Saikyou Mahoushi no Inton Keikaku LN – Tome 11 – Chapitre 62

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Chapitre 62 : Un ciel nuageux avec une chance de pluie

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Chapitre 62 : Un ciel nuageux avec une chance de pluie

Partie 1

La ville industrielle de Folen était située dans la région du périmètre extérieur d’Alpha. Sur le chemin du retour à l’Institut, Alus décida de s’y arrêter.

Étant si proche du monde extérieur, la ville avait été construite dans le but de résister à une invasion. Il y avait des quartiers résidentiels, mais leurs habitants étaient généralement considérés comme des moins que rien. Les riches et les nobles avaient tendance à vivre plus près de la Tour de Babel, et les quartiers comme celui-ci attiraient plus ou moins les classes inférieures.

Folen possédait également de nombreux bâtiments militaires construits il y a longtemps, et fonctionnait donc comme un quartier général de réserve. C’est pourquoi elle était considérée comme la deuxième ligne de défense.

La ville disposait également d’un système de défense inspiré de la Tour de Babel, bien qu’il s’agisse d’une copie inférieure à l’original. Si les Mamonos franchissaient la première ligne de défense, elle ne serait pas assez solide pour retenir le flot.

Cependant, ce n’est pas parce que le niveau technologique d’Alpha est inférieur à celui des autres. C’est justement la grandeur de Babel. Sa puissance dépassait l’entendement humain. À l’heure actuelle, l’humanité dépendait entièrement de Babel, et comme la rumeur courait que son pouvoir s’affaiblissait, la paix actuelle était fragile.

En raison de sa proximité avec le monde extérieur, Folen avait un sentiment de tension unique qui différait des villes plus proches de la Tour de Babel. Ici, les gens étaient loin d’être complaisants. Et le fait que la ville soit spécialisée dans la production d’AWRs et d’outils magiques pour les magiciens n’y était pas étranger.

C’est pour cela qu’Alus aimait cette ville. Le simple fait de regarder les magasins vendant des AWRs qui bordaient les rues suffisait à faire battre son cœur. Comme il s’agissait d’un détour, il n’était pas là pour arpenter la rue principale et regarder autour de lui comme avant. Mais il avait emmené Loki pour qu’elle s’imprègne un peu du paysage.

« Sire Alus, il est grand temps… »

« Je le sais. » Après avoir contemplé les gens dans les rues pendant quelques instants, Alus se mit à marcher. Les deux quittèrent la rue principale et se dirigèrent vers le Cercle de Transport qui était le chemin le plus rapide pour retourner à l’Institut.

L’appareil s’activa silencieusement… et lorsqu’il réalisa qu’il retournait enfin à l’Institut, Alus prit un air morose. Il avait manqué beaucoup de cours. Même s’il profitait des vacances qui suivaient le festival du campus, les cours normaux avaient déjà commencé.

Il avait travaillé pour l’armée, mais Berwick n’était pas tout-puissant. Même s’il pouvait aider pour certains crédits, Alus savait que ça ne couvrirait pas tout. « Sans compter que je n’étais là que pour aider Lettie cette fois-ci… » À proprement parler, ce n’était pas à la demande de Berwick et les réalisations étaient attribuées à Lettie. Même s’il se fichait des réalisations, il aurait peut-être dû essayer de négocier avec Berwick.

Alus laissa échapper un petit soupir, auquel Loki répondit rapidement. « Tu t’inquiètes pour les leçons ? »

« Il y a ça. Et puis il y a leur formation… »

« Je crois que tu leur as dit d’étudier par elles-mêmes ? Je suis sûre qu’elles s’entraînent autant qu’elles le peuvent. »

Ce n’est pas comme s’ils étaient partis pendant un mois, alors Tesfia et Alice ne devraient pas avoir pris trop de retard. Cela dit, Alus voulait suivre à la lettre le programme qu’il avait établi. Même s’il ne leur avait pas donné de véritable entraînement, il estimait qu’elles avaient probablement atteint le niveau qu’il avait prévu.

Il l’avait déjà remarqué, mais la croissance des deux filles était extraordinaire. C’était une position privilégiée pour un mentor. Mais si on lui demandait pourquoi… Alus aurait du mal à trouver une raison. Il n’était pas assez imbu de sa personne pour penser qu’il était un bon professeur. C’était plutôt le contraire.

Alors peut-être, est-ce parce qu’elles avaient montré beaucoup de potentiel ? Eh bien, c’est ce que n’importe qui pourrait supposer. Au début, elles ne connaissaient même pas la manipulation du mana, mais maintenant, elles étaient déjà passées au perfectionnement et amélioraient peu à peu leurs résultats. Avant qu’il ne se mette en route pour Vanalis, elles étaient devenues capables de le maintenir pendant un certain temps. En ce sens, son objectif initial, qui était de les former à devenir des magiciens capables de se battre dans le monde extérieur, semblait se réaliser à une vitesse fulgurante.

« Alors au moins, elles ont quelque chose à faire, hein », déclara Alus à personne en particulier.

Loki soupira doucement. « Sir Alus, s’inquiéter pour ces deux-là, c’est bien, mais n’oublies-tu pas cette fille qui a été transférée ? ».

« Hm ? Tu veux dire, celle que le gouverneur général a envoyée ? »

« Oui. Tu n’as pas parlé d’elle quand tu as fait ton rapport, et je ne voulais pas dire quelque chose d’impertinent… »

Cependant, il aurait été inutile de poser des questions sur Lilisha à ce moment-là. Après le rapport, Berwick avait profité du fait qu’Alus demandait une récompense pour limiter leur discussion à cela. Et Alus était bien conscient que Berwick était un dur à cuire quand il était comme ça. « Je le vois très bien se contenter de balayer l’affaire d’un revers de main. De plus, Berwick n’a pas vraiment de raisons solides de vouloir me surveiller. »

« Excuse-moi… ? » Loki inclina la tête, jetant à Alus un regard interrogateur. Elle était d’abord venue à l’Institut en tant que chien de garde, alors elle avait du mal à comprendre ce qu’il voulait dire.

« Après la simulation de combat contre Élise, Lilisha a révélé une partie de ma situation à ce groupe d’élèves, tu te souviens ? Elle a dit que j’aidais l’armée comme le font certains élèves de troisième année plus compétents. » Son rang de numéro 1 était resté caché et la situation avait été désamorcée. En dévoilant une partie de la vérité de manière plus délibérée, il avait été plus facile pour les élèves de l’accepter. « Cela a permis de ne pas avoir à tout cacher à tout prix ».

Même cette fois-ci, le fait qu’Alus ait disparu de l’Institut pour récupérer Vanalis pouvait passer pour une partie de cela. En faisant croire à tout le monde qu’Alus était un étudiant spécial qui aidait parfois les militaires en mission, il n’avait plus besoin d’être aussi nerveux sur son identité. « Donc, du point de vue de Berwick, il fait ce qu’il peut même s’il est dénoncé par des nobles agaçants dans les hautes sphères. À la rigueur, je pense qu’il y a une autre raison à cela. »

« Comme ? » L’expression de Loki resta ferme. Elle n’accepterait pas qu’Alus soit pris dans les combines de qui que ce soit. Elle se sentait mal à l’aise et pensait aussi que sa colère face à la situation était justifiée. Mais elle réprima son mécontentement, affichant à la place une expression mystérieuse.

Même dans son entêtement, elle pensait à Alus, et il ne put s’empêcher de sourire. « Eh bien, par exemple, “J’attends avec impatience tes conseils et ta coopération” », dit-il sur le ton de la plaisanterie, faisant allusion à l’arrivée d’un troisième élève dans son groupe d’étude. Il jeta un coup d’œil à Loki pour observer son humeur.

« Et tu lui enseignerais dans ce cas ? » Loki lui opposa une réplique froide et tranchante.

Alus leva la main, haussant les épaules comme s’il abandonnait. « Certainement pas. Je n’en ai pas l’intention et je doute qu’elle ait le temps pour cela. Cela ne ferait que nuire aux deux parties. » Il avait pris cette décision après s’être souvenu de son bref échange avec Lilisha. En y repensant, il s’était dit que Cisty avait réussi à le cajoler pour qu’il s’occupe de Tesfia et Alice. Il n’y aurait pas de deuxième fois… probablement.

« Je suis soulagée de l’entendre. On aurait pu croire que tu répéterais la même erreur », déclara Loki. Ses pas étaient réguliers et résolus.

