Nozomanu Fushi no Boukensha – Tome 13 – Chapitre 2 – Partie 3

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Chapitre 2 : Un rapport et une demande de la part d’un forgeron

Partie 3

Après avoir suivi Clope à l’arrière, nous nous étions assis à une table. Sa femme Luka nous apporta du thé, mais elle se dépêcha d’aller au magasin au lieu de se joindre à nous.

« Ça va être compliqué, n’est-ce pas ? » avais-je demandé. Je l’avais deviné à la façon dont Luka nous avait laissé de l’espace.

Clope sourit d’un air ironique. « Je me sens mal de lui donner l’impression qu’elle doit me traiter comme si j’étais si fragile… Objectivement, ce n’est pas très grave. Mais c’est une question délicate pour moi personnellement. Tu m’écoutes ? »

« Bien sûr. »

« Je vais commencer par le travail. Je dois me rendre à Welfia, la cité minière, alors j’aimerais t’engager comme garde du corps. Tu vas passer l’examen d’ascension de classe argent là-bas, n’est-ce pas ? Je me suis dit que cela coïncidait bien. »

« Vraiment ? Tu vas à Welfia ? En fait, je suppose que tu es forgeron, donc ce n’est pas si inhabituel. En ce qui concerne le travail, si le calendrier s’arrange pour que je puisse encore arriver à temps pour l’examen, je serai heureux d’accepter. Sinon, j’ai bien peur de ne pas pouvoir. »

Comme on peut s’y attendre d’un endroit connu sous le nom de « ville minière », Welfia possède des liens avec les forgerons qui remontent à loin. En tant que centre de production de nombreuses variétés de minerais utilisés pour fabriquer des armes et des armures, la ville comptait une forte population de forgerons. Des rangées de forges s’alignaient le long des rues, et l’on disait que si vous vouliez des armes et des armures de la meilleure qualité de tout Yaaran, c’était à Welfia qu’il fallait aller.

Cela étant, il n’y avait en fait rien d’inhabituel à ce que Clope fasse le voyage. De nombreuses raisons viennent rapidement à l’esprit, comme l’approvisionnement en matériaux ou la rencontre d’une connaissance professionnelle. Il est également possible qu’il s’y rende pour acquérir une nouvelle compétence.

« Pour ce qui est de l’emploi du temps, arriver à Welfia n’importe quand avant l’examen d’ascension de la classe Argent, c’est très bien », dit Clope. « C’est la même chose pour toi, n’est-ce pas ? Cela ne devrait pas poser de problème. »

« Dans ce cas, bien sûr… mais pourquoi y vas-tu ? »

« Il va y avoir un concours de forge à Welfia, et je dois y participer. »

« Ah. En y réfléchissant, c’est la bonne période de l’année pour ça. Cependant, je ne m’attendais pas à ça de ta part. Tu ferais certainement bonne figure avec tes compétences, mais tu as toujours dit que si tu avais le temps pour ce genre de choses, tu préfèrerais plutôt peaufiner ta forge. »

Je doute que Clope n’ait jamais participé à un concours, mais dans tous les cas, il ne l’avait jamais fait depuis que je le connaissais — pas à ma connaissance, en tout cas. Les compétences de Clope lui permettraient de se classer parmi les meilleurs, ce qui favoriserait les commandes d’armes et d’armures. Bien figurer dans un concours de forge, c’est comme une grande publicité.

On pourrait penser que c’est une raison suffisante pour participer, mais Clope était un artisan à l’ancienne : il voulait attirer les clients par la qualité de ses créations plutôt que par la publicité.

Compte tenu de cela, j’avais été surpris qu’il parle même de participer à la compétition.

