☆☆☆Chapitre 74 : Un pion libre
Partie 2
Cependant, la situation étant ce qu’elle était, Alus devint glacial et posa la main sur son AWR. C’est alors qu’une voix claire de femme brisa la tension. « Monsieur Alus, nous t’attendions. »
Alus regarda autour de lui et aperçut Felinella qui marchait avec élégance derrière les gardes.
Avant qu’il ne puisse demander la raison de sa présence, il aperçut l’assistante de la souveraine, Rinne Kimmel, avec elle. La situation le déconcertait.
Rinne regarda les gardes qui s’étaient effondrés. Elle se passa la main sur le front en signe d’exaspération et dit : « Vous êtes toujours aussi imprudent, Sire Alus. Capitaine, vous pouvez le laisser passer. Nous ne voudrions pas qu’il cause plus de dégâts. Cela ne ferait qu’alimenter les rumeurs selon lesquelles la garde du palais est insuffisante. »
« Compris ! » répondit le capitaine en saluant, une expression de soulagement apparaissant brièvement sur son visage.
« Merci pour votre service. » Alus exhiba nonchalamment son permis en passant devant le capitaine.
« Je savais que tu l’avais sur toi. Tu es vraiment le pire. » Lilisha s’exclama, mais Alus l’ignora. À côté d’eux, Loki avait également montré son permis en passant le contrôle.
« C’est tout simplement plus efficace de procéder de cette façon. Quand tu comprends le fonctionnement de l’armée, tu sais qu’ils vont simplement appeler leurs supérieurs et que tu finiras dans ce cas par être coincé pendant une heure. »
Lilisha sourit, mais elle n’approuvait pas les actions d’Alus. C’était une ruse que seuls ceux qui avaient vécu dans un monde difficile connaissaient. Même si Lilisha ne voulait pas prendre exemple sur lui, c’était une leçon qui valait la peine d’être apprise.
Voyant l’expression de Lilisha, Felinella s’adressa à elle. « Oh, Madame Lilisha. Vous vous sentez déjà mieux ? »
Felinella lui posa la question par inquiétude, en tant que son aînée, et Lilisha lui répondit avec un faux sourire. « C’est un plaisir de vous rencontrer, madame Socalent. Oui, je me sens mieux maintenant. Je vous remercie. »
Felinella avait vu clair dans son jeu, mais en aînée attentionnée, elle resta calme au lieu de s’énerver. « Je suis contente de l’entendre. J’étais vraiment inquiète, vous savez. Je suis aussi la surveillante du dortoir, alors je suis venue vous voir une fois alors que vous vous reposiez. »
« Je vois. » Lilisha donna une réponse standard, mais elle était perplexe face aux sentiments négatifs qui montaient en elle à l’égard de sa gentille aînée.
Mais elle n’avait pas eu besoin d’y réfléchir longtemps. Felinella Socalent. C’est une noble dame modèle jusqu’au bout des ongles, mais quelque chose me semble étrange, pensa-t-elle.
Elle avait le sentiment de se tromper, mais son cœur restait serré. Malgré sa méfiance, elle avait tout de même tendu la main pour serrer celle de Felinella, ce qui lui avait semblé encore plus étrange. Il lui était arrivé de répondre à une poignée de main, mais elle n’avait jamais tendu la sienne. Lorsqu’elle réalisa ce qu’elle faisait, Lilisha commença à retirer sa main avec amertume.
Il s’en est fallu de peu, pensa-t-elle. Cette personne est effrayante d’une autre façon…
Felinella avait une aura maternelle qui adoucissait naturellement le caractère têtu de Lilisha. En tant que noble, elle devait être douée pour manœuvrer les interactions personnelles, bonnes ou mauvaises. Et maintenant, sa bienveillance était dirigée vers Lilisha.
Lilisha, qui savait lire les expressions faciales, pouvait sentir que Felinella n’était pas seulement une noble dame modèle; elle avait aussi l’esprit ouvert.
« Enchanté de vous rencontrer, madame Lilisha. » Felinella enroula ses mains autour de celles de Lilisha, qui n’avait pas eu le temps de les retirer.
Elles s’étaient finalement serré la main, malgré la réticence de Lilisha, qui avait détourné le visage, comme pour échapper aux mains douces et à la chaleur de Felinella.
« Moi aussi… » répondit Lilisha, maladroite, comme quelqu’un qui cherchait à dissimuler son embarras.