C’est vrai, s’il faisait ce que Loki lui disait, il aurait beaucoup de temps à consacrer à lui-même. Quelle partenaire fiable elle était… ! Cependant, Alus décida de retourner le sujet dans tous les sens. « Cela dit, je doute que ce soit l’approche qu’ils adoptent. Quoi qu’il en soit, c’est elle que Berwick a choisi d’envoyer. Elle a beau avoir l’air d’avoir le même âge que nous, il se passe vraiment quelque chose. »

« Est-ce que cela a quelque chose à voir avec la lignée des Frusevan plutôt qu’avec les Rimfuge, peut-être ? ».

« Je ne veux pas me mêler des affaires d’une noble famille, alors j’espère juste que ce n’est rien ».

« Dans ce cas, je vais… » Loki commença énergiquement avec un regard acéré, comme si elle anticipait quelque chose de déstabilisant.

Alus pensait que si quelque chose se produisait, elle risquait de perdre le contrôle, alors il envisagea secrètement d’inclure une enquête sur Lilisha dans ses plans. Indépendamment des étincelles qui pourraient jaillir, il n’y aurait pas de mal à faire des recherches au préalable. Mais il était bien décidé à ne pas se mêler des affaires de la noblesse. En même temps, il se souvint de la fille en question.

Lilisha Ron de Rimfuge Frusevan. Alus avait du mal à traiter avec elle. Il avait considéré la noblesse comme n’étant rien de plus qu’un groupe de personnes malveillantes, mais il commençait à comprendre qu’elles étaient plus variées que cela.

En fait, il ne pouvait pas juger les nobles qu’il avait rencontrés depuis qu’il s’était inscrit à l’Institut selon ses anciens critères. Il y avait la sympathique Felinella, et même Tesfia, malgré les apparences, différait de ce à quoi il était habitué. Cela dit, il avait du mal à la classer dans la catégorie des nobles. Cependant, quelqu’un comme elle qui était directe et simple, dont il pouvait faire ce qu’il voulait, c’était en quelque sorte mignon pour un noble. Il ne pouvait que souhaiter que tous les nobles soient aussi faciles à manipuler que Tesfia.

Mais en réalité, ils faisaient le contraire. Ils bloquaient sa capacité à passer en force, en utilisant la force et en complotant dans son dos. En bref, il valait mieux agir par prudence. Cette fois-ci en particulier, Berwick semblait avoir une arrière-pensée, alors Alus pouvait facilement s’imaginer être pris dans des ennuis.

Si on en arrive là, Loki seule pourrait ne pas suffire. Eh bien, si Berwick a pris en compte le pire des scénarios, il a déjà pensé à ce que je me défende et que j’utilise la force. Alors il ne pousserait probablement pas à faire quelque chose d’imprudent.

En peu de temps, Alus et Loki étaient arrivés au port circulaire menant à Beliza, dans le quartier du milieu où se trouvait l’institut. Dès qu’ils y posèrent le pied, leurs corps d’information du mana furent analysés et enregistrés. Une fois cela terminé, toutes les informations avaient été dupliquées et transférées. C’était comme si leurs corps avaient été reconstruits après un scan complet.

Alors que les particules de mana remplissaient le port circulaire, Alus marmonna : « Puisque nous nous sommes occupés de Vanalis, j’espère que nous pourrons vivre en paix et en toute tranquillité pour le moment. » C’est ce qu’il ressentait vraiment.

« C’est vrai. Nous avons été très occupés ces derniers temps… Je suis sûre qu’on va pouvoir se calmer un peu. Cela va revenir à la normale », dit Loki pour le consoler, mais Alus n’arrivait même plus à dire ce qui était normal et anormal. « Normal » signifiait probablement vivre une vie d’étudiant ordinaire à l’Institut.

Mais quand il pensait cela, il ne pouvait pas vraiment se résoudre à être d’accord. Malgré tout, c’est à l’Institut qu’il s’était retrouvé dans sa tentative de prendre ses distances avec l’armée, à la recherche d’une vie plus normale. Au final, ce n’était pas une mauvaise vie, même si elle était un peu stressante et étrangement occupée.

Alus repoussa de force ses doutes. Mais il était au moins sûr que le laboratoire de l’Institut était l’endroit où il avait sa place pour l’instant.

« Tu peux aussi voir les choses de cette façon, Sir Alus », dit Loki en levant un doigt. « Même si tu ne peux pas te la couler douce, tu peux voir les petits problèmes comme du piment dans un quotidien ennuyeux, pour changer de rythme. »

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Partie 2

La suggestion de Loki avait certainement son utilité. Alus passait en effet la plupart de son temps à faire des recherches sur la magie. Et il avait tendance à se perdre dans ses recherches, à passer des nuits blanches si nécessaire, si bien qu’il était clair qu’il menait un mode de vie malsain. Dans ce cas, le fait de s’attirer des ennuis lui permettait de faire une pause dans ses recherches, presque comme un moyen de se distraire.

Il était facile de deviner les intentions de Loki. Le fait est qu’elle voulait qu’il améliore son mode de vie, qu’il sorte et qu’il fasse de l’exercice. Elle lui en avait parlé à tue-tête.

Pourtant, j’ai l’impression que les choses sont un peu différentes qu’avant. Elle ne devrait pas vouloir qu’il s’attire des ennuis. C’était clair quand il avait plaisanté sur le fait d’enseigner à Lilisha. Loki détestait tout ce qui privait Alus de son temps libre. Elle éprouvait du ressentiment à son égard. Il était donc étrange qu’elle change soudainement d’avis. Est-ce qu’il va pleuvoir ? Eh bien, dans le cas de Loki, je suis sûr qu’il y aurait des éclairs, pensa-t-il avec un certain amusement, avant de l’oublier et de revenir au sujet. « Non merci, je te passe les ennuis. »

« Ne t’inquiète pas. Je suis sûre que tout ce qui t’arrivera ne posera aucun problème, et si par hasard il s’agit de quelque chose de nocif, tu n’auras qu’à les éliminer », déclara Loki avec un sourire intrépide. Le fait que cela lui convienne était un peu effrayant.

« Oui », dit Alus après une pause. Il semblait qu’il n’y aurait pas de changement à la politique d’élimination de quiconque se mettait en travers de son chemin.

Loki se montrait étrangement agressive. Peut-être était-ce dû à l’influence persistante de la mission de reprise de Vanalis. L’effort de recrutement de Lettie avait probablement eu un certain effet sur elle aussi. Lettie l’avait reconnu en tant qu’être humain, lui proposant d’aller jusqu’au bout même si les militaires essayaient de se mettre en travers de son chemin. Cela montrait sa sincérité, son respect et sa confiance. Il était impossible que quelque chose comme ça n’impressionne pas Loki. C’est pourquoi Alus décida qu’il valait mieux lui obéir et hocha la tête.

Naturellement, il y avait aussi des choses avec lesquelles il était d’accord. « Je veux éviter toute querelle autant que possible. Je n’ai pas non plus la moindre idée de ce que pense Berwick. Bien sûr, si la limite est franchie, ne fais preuve d’aucune pitié. »

« Bien sûr ! » Loki serra le poing, le tenant devant sa poitrine pour montrer sa motivation.

« Évite juste de faire quelque chose d’irréfléchi ».

« S’il te plaît, ne t’inquiète pas. Je sais comment le faire avec modération. Je me retiendrai même. »

Alus ne savait pas qui elle imaginait, mais il sentait venir un mal de tête, car on aurait dit qu’elle était prête à les punir. En voyant le sourire éclatant de Loki, il comprit que toute autre conversation était inutile. Il se força à croire qu’il pouvait tout lui laisser, et passa à autre chose.

À quelques pas de leur point d’arrivée, ils atteignirent un autre port circulaire. Il les conduira à leur destination, l’Institut. D’ailleurs, seules les personnes liées à l’Institut, identifiées par leur licence, pouvaient utiliser un port circulaire pour y accéder directement.

Cela dit, ils n’en étaient pas loin. Ils pourraient simplement courir jusqu’au bout, mais les blessures de Loki n’étaient pas encore complètement guéries. Son corps étant enveloppé de bandages, il lui était strictement interdit de faire le moindre exercice vigoureux. Le magicien qui l’avait soignée lui avait également dit de se reposer autant que possible.

Après avoir effectué leur dernier transfert, les deux individus étaient revenus sur le terrain de l’institut. L’agitation qui régnait autour d’eux remplit Alus d’un étrange mélange de soulagement et de tristesse.

