Chapitre 4 : La Tour et l’Académie
Partie 2
Lorraine avait répondu : « Je vois. C’est une bonne amie, même si elle se comportait plus comme ta mère que comme ta camarade. »
« Oui. C’est pourquoi j’étais heureuse de l’avoir rencontrée, même si c’était un peu gênant. Mais alors que nous étions en train de parler, quelques autres élèves de l’Académie se sont approchés depuis l’autre côté de la rue. »
Rina avait soupiré en expliquant ce qui s’était passé.
« Je comprends. Ils se sont moqués d’elle parce qu’elle te parlait, non ? » avais-je demandé.
Ça devait être la réponse. Je veux dire, c’était un cas commun. Je ne pouvais pas me rappeler combien de fois les autres s’étaient moqués de moi pour la même raison. J’avais eu droit à toutes sortes de conneries. Certains m’avaient dit d’arrêter d’être un aventurier, d’autres m’avaient dit d’arrêter avec mon attitude. C’était épuisant à entendre. Ce n’est pas comme si j’avais fait des efforts pour approcher ces gens. Ils m’avaient toujours trouvé, d’une manière ou d’une autre. Si je leur répondais, ils simulaient l’indignation, insistant sur le fait qu’ils n’avaient rien dit de tel. Leurs yeux vides s’éteignaient et ils commençaient à me crier dessus.
C’était tellement frustrant d’avoir affaire à des gens comme ça, mais je n’avais pas d’autre choix que d’accepter leur existence. Ni eux ni leur entourage n’essayaient de corriger leur personnalité. De temps en temps, certains se rendaient compte de leurs échecs et essayaient de faire mieux, mais ils étaient vraiment la minorité.
« Oui, » avait répondu Rina avec un soupir. « Ils ont commencé à parler de mon apparence, puis à mettre mon amie dans le même sac que moi parce qu’elle me parlait. J’étais impressionnée qu’ils puissent parler autant sans que leur bouche ne se fatigue. »
« Ne te laisse pas impressionner par ça, » avais-je plaisanté.
« Ce sont des étudiants de l’Académie, non ? » avait interjeté Lorraine. « Je suis sûre qu’ils débattent pendant les cours. Quand on a l’habitude d’argumenter, on devient bien meilleur. »
Le commentaire de Lorraine était un peu étrange. Une partie de moi pensait que son explication était logique, mais qu’elle ne comprenait pas l’essentiel.
« N’as-tu pas répliqué ? » avais-je demandé, pensant que ça aurait été mentalement difficile de rester là et d’encaisser.
Rina avait secoué la tête. « Ça aurait été une perte de temps. Mais mon amie avait quelques répliques de choix à leur adresser. À la fin, les étudiants de l’Académie ont perdu la discussion. Il semble que mon amie était l’une des meilleures élèves de l’école, et lorsqu’elle l’a mentionné, ils n’ont pas eu de véritable réponse. »
« Ah. Donc celui qui a la meilleure éthique de travail a gagné à la fin. Merveilleux, » avait commenté Lorraine.
Une fois de plus, Lorraine avait été impressionnée par un détail étrange. D’après la description de Rina, son amie n’était pas du genre à fuir, mais plutôt du genre à s’affirmer et à protéger.
« Je comprends pourquoi tu n’aimes pas les gens de l’Académie, » avais-je ajouté.
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« Nous ne sommes pas là pour accueillir les gens de la Tour ou de l’Académie, » affirma Lorraine. « Inutile de t’en préoccuper. »
Puisque j’étais techniquement un employé de la guilde, il y avait une chance que Wolf puisse me confier ce genre de tâche, mais ce n’était pas la raison pour laquelle nous étions ici aujourd’hui. Alors pourquoi étions-nous venus à la halte routière ? C’était évident.
« Oh ? Si ce n’est pas Rentt et ses amis. Êtes-vous vraiment venus me dire au revoir ? Je suis choquée, » Nive Maris, l’infâme chasseuse de vampires, nous avait parlé.
