Épilogue
« Comment peux-tu t’attirer des ennuis simplement en marchant dehors ? » gémit Elma.
« C’est typique pour Maître Hiro », soupira Mimi.
« Arrêtez de faire comme si je cherchais la bagarre ! Je n’ai rien fait de mal. » J’avais vraiment été pris dans un problème existant, ce qui, je l’avoue, est typiquement la façon dont les choses se passent.
« Des monstres qui ressemblent à des robots-araignées de mêlée, hein ? Je me demande d’où ils viennent », se dit Tina.
« Et les armes laser ne fonctionnaient pas sur eux », ajouta Wiska. « Je n’ai jamais entendu parler de quelque chose comme ça auparavant. Ça pourrait être un matériau révolutionnaire pour forger des armures ! »
Les informations rapportées par Kugi et moi fascinaient les mécaniciennes. Comme nous, elles n’avaient jamais entendu parler de ces araignées étranges.
« Es-tu sûr que ces choses étaient vivantes, chéri ? »
« C’est ce que Kugi et moi pensons, mais nous n’en sommes pas certains. Elles avaient du sang noir et nous avons senti une activité cérébrale — des ondes cérébrales — provenir d’elles. »
« Hum. Et tu ne sens pas les ondes cérébrales de Mei ? »
« C’est exact », dit Kugi. « Je suis incapable de percevoir les vibrations mentales de Mei. »
« Idem. »
« Intéressant. Il semble de plus en plus probable que ces araignées métalliques soient des organismes vivants », remarqua Mei. Son expression devint pensive. J’avais essayé de ne pas me demander à quoi elle pensait. Elle n’imagine pas leur goût, n’est-ce pas ? Certainement pas.
« Quoi qu’il en soit, si ces créatures sont bien vivantes, cela pourrait être une découverte majeure », poursuivis-je. « Je doute que les militaires refusent une créature dont la peau pourrait servir de matériau de blindage. Argh… J’ai un mauvais pressentiment. »
« Hé, ne tente pas le sort ! »
À l’instant où Elma s’était plainte de mes rêveries, mon petit terminal sonna. Bzzzzt ! J’avais choisi cette sonnerie « incorrecte » pour une personne très précise.
J’avais sorti le terminal en silence, vérifié l’appelant, puis j’avais regardé le plafond, envahi par une angoisse totale. Devinant facilement son identité d’après ma réaction, Elma enfouit son visage dans une main et soupira. Mimi esquissa un sourire sardonique. L’expression de Mei ne changea pas, mais Kugi pencha la tête; c’était la première fois qu’elle voyait ça.
J’avais répondu. « Oui ? »
« Votre salut empressé est apprécié. Cela me fait chaud au cœur. » C’était la voix du colonel Serena qui s’élevait à l’autre bout du fil. Son ton plat montrait clairement qu’elle était de mauvaise humeur. « Eh bien, je suis sûre que nous n’avons pas besoin de nous embêter avec des civilités. Je vais être franche, c’est lié au travail. »
« Désolé, notre vaisseau-mère est en maintenance. Nous ne pouvons pas accepter de nouvelle mission. »
Ah, c’est dommage.
« Naturellement, cela se ferait après la fin de cet entretien. Nous sommes tout à fait conscients de votre situation. Je n’ai pas encore contacté la guilde des mercenaires, mais nous avons décidé en interne de leur demander officiellement de vous faire parvenir cette offre au triple du tarif habituel. Acceptez, s’il vous plaît. »
« Même si vous me le demandez expressément, j’ai le droit de refuser. »
« Acceptez la demande, s’il vous plaît. »
« Je viens de dire que me demander ne — »
« Acceptez… la demande… s’il vous plaît. »
« Allez-vous répéter ça jusqu’à ce que je dise oui ? » Arrête. Ce ton plat me glace le sang. Serena se montrait encore plus insolente que d’habitude, ce qui ne faisait qu’accentuer mon mauvais pressentiment. Pourquoi avais-je si peur ? Chaque fois que j’éprouvais ce genre de sentiments, j’échappais rarement, voire jamais, au désastre qu’ils annonçaient. « — Bon, écoutez-moi. Je vais vous écouter, d’accord ? Je vous fais passer en holoappel. »
« S’il vous plaît, faites-le. »
Une fois qu’elle eut accepté, je connectai mon terminal à l’holoaffichage de la chambre d’hôtel et passai de l’appel vocal à l’holoappel. Le visage extrêmement malheureux de Serena apparut sur l’écran et les filles se mirent à chuchoter entre elles.