« Je n’aurais jamais pensé participer à l’un d’entre eux — pas après tout ce temps. La vérité, c’est que… J’ai déjà participé à une compétition, il y a longtemps. »

« Dans le cadre du concours de forge de Welfia ? »

« Oui, quand j’étais jeune. Lorsque j’ai rencontré Luka — même si, techniquement, c’était notre deuxième rencontre —, j’avais déjà quitté Welfia pour devenir forgeron itinérant. Mais c’est dans l’un des ateliers de la ville que j’ai appris les bases du métier, alors je connais bien le concours. Je l’ai regardé chaque année quand j’étais apprenti, alors que je n’étais pas encore assez bon pour y participer moi-même. »

Je ne savais pas que Clope avait vécu à Welfia — il ne parlait pas beaucoup de son passé. Pourtant, c’est tout à fait logique. À Yaaran, de nombreux forgerons étaient originaires de Welfia. C’était la capitale de leur métier, alors peut-être n’était-ce qu’une évidence.

Pourtant, Clope possédait une aura différente de celle du forgeron habituel de Welfia, ce qui m’avait un peu surpris. Peut-être que c’était juste le résultat du temps qu’il avait passé à errer après avoir quitté la ville.

« Mais tu exerces ton métier à Maalt, non », avais-je fait remarquer. « Ne voulais-tu pas rester à Welfia ? »

Si un forgeron voulait bénéficier du meilleur environnement possible pour perfectionner son art, il n’y avait pas mieux que Welfia à Yaaran — d’où ma question.

Clope secoua la tête. « Je ne pouvais pas rester. Je me suis enfui. C’est comme ça que je suis devenu un forgeron errant au départ. »

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« Tu as fui… ? » demandai-je, perplexe.

« Quand j’étais un petit morveux à Welfia, je me disais que je deviendrais forgeron, » dit Clope. « Sais-tu pourquoi ? »

Il n’est pas facile de répondre à cette question. Chacun avait des raisons différentes pour les rêves qu’il avait décidé de poursuivre. Je ne faisais pas exception à la règle. Si je disais aux gens que je voulais devenir un aventurier de classe Mithril, la plupart d’entre eux demanderaient : « pourquoi ? »

Il était naturel pour les aventuriers de vouloir s’améliorer, et tout le monde était donc capable de comprendre ce sentiment. La classe Mithril, cependant, était généralement considérée comme un objectif impossible à atteindre. La majorité des aventuriers qui parlaient de viser cet objectif n’étaient pas sérieux. C’est la raison pour laquelle les gens avaient remarqué que je m’étais fixé cet objectif ferme — en temps normal, personne n’aurait sérieusement poursuivi une telle chose.

Sans ce que j’avais vécu quand j’étais enfant, j’aurais peut-être suivi un autre chemin dans la vie. Peut-être que Clope avait aussi quelque chose comme ça dans son passé.

Mais je ne savais pas, alors j’avais secoué la tête. « Non. Je ne te l’ai jamais demandé, n’est-ce pas ? Depuis le premier jour où nous nous sommes rencontrés, il m’a toujours semblé naturel de supposer que tu aimais la forge et que tu voulais t’y consacrer entièrement — comme si c’était une chose acquise, et que tu n’avais besoin d’aucune autre raison. Je suppose que c’est pour cela que je n’ai jamais demandé. »

La bouche de Clope se tordit en un léger sourire. « Que je sois forgeron, c’est tout à fait naturel, hein ? Tu sais vraiment comment remonter le moral d’un gars. Tu n’as pas tort — maintenant, en tout cas. C’était une autre histoire dans le passé. »

« Tu n’aimais pas la forge à l’époque ? »

« Mais ce n’est pas tout… Eh bien, j’ai commencé ma formation en considérant tout cela comme un simple travail. Une fois qu’une personne est en âge de travailler, elle doit choisir un métier et gagner sa vie, n’est-ce pas ? Il se trouve que pour moi, c’était la forge. »

« C’est une surprise. J’ai un peu toujours pensé que tu sortirais du ventre de ta mère avec un marteau et une enclume. » Je plaisantais, bien sûr.

Clope avait ri. « Je ne pense pas que ce soit possible même pour quelqu’un comme moi. Ce n’est pas un conte de fées. »

Il l’avait dit, mais le monde était suffisamment vaste pour que cela ne soit pas vraiment impossible. Il y avait des bébés qui naissaient en tenant quelque chose, comme un anneau ou un orbe. Personne ne savait vraiment pourquoi cela arrivait, mais ces bébés grandissaient toujours pour accomplir de grandes choses. Clope avait parlé des contes de fées, mais si ces contes existaient, c’était grâce à ce genre d’individus.