C’était un peu nostalgique et aussi quelque peu agaçant, un cadre propre à l’Institut. Les étudiants n’avaient pas vraiment le sens de la réserve ou de la considération en raison de leur jeunesse, et par conséquent, le campus était rempli de bruit.

Du point de vue de l’heure, il était juste après midi. La première leçon après le déjeuner n’avait pas encore commencé.

Le temps, artificiellement généré comme toujours, était clair aujourd’hui, sans le moindre nuage dans le ciel. Les deux jeunes se faufilèrent un peu partout à cause de ce qui s’était passé pendant le festival du campus. Les capacités d’Alus avaient été révélées lors de sa prétendue bataille fictive contre Élise, et bien que Lilisha ait clarifié la situation avec son petit numéro — et qu’elle ait été encore plus oubliée avec l’apparition de Lettie —, il voulait éviter un deuxième incident si possible.

Les deux avaient décidé d’aller dans la chambre d’Alus dans le bâtiment des recherches plutôt que d’aller en cours pour la journée.

Une fois installé, Alus n’eut pas l’énergie de retourner en classe. Cela dit, il n’allait pas non plus se reposer, car il se dirigea immédiatement vers son bureau pour commencer ses propres recherches.

Loki n’était pas encore complètement guérie, alors elle prit une page du livre d’Alus et étudia la magie toute seule. Leur dernière mission lui avait fait comprendre qu’elle n’était pas assez douée pour le suivre… et aussi qu’un magicien pouvait facilement blesser quelqu’un avec ses pouvoirs. En d’autres termes, ils manient constamment l’arme mortelle qu’est la magie.

C’est pourquoi l’utilisation correcte de la magie a toujours été une question qui revenait à chaque fois dans les discussions. La raison pour laquelle les organisations criminelles comme Kurama — et les magiciens qui s’écartaient du droit chemin — étaient détestées, c’est qu’elles utilisaient le pouvoir destiné à lutter contre les Mamonos contre leurs semblables. Dans le monde extérieur, ce concept était un peu moins respecté, mais dans le domaine humain, la magie était un pouvoir qui devait être correctement utilisé et géré.

Cependant, Loki estimait que ses pouvoirs n’avaient pas encore atteint le point où leur utilisation pouvait être remise en question. Elle repense à l’homme des neiges de Vanalis. Il avait blessé des gens sans hésiter et elle n’avait pas la capacité de s’opposer à lui. Et si Alus était arrivé ne serait-ce que quelques instants plus tard, elle aurait pu mourir. Peu importait qu’elle ait raison, car sans pouvoir, elle était impuissante face au mal.

« Quand même, l’attribut Foudre possède sûrement beaucoup de sorts classés tabous », dit Loki, en essayant de tirer quelques informations d’Alus alors qu’elle lui servait du thé.

« On pourrait dire que l’attribut est adapté au combat de par sa nature », répondit Alus sans se tourner vers elle, le regard fixé sur son travail. Il était en train d’accéder au serveur de l’armée pour recueillir des informations sur les sorts tabous, usant de l’autorité que lui avait accordée le gouverneur général.

Cela dit, il avait une limite de temps, et ce n’était pas comme s’il était autorisé à voir tous les documents sur les sorts tabous. Le serveur contenait également des informations top secrètes, mais l’autorisation accordée à Alus ne concernait que la magie. Tout accès non autorisé couperait immédiatement la connexion et alerterait le gouverneur général, tout en envoyant un historique des personnes ayant accédé au système.

Non pas que je ne puisse pas trouver un ou deux moyens de contourner le problème… Mais pour l’instant, je vais attendre et voir. Avec un sourire malicieux, les doigts d’Alus glissèrent sur le clavier virtuel et il put rapidement trouver quelques informations.

Oh, maintenant c’est… Ses yeux s’écarquillèrent. Il appela Loki et lui demanda de jeter un coup d’œil. C’était indirect, mais ça ne faisait pas de mal de faire quelque chose de gentil pour sa partenaire.

« Des sorts puissants qui correspondent au vertex du tonnerre !? Mais on dirait qu’ils sont classés comme tabous. Je me demande quels sont les critères pour cela. »

« Eh bien, les critères diffèrent un peu entre le droit international et ce qu’Alpha a classé de son côté. Il y a des sorts qui ne sont pas connus des autres nations. » Beaucoup d’entre eux étaient nés du sombre passé de l’armée… de son héritage négatif. Ils avaient été développés à des fins inhumaines, en utilisant l’expérimentation humaine, et si le public venait à les découvrir, la confiance dans l’armée s’effondrerait.

« Les habitants du monde intérieur sont insouciants », poursuit Alus. « Ils croient facilement que les lames utilisées pour les protéger sont maniées avec une volonté juste et dans un but plus grand ». Il existait des sorts configurés pour ne fonctionner que sur les humains, et des sorts qui entraînaient un massacre si l’utilisateur était négligent. Alors, pourquoi avoir recours à ce genre de recherche ? Mais ce n’était pas si simple. « La façon courante de créer de nouveaux sorts consiste à reconfigurer les sorts existants. En d’autres termes, il se construit constamment sur lui-même, donc même la recherche de base d’un sort horrible peut être utile. »

« C’est donc une question d’éthique, alors… »

« Tu l’as compris. La Détonation de Lettie pourrait facilement faire exploser une ville si elle ne fait pas attention. Ce serait le sort parfait pour conquérir les villes des nations ennemies. »

« Quelle ironie ! La magie était censée être une arme contre les Mamonos, mais elle pourrait bien finir par être utilisée contre d’autres humains », marmonna Loki.

L’idée que c’était ainsi que les choses se passaient vint à l’esprit d’Alus, mais il ne le déclara pas à voix haute. Il avait vu beaucoup de criminels magiques, de magiciens qui s’étaient égarés, dans son travail, dans l’ombre. En fait, il avait croisé le fer avec un bon nombre d’entre eux et les avait tués. Même s’il s’agissait de minables qui méritaient la mort, il avait utilisé ses pouvoirs contre des gens plutôt que contre des Mamonos.

Cela mis à part, si les magiciens commençaient à oublier ce pour quoi ils se battent, leur rôle de ceux qui portent l’avenir de l’humanité sur leurs épaules serait perdu. Comme ils étaient les seuls à pouvoir s’opposer aux Mamonos, l’existence des sorts tabous n’en était que plus effrayante.

Alus chassa ces pensées insensées de sa tête. Il préférait laisser l’image d’un magicien idéal au sérieux de Jean et aux autres magiciens à un seul chiffre. « En parlant de tonnerre… » dit-il en regardant à nouveau la liste des sorts tabous.

Comme l’accès était restreint, l’écran virtuel de l’affichage était plus sombre et plus difficile à voir que d’habitude, et pour voir les formules magiques et d’autres détails, il y avait plusieurs verrous à défaire. Le code de licence d’Alus suffisait à les déverrouiller, mais cela demandait un peu de temps et d’efforts. « Sur les huit sommets du tonnerre, il y a moins de sorts classés tabous que je ne le pensais. Les sorts de cette classe requièrent en effet un haut degré d’affinité, alors je suppose que c’est un problème pratique puisqu’il y a si peu de gens qui pourraient les utiliser. J’imagine que même Sajik n’en a pas appris un. »

Quel que soit le degré de maîtrise de l’attribut foudre, les huit sommets n’avaient rien à envier aux autres. Le sort de niveau expert Naruikazuchi était plutôt un atout propre à Loki. « Je peux tout juste utiliser Kuroikazuchi, mais c’est incroyablement inefficace. »

Des huit sommets du tonnerre, Kuroikazuchi était l’un de ceux qui étaient le moins influencés par les affinités. Malgré tout, Alus était le seul à pouvoir compenser le degré de précision anormal de sa construction pour qu’il lui corresponde un peu mieux. En ce sens, même lui ne pouvait pas vraiment utiliser le Kuroikazuchi.

Cependant, Loki s’était contentée de le féliciter honnêtement. « Incroyable ! Kuroikazuchi est un sort de niveau ultime et sa formule magique n’a même pas encore été publiée ! »

La magie de niveau ultime était de la même catégorie que les sorts tabous, et le simple fait d’apprendre la formule magique était une épreuve. On disait que son apprentissage allait au-delà de ce que l’on pouvait obtenir par le seul effort. En fait, seuls les hauts gradés de l’armée savaient qui pouvait utiliser ces sorts.

« Crois-tu que je pourrais aussi l’apprendre ? » Loki demanda avec excitation à Alus, en approchant son visage. Elle agissait comme si elle avait trouvé un remède secret qui lui donnerait un coup de pouce immédiat et massif. Elle ne cherchait la force que pour le bien d’Alus. Son regard intense était rempli d’espoir et d’attente.

