Chapitre 1 : La capitale royale et l’église du ciel oriental
Partie 1
« Maalt a vraiment l’air chétif en comparaison », déclarai-je en jetant un coup d’œil au paysage de Vistelya, la capitale royale de Yaaran, depuis notre calèche. La nuit venait de tomber sur la ville.
Yaaran était un royaume reculé, mais même ainsi, la capitale était plus grande et plus prospère que les autres villes régionales. Ou peut-être que je la trouvais particulièrement éblouissante parce que je la comparais à une ville comme Maalt. Je veux dire, bien sûr, Maalt faisait de son mieux bien qu’elle soit en périphérie. Elle possédait son propre donjon et sa population était assez nombreuse. En somme, c’était un endroit agréable à vivre, mais comparé à la capitale…
« Cela va de soi, » fit remarquer Lorraine. « Mais je préfère Maalt à Vistelya. Vistelya est prospère, mais elle me rappelle trop la capitale impériale. »
« Tu as déjà dit qu’il t’était arrivé beaucoup de choses là-bas. Pourtant, Yaaran n’est pas aussi guindé que l’empire, n’est-ce pas ? »
Lorraine avait mentionné un jour que lorsqu’elle était dans l’empire, elle avait trouvé épuisante la politique constante qui accompagnait le fait d’être un membre de l’élite de la communauté des érudits. La recherche et l’érudition, en général, étaient beaucoup plus appréciées dans l’empire, mais à Yaaran, on n’entendait pas beaucoup d’histoires glorieuses sur la classe des érudits. Tout au plus, la Tour et l’Académie se chamaillaient-elles de temps à autre. C’était très stressant pour les gens de la Tour et de l’Académie, mais ce n’était même pas comparable à la politique des érudits de l’empire.
Lorraine acquiesça. « C’est vrai. Maalt est un bon exemple de l’atmosphère plus détendue qui règne à Yaaran. Il semblerait que ce soit la même chose dans la capitale. »
Pour moi, la capitale du Yaaran ressemblait à une gigantesque métropole, mais pour Lorraine, elle était encore un peu pittoresque. Mais si cela lui rendait la tâche plus facile, c’était probablement une bonne chose. Je remerciai silencieusement Yaaran d’être un pays reculé.
« Nous sommes arrivés », annonça notre chauffeur. « N’hésitez pas à aller dans votre logement. Je séjournerai dans un endroit séparé, contactez-moi lorsque vous serez prêts à retourner à Maalt », ajouta-t-il alors que nous descendions de la calèche.
Il convient de préciser que le chauffeur nous avait conduits directement à notre auberge, mais que lui et l’attelage devaient rester ailleurs. L’endroit où nous nous trouvions n’avait pas la place d’entreposer une calèche, et comme l’animal de trait était spécial, il devait être gardé dans un enclos spécialisé.
Tout compte fait, ce voyage était coûteux, mais Wolf — ou plutôt la guilde de Maalt — payait la note, ce qui n’était pas pour me déplaire. Étant donné que nous utiliserions la même calèche pour retourner à Maalt, cela devait coûter à la guilde un certain montant en frais d’hébergement supplémentaires. Wolf s’était mis en quatre pour nous traiter correctement.
« Viens, Rentt », dit Lorraine, et nous étions entrés dans l’auberge après ça.
◆♥♥♥◆♥♥♥◆
« Alors, cela sera un logement pour deux. Suivez-moi, s’il vous plaît », déclara la réceptionniste.
Après le départ de la réceptionniste, Lorraine murmura : « Ils n’ont pas pris la peine de demander et nous ont simplement donné une seule chambre. »
Nous n’étions plus que tous les deux. Quant à Edel, je l’avais laissé à Maalt. Ce n’était pas que je voulais l’exclure, mais la sécurité était beaucoup plus stricte à Vistelya. Comme nous allions au palais, j’avais pensé que la présence d’un monstre comme Edel pourrait poser problème. J’aurais pu prétendre que j’étais un dompteur de monstres, mais Vistelya était une ville digne de ce nom, contrairement à Maalt. Il y avait beaucoup de dompteurs de monstres dans la capitale, et s’ils avaient pris la peine d’y regarder de plus près, j’aurais pu commettre une erreur.
Si j’avais su que je serais à Vistelya, j’aurais demandé à mon père à Hathara plus d’informations sur le domptage des monstres, mais je pourrais toujours le faire la prochaine fois. De plus, il avait des monstres bizarres dans sa ménagerie, et je n’étais pas sûr que ses connaissances me feraient passer pour un dompteur normal. En fin de compte, j’étais sûr d’avoir pris la bonne décision en laissant Edel à la maison.
« Nous devions ressembler à des frères et sœurs ou à un couple marié », avais-je répondu.
Lorraine avait rit. « Un couple marié, peut-être, mais des frères et sœurs ? Nous ne nous ressemblons pas du tout. »
« C’est vrai. »
De mon vivant, nos visages ne se ressemblaient pas du tout, mais les différences étaient encore plus marquées maintenant que je portais un masque de crâne. En fait, je serais plus inquiet si un employé d’auberge disait que nous nous ressemblons. Il y avait de fortes chances qu’ils pensent que nous étions mariés.
« Agissions-nous comme un couple marié ? » avais-je demandé.
Lorraine marqua une pause, puis répondit calmement : « Je ne pense pas que ce soit le cas, mais c’est difficile à dire. On ne peut pas vraiment le dire à moins de le regarder de l’extérieur. »
« Veux-tu que je prenne des chambres séparées pour nous ? » avais-je proposé.