Voyant cette interaction, Alus demanda depuis le côté : « Qu’est-ce que vous faites ? »
Lilisha devint instantanément rouge jusqu’aux oreilles et lâcha Felinella, même si, pour une raison ou une autre, elle avait envie de lui tenir la main pour toujours.
« Plus important encore, Feli, pourquoi es-tu ici ? » Alus poursuit en jetant un coup d’œil à Rinne.
« Pendant que je me renseignais sur Aferka, j’ai rencontré un problème et j’espérais t’en faire part », dit Felinella.
Avant qu’Alus ne lui fasse remarquer qu’ils pouvaient simplement utiliser la fonction d’appel de la licence pour cela, Felinella poursuit : « J’ai jugé qu’il serait préférable de te rencontrer directement. Je me suis donc arrangée avec Mme Rinne pour qu’elle t’attende ici. »
Elle avait souri de façon incompréhensible à Alus en présentant Rinne. Alus avait déjà rencontré Rinne auparavant. Elle l’avait déjà contacté pour rencontrer Cicelnia et ils avaient déjà travaillé ensemble dans le monde extérieur.
Qu’elle en soit consciente ou non, Felinella poussa doucement Rinne vers l’avant, malgré le fait qu’elle ne semblait pas vouloir s’impliquer.
« Vous n’avez rien à dire, Sire Alus », dit Rinne, réticente, en évitant de croiser le regard d’Alus. Contrairement à l’Œil de l’Alpha qu’il avait déjà vu, Alus trouvait cette version de Rinne plutôt maladroite et étonnamment mignonne.
« Il semblerait que je sois assez détesté », railla Alus. « Je n’ai pas l’intention de te reprocher quoi que ce soit, mais si l’on m’évite encore plus, j’ai l’impression que je vais perdre la chance de regarder dans tes yeux. »
« Alors, faites ce que vous voulez », dit Rinne. « Peu importe ce que vous demandez, je ne suis qu’un pion de toute façon. »
« Oh, un pion, c’est ça ? Tu es donc au moins consciente que tu te trouves sur le plateau de jeu de cette femme », dit Alus.
« C’était un lapsus », dit Rinne au bout d’un moment, les épaules affaissées, alors qu’elle fermait la bouche.
Felinella avait eu pitié d’elle et elle était intervenue. « Monsieur Alus, je comprends ce que tu ressens, mais s’il te plaît, ne brutalise pas madame Rinne. »
Alus voulut dire quelque chose, mais Rinne le devança. « Juste pour que vous le sachiez, je suis la plus vieille ici. »
Alus avait complètement ignoré sa déclaration avant de poursuivre : « Alors, comment connais-tu Mme Rinne, Feli ? »
« Par le biais d’une certaine correspondance », répondit Felinella. « Ce n’est pas comme si nous étions de vieilles connaissances, mais nous sommes récemment devenues amies. Elle a beaucoup de difficultés, alors je peux compatir à sa situation. »
« Alors, une dame plus âgée qui travaille au palais se plaint auprès d’une élève plus jeune. Qu’est-ce que c’est que cette histoire d’être la plus âgée déjà ? »
« Sire Alus, un homme ne devrait pas trouver de fautes dans une discussion entre femmes. D’ailleurs, je n’ai que peu parlé avec la petite Felinella en venant ici », répondit Rinne.
« S’il te plaît, je t’ai dit d’arrêter d’ajouter “petite” à mon nom. »
Felinella et Rinne semblaient avoir formé un lien presque instantané, et leurs voix rebondissaient l’une sur l’autre en harmonie, comme si elles étaient deux écolières.
Alus n’avait jamais vu quelqu’un parler à Felinella de cette façon. C’était presque aussi rafraîchissant qu’inattendu. En remarquant son regard, elle eut l’air un peu timide.
C’est Loki, qui se sentait mise à l’écart, qui décida de briser le calme en abordant un sujet plus important. « Madame Rinne, pourrons-nous rencontrer la souveraine après cela ? »
Il n’en fallait pas plus pour ramener tout le monde à la réalité.
En tant que collègue observatrice, Loki devrait normalement faire preuve de plus de respect envers l’observateur classé numéro 2.
Rinne salua Loki et attendit qu’elle lui rende la pareille avant de prendre la parole. « En effet. Dame Cicelnia a déjà donné l’ordre de laisser passer Sire Alus au palais. »
« J’en étais sûr », répondit rapidement Alus.
Il savait déjà que c’était vrai, et que c’était la raison pour laquelle Rinne était là. Il savait qu’il était impossible de se cacher à l’Œil de la Providence et il avait remarqué qu’ils n’avaient rencontré personne d’autre depuis qu’ils avaient quitté le poste de contrôle.
