienveillance ou à la pitié de son père. Tout ce qu’il avait à faire était de ne pas échouer, et s’il le faisait une fois, il n’avait pas le droit de le faire une deuxième fois.
Elvis, qui ne se souciait que du pouvoir des gens, ne voulait pas laisser ses enfants hériter de la tête de la famille uniquement parce qu’ils étaient ses fils légitimes. Sigurd — le frère cadet de Kiad — avait été choisi pour être l’héritier du trône en raison de sa diligence à suivre les ordres de son père.
Il n’avait jamais échoué lors de l’accomplissement de ses tâches.
D’autre part…, le destin de Kiad était de devenir une misérable risée si les gens apprenaient qu’il avait perdu son pouvoir magique.
« Je… Je n’échouerai plus… ! »
Il fit sortir ces mots de sa gorge, mais ses tremblements de main avaient trahi son manque de confiance.
L’image de ce sourire odieux et triomphant était gravée dans son esprit — elle scintillait sans fin, tout comme son courage.
Il avait fait son chemin dans la vie en croyant en lui-même et en agissant comme il le voulait… mais maintenant il ne pouvait plus faire un seul pas en avant — aucun avenir ne l’imaginait victorieux.
« Si seulement… Si seulement j’avais gagné cette bataille… ! »
Il croyait fermement qu’il pouvait gagner le match qu’Elvis avait arrêté. Il savait qu’il aurait pu gagner contre Takumi à l’époque. Ce n’était pas son arrogance qui parlait, c’était juste une question de fait — Kiad était à tous les coups fort et possédait la magie la plus puissante de tout le Royaume, celle de la vaillante Fortesea. Ce marchand d’esclaves n’avait aucune chance de gagner contre lui.
Cependant, Elvis n’en était pas sûr, alors les choses s’étaient passées ainsi. Son père lui avait refusé cette victoire.
« C’est vrai… ce n’était pas ma faute… ! Je n’étais pas la cause de ma défaite… ! »
Oui, son père venait de devenir vieux et lâche… il n’avait pas à se soucier de lui.
Il n’avait qu’à être lui-même… et à agir comme il le voulait.
Au moment où un souffle de soulagement lui avait été insufflé, il entendit quelqu’un frapper à la porte.
« J’AI DIT QUE JE NE VOULAIS RENCONTRER PERSONNE — »
« Ne t’avise pas de parler à ton père comme ça. »
Kiad avait tout de suite compris qui parlait et il s’était rétracté encore plus.
La porte s’était ouverte lentement, laissant entrer le tic-tac de la canne qui tapait sur le sol.
« Je n’ai pas vu ton visage depuis un moment… tu as une mine affreuse. »
La voix grave de l’homme correspondait à son expression pierreuse, alors qu’il regardait son fils pitoyable.
« Père… pourquoi es-tu ici ? »
« Quelle question étrange ! Un père doit rendre visite à ses fils lorsqu’ils se morfondent. »
Kiad avait claqué sa langue dans son esprit face à ces mots éhontés. Il savait que son père venait de mentir. Elvis Fortesea n’avait pas la moindre once d’amour familial en lui — ses fils n’étaient que des êtres utiles ou inutiles comme les autres.
« J’ai ordonné au marchand d’esclaves de Suzuran et à ses serviteurs de chasser quelques monstres. »
« Chasser des monstres… ? »
« Oui. Cette fois-ci, je suis inquiet, alors j’ai pris les bonnes mesures. »
Curieusement, il y avait une nuance d’émotions dans la voix d’Elvis.
« Mettons de côté ton échec, car mon sang coule dans tes veines. Contrairement à Sigurd, qui ne serait personne sans moi, tu as l’étoffe d’un vaillant Fortesea… Je suis ici pour te donner une chance de te racheter, bien que je n’aie jamais investi mon temps sur toi jusqu’à présent. Aide-moi, au lieu de pourrir dans un endroit comme celui-ci. »
Kiad leva la tête, la lumière lui revenant dans les yeux — son père l’avait loué.
« Veux-tu… me laisser me racheter ? »
« Pourquoi ne le ferais-je pas ? C’est ma considération pour mon fils. »
« Je… Je ne manquerai pas de te remercier de ta gentillesse. »
Kiad baissa la tête.
Il ne s’attendait pas à ce que son père lui montre de la pitié… mais maintenant, il pourrait se venger. Il pouvait attiser ses flammes en faisant jaillir la colère et la haine. Cet odieux marchand d’esclaves allait payer pour ce qu’il avait fait.
