
Chapitre 7 : Accident
Partie 2
Dès le départ, il n’y avait pas beaucoup de gens qui pouvaient utiliser la magie, alors avec toutes ses limitations, très peu de gens se donnaient la peine d’apprendre la magie de débilitation.
Dans ce cas, c’est l’esprit contracté par Leah qui l’utilisait. Un esprit peut exécuter n’importe quelle magie que son contractant peut faire, donc malgré ses applications limitées, la magie de débilitation était plus qu’adéquate dans cette situation.
« Haaah ! »
N’étant plus en mesure de résister, l’ours rubis ne put rien faire lorsque Shiran lui enfonça son épée dans la gorge. La lame s’enfonça dans ses muscles épais, coupant la vie de la bête en un instant. Le sang avait jailli de sa blessure, arrosant la tête de Shiran. Ce fut la dernière lutte vaine de l’ours rubis. Son énorme corps retomba avec un bruit sourd, tout en projetant du sang.
Une acclamation éclata parmi les elfes. Je m’étais préparé à intervenir et à aider si nécessaire, mais après m’être assuré que c’était terminé, j’avais abaissé mon épée et j’avais soupiré de soulagement. Les choses étaient devenues un peu effrayantes là-bas, mais tout s’était terminé sans qu’il y ait de blessés. Nous avions réussi à nous en sortir sans encombre.
« Maître. »
Jugeant qu’il n’y avait plus de danger, Lily trottina jusqu’à moi, loin des elfes qu’elle protégeait. Rose était également derrière elle.
« Es-tu blessé ? » demanda Lily.
« Je vais bien. »
J’avais failli me détendre, mais je m’étais souvenu que nous étions encore dans les Terres forestières. Je m’étais assuré de rester vigilant tout en continuant.
« Mon bras me fait juste un peu mal… Oh, tu pourras me soigner plus tard. » Au moment où Lily commença à utiliser la magie de guérison, je lui avais dit de ne pas s’inquiéter, puis j’avais donné mes ordres. « Vous allez bien toutes les deux ? Bien, alors retirons-nous. »
Cette bataille avait duré deux fois plus longtemps que les précédentes, et nous avions fait pas mal de bruit. Si nous restions trop longtemps, un essaim pourrait apparaître. Jusqu’à présent, nous avions réussi à nous en sortir sans grand danger parce que nous avions agi à partir d’une position avantageuse, avec de l’énergie à revendre, et c’est la raison pour laquelle nous avions pu faire face à cette situation inattendue. Nous devions rester prudents. Nous ne pouvions pas l’oublier.
« Je ne pense pas que nous puissions emporter le cadavre de l’ours rubis avec nous… » dis-je. « Vous deux, vous récupérez les lièvres azurés. »
« Bien reçu. »
« Très bien. »
Lily et Rose savaient ce qu’il fallait faire ensuite. Et maintenant, les elfes. Il serait préférable que ce soit Shiran qui leur donne des ordres plutôt que moi. C’est dans cette optique que je m’étais tourné vers elle, puis j’avais haussé les sourcils. Après avoir splendidement vaincu l’ours rubis, elle n’avait pas bougé d’un poil.
« Shiran ? »
Quelque chose ne va pas ? Son armure blanche caractéristique était teintée de rouge, mais c’était seulement parce qu’elle avait été aspergée par le sang de l’ours rubis. Elle n’avait aucune blessure à ma connaissance, pourtant elle ne bougeait pas. Son regard était fixé sur l’épée qu’elle tenait à la main. Les autres elfes avaient également commencé à se rendre compte que quelque chose n’allait pas.
Alors que nous regardions tous, Shiran commença à se balancer de façon instable.
« Shiran !? »
Son épée dégringola sur le sol tandis qu’elle tombait à genoux.