Cependant, Alus la rejeta sans ménagement. « Ce n’est pas possible. Compte tenu de l’affinité et de la consommation de mana, ce n’est tout simplement pas réaliste. Ce n’est pas vraiment un sort pratique pour un combat réel. » C’était l’une des raisons pour lesquelles seuls les Singles pouvaient manier les sorts de niveau ultime. Non seulement ils étaient difficiles à apprendre, mais un magicien normal ne pourrait jamais s’en charger, compte tenu de la quantité de mana nécessaire.

C’est aussi pour cette raison que les Singles étaient considérés comme monstrueux. Ils étaient dans un domaine à part comparés aux autres magiciens.

« Je vois…, » bien que plein d’attentes, Loki s’était fait abattre sans pitié.

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Partie 3

« Il n’y a pas lieu d’être déçu. Regarde, par exemple, ce… Oh, c’est aussi un sort tabou. » Les huit sommets du tonnerre n’étaient pas tous des sorts sains. Même s’ils avaient été développés pour être utilisés contre les Mamonos, certains étaient encore plus efficaces contre les humains.

La politique militaire actuelle était qu’Alpha n’avait pas besoin de sorts qui tuent des gens. De ce point de vue, l’existence même du M2-Polaris de Lettie constituait une menace majeure pour la paix mondiale. Mais s’il s’agit de Loki, elle pourrait être capable d’apprendre des sorts tabous au même niveau que les sommets. Mais est-ce que je peux vraiment afficher ces données ? Elles pourraient être divulguées à Berwick…

C’est une chose qui mérite réflexion. S’il était révélé que Loki connaissait un tel sort sans être un Single, il serait évident de savoir de qui vient ce savoir. Berwick avait donné à Alus des privilèges d’accès parce qu’il lui faisait confiance, ce serait donc un mépris total.

Alus se gratta la tête. « Eh bien, je suppose que ce ne serait pas la première fois ». Et c’est ainsi qu’il choisit de copier les données. Berwick gardait encore des informations sur Lilisha — probablement — alors ce n’était que justice. Ou pas… Mais il pouvait simplement considérer cela comme une autre récompense pour Vanalis.

« Maintenant, je pense que c’est suffisant. Je n’ai pas beaucoup de temps, alors je vais balayer rapidement le reste. » Alus donna un coup de coude à Loki, qui regardait l’écran avec une intense concentration. Il pouvait comprendre sa curiosité, bien sûr. Loki était une magicienne à part entière. Elle ne pouvait qu’être intriguée par les sorts de haut niveau, tabous ou non.

« Je suis désolée !!! » Loki s’était empressée de s’excuser et avait reculé d’un pas.

« Tu n’as pas besoin d’aller aussi loin. Il n’y aura pas de problème si tu le regardes juste derrière moi. Mais ne dis rien de ce que tu vois. Si Berwick l’apprend, il s’en servira pour conclure un marché. »

« Bien sûr ! » répondit Loki d’un ton vif. Ne pouvant cacher son excitation, elle se positionna juste derrière Alus, à quelques centimètres de lui.

Ignorant cela, Alus reporta son attention sur son travail. Il ne pouvait plus faire l’imbécile. Il n’avait pas demandé des privilèges d’accès juste pour s’amuser, mais pour examiner la magie taboue et obtenir une piste sur l’identité de l’homme des neiges. Il était probablement membre d’une organisation criminelle comme Kurama, mais la magie qu’il avait utilisée avait quelque chose d’étrange. Le sort transformant Vanalis en un paysage enneigé, et la façon dont les Mamonos semblaient se coordonner… C’était clairement possible, mais comment ?

Je ne pense pas que mes chances de le trouver de cette façon soient très élevées de toute façon. Le sort est probablement fondamentalement différent de ceux que nous utilisons. Il avait l’impression que la construction de la magie impliquée avait été tissée par un mode de pensée complètement différent. Il est probablement aussi plus proche de l’essence de la magie que ne l’est notre magie moderne. C’est une forme plus complète de celle-ci.

C’était la plus grande source d’inquiétude. Ce n’était qu’une conjecture, mais cela signifiait que la magie de l’adversaire était plus proche de la forme complète de magie que les Mamonos utilisaient.

La magie utilisée par les humains était remplie de bruits provenant de leurs pensées et de leurs émotions. Alus pensait que c’était le principal facteur qui empêchait la magie humaine d’être perfectionnée. Si ce handicap pouvait être supprimé, l’équilibre entre les Mamonos et les humains changerait radicalement. Et l’ennemi avait réussi, d’une manière ou d’une autre, à mettre la main dessus.

Alors qu’il faisait défiler rapidement le contenu, son cerveau s’accélérait lui aussi. L’écart de magie entre les humains et les Mamonos est important. Le Kehenage qu’utilisait le mamono dominant de Vanalis, le Shem Azah, en était un excellent exemple. En termes de quantité de mana, Alus pouvait utiliser des sorts à la même échelle, mais la précision dans la construction serait nettement inférieure.

La magie de haut niveau était pratiquement la vraie nature des Mamonos. C’était le domaine dans lequel ils excellaient le plus. Comme il l’avait montré à Vanalis, Alus pouvait encore prendre des contre-mesures, mais c’était déjà un problème. Il ne pouvait pas protéger l’intégralité du domaine humain à lui tout seul. Ils n’avaient pas besoin d’être au niveau d’Alus, mais à moins que tous les Doubles — non, peut-être seulement les Singles — aient suffisamment de connaissances et de compétences pour ne pas se laisser distancer, il ne connaîtrait jamais la paix.

Le point de vue dominant était que l’équilibre entre les Mamonos et les humains devrait au moins être égal. Mais il y avait beaucoup de choses à craindre, comme l’affaiblissement du pouvoir de la Tour de Babel, l’apparition de Mamonos comme le Dévoreur, et les facteurs troublants qu’ils avaient vus à Vanalis. La situation ne lui paraissait pas optimiste.

Sous le regard de Loki, Alus passa en revue les sorts d’attributs de glace. Quelques-uns avaient attiré son attention, mais comme prévu, ceux qu’il cherchait étaient introuvables.

Il y en avait un qui semblait prometteur, mais lorsqu’il l’examina de plus près, il découvrit que ni la formule magique ni ses effets n’avaient été enregistrés. « Mouton d’herbe, hein. Il est classé tabou, mais tout ce qu’il dit, c’est son nom. »

Alors qu’il se gratta la tête, Loki demanda : « L’as-tu trouvé ? ».

« Non, ce n’est probablement pas non plus ça. Enfin, ce n’est pas comme si je m’attendais à grand-chose. » S’il y en avait d’autres, ce serait les sorts gardés secrets dans les familles nobles comme l’avait suggéré Berwick, ou peut-être les sorts tabous des autres nations. Et si les familles nobles d’Alpha étaient secrètes, il ne serait pas étrange que les familles nobles des autres nations fassent de même. Dans ce cas, je ne peux rien faire… Non, il y a encore une possibilité.

Une idée lui vint à l’esprit, mais elle n’avait pas beaucoup de chances de donner des résultats non plus, alors il se contenterait de vérifier plus tard. Sur ce, il fit glisser ses doigts sur le clavier pour fermer l’écran virtuel. « Au moins, j’ai pu jeter un coup d’œil aux sorts tabous. Si tu vois de bons sorts, je t’arrangerai une formule magique à l’occasion. Je ne peux pas après tout me contenter de la copier telle quelle. »

« Vraiment ? ! Ne le retire pas, d’accord ! »

« Ne te fais pas trop d’illusions. Je pensais juste bidouiller quelques formules après avoir été stimulé par ceci. Ce ne sera qu’un projet secondaire dans le cadre de mes recherches. »

« C’est plus qu’il n’en faut, Sire Alus ! » Loki frappa ses mains l’une contre l’autre et sourit, avant d’avoir une idée et de changer d’expression. « Ne penses-tu pas que ce genre de conseils est plus précieux que les leçons de l’Institut ? ».

« C’est évident, mais il est trop tard pour dire quoi que ce soit maintenant ». C’était pour cette raison qu’Alus avait tendance à sécher les cours. Il n’avait pas prévu de sécher autant, mais cela ne servait à rien d’assister aux cours plus que nécessaire. S’il y réfléchissait vraiment, il arriverait probablement à la conclusion que venir à l’Institut était dès le départ une erreur.