Le palais était le centre de la politique d’Alpha et ne dormait jamais. Il était donc irréel que la surveillance autour du palais soit aussi laxiste.
« Mais, madame Rinne, tu comprends, n’est-ce pas ? » demanda Alus. « J’ai été plutôt indulgent avec ses bêtises, mais cette fois, elle a dépassé les bornes. La suite dépendra de la réponse de Cicelnia… »
« Bien sûr. Mais je crois que parler directement à Dame Cicelnia vous aidera à comprendre. » Rinne baissa les yeux et lui transmit solennellement quelques paroles pleines d’espoir.
« Je n’en suis pas si sûr. Comme je l’ai déjà dit, je préfère ne pas me brouiller avec toi. »
« Cela va dans les deux sens, Sire Alus. Il est rare que quelqu’un s’intéresse à mes yeux magiques. Sans parler de toutes les contributions que vous avez apportées en tant que chercheur. J’aimerais donc vous demander d’être gentil », dit Rinne en s’inclinant profondément devant Alus.
Après une longue pause, elle releva la tête, affichant l’expression neutre et parfaite d’une aide de camp. Alus eut du mal à lire quoi que ce soit dans ce sourire compliqué.
« Enfin bref, je n’ai qu’une seule affaire à régler. Je suis sûr que tu comprendras aussi, madame Rinne. » Alus dirigea son regard vers Lilisha qui se contenta de fixer Rinne d’un regard doux et d’acquiescer.
« Alors, allez-y, s’il vous plaît », dit Rinne en ouvrant un grand ensemble de portes qu’ils venaient d’atteindre.
La salle du trône se trouvait devant eux, majestueuse, luxueuse, mais aussi empreinte de sérieux. C’était la salle où l’on conférait les pairs et les récompenses. D’épaisses colonnes bordaient la pièce et un tapis cramoisi recouvrait le sol. Le décor était démodé, mais la pièce était un aboutissement pratique de la dignité.
« Bienvenue, Alus. » Assise sur le trône, Cicelnia, toujours aussi belle, l’accueillit avec un sourire dubitatif.
Les gens l’appelaient une déesse vivante et une messagère des cieux, car elle était d’une beauté incomparable. Ses longs cheveux noirs et lisses descendaient le long de ses épaules, brillant comme un miroir.
Face à cette beauté, Lilisha baissa la tête et se mit à genoux. Felinella fit de même.
Garder la tête basse devant le souverain était un vestige du passé, lorsque personne n’osait regarder le visage royal sans permission. Aujourd’hui, il s’agissait plutôt d’un rituel formel.
« Quoi ? Vous voulez que je vous dise de lever la tête ? » Cicelnia, connue pour être une souveraine amicale, en avait assez de cette vieille tradition. Elle soupira et regarda Rinne.
Voyant l’aide acquiescer, elle se résigna.
« Oui, oui. S’il vous plaît, levez la tête », dit-elle. « Il s’agit d’une étiquette vraiment dépassée. Maintenant… Felinella Socalent, une visite de la famille Socalent est à la fois rare et inattendue. »
« Je suis honorée d’obtenir une audience avec Votre Altesse. » La voix claire et digne de Felinella résonna dans la pièce. Elle donna une réponse noble et parfaite, calme et courtoise, sans trahir la moindre émotion.
« Oh, vous êtes assez jolie pour me rendre jalouse. Si je me souviens bien, vous êtes étudiante au deuxième institut de magie, tout comme Alus. »
Sentant la formulation légèrement conflictuelle de Cicelnia, Felinella baissa les yeux, comprenant que des tractations politiques avaient commencé. « Oui, c’est un privilège d’être proche de Monsieur Alus. Il nous arrive de partager la même table à l’heure du déjeuner. »
Les coins des yeux de Cicelnia tressaillirent à cette mention.
« Cependant, n’est-ce pas un peu imprudent pour une fille noble, surtout la fille du célèbre seigneur Socalent ? » demanda Cicelnia, en utilisant sa formule de prédilection pour s’adresser au père de Felinella.
Cicelnia poursuit : « Votre famille constitue l’un des piliers de cette nation. La fille de cette famille qui se rapproche plus que nécessaire du plus grand magicien de la nation provoquera des spéculations indésirables de la part des autres. »
Cicelnia conseillait implicitement à Felinella de ne pas perturber la société noble sans raison. Mais le même conseil pourrait être donné à Tesfia, qui faisait partie de la famille Fable, une autre des trois grandes familles nobles.
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