Comme il nous avait dit qu’elle partait demain matin, nous étions venus l’accompagner malgré nos sentiments mitigés. Elle avait rendu la vie à Maalt un peu plus tendue que je ne le souhaitais, mais elle nous avait aussi donné beaucoup d’informations, et ses conseils nous avaient été utiles plus d’une fois. En particulier, il aurait été beaucoup plus difficile de gérer les divers incidents liés aux vampires sans elle. Laura et Isaac auraient peut-être pu s’en occuper eux-mêmes, mais nous aurions alors dû faire face à un grand groupe de vampires mineurs et à leurs capacités de régénération.
Si les aventuriers de Maalt avaient su que les vampires finissaient par cesser de se régénérer ou que ceux nouvellement créés avaient des problèmes d’endurance, les choses auraient pu se terminer différemment. D’un autre côté, s’ils n’avaient pas tué les jeunes vampires au moment où ils l’avaient fait, les plans de Shumini auraient pu se dérouler plus facilement. Si cela s’était produit, Maalt aurait été consumé par le donjon.
Au moins, la présence de Nive avait joué en faveur de Maalt. C’est pourquoi j’avais pensé que nous devions au moins lui dire au revoir. Il y avait des moments où je la trouvais ennuyeuse, mais c’était acceptable. De plus, ses intuitions étaient plus ou moins justes. Mais si vous voulez savoir si Rina et moi étions des vampires ordinaires, je devrais dire que non.
« Nous avons le droit de venir te voir partir, n’est-ce pas ? Tu as dit qu’on pouvait, » avais-je répondu.
« Oui, mais je sais que tu ne m’aimes pas vraiment, Rentt. Je suis surprise de te voir ici. Peut-être es-tu vraiment tombé amoureux de moi ? »
« Non. »
« Tu n’avais pas besoin de le nier si vite… »
Je ne savais pas si elle plaisantait ou non, mais Nive avait l’air un peu découragée. Je doutais cependant qu’elle soit réellement déçue. Sa personnalité était aussi éloignée du romantisme qu’elle pouvait l’être.
« Eh bien, vous voilà. Permettez-moi de vous remercier. Je pensais que Lady Myullias serait la seule ici. »
J’avais regardé sur le côté et j’avais vu Myullias Raiza, une sainte de l’Église de Lobelia. Elle avait l’air bien, avec ses cheveux argentés encadrant ses beaux traits, mais je pouvais voir une légère ombre de fatigue sur son visage.
Ces derniers temps, toutes les organisations religieuses, y compris l’Église de Lobelia, étaient occupées. Les prêtres et les clercs couraient partout dans la ville. Il n’y avait probablement pas de fin à la liste des choses qu’ils devaient faire, comme réconforter, guérir et prêcher les habitants de Maalt. J’étais sûr que Myullias avait encore beaucoup de travail sur ses épaules. Le fait qu’elle soit ici devait signifier qu’elle avait une certaine affection pour Nive.
Alors que je pensais cela, Myullias s’écria un peu vivement : « Dans mon cas, je suis obligée d’être ici par ordre du Grand Père de l’Église. Et je ne suis pas là pour vous dire au revoir, je viens avec vous ! »
Son comportement était loin de l’image démonstrative et pure d’une sainte. Il n’était cependant pas déplacé, car telle était la personnalité réelle de Myullias.
Nive regarda Myullias et dit : « Tu n’as pas besoin de faire des pieds et des mains pour m’accompagner. D’ailleurs, il est clair que tu es là pour me surveiller. Pourquoi moi, aventurière respectueuse des lois, devrais-je accepter qu’une Sainte de l’Église de Lobelia me mette sous surveillance ? »
« Je ne sais pas vraiment, mais… De toute façon, c’est un ordre. Alors, s’il vous plaît, abandonnez maintenant. Vous ne voudriez pas que l’Église de Lobelia vous traite comme un apostat. »
« Oh là là. Alors, fais comme tu le veux. Veux-tu aussi venir, Rentt ? Chasser des vampires peut être assez stimulant et divertissant. »
J’étais sûr que ça pouvait l’être, mais ça semblait aussi effrayant et dangereux. Errer dans le monde et chasser des êtres comme Shumini, c’était pratiquement du suicide. Je me disais qu’un jour, je devrais être capable de tuer un tel monstre tout seul, mais c’était encore loin. C’était peut-être plus sûr avec Nive comme compagnon, mais c’était une chose de s’inquiéter de rencontrer des monstres, c’était une tout autre chose de s’inquiéter qu’elle me tue dans mon sommeil. Donc, non.