Alors qu’Alus terminait son enquête, la sonnette de la porte retentit, juste au moment où il pensait prendre une tasse de thé pour se détendre. Il pouvait deviner de qui il s’agissait rien qu’à la façon dont elle sonnait. Mais il s’attendait déjà à ce qu’elles viennent, et jeta un coup d’œil à Loki pour qu’elle ouvre la porte.

« Ah ! Je savais que tu étais de retour ! » Tesfia s’exclama.

« Bon retour parmi nous. Comment s’est passée la mission ? » demanda Alice.

Un petit soupir s’échappa des lèvres de Loki qui ouvrit la porte et découvrit une Tesfia souriante avec Alice derrière elle. Il semblerait que les cours soient terminés pour la journée et qu’elles se soient arrêtées sur le chemin du retour. Si Alus leur avait dit qu’il avait une affaire à régler, elles auraient facilement deviné qu’il s’agissait d’une mission, c’est pourquoi il était parti sans rien leur dire.

« Qui vous l’a dit ? » demanda Alus. « Seule la directrice le saurait, mais je doute qu’elle ait dit quoi que ce soit ».

« N’aurait-on pas dû dire quelque chose ? » Alice mit la main sur sa bouche et frappa Tesfia avec son coude.

« Hum… Eh bien, c’est bon, n’est-ce pas ? Alice et moi sommes les seules à savoir. Nous n’irions pas le dire à quelqu’un d’autre. » Tesfia posa son sac et essaya de passer à l’entraînement.

« Ça ne marchera pas. Si tu veux que je te forme, réponds à ma question. »

Les deux filles se regardèrent. Comme si elle abandonnait, Tesfia prit la parole avec une moue. « Rien que de voir cet air suffisant me tape sur les nerfs. Alors je n’ai vraiment pas envie de le dire. »

« Tu n’es pas une enfant. » Alus était exaspéré, mais il semblait que quelqu’un avait prévenu les deux de leur retour. C’était une mauvaise nouvelle pour lui.

Il était difficile de se sentir à l’aise si chacun de ses pas était observé. C’est ce genre de choses qui l’obligeait à être sur ses gardes lorsqu’il consultait des informations confidentielles dans sa chambre. Cela dit, il s’agissait de secrets militaires, donc la discrétion serait de toute façon nécessaire. Malgré tout, il y avait une grande différence entre le fait d’avoir un espion qui le surveillait constamment et le fait de ne pas en avoir.

Il en allait de même pour la dissimulation de son identité. Sa relation avec l’armée avait été révélée, mais personne ne savait encore qu’il était un magicien à un seul chiffre.

Ensuite, il se tourna vers Alice. Elle ne put que rire maladroitement avant de tirer un peu la langue. Apparemment, il s’était passé quelque chose pendant son absence. « On dirait qu’ils ne t’ont pas dit de te taire, alors dépêche-toi et… » Alus mit la pression.

… Quand une autre voix se fit entendre. « Je crois que je serais la mieux placée pour répondre à cette question ».

Tesfia et Alice se retournèrent avec surprise, tandis qu’Alus et Loki se contentèrent de fixer la personne. Ils avaient repéré sa présence à l’avance, même si elle n’essayait probablement pas de la cacher.

En poussant la lourde porte, Lilisha se montra, ses cheveux blonds flottant. Elle la regarda dans les yeux, comme si elle demandait la permission d’entrer.

Était-elle en train d’écouter aux portes ou attendait-elle simplement le bon moment pour apparaître ? Quoi qu’il en soit, je ne peux pas dire si elle essaie d’être polie, mais le fait qu’elle ait utilisé son pied pour empêcher la porte de se fermer… et qu’elle ait quand même cherché la permission d’entrer… c’est un peu une demi-mesure.

Il y avait chez elle une atmosphère mièvre, presque timide. « Excusez-moi. » Elle entra maladroitement et regarda la pièce. « Oh, comme c’est intéressant », dit-elle, comme si c’était la première fois qu’elle se trouvait dans une pièce appartenant au sexe opposé.

La façon dont elle semblait étrangement impressionnée lui tapait sur les nerfs, mais Alus décida de ne pas en parler. L’espace intérieur était le territoire de Loki, après tout.

« Pourquoi es-tu là ?! »

« Oh, ne me laisse pas de côté, Fia. » En réponse à l’exclamation vive de Tesfia, Lilisha lui répondit d’un ton léger avec un sourire enjoué, comme si elles étaient amies. D’après son comportement, il semblait que Lilisha ne cherchait pas à la contrarier. Comme si elle y était habituée, elle laissa passer les remarques de Tesfia. Cependant, selon la façon dont on l’observe, son attitude pourrait être interprétée comme le fait qu’elle n’ait même pas fait attention à Tesfia. C’était ce côté d’elle qui utilisait les autres comme des pions dans un jeu sans aucune honte afin de comploter contre son entourage si nécessaire. S’il n’y avait pas le regard de dégoût de Tesfia, n’importe qui penserait qu’il s’agit de camarades de classe qui s’entendaient bien.

« Sans compter que mon travail consiste à observer monsieur Alus », poursuit Lilisha. « Je t’ai dit qu’il était revenu en signe de notre amitié ».

C’est donc elle la source, pensa Alus, et il fronça les sourcils.

☆☆☆

Partie 4

« Je ne t’ai pas demandé de me le dire. D’ailleurs, as-tu déjà vraiment regardé ce que tu fais ? Tu es comme un harceleur qui se faufile dans les coulisses ! Hmph ! Je suppose que c’est ainsi que les Rimfuges moroses et misérables font les choses ! »

« — !! » Lilisha rétrécit les yeux et lança un regard noir à Tesfia. Étonnamment, même si elle semblait douée pour esquiver ses adversaires et garder son sang-froid, elle semblait vraiment offensée à présent.

Oh, elle va donc réagir à cela. Elle essaya de maintenir un sourire amical, mais Alus pouvait voir à quel point il était tendu. Il semblait que l’existence de Tesfia en était la raison. Pour le meilleur ou pour le pire, Lilisha et elle semblaient fondamentalement incompatibles.

« C’est ma mission ! C’est du travail, d’accord ! Et puis, tu ressembles bien plus à une harceleuse que moi, à entrer nonchalamment dans la chambre d’un homme sous prétexte de s’entraîner. Et ce, en permanence ! Juste pour que tu saches, tu es ignorante et tu manques d’égards. Tu agis bien trop mal pour la fille de la famille Fable, » s’écria Lilisha avec une surprenante puérilité.

« On dirait que tu as déjà fait tomber ton masque », marmonna Alus avec exaspération, ce qui sembla faire sortir Lilisha de ses gonds. Elle se redressa et arrangea rapidement ses cheveux en désordre, mais il était déjà trop tard. Pendant ce temps, Tesfia souriait.

En les voyant toutes les deux, l’image de la noblesse qu’Alus avait auparavant dans sa tête s’effondrait rapidement. Il ne voyait plus l’aversion qu’il éprouvait à leur égard comme un signe d’étroitesse d’esprit. Tesfia avait même l’air de vouloir lever le poing pour se réjouir, mais Alus l’ignora et revint sur le sujet. Il aurait normalement évité ce genre de choses, mais il n’y avait rien d’autre à faire dans cette situation. « Alors tu as parlé à ces deux-là. En fait, mes mouvements — et ceux de Loki — sont techniquement un secret militaire, alors d’où tiens-tu cette information ? »

« Oh, c’est bien ! Cette façon de parler donne l’impression que nous sommes proches. Je suppose que faire semblant d’être des élèves n’est pas si mal. »

« … » Alors que Lilisha semblait se vanter, Alus fit silencieusement monter la pression. Après tout, il était étudiant parce qu’il le voulait.

Lilisha haussa les épaules, puis continua. « Il est facile de mettre la main sur des informations grâce à des relations, Sire Alus. Oh, c’est vrai, les titres ne sont pas nécessaires… Alus. À vrai dire, mon frère est dans l’armée, alors il se trouve que je l’ai entendu par hasard. Bien sûr, la seule chose que j’ai entendue directement concernait les mouvements militaires. Et puis Lady Lettie est apparue à l’Institut et tu as disparu avec elle au quartier général de l’armée… » Son ton donnait l’impression que n’importe qui aurait pu comprendre.

C’est vrai que cela avait l’air simple quand elle le disait comme ça, mais cette attitude pourrait froisser Loki. Il est vrai qu’il lui avait dit qu’il n’était pas nécessaire d’être aussi formel.

