Monster no Goshujin-sama (LN) – Tome 5 – Chapitre 14

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Chapitre 14 : À chacun son chemin

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Chapitre 14 : À chacun son chemin

Partie 1

« Alors ? Qu’est-ce qui se passe, bon sang ? »

En entendant l’agitation, tout le monde s’était rassemblé, et nous étions allés au salon pour entendre les détails de Mikihiko. Selon lui, après que lui et la commandante aient quitté les faubourgs, ils étaient arrivés au Fort de Serrata en une demi-journée environ. Ils avaient pris rendez-vous avec le comte Lorenz et avaient été introduits dans la forteresse.

À ce moment-là, Mikihiko avait été emmené dans une pièce séparée de celle de la commandante. Bien qu’il ait été personnellement investi dans le résultat, il n’était pas concerné. Il y avait des choses qu’ils ne pouvaient pas dire devant des étrangers, donc il n’avait pas eu d’autre choix que de se retirer. La commandante avait également donné son accord, et Mikihiko avait accepté à contrecœur.

Cependant, la commandante n’était pas revenue, peu importe combien de temps il a attendu. Il avait essayé d’interroger une personne du comte, mais on l’avait balayé d’un revers de main avec des réponses vagues. Le matin venu, il avait finalement réussi à obtenir l’histoire d’un préposé. La commandante et tous ses chevaliers étaient assignés à résidence dans la forteresse. Jugeant qu’il ne pouvait pas rester, Mikihiko avait habilement utilisé son statut de sauveur pour s’échapper de la forteresse et s’était rendu jusqu’ici tout en surveillant ses poursuivants.

« Bon travail pour être venu jusqu’ici, » lui avais-je dit.

« Hm. C’était si soudain. J’étais super confus, et je ne savais pas trop quoi faire… Mais juste après avoir pris rendez-vous, on nous a envoyé attendre un peu en ville. C’est alors que la commandante m’a fait savoir ce qu’il fallait faire au cas où cela se produirait. »

« Attends. Elle a prédit ça ? »

« Je me demande… Elle a ri comme si c’était ridicule, comme si ça lui était venu à l’esprit en chemin… »

Quoi qu’il en soit, elle avait fait l’effort d’en parler et de donner des instructions à Mikihiko, ce qui l’avait conduit ici.