« Je suppose que non… Pourtant, même si cest pour cela que tu as commencé, la forge est ta passion maintenant, non ? Au point que tu vas parfois trop loin. Même Maalt a son lot de forgerons qui ne considèrent cela que comme un travail, mais tu n’es pas comme eux. »

Je ne pensais pas que les forgerons ordinaires comme ça étaient une mauvaise chose. Au contraire, ils sont normaux. Tout le monde ne peut pas déverser toute sa passion dans chaque ouvrage qu’il fabrique. Imaginez qu’une ménagère leur achète une marmite pour préparer des ragoûts hétéroclites, et qu’elle se révèle être un chef-d’œuvre sans égal au monde. Peut-être qu’un chef royal aurait besoin de quelque chose comme ça, mais la plupart des gens ne pourrait même pas se résoudre à l’utiliser. Le monde a besoin d’artisans qui prennent les bonnes décisions et produisent des biens en série.

Mais Clope n’en était pas capable. Chacune de ses créations était comme son propre enfant — c’est ainsi qu’il pouvait mettre tout ce qu’il avait pour les rendre les meilleures possibles. C’est pourquoi il n’y avait pas une seule pièce pour laquelle il ne s’était pas donné à fond, même parmi les plus petits couteaux exposés dans son magasin. Leurs prix variaient néanmoins, en fonction des matériaux utilisés, du temps passé et des différences de qualité qui découlaient naturellement d’une fabrication artisanale.

« Alors que j’aurais pu commencer la forge juste pour mettre de la nourriture sur la table, j’ai vite découvert à quel point c’était fascinant. En peu de temps, je suis complètement tombé amoureux. C’était probablement l’activité qui me convenait le mieux. »

« Peux-tu le répéter ? »

« Ah oui ? Tu le penses aussi, hein ? Pourtant… »

« Encore ? »

« Il fut un temps où je pensais que je n’étais pas fait pour ce travail. »

Je suppose que quel que soit le métier que tu exerces, il y a des moments où ce genre de pensées te viennent à l’esprit. C’est ce qui m’est arrivé avec l’aventure, et pas seulement une ou deux fois. Mais à chaque fois, j’avais réussi à me remonter le moral et à me débarrasser de ces pensées. Clope avait-il réussi à faire de même ? Curieux, je le lui avais demandé.

« Comment l’as-tu surmonté, Clope ? »

Ma question avait été légère, mais la réponse que j’avais reçue avait été lourde.

« Je ne l’ai pas fait. C’est pour cela que j’ai quitté Welfia. »

Quelques instants de silence s’écoulèrent. « Mais tu es toujours forgeron à ce jour, n’est-ce pas ? »

« Oui. Finalement, c’est une bonne chose que je sois parti. »

J’avais tourné la tête. « Qu’est-ce que tu… ? »

« Dans ce monde qui est le nôtre, chaque domaine a ses génies, n’est-ce pas ? » déclara Clope.

Pendant un instant, je n’avais pas su pourquoi il avait soudainement changé de sujet, puis une vague idée de la raison m’était venue à l’esprit. J’avais acquiescé. « Ouais. Tous les domaines, y compris les aventuriers. En fait, le travail d’aventurier en est rempli. Je ne compte plus le nombre de fois où quelqu’un a décroché son permis de classe Fer, puis je cligne des yeux et il m’avait déjà rattrapé et dépassé. »

Cela est arrivé dans tous les domaines à des gens comme moi qui n’avaient pas de talent. Un jour, tu enseignes à quelqu’un, le lendemain, il te laisse derrière lui et court loin devant. Ce cycle répétitif avait rempli les dix dernières années de ma vie.

« Oui, c’est exactement ce dont je parle. Je… Eh bien, j’ai été un peu arrogant, une fois. Je pensais que j’étais l’une de ces personnes talentueuses. J’ai appris et je me suis amélioré plus vite que ceux qui avaient commencé en même temps que moi. J’ai pris de l’avance, je suis allé de plus en plus loin. Il fut un temps où je pensais pouvoir aller là où personne d’autre ne pourrait me suivre. »

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Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

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