Quand Alus jeta un coup d’œil à Loki, il vit qu’elle était silencieuse, mais ses lèvres serrées et son regard froid montraient clairement ce qu’elle ressentait. Il voulait qu’elle se contrôle, mais il avait peur de ce qui l’attendait à l’avenir.

Ignorant les pensées d’Alus, Lilisha poursuit : « Mais je n’ai parlé de toi à ces deux-là que parce qu’elles ont été très insistantes. Je veux que tu comprennes au moins cela. »

Tesfia grinça des dents. Incapable de le supporter plus longtemps, elle objecta. « C’est parce qu’elle n’arrêtait pas de nous taquiner à ce sujet ! Comme si elle étalait des informations qu’elle seule connaissait, Al ! » dit-elle, le visage rouge, en désignant Lilisha.

« Je m’en fiche », dit Alus. « Ne me regarde pas ».

Pendant ce temps, Alice n’affichait qu’un vague sourire, agissant beaucoup plus modestement. Et Lilisha avait l’air tout à fait sereine à côté de Tesfia en ébullition, comme si elle était prête à mettre encore plus d’huile sur le feu.

Il était vraiment difficile de dire qui était noble entre ces deux-là et Alice. Si on lui demandait qui était le noble, Alus n’hésiterait pas à choisir Alice.

Tesfia n’aimait tout simplement pas que Lilisha se comporte de façon aussi hautaine alors qu’elles avaient le même âge et que Lilisha venait tout juste d’être transférée. Les nobles rivalisent généralement entre eux lorsqu’ils en ont le temps, mais ces deux-là ne s’entendaient tout simplement pas. D’après ce qu’Alus avait compris de la déclaration de Tesfia, il semblerait que la famille Rimfuge en particulier était considérée comme non conforme et isolée du reste de la noblesse.

C’est alors que Loki intervint, sentant peut-être l’épuisement mental d’Alus. « Madame Tesfia, nous n’avançons pas, alors peux-tu te taire un instant ? Il semble que les manières de Mme Lilisha te dérangent, mais peux-tu essayer de ne pas la laisser te déranger trop souvent ? Elle n’est qu’une observatrice envoyée par l’armée. Ni plus ni moins. » Loki avait l’air d’être au courant de tout, mais il semblerait qu’elle n’aimait pas non plus Lilisha, vu le ton ferme qu’elle employait.

« Mon Dieu, même vous aussi, madame Loki ? N’y a-t-il personne ici qui me comprenne ? » demanda Lilisha d’un air renfrogné, essayant de s’attirer la sympathie, mais personne n’allait se laisser prendre à un acte aussi transparent…

… Sauf pour une personne. « Ce n’est pas vrai. Je veux être ton amie. C’est juste qu’ils ne te comprennent pas vraiment, mais je suis sûre qu’en passant plus de temps ensemble, nous pourrons tous nous entendre, Lilisha », proclama Alice avec un étrange sentiment de tolérance. Elle prit la main de Lilisha dans la sienne et la regarda droit dans les yeux.

« Merci, madame Alice. » Lilisha essuya ses yeux secs avec son doigt comme si elle était submergée par l’émotion. On aurait dit la fin d’un drame d’écolière où le malentendu s’était dissipé et où tout le monde s’était retrouvé.

« Oh, Alice… Tu te laisses toujours si facilement berner par ce genre d’actes », dit Tesfia d’un ton pointilleux, tandis que ses épaules s’affaissaient. Alus ne put s’empêcher d’être d’accord avec elle cette fois-ci. « Alice, ce n’est pas comme si Lilisha voulait vraiment être amie. Elle veut juste faire semblant d’être amie, alors ne t’embête pas avec elle. »

À ce moment-là, Lilisha se plaignit avec une expression inattendue et sérieuse : « Voilà que tu me laisses encore de côté. Pourquoi ne pouvons-nous pas faire semblant de nous entendre malgré certaines circonstances et certains agendas cachés !? »

Alus et les autres se contentèrent de la regarder sans rien dire, et elle ajouta tranquillement : « Ce “faire semblant” n’était qu’une façon de parler. »

« Je te comprends ! » D’ailleurs, la seule qui semblait « comprendre » les pensées intérieures de Lilisha était une Alice souriante.

« Oh, bien. Merci d’avoir joué le jeu avec moi, Mlle Alice. »

« Quoi ? » Alice la regarda avec surprise et confusion.

« J’adore ce genre de choses. Ne trouves-tu pas que c’est amusant ? Refaisons-le un jour. » Le ton sans appel de Lilisha avait probablement révélé ses véritables sentiments.

« Sais-tu au moins ce que sont les amis ? » lui demanda Alus.

« Peux-tu vraiment demander ça ? » rétorqua Tesfia.

Mais du point de vue d’Alus, Lilisha ne semblait même pas comprendre le sens du mot. Elle disait seulement « faire semblant » parce qu’elle ne le comprenait pas bien. Tout comme Alus et Loki, il y avait quelque chose qui clochait chez Lilisha. Au sein de la société noble, les Frusevans étaient traités comme des parasites. Alus pensait avoir vu une partie de la raison pour laquelle c’était le cas.

« Je ne veux pas être considéré comme un plouc. Même moi, j’ai des amis. Comme maman et papa. »

Tout le monde s’était figé un instant… et après avoir échangé des regards, il était clair qu’ils étaient tous d’accord pour dire qu’il y avait, au minimum, quelque chose qui n’allait pas dans la personnalité de Lilisha. Si elle avait dit que son seul ami était le frère qu’elle mentionnait de temps en temps, elle pouvait encore passer pour une petite sœur qui ne s’ouvrait qu’à son frère. Mais en plus, elle avait parlé de ses parents. Même Alus n’était pas aussi déconnecté de la société. Il ne pouvait même pas se résoudre à faire remarquer que les parents ne comptaient pas comme des amis.

« Tout de même… quand on pense que tu appelles tes parents Papa et Maman. Tu as un côté étonnamment mignon, hein ? » dit Tesfia en se grattant la joue avec embarras.

Lilisha recula comme si elle avait reçu un coup de poing dans le ventre. Son visage devint rouge comme une betterave. Mais l’instant d’après, elle se débarrassa de sa honte et redressa sa posture. La façon dont ses expressions changeaient si rapidement donnait l’impression que sa personnalité était dotée d’un interrupteur.

Dans un changement complet par rapport à son attitude précédente, elle se tint droite. « Félicitations pour votre retour de Vanalis ! » C’était vraiment abrupt, sans compter que le nom de la région était lui aussi encore un secret militaire… Ses cheveux blonds tremblèrent tandis qu’elle baissait la tête et témoignait son respect à Alus.

Quand il vit ça, Alus a été convaincu que tous les nobles étaient bizarres. « J’aimerais les accepter, mais garde-le pour Lettie. » À ce stade, il avait renoncé à le cacher. En fait, comme il n’avait reçu aucun remerciement officiel de la part des militaires, cela le rendait même un peu heureux.

Cela dit, il était peu probable que Lilisha fasse l’éloge de ses capacités pour de vrai. C’était évident si tu suivais son regard.

« Hum, quoi ? Vanalis !? » Tesfia, bouche bée, regarda tour à tour Lilisha et Alus, la confusion se lisant clairement sur son visage.

Lilisha prit la parole avec un sourire ridicule. « Oh, très bien. Puisque tu es une petite première année ignorante, je ne te le dirai que pour cette fois, Fia. Ce serait triste que tu te sentes exclue après tout. »

Voyant que les joues de Tesfia rougissaient de colère, Alus regarda Loki pour qu’elle intervienne et empêche les choses d’empirer.

« Lilisha, le cerveau de cette rousse est peut-être vide, mais nous apprécierions que tu ne commences pas à créer des problèmes. »

Lilisha haussa les épaules, calme maintenant, et ferma la bouche. Voyant cela, Loki continua à énoncer la volonté d’Alus. « Vous comprenez aussi, madame Fia et madame Alice ? »

« D’accord », dit Tesfia. Et Alice répondit : « Oui. »

Levant l’index, Loki commença à l’expliquer aux deux filles avec son expression pleine de fierté. « Comme vous l’avez peut-être compris, Sire Alus et moi sommes allés reprendre une certaine région. Pour commencer, Sire Alus a déjà repris Covent, mais il n’a pas été entretenu pendant longtemps. C’est du passé maintenant, mais à l’époque, ils ont juste envoyé Sire Alus reprendre Covent sans rien prévoir pour la suite. Une fois que le gouverneur général Berwick a pris le relais, Alpha s’est finalement lancé dans la reconquête du Monde extérieur, en utilisant les exploits et les réalisations de Sire Alus comme tremplin… »

La façon dont Loki le mettait sur un piédestal faisait qu’Alus avait du mal à écouter, mais comme il ne voulait pas non plus l’interrompre, il restait silencieux.