Lorraine fronça les sourcils d’exaspération. « Nous vivons dans la même maison. Rester dans la même chambre n’est pas un grand changement, n’est-ce pas ? »
Une partie de moi voulait lui demander si elle n’avait pas peur que je tente quelque chose, mais Lorraine était une puissante mage. Elle n’avait besoin que d’une baguette pour venir à bout de la majorité des hommes de ce royaume, moi y compris. Je pouvais probablement survivre à quelques coups maintenant, mais je ne pouvais toujours pas la battre. Et comme elle l’avait fait remarquer, nous vivions déjà dans la même maison. J’avais convenu avec elle que partager une chambre d’auberge n’était pas si différent.
« Il n’y a rien à redire. Je me suis dit que j’allais quand même demander. Alors, quel lit veux-tu ? »
Heureusement, il y avait deux lits dans la chambre. Lorraine avait choisi celui qui était le plus près de la fenêtre, ce qui fait que j’allais devoir regarder le mur en allant me coucher.
Quoi qu’il en soit, il était temps de se reposer pour la journée et de se préparer pour demain. Nous devions d’abord nous rendre à la guilde, mais… Peut-être devrions-nous d’abord acheter des souvenirs ? Je m’étais dit que je réglerais les détails avec Lorraine dans la matinée.
◆♥♥♥◆♥♥♥◆
Cela faisait longtemps que je n’avais pas visité la guilde de Vistelya, mais comme je m’en souvenais, elle n’avait rien à envier à celle de Maalt. Le bâtiment lui-même était plus solide et assez grand pour abriter le grand nombre d’aventuriers qui habitaient la capitale. La dernière fois que j’étais venu, je n’avais pas pu voir l’intérieur, mais cette fois-ci, j’avais repéré des portes d’ascenseur.
C’était logique. L’immeuble comptait cinq étages, et ce serait une sacrée tâche que d’emprunter les escaliers à chaque fois. Ce serait une chose si les étages supérieurs étaient rarement utilisés, mais j’étais presque sûr que le bureau du maître de la guilde se trouvait au dernier étage, ce qui rendrait un trajet quotidien sur cinq étages un peu pénible.
« On m’a dit que le Grand Maître de la Guilde de Yaaran est assez âgé », dit Lorraine. « Même s’il a déjà été un aventurier, il n’est sûrement plus actif à cet âge. »
Lorraine avait raison. J’avais entendu dire que l’actuel grand maître de la guilde occupait déjà ce poste lorsque Wolf avait été recruté dans la guilde. J’avais aussi entendu dire que le grand maître de la guilde était un ancien aventurier, mais j’étais sûr d’avoir aussi entendu dire que c’était il y a plus de cinquante ans. Même s’il avait pris sa retraite dans la trentaine, il devait avoir plus de quatre-vingts ans à l’heure actuelle. Les aventuriers étaient nettement plus résistants que les gens normaux en raison de leur physique et de leur réserve de mana, mais être un aventurier actif à quatre-vingts ans, c’était un peu exagéré.
« Mais il y a des exceptions à cette règle, comme Gharb. Ce n’est donc pas impossible », avais-je noté.
J’avais pensé à Gharb, la femme médecin et mage en chef de ma ville natale. Elle commençait à prendre de l’âge, mais elle était toujours aussi forte. Si elle décidait de devenir aventurière maintenant, elle commencerait à la classe Argent, et dans ce cas, elle me surpasserait instantanément. Elle était ma mentore, alors ça allait.
« Maintenant que tu le dis, je pense que c’est vrai », déclara Lorraine. « Mon mentor est similaire. Je suis sûre qu’il s’amuse dans l’empire. »
« La personne à qui tu as lancé ta baguette ? »
Lorraine fronça les sourcils. « J’étais jeune à l’époque. Je ne ferais pas ça maintenant. Je ne pourrais pas le faire maintenant. Je n’arrive toujours pas à oublier à quel point il était en colère… »
« J’aimerais le rencontrer. »
Il serait une excellente source d’histoires amusantes sur Lorraine, et ce serait bien de lui faire tourner la tête pour une fois. Après tout, les habitants d’Hathara lui avaient raconté toutes les histoires embarrassantes à mon sujet lorsque nous étions allés là-bas.
« Vraiment ? J’aimerais bien aller le voir, mais on ne peut pas entrer et le rencontrer comme ça. Je suis sûr que nous finirons par nous rendre à l’empire, alors nous pourrons nous y préparer le moment venu. »
Étonnamment, Lorraine s’était montrée plus réceptive à l’idée que je ne l’imaginais. Je pensais qu’elle ne voudrait pas que je rencontre son professeur, mais il semblerait que Lorraine éprouvait beaucoup de gratitude à son égard. Lorraine vivait à Maalt depuis longtemps, et même si elle retournait parfois dans l’empire, elle n’y restait jamais longtemps. Elle ne l’avait peut-être pas vu depuis une dizaine d’années, et je pouvais donc comprendre qu’elle veuille y aller.
« J’attends cela avec impatience, » avais-je dit en plaisantant. « Ah, la réceptionniste est libre. Je vais y aller. »
« Alors je vais attendre là-bas, » dit Lorraine en désignant le bar intégré à la salle des guildes.
Techniquement, il s’agissait d’une cafétéria qui proposait des en-cas légers et toutes sortes de boissons. Bien que tous les halls de guilde n’en soient pas équipés, la plupart d’entre eux en étaient pourvus. Le choix des menus et la taille des portions étaient un peu trop limités pour un vrai repas, c’était donc surtout un endroit pour faire une petite pause entre deux tâches ou pour attendre les membres d’un groupe — ce qui signifie que Lorraine l’utilisait exactement pour l’usage auquel elle était destinée.
« D’accord. Je te retrouve dans un instant », avais-je dit en me dirigeant vers la réception.
merci pour le chapitre