« J’ai déjà envoyé un message à Sigurd. Il est incompétent, mais il obéit à mes paroles. Il devrait être en route pour Renunt à l’heure qu’il est. »
« Sigurd… ? Alors, va-t-il utiliser les monstres de Denmerg ? »
« Bien sûr. Ce marchand d’esclaves pourrait entraver mes plans. Alors brûler son environnement et le laisser se tortiller de désespoir est le moins qu’il mérite. »
Tack, tack — Elvis avait poignardé le sol à plusieurs reprises avec sa canne.
Takumi n’était pas quelqu’un avec qui il pouvait s’amuser, alors il avait soigneusement rassemblé assez de ressources pour le faire tomber.
« Si j’utilise le cristal magique que l’Archevêque Crest a fabriqué pour toi, notre plan sera parfait… et il n’y a aucune chance qu’il ne le soit pas, donc il n’y a rien à craindre. »
Kiad était particulièrement attentif aux paroles de son père. Lorsqu’il avait perçu le ton glacial de la voix du vieux, il avait soudain compris que quelque chose n’allait pas.
« Alors… que dois-je faire pour toi, père ? »
« Mh ? Ne comprends-tu pas ? »
« Je m’excuse… Pour autant que je sache, le plan est de faire en sorte que Sigurd les écrase. C’est pourquoi tu lui as ordonné d’aller à… »
« Tu ne comprends pas, Kiad ? »
Son père l’avait interrompu effrontément et l’avait poignardé à la poitrine avec sa canne, un sourire éclatant déformant son visage.
« Aïe… ! Que… ? »
Kiad avait laissé échapper une voix muette quand il avait regardé en bas pour voir le bout de la canne qui le transperçait.
« Je vois… donc il t’a fait quelque chose. Étant donné que tu ne peux pas utiliser la magie ou activer des outils magiques, il a dû gâcher ta formule magique, hein… ? »
Elvis n’avait cessé de poignarder la poitrine de son fils, son expression ne changeant jamais. Son regard sans cœur lui donnait l’impression de regarder un ver de terre.
« C’est la considération que je te porte. Mon plan serait parfait sans toi… alors, n’aie pas peur de l’avenir et parts dans le même ciel que celui dans lequel dorment tous les héros. »
« Ne… fais pas ça ! Tu ne veux quand même pas dire que je devrais mourir ici… !? »
Kiad saisit la canne qui le poignardait, essayant de se défendre, mais les bras fins du vieil homme étaient incroyablement forts, et progressivement ses coups perforants devinrent plus durs.
« Tu es un échec, Kiad. »
Quand sa canne avait empalé son fils, il l’avait tordue et avait vu Kiad cracher une quantité inquiétante de sang.
« Tu es bien trop incompétent et tu n’as jamais su le remarquer. Tu n’es qu’un bon à rien qui pense trop à lui-même, et tu n’as même pas suivi mes traces. Ton ambition couvée, presque inexistante, n’est qu’un fragment de sagesse… mais laisse-moi te dire quelque chose. »
Ses paroles froides avaient coupé Kiad comme un couteau alors qu’il s’apprêtait à le poignarder à nouveau dans le trou qu’il avait creusé sur sa poitrine.
« La seule raison pour laquelle tu étais en vie était pour te laisser te reproduire afin que le sang de Fortesea puisse continuer à couler dans ce monde après ma mort… c’était la seule attente que j’avais pour toi, et pourtant tu ne pouvais pas être à la hauteur de cela aussi. Tu n’es qu’un porc inutile qui rampe sur cette terre. »
Elvis n’avait jamais cessé de poignarder son fils pendant qu’il parlait.
« Pourtant, j’ai trouvé une certaine valeur dans ton inutilité. Même un déchet comme toi pourrait être utile contre cet odieux marchand d’esclaves. Réjouis-toi, car ta fin a maintenant un sens qu’elle n’aurait pas eu autrement. D’abord, tu as laissé ce marchand d’esclaves prendre le dessus sur toi — tu as été ridicule de danser sur sa paume comme une marionnette — puis tu l’as laissé t’enlever Lise, et enfin tu l’as laissé détruire ta formule magique, qui était quelque chose d’inviolable. Personne ne doit le savoir. »
Lorsque la conscience de son fils avait commencé à s’estomper, Elvis s’était souvenu de quelque chose et avait arrêté un moment son attaque de fou.
« Bon… J’ai failli oublier de te le dire. C’est la première fois que tu m’es utile, mon cher fils. »
Son expression était rocailleuse et froide alors qu’il regardait la lumière dans les yeux de Kiad s’éteindre.