« C’est pourquoi cet endroit est devenu beaucoup plus important. C’est un endroit clé pour déployer des troupes dans de nombreuses régions différentes. Il peut aussi servir de base dans le monde extérieur en cas d’urgence. C’est ainsi qu’il y a six mois, Lady Lettie s’est vu confier la mission de le reconquérir. »

« Et cet endroit, c’était Vanalis ? » demanda Tesfia.

Loki acquiesça. « J’omettrai les détails, mais Sire Alus a fait une promesse personnelle à Lady Lettie et a fini par aller l’aider. »

« Et donc vous avez réussi… ? »

Une question sans intérêt. Alus comprenait pourquoi Lilisha se moquait de Tesfia alors qu’il prenait la suite de Loki. « Si nous ne l’avions pas fait, nous ne serions pas revenus ».

« Oh », dit Tesfia. « Eh bien, c’est approprié venant de toi, Alus. »

Si cela avait suffi à convaincre Tesfia, Alus n’avait arboré qu’un vague sourire. Vanalis avait été reprise, mais de nombreuses questions restaient sans réponse, il était donc difficile de s’en réjouir. Loki le savait aussi, mais ne le laissait pas paraître.

Alice leva la main. En réponse, Loki ajusta des lunettes inexistantes comme s’il s’agissait d’un professeur et la pointa du doigt. « Vas-y, madame Alice. »

« Quel genre de monstres y avait-il ? Comment… reprenez-vous une région… ? » Vers la fin, elle se rendit compte qu’elle touchait à des secrets militaires et hésita. C’était en effet une question à laquelle il était difficile de répondre.

En tant que telle, Loki répondit à la place d’Alus. « Madame Alice, j’ai bien peur de ne pas pouvoir te le dire. Je suis sûre qu’il y aura une annonce officielle un jour ou l’autre. »

« Mais même dans ce cas, ce ne sera qu’un avis officiel, et ce ne sera pas forcément la vérité ». Lilisha comprenait les rouages de l’armée, elle était donc entrée dans le vif du sujet.

« Allez-vous vraiment dire ça, madame Lilisha ? Eh bien, ce ne serait pas la première fois », répondit Loki, imperturbable comme toujours.

Alus se contenta de hausser les épaules. « C’est comme ça. Mais je vous parlerai des types de Mamonos et des tactiques quand j’aurai un peu de temps. »

« Mais ne peux-tu pas le faire maintenant ? Est-ce parce que je suis là ? » L’expression de Lilisha s’était assombrie. En même temps, elle avait l’air étrangement triste.

« De toute façon, c’est ton frère qui te donnera les informations, n’est-ce pas ? D’ailleurs, il est assez clair que tu ne feras que vérifier tout ce que je dis pour confirmer que c’est valable, et que tu obtiendras des informations supplémentaires tant que tu y seras. »

« Oh, on dirait que tu as vu clair dans mon jeu. Mais tu ne vas pas jouer le jeu ? »

« Si tu as fini ici, rentre chez toi. Tu n’as pas l’intention de le cacher, et être observée n’a rien d’amusant. »

« Ne sois pas comme ça. Laisse-moi regarder aussi. Ce n’est pas comme si le fait d’observer était important. C’est un peu une façon de passer le temps. Si tu veux, je peux dire à mes supérieurs tout ce que tu veux ! » Le ton de Lilisha était un étrange mélange de formalisme et de décontraction, si bien qu’il était difficile de savoir comment elle comptait se présenter, mais il était clair qu’elle avait l’intention de rester.

☆☆☆

Partie 5

Elle s’approcha directement d’Alus. Il ne pouvait pas dire ce qui l’intéressait exactement, mais ses yeux parcouraient la pièce avec une curiosité enfantine. Comme elle regardait autour d’elle depuis un moment, son comportement était facile à lire.

« S’il te plaît ? Je ne vais pas gêner l’entraînement », supplia Lilisha en joignant les mains.

Alus soupira et finit par céder. « Fais ce que tu veux ».

« Voilà ce que j’attendais de la chambre d’Alus. Du matériel de recherche de pointe, des documents précieux… Ah, c’est la théorie magique de Lungdoberg ! Quoi ? N’est-ce pas le document qui a provoqué une controverse lors de la conférence académique ? » Lilisha le ramassa et fronça les sourcils. « Sans compter que tous ces livres sont rares. Qu’est-ce qui se passe !? »

« C’est le gouverneur général qui s’en est chargé. On dirait que tu es assez érudite. Normalement, les gens ne connaissent même pas le nom de ce genre de livres de niche. » Même Alus n’avait pas parcouru tous les derniers documents. Tout au plus, il décidait de ce qu’il allait lire en fonction du titre. De toute façon, il s’agissait de choses qu’Alus connaissait déjà, alors ça ne servait pas à grand-chose.

« Je ne fais que feuilleter ce qui m’intéresse. Même si je les lisais, je n’en comprendrais pas la moitié. »

C’était tout de même impressionnant, et Alus ne détestait pas ce genre d’approche. Au contraire, c’était admirable.

Récemment, Loki avait commencé à lire les livres difficiles que possédait Alus, et était devenue capable d’au moins en discuter. Mais à cause de son esprit érudit, Alus avait tendance à s’emporter dans ces discussions, ce qui la conduisait finalement à abandonner.

Certains des livres qu’il lisait étaient considérés comme hérétiques, alors toute discussion à ce sujet était encore pire. Rares ou non, ils étaient du genre qu’aucun chercheur sérieux ne regarderait même. « J’aimerais que Loki apprenne une ou deux choses de toi, mais je suis surpris que tu connaisses même ces ouvrages. »

« Je ne veux pas jouer les hautains, mais je suis un noble après tout. Tu sais, je reçois une bonne dose d’éducation. »

Parler avec Lilisha ressemblait à une discussion de bas étage avec un élève, mais ses lectures étaient dignes d’éloges. Le regard d’Alus s’était naturellement tourné vers l’autre noble de la pièce.

« Non, tu en demandes juste trop », répondit Tesfia avec un raisonnement juste.

« C’est vrai, alors tu n’as pas besoin de les prendre au sérieux, Fia », dit Alice. « Seuls les chercheurs vraiment bizarres regarderaient vraiment les livres ici ».

Alus avait une ou deux choses à dire à ce sujet, mais avant qu’il ne puisse la réfuter, il fut battu à plate couture.

« Eh bien, c’est pour cela qu’Alus se distingue parmi les chercheurs dans le domaine de la magie. Bien que cela s’arrête là, puisqu’il utilise rarement son vrai nom sur ses articles », dit Lilisha.

Si elle en savait autant, Alus n’avait aucune raison d’en dire plus. Elle avait fait ses recherches sur lui autant que sur les informations militaires. Malgré tout, Lilisha ne se mettrait probablement pas en travers de son chemin tant que quelque chose d’autre l’intéresserait. En fait, si elle devait se lancer dans une nouvelle querelle mesquine avec Tesfia, il préférait qu’elle se distraie en faisant le tour de la pièce.

Mais si, par un étrange retournement de situation, je devais l’entraîner… Eh bien, je crois que ça ne me dérangerait pas de parler. Quelques inquiétudes mineures germèrent dans son cœur, mais Alus secoua la tête et les nia. Il ne finirait probablement pas par lui enseigner ou la former, mais il n’était pas nécessaire d’être plus antagoniste que d’habitude. Elle pouvait au moins être une interlocutrice convenable.

Pour l’instant, il voulait éviter d’avoir à enseigner la magie à Lilisha… Alus renforça intérieurement sa détermination, juste au cas où.

Heureusement, cela ne s’était pas produit. Même si, ironiquement, son autre inquiétude concernant les problèmes qu’elle pourrait causer à Tesfia s’était avérée exacte.

Après avoir passé un certain temps à parcourir le laboratoire, Lilisha jeta un coup d’œil à Tesfia, qui s’entraînait en silence. « Hum, est-ce ça l’entraînement au contrôle du mana ? Ça fait un moment que je me pose la question, et ça peut paraître grossier, mais… peux-tu sérieusement ne pas le faire ? Comprends-tu les propriétés du mana ? » demanda Lilisha en gardant son sérieux. On dirait qu’elle s’était lassée d’observer la pièce et qu’elle s’était approchée de Tesfia pour chercher la bagarre. Les bords de ses lèvres se soulevèrent en un sourire sadique.