« On dirait qu’elle est de mauvaise humeur. »
« Pourtant, même lorsqu’elle est en colère, la colonelle Serena est si charmante. »
« Oui, elle est très élégante. »
Je ne savais pas si Serena pouvait les entendre, mais je voulais qu’elles arrêtent. Au moins, elles ne disaient rien de méchant; si elle les entendait, ça irait sans doute.
« Alors, quelle est la demande ? » avais-je demandé.
« C’est top secret. »
« Est-ce une blague ? Je raccroche. »
« C’est tout ce que je peux dire pour le moment. Veuillez attendre que la Guilde des mercenaires vous envoie la version officielle. »
« Quel était donc l’intérêt de m’appeler maintenant ? Si vous ne pouvez rien me dire, je ne peux rien vous promettre. »
« Vous ne comprenez pas ce que je ressens, car j’ai reçu l’ordre de vous expliquer les choses à l’avance en raison de notre relation étroite ? » Serena sourit gentiment. C’était effrayant, car ses yeux ne souriaient pas du tout.
« Eh bien, je suis désolé qu’ils vous aient infligé cela. Est-ce qu’ils peuvent encore vous forcer à faire des travaux subalternes maintenant que vous êtes colonel ? »
« En tant que mercenaire de rang Platine avec une Étoile Dorée et un titre de noblesse honorifique, vous êtes plus important que vous ne le pensez. Même avec mon titre actuel, je ne pourrais pas communiquer aussi librement avec vous si ce n’était grâce à notre relation personnelle. »
« Vraiment ? Eh bien, je suppose que c’est mieux que de voir un étranger débarquer et exiger que je travaille pour lui. »
« Alors, puis-je présumer que vous accepterez ma demande ? »
« Eh bien, non. Je n’ai pas dit ça. »
Il y eut une longue pause pendant laquelle nous nous regardâmes sans expression. Écoute, tu peux me regarder ainsi autant que tu le veux, mais je ne dirai pas oui à quoi que ce soit avant d’avoir entendu certaines des conditions.
« Soyez sérieuse. Vous savez que je ne peux pas accepter une mission, secrète ou non, sans connaître les exigences et les récompenses. »
Les choses auraient pu être différentes si nous étions de pauvres mercenaires vivant au jour le jour, mais cet équipage avait assez d’argent pour se prélasser à l’hôtel pendant des mois. De plus, une fois l’entretien de notre vaisseau terminé, nous pourrions nous rendre dans n’importe quel système, pourchasser les pirates et gagner encore plus d’argent. Il était également difficile d’estimer le risque que comportait cette mystérieuse demande; j’avais donc zéro bonne raison d’accepter.
« Je suppose que je dois être d’accord avec vous. »
« Alors, il semblerait que cette conversation soit terminée. »
« On ne peut rien y faire », soupira Serena. « Au fait, j’ai entendu dire qu’il y avait eu une série de meurtres dans un quartier commercial huppé aujourd’hui. »
Elle avait changé de sujet. Qu’est-ce qu’elle cherche maintenant ? Est-ce lié à ces araignées métalliques que j’ai aidé à combattre ? Elle a de bonnes relations si elle en parle déjà. « Hum… Continuez. »
« L’équipe de sécurité de la colonie et un mercenaire de passage ont appréhendé le coupable, mais sept résidents sont morts avant. Et pour changer de sujet sans raison particulière, un vaisseau d’exploration est récemment revenu dans cette même colonie après avoir exploré un monde de la Bordure. Il transportait plusieurs objets intéressants, dont l’un a été acheté par une boutique située auparavant dans ce quartier commerçant haut de gamme. Oh, et par coïncidence, chacune des sept personnes tuées travaillait dans ladite boutique. »
« Wôw. C’est devenu très vite très compliqué. » Les meurtres étaient manifestement liés à ce navire de recherche et à son voyage vers un monde périphérique. Le fait que Serena en parle maintenant devait impliquer que cela était lié à sa demande d’une manière ou d’une autre.