« Qu’est-ce qui ne va pas ? »
Les elfes poussèrent des cris de panique tandis que je courais vers Shiran dans un état d’agitation. Mes pieds faisaient des bruits d’éclaboussures collantes sur le sol imbibé de sang. L’odeur du sang était si épaisse qu’elle pouvait déclencher des vomissements, et elle était combinée à une puanteur animale. J’avais ignoré tout cela et j’avais soutenu les épaules de Shiran.
« Takahiro… »
Sa voix me semblait délirante. Mais je voyais bien que ce n’était pas tout. J’avais regardé le visage de Shiran pour voir comment elle allait, puis j’avais senti un frisson me parcourir l’échine.
« Taka… hiro… »
Ce n’est pas comme si quelque chose s’était vraiment passé. Le seul œil bleu de Shiran ne faisait que refléter mon image. Elle ne regardait pas fixement. En fait, elle avait plutôt l’air d’être hébétée. Et pourtant, je m’étais figé comme si quelque chose d’impensable se présentait à moi. Je n’en connaissais pas la raison. Je ne pouvais pas l’expliquer autrement que par le fait que mon corps avait réagi par instinct. J’étais resté figé ainsi pendant plusieurs secondes.
« Non… Ce n’est rien, Takahiro. »
La voix de Shiran frappa mon oreille, me ramenant soudain à la raison. Son expression était maintenant digne.
« Je suis désolé de t’avoir inquiété. »
Sa voix était redevenue régulière. C’était la Shiran habituelle. Ce sentiment étrange avait disparu comme s’il n’avait jamais existé.
« Aah, c’est… un peu désagréable », marmonna Shiran en regardant son corps couvert de sang. « Tu peux reculer, Takahiro ? Tu vas te mouiller. »
Un glyphe s’était formé dans sa main et une boule d’eau prit forme au-dessus de sa tête. J’étais resté bouche bée, mais un temps plus tard, j’avais fait un pas en arrière. Au même moment, l’eau tomba.
L’eau éclaboussa la tête de Shiran et se répandit sur le sol. Même si elle n’avait pas fait disparaître le sang qui tachait ses vêtements, elle avait tout de même lavé la majeure partie de son armure. Cela affaiblit un peu l’odeur épaisse qui régnait dans l’air.
« C’est mieux », dit Shiran en secouant un peu d’eau sur sa tête et en se redressant.
Ses mouvements étaient aussi réguliers que d’habitude. Je continuais à la regarder, comme si j’avais été ensorcelé. C’est alors que Leah s’approcha en trébuchant, une Kei pâle à ses côtés.
« Vas-tu bien, Shiran ? » demanda Leah.
« Shiran ! »
« Tante, Kei… Oui, je vais bien », insista Shiran en se tournant vers elles avec un sourire en coin. « Je me suis juste sentie un peu malade à cause de l’odeur du sang. »
« Es-tu sûre ? » demanda Kei, perplexe.
« Désolée de vous avoir inquiété », dit Shiran en s’inclinant.
« Ce n’est pas grave. Il n’y a pas besoin de ça », répond Leah, un grand sourire aux lèvres. « Aah, Dieu merci. J’ai cru que mon cœur allait s’arrêter. »
Elle avait l’air vraiment soulagée, mais je ne pouvais pas ressentir la même chose. J’avais regardé Shiran alors qu’elle cherchait à récupérer son épée tombée au sol. Se poussait-elle trop loin ? Rien chez elle ne semblait le suggérer.
« Vas-tu vraiment bien ? » avais-je demandé.
« Oui. C’est exactement comme je l’ai dit », répondit-elle en agissant toujours de la même façon. « Allons-y, Takahiro. Nous devons nous préparer pour notre prochaine cible. »
Il n’y avait rien de mal à sa proposition, mais…
« Non. On va s’arrêter là », lui avais-je dit en secouant la tête.
« Takahiro ? Si c’est à propos de mon état, je vais vraiment bien. »
« Non. Il vaut mieux qu’on s’arrête s’il y a la moindre petite chose à craindre », avais-je dit, puis je m’étais tourné vers Leah. « Nous avons déjà accompli une bonne partie de notre objectif initial. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de nous pousser davantage. Qu’en pensez-vous ? »
« C’est… certainement vrai. »
Leah hésita un instant, mais à cause de mon ton ferme, elle acquiesça rapidement.