« Je le sais ! Ne te mets pas en travers du chemin », répliqua Tesfia, mais son ton s’était affaibli lorsqu’elle vit Lilisha faire étalage de son propre contrôle du mana.

D’après ce qu’Alus avait pu constater, son contrôle était comparable à celui d’un Double. Pour qu’elle atteigne ce niveau à son âge, elle devait s’être entraînée quotidiennement depuis l’enfance. En termes de contrôle du mana pur, elle pourrait même surpasser Loki.

Voyant que tout le monde la regardait, Lilisha confirma les réactions de chacun puis se couvrit la bouche d’une main, utilisant son autre main pour le contrôle du mana afin de produire une simple forme de couteau à partir de sa paume.

Elle était semblable à la lame de mana qu’Alus utilisait souvent. La fixation de sa forme était acceptable et il n’y avait probablement rien à redire non plus sur sa durabilité ou son tranchant. Le plus surprenant était qu’elle ait réussi à faire quelque chose d’aussi délicat d’une seule main.

Les magiciens aussi doués dans le contrôle du mana sont rares. Il semblerait plutôt qu’elle soit spécialisée dans le modelage du mana. C’était une capacité de contrôle du mana de haut niveau, mais d’après ce qu’il pouvait dire, elle mettait davantage l’accent sur la capacité à façonner librement le mana plutôt que sur une consommation efficace du mana. « Qu’est-ce qu’il y a, Fia ? Pourquoi es-tu si surprise ? »

« Argh… Bien sûr que je serais surprise ! Je n’ai vu qu’Al faire quelque chose comme ça ! » Tesfia répliqua vivement, ayant été forcée d’admettre la différence de leurs capacités.

« Quoi ? Je ne comprends pas. »

Loki fronça les sourcils. « Madame Lilisha, les élèves normaux ne peuvent même pas contrôler le mana. Même leur compréhension du contrôle du mana est vague. »

« Quoi, vraiment ? ! Ce n’est pas normal ? »

« Même moi, je ne peux donner une forme au mana que pendant une courte période sans AWR. Je dois admettre que c’est impressionnant. D’ailleurs, donner une forme au mana en tant qu’extension du corps m’est encore impossible… Pour l’instant, en tout cas. »

La dernière partie que Loki avait ajoutée montrait sa nature compétitive. Quoi qu’il en soit, elle disait la vérité. Très peu d’élèves, voire aucun, ne comprenaient vraiment le mana, ses propriétés ou son essence. De plus, personne d’autre qu’Alus ne pouvait l’utiliser librement comme forme d’énergie.

« Je vois. Je prends ça comme un compliment. D’un autre côté, j’ai quelques lacunes en matière de sortilèges », avoua Lilisha avec un sourire en coin. Admettre sa faiblesse était étonnamment franc de sa part. Après tout, les magiciens montrent rarement leur jeu.

Du coup, la distance entre elle et les autres s’était un peu réduite. Elle pouvait faire preuve d’un charme étrange ou d’une certaine amabilité.

« Tu n’as pas à le prendre comme n’importe quoi… J’étais sérieuse. Je ne peux que reconnaître tes compétences en matière de contrôle du mana. »

Alus était d’accord. « Oui, ce que dit Loki est la vérité. La plupart des gens ne pourraient pas se comparer à toi en termes de façonnage de la magie. Tu as dû t’entraîner pendant longtemps. »

Lilisha ne s’attendait pas à être autant félicitée alors qu’elle n’avait fait que taquiner Tesfia. Même Alus l’avait sérieusement reconnue. Elle resta un instant hébétée, avant de se ressaisir et de détourner le regard, les joues rouges. Puis elle appela Alice. « Ah, Alice ! Sais-tu qu’il existe une astuce pour prolonger la durée pendant laquelle tu peux contrôler ton mana ? »

« V-Vraiment ? » Alice servait à Lilisha de moyen pour cacher son embarras, mais la ruse retint son intérêt.

Comme des filles qui s’échangent des conseils de maquillage, Lilisha donna des conseils à Alice et commença même à lui enseigner quelques trucs. Comme cela pouvait permettre de progresser, Loki ne s’était pas interposée et s’était même jointe à elle pour donner des conseils.

Hm, plutôt que d’apprendre quoi que ce soit à Lilisha, il semble que je n’aurai rien à faire pendant un moment, se dit Alus en surveillant les filles harmonieuses.

Cependant, il y avait sur le côté une rousse têtue qui s’entraînait seule, refusant de se joindre au groupe. Ayant l’impression d’être mise à l’écart, Tesfia essaya d’étendre son mana à l’extérieur de son corps, comme l’avait fait Lilisha. Cela dit, si elle pouvait déjà faire quelque chose comme ça, Alus n’aurait plus rien à lui apprendre. Si elle en avait les capacités, former une lame de mana ne serait pas difficile, mais Tesfia sautait plusieurs étapes, alors il n’y avait aucune chance qu’elle y parvienne maintenant.

Je ne peux pas la regarder.

Alors qu’Alus se plissait le front, Lilisha fit quelque chose d’intéressant avec Alice. « Voilà, tu t’améliores. Il est impossible de saisir tout le mana dans ton corps, alors imagine simplement qu’il y a des points régulièrement espacés de tes épaules jusqu’au bout de tes doigts », expliqua-t-elle. « Essaie ensuite de sentir le moment où le mana passe par ces points. En faisant cela, tu finiras par comprendre l’astuce. Tu pourras sentir où se trouve ton mana et, au bout du compte, tu auras une idée du flux. »

Pendant qu’elle parlait, Lilisha donnait de petits coups sur le bras d’Alice, comme pour le pointiller. Elle parlait également assez fort pour que Tesfia l’entende. Tesfia semblait elle aussi s’intéresser à la question.

« C’est vrai ! »

« Tu vois ? En faisant cela, tu peux sentir ton mana te traverser comme tu le souhaites, et cela te permettra d’avoir une durée plus longue. »

C’était une approche intéressante. Par le passé, Alus avait pincé Tesfia et Alice pour les rendre plus conscientes du flux de mana, et c’était en quelque sorte une application de cette méthode. C’était une méthode à laquelle il n’aurait jamais pensé tout seul.

« Si cela t’intéresse tant, Fia, pourquoi n’essaies-tu pas toi aussi ? Crois-moi sur parole. » Lorsque Lilisha interpella Tesfia, c’était clairement différent de la façon dont elle avait parlé à Alice. Son ton semblait un peu condescendant. En tant que deux nobles, il y avait un certain fossé émotionnel à la base de leurs interactions.

« Éventuellement, peut-être. Je peux y arriver si je m’y mets aussi… »

Tesfia s’entêtait encore, mais Alice, qui avait vu des résultats clairs, l’interpella avec enthousiasme. « Lilisha est incroyable ! Il faut s’entraîner longtemps pour être capable de faire ça. »

Ses éloges sans réserve avaient fait naître chez Lilisha un sentiment de gêne et de joie.

Alice se tourna alors vers Alus. Se sentant obligé de faire l’éloge de Lilisha, Alus haussa les épaules et décida de la suivre. « C’est certainement une méthode intéressante. C’est un défi sans fin pour n’importe qui, mais il faut généralement plus de temps à une personne pour en acquérir le tour de main. »

« Tu vois ? » Alice s’était retournée vers Lilisha avec des yeux pétillants et un sourire joyeux.

« Penses-tu que c’est le cas ? Aha, peut-être bien ! Oui, je suis incroyable ! Mais penser que j’étais aussi incroyable… À un moment donné, je suis devenue assez bonne pour rivaliser avec Alus ! » déclara Lilisha en faisant semblant d’être dépassée par les événements. Il était clair qu’elle faisait comme si elle s’emportait pour cacher son embarras.

« Tu n’es pas si bonne que ça », dit Loki.

« C’est vrai », ajouta Alice.

Pendant ce temps, Lilisha tripota ses cheveux, un léger rougissement apparaissant sur son visage. Elle était comme une personne complètement différente de celle qui avait pris la parole devant les élèves ce jour-là. Il semblerait qu’elle n’ait pas l’habitude des compliments lorsqu’elle était elle-même. Elle n’était pas douée pour sauver les apparences lorsqu’elle n’était pas au travail.

Cette fille est tout à fait simple… Alus avait eu l’impression inattendue que Lilisha était étonnamment simple, malgré sa façade si compliquée.

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