Chapitre 3 : Compagnie des Dieux et mon travail
Partie 1
« Bonjour ! »
« Bonjour ! », dit Carol en écho.
« Bonjour, les gars », dit un des dieux en bâillant.
Nous avions interrompu notre nettoyage pendant que les dieux montaient les escaliers vers leur lieu de travail au troisième étage. Nous les avions salués joyeusement. Carol, qui affichait un énorme sourire et sa propre tenue de travail, les salua avec encore plus d’enthousiasme que moi. Les dieux ne purent pas s’empêcher de lui sourire en passant.
Le fait qu’ils avaient réussi à m’obtenir une tenue m’avait surpris, et encore plus une tenue de nettoyeur assez petite pour elle. Elle avait plus l’air de faire du cosplay que de travailler, mais elle était si adorable que cela n’avait guère d’importance.
On m’avait assigné la tâche de nettoyer l’immeuble d’Isekai Connection. C’était l’idée de Sewatari, je devais rester et travailler ici jusqu’à ce que Carol soit capable de retourner dans l’autre monde. J’avais eu peur qu’elle me demande d’aider à développer le jeu, mais c’était parfait. J’avais utilisé plus de la moitié de mes économies pour nous amener à Hokkaido. À ce rythme, je n’aurais plus rien à dépenser pour Le Village du Destin une fois rentré chez moi.
Ils m’avaient demandé de nettoyer les toilettes, le hall d’ascenseur, les escaliers et le couloir principal. À part ça, je faisais des petits boulots, comme sortir les poubelles. J’avais prévu de travailler seul, mais Carol insista pour m’aider et elle n’accepta pas de refus. Quant à Destiné, il était recroquevillé devant le chauffage dans le bureau du troisième étage. Comme tout bon lézard, il n’aimait pas le froid. Hokkaido était beaucoup plus dure pour lui que l’endroit d’où nous venons. Toute motivation qu’il aurait pu avoir à travailler fut immédiatement sapée par la température de l’air. Je craignais qu’il ne soit gênant, mais il semblait très populaire auprès du personnel, ou des dieux, et passait un merveilleux moment à se détendre et à manger des bonbons.
« Yoshio, devrais-je essuyer les escaliers ? », demanda Carol.
« Oui, bonne idée. Je vais utiliser l’aspirateur, euh, cette chose ici, pour aspirer la saleté, alors pourrais-tu utiliser cette serpillière pour nettoyer derrière moi ? »
« OK ! »
J’avais mis un panneau en bas des escaliers qui disait « nettoyage en cours », et j’avais mis en marche l’aspirateur. En général, on était censé commencer à nettoyer à l’étage le plus élevé et descendre, mais le quatrième étage et les escaliers qui y mènent étaient interdits. L’ascenseur avait un bouton pour le quatrième étage, mais rien ne se passait quand j’appuyais dessus. Quand j’en avais parlé à Sewatari, elle me dit que c’était top secret.
J’étais curieux, mais je n’étais pas non plus assez courageux pour essayer de fouiller dans les affaires divines, j’avais donc laissé tomber. Les escaliers du quatrième étage étaient entourés de ces cordes qui agissaient comme des talismans de sanctuaire, et il faisait si sombre qu’on ne pouvait pas distinguer le palier, même en plein jour. L’effet était effrayant, comme si l’obscurité attendait d’engloutir tout ce qui oserait s’en approcher. Le regarder me fit frissonner.
Je m’étais retourné vers Carol, nous avions alors commencé à nettoyer. Et une fois que nous avions terminé avec les escaliers du troisième étage, nous étions passées au hall de l’ascenseur au deuxième étage. Bien que le couloir du deuxième étage soit également sur ma liste des endroits à nettoyer, on m’avait prévenu de rester sur mes gardes. Cet étage contenait un profond et sombre secret qui lui était propre.
« Oh, vous êtes le nouveau nettoyeur qui travaille ici dernièrement ? », une voix m’appela de derrière nous alors que j’attendais que Carol finisse avec la serpillière.
Je m’étais retourné pour faire face à un homme à l’air louche, au crâne rasé, portant des lunettes de soleil et un costume rayé. Il devait mesurer plus d’un mètre quatre-vingt, ce qui le rendait encore plus intimidant. Il me rappelait un méchant dans une série télévisée.
« Effectivement. Ravi de vous rencontrer. »
« Continuez à faire du bon travail. Faites en sorte que ce soit propre et agréable pour nous. »
Son accent n’était pas celui que je m’attendais à entendre à Hokkaido, mais je m’étais dit qu’il devait être aussi un dieu. Je veux dire, tout le monde qui travaillait ici l’était, à part les agents de voyage au premier étage. Il semblait pourtant avoir beaucoup de temps libre.