J’avais secoué la tête. « Je vais passer cette fois. Mais ce n’est pas comme si je resterais toujours à Maalt. Je suis sûr que nous nous retrouverons un jour. »
Mais j’espérais que ce ne serait pas de sitôt. J’avais ravalé ces derniers mots, mais Nive semblait les avoir entendus de toute façon.
« Le destin nous réunira à nouveau. J’attends ce jour avec impatience. Oh ? »
Nive se tourna vers un groupe de carrosses qui faisaient leur chemin vers la halte routière. Il y en avait une dizaine en ligne, toutes décorées de la même façon. Ils étaient manifestement chers et bien faits, et les chevaux qui les tiraient étaient de puissants animaux de trait.
« On dirait qu’ils sont enfin arrivés. Ces carrosses viennent de l’Académie, » murmura Lorraine.
Nive acquiesça. « Oui, c’est ce qu’il semblerait. La Tour finira par arriver, mais ils ont probablement plus d’équipement à transporter, donc ça leur prendra quelques jours de plus. »
La Tour était davantage axée sur la recherche, tandis que l’Académie était, à la base, une institution éducative. Il est certain que la Tour apporterait beaucoup plus de matériel d’étude spécialisé. Les objets magiques de précision étaient généralement grands et fragiles, et même s’ils étaient démontés, il fallait du temps pour les transporter. Alors que les deux groupes avaient probablement quitté la capitale à peu près en même temps, l’Académie était arrivée à Maalt en premier.
« Il n’empêche qu’ils sont nombreux, » murmura Nive d’un air menaçant en observant la caravane. « Considérable. Il pourrait y avoir des problèmes à l’horizon. Ce serait bien de rester, mais… il n’y a plus de vampires ici. »
Après qu’elle ait dit ça, je n’avais pas pu m’empêcher de me sentir un peu anxieux quant à l’avenir de Maalt.
◆◇◆◇◆
« Puisque nous sommes destinés à nous revoir, je suppose que tu vas me raconter les festivités à venir, Rentt. Il est temps pour moi de partir, alors je vais te dire au revoir ici. »
J’aurais vraiment préféré ne pas être condamné à la revoir, mais l’intuition de Nive était assez juste. Je m’étais fait la remarque d’être prudent.
Lorsque je m’étais tourné dans la direction où Nive regardait, j’avais vu un homme debout devant un carrosse, l’air irrité. Nive l’avait regardé en parlant, donc il devait s’agir de la calèche de Myullias, et cet homme devait être le conducteur, ou quelque chose de proche.
J’avais compris qu’il était affilié à l’Église de Lobelia d’une certaine manière, car il regardait Myullias avec respect. J’avais aussi remarqué que la calèche portait le symbole de l’église. Il n’avait pas l’air particulièrement cher, mais il était tout de même mieux que le carrosse moyen. C’était assurément hors de ma gamme de prix.
Depuis que j’avais dépensé autant pour mon sac magique, j’avais dû serrer les cordons de ma bourse. Même si je m’en sortais beaucoup mieux que par le passé, je ne pouvais pas prévoir quand j’aurais une dépense imprévue. Pour un aventurier, plus le monstre est puissant, plus il est coûteux de l’éliminer. Se faire un nom exigeait une certaine épargne. Malgré cela, il y avait beaucoup d’aventuriers qui avaient pris l’habitude de vivre au jour le jour. Sans compter qu’il était plus cool d’être ce genre d’aventurier.
Peut-être que je devrais aussi essayer de vivre comme ça. Je l’avais brièvement envisagé, mais j’étais trop prudent pour vivre de cette façon, alors j’avais immédiatement rejeté cette idée.
« C’était un peu plus facile que prévu, » avais-je dit à Nive, « Mais je sens que nous allons nous revoir. Alors au moins, reste prudente jusque là. »
Merci pour le chapitre