Après avoir obtenu le consentement du représentant des villageois, je m’étais retourné vers Shiran.
« Takahiro… »
Elle protesta avec son œil, mais j’avais encore secoué la tête.
« Avec ce qui vient de se passer, nous sommes peut-être plus épuisés que nous ne le pensons. Nous devrions nous arrêter là. »
« Très bien… » murmura Shiran en baissant le regard. Elle voyait bien que je n’avais pas l’intention de reculer. « Retournons au village. »
◆ ◆ ◆
« Ai-je été trop autoritaire ? » avais-je murmuré.
Nous étions de retour dans la maison que nous avions empruntée pendant notre séjour au village. Nous étions rentrés plus tôt que prévu, alors j’avais donné à ceux qui étaient restés une brève explication de ce qui s’était passé.
J’étais assis avec les jambes croisées, et Ayame était allongée sur mes genoux, en train de ronfler. Asarina, qui devait elle aussi rester à l’étroit et cachée pendant que nous étions dehors, profitait de la liberté à sa façon. Elle s’était enroulée autour de mon bras gauche et posait sa tête sur mon épaule, me demandant de jouer avec elle. J’étais en train de l’écouter quand Lobivia, qui ne cessait de jeter des coups d’œil à Asarina et Ayame, prit la parole avec curiosité.
« Mais, Takahiro, Shiran avait l’air un peu malade, non ? » demanda-t-elle en tirant sur l’ourlet de mes vêtements. « Ne t’es-tu pas trompé ? »
« Je suis d’accord », ajouta Gerbera. Elle était blottie à mes côtés tandis que je m’appuyais sur l’une de ses jambes. « Il y a eu ce problème que Lily a soulevé tout à l’heure… Tu te souviens ? À propos des patrouilles nocturnes. Shiran a l’habitude d’en faire trop. Il faut parfois se montrer un peu trop autoritaire pour qu’elle s’arrête. » Gerbera s’était arrêtée là, l’air un peu décontenancé. « En fait, ce n’est pas pour ça que tu as écourté les choses et que tu es revenue ? »
« C’est vrai… » dis-je avec un hochement de tête ambigu.
Lobivia et Gerbera avaient raison. Je ne pouvais pas faire grand-chose pour Shiran. C’était un noble chevalier, fiable jusqu’à la moelle. Se surpasser était son seul et unique défaut parmi ses nombreuses vertus.
M’inquiéter pour elle était à peu près tout ce que je pouvais faire. C’est pourquoi j’avais décidé de le faire autant que possible. C’est ainsi que j’avais agi jusqu’à aujourd’hui et que je continuerai à agir à l’avenir.
Je faisais ce que je pouvais. Du moins, c’était censé être le cas. Alors pourquoi ressentais-je un étrange malaise persistant au fond de ma poitrine ? Quelque chose me donnait l’impression de confondre une chose avec une autre.
Je m’étais souvenu de la sensation inexplicable que j’avais ressentie en regardant le visage de Shiran alors qu’elle était agenouillée sur le sol. Je n’arrivais pas à me l’enlever de la tête. Pourquoi avais-je mis fin aux activités d’aujourd’hui pour commencer ? Ce n’était pas parce que j’avais pensé que Shiran s’était trop poussée. J’avais parlé avant même d’y penser. Ma bouche avait bougé par instinct, me disant que je devais le faire. C’était la raison pour laquelle j’avais été si autoritaire. J’avais ressenti plus de danger que de considération. Pourtant, je n’arrivais pas à comprendre pourquoi. Je ne pouvais rien faire d’autre que de m’attarder sur cette sensation floue.
Qu’est-ce que c’était exactement ? J’allais le comprendre ce soir-là, lorsque j’avais découvert Shiran après qu’elle se soit éclipsée de chez elle.
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merci pour le chapitre