Les mondes périphériques, situés aux confins de l’espace, n’étaient pas comme les zones rurales sur Terre. Il s’agissait de secteurs récemment incorporés au territoire de l’Empire Grakkan, ce qui signifiait qu’ils se trouvaient en première ligne de l’expansion. La loi y était laxiste et les pirates de l’espace ainsi que les monstres s’y déplaçaient en toute liberté. Les autres dangers ne manquaient pas non plus : interférences de nations hostiles, races extraterrestres sans contact avec le reste de la galaxie et autres formes de vie, ainsi que des hors-la-loi ayant établi leurs propres « royaumes » indépendants.
« Ce que j’entends, c’est que l’armée envoie votre unité de chasse aux pirates renforcée prendre le contrôle d’un monde périphérique d’un seul coup, n’est-ce pas ? Et maintenant que vous savez qu’il s’agit d’une créature extraterrestre, vous recueillez toutes les informations possibles à ce sujet ? »
« Vous avez une imagination débordante, capitaine Hiro. Pour l’instant, disons simplement que l’unité de chasse aux pirates, en particulier son chef, a trouvé le meilleur moyen de vous utiliser. »
« Hum-hum. »
Je suppose qu’elle ne peut pas m’en dire davantage. Mais d’après la conversation que nous avons eue jusqu’à présent, accepter cette demande me placerait probablement sous ses ordres.
Serena savait bien m’utiliser et c’était une alliée familière. Elle ne me demanderait rien de trop ridicule… Bon, d’accord, elle pourrait le faire. Mais avec un peu de chance, elle ne me donnerait pas d’ordres impossibles.
« Je vais y réfléchir. Ma réponse dépendra de la façon dont les choses se passent pour nous. Nous avons nos propres projets, après tout. »
« C’est une réponse suffisante pour l’instant. Je dois y aller. » Serena raccrocha.
« Alors ? » me demanda Elma. « As-tu l’intention d’accepter la mission ? »
J’avais haussé les épaules. « Je ne sais pas. Comme je l’ai dit, ça dépend des conditions. Mais si le gain est intéressant, je ne me vois pas refuser une offre décente. »
Si nous pouvions gagner trois fois le taux du marché rien qu’en accompagnant Serena, et potentiellement plus encore, ce contrat serait bien plus rentable que de courir après des pirates de troisième ordre. Nous avions investi beaucoup d’argent dans cette colonie, alors une mission pour nous enrichir rapidement ne serait pas de refus.
« Je me demande quels préparatifs nous devons faire pour aller dans un monde périphérique », remarqua Mimi.
« Travailler avec la flotte impériale signifie que nous n’avons pas à nous soucier des munitions, du blindage, des matériaux de structure ou des rations essentielles. Mais il se peut que nous n’ayons pas assez de produits de première nécessité et de produits de luxe pour tenir pendant un long séjour à la frontière. »
« Dans ce cas, si nous acceptons le travail, je consulterai Mei et envisagerai de faire le plein de ces fournitures. »
« Merci, Mimi. »
« Il va falloir que je m’habitue rapidement à l’Antlion », dit Elma. « J’espère ne pas avoir à apprendre par le biais d’un vrai combat. »
« Que dois-je faire ? » demanda Kugi.
Mimi et Elma avaient l’habitude de préparer les prochaines demandes; elles savaient donc déjà par quoi commencer. Mais Kugi n’avait aucune expérience, elle ne pouvait donc pas faire de même.
« Hmm, oui. Il n’y a pas de problème. Kugi, j’aimerais que tu étudies pour devenir opératrice, afin que tu puisses soutenir Mimi. »
J’avais prévu que Mimi acquière de l’expérience en tant que sous-pilote. Nous la ferions passer de l’opératrice à la sous-pilote un jour, et la place d’opératrice pourrait revenir à Kugi, même si cela dépendrait de ses compétences. Mimi avait fait les efforts nécessaires pour devenir opératrice en un rien de temps, mais nous ne savions pas si Kugi était capable d’en faire autant. Et pour être honnête, Mimi pourrait avoir du mal en tant que sous-pilote. Dans ce cas, il serait peut-être judicieux de former Kugi à cette tâche. Argh… trop de choses à penser.
Quoi qu’il en soit, nous ne pouvions pas faire grand-chose tant que nos navires n’étaient pas prêts. Serena et la flotte impériale semblaient en savoir beaucoup sur notre emploi du temps à cet égard. C’est vraiment horrible ce qu’ils font de ma vie privée.
En y réfléchissant, j’avais regardé le plafond de l’hôtel et soupiré.
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