« Quel est le problème ? Quelque chose sur mon visage ? »
« Oh, non. Je ne suis pas… »
« Ta tête est toute brillante ! Pourquoi tes lunettes sont-elles colorées ? »
C’était bien évidemment Carol qui posait les questions impolies, et pas moi. J’avais rapidement sauté pour couvrir sa bouche, mais c’était trop tard. J’avais senti le regard de l’homme à travers ses lunettes de soleil. Carol n’avait pas fait attention, fixant la tête du dieu avec étonnement.
« Ne demande pas des choses comme ça, Carol. Je suis vraiment désolé, monsieur. »
« N’ayez crainte. Je pense qu’elle a du potentiel. Tu veux un bonbon ? »
L’homme lui adressa un sourire déconcertant et lui offrit une friandise tirée de sa poche.
Peut-être que ma première impression était exagérée, mais j’avais quand même pensé que nous devions être prudents. Je savais qui il était. Les travailleurs du troisième étage étaient des dieux mineurs, mais tous ceux du deuxième étage étaient alliés aux dieux corrompus.
Je connaissais un peu la querelle entre les deux groupes grâce aux conversations de mes villageois. Un groupe de dieux connu sous le nom des huit sacrés régnait sur tous les autres. Un jour, le plus fort d’entre eux mena une rébellion de dieux mineurs. Il n’aimait pas la direction que les sept autres prenaient pour le monde.
Les dieux les plus faibles choisirent chacun un dieu plus fort avec lequel s’allier, et la bataille fit rage pendant plus d’un an, pour finalement aboutir à la défaite du dieu rebelle, qui fut scellé sous terre. C’était le principal dieu corrompu. Le seul dieu corrompu, en fait.
Au moment où j’avais entendu l’histoire pour la première fois, j’avais été surpris par le côté déséquilibré de la tradition. Comme il y avait sept dieux majeurs, je m’attendais à ce que l’autre côté s’équilibre, mais c’était vraiment un contre sept. Le dieu corrompu avait plusieurs dieux mineurs dans son entourage, mais la différence de pouvoir entre les dieux mineurs et majeurs était énorme.
En d’autres termes, ce seul dieu corrompu devait être incroyablement puissant.
Malgré l’apparence rude de cet homme, il semblait gentil. J’avais commencé à douter de mon évaluation initiale.
« Vous vous méfiez parce que je suis un dieu corrompu ? »
Un frisson parcourut ma colonne vertébrale. Pouvait-il lire dans mes pensées ? Non, Sewatari a dit qu’elle avait mis un terme à cela.
« On lit en vous comme dans un livre ouvert. N’importe qui saurait que vous êtes nerveux en ce moment en regardant votre visage. »
Vraiment ?
J’avais touché mon visage avec curiosité, seulement pour baisser les yeux et trouver Carol qui me faisait un signe de tête. J’avais toujours pensé que j’étais bon pour cacher mes émotions, mais apparemment non.
« Savez-vous au moins la différence entre le dieu corrompu et les dieux majeurs ? »
La différence ? Pas vraiment. Je ne connaissais que l’histoire racontée par les villageois, et les morceaux que j’avais rassemblés lors de mes rencontres avec des dieux mineurs corrompus.
« Seulement qu’il y a eu une grande guerre. »
« C’est ce que je pensais. Le problème, c’est que la guerre a commencé à cause d’une différence de valeurs. »
« Une différence de valeurs ? »
Étrange. Je pensais qu’il allait dire que le dieu corrompu était mécontent des autres.
« En effet. Les principaux dieux favorisent les gens et les animaux, mais ils détestent les monstres. Ils pensent qu’ils sont sales. Mais notre dieu dit que les monstres sont égaux aux gens. Il dit que toute vie est égale, et qu’il n’est pas juste de soutenir une espèce plutôt qu’une autre. », dit-il calmement.
J’avais dégluti. Si ce qu’il disait était vrai, alors les dieux corrompus étaient moins mauvais que je ne le pensais.
« La même chose se passe sur Terre, non ? On dit que l’histoire est écrite par les vainqueurs. Vous avez remarqué que ce sont toujours les gentils qui gagnent ? Si j’étais humain, je me rangerais du côté des grands dieux. Après tout, ce sont eux qui me favorisent, » murmura l’homme.
J’avais étudié son visage. Il n’avait pas l’air de mentir, mais je n’avais pourtant aucune preuve qu’il disait la vérité.
« Ton visage est devenu tout fripé, Yoshio. »
Carol me fit alors signe. Je m’étais accroupi pour être à son niveau. Elle mit alors un doigt sur mon front, frottant comme si elle essayait d’atténuer mon froncement de sourcils.
merci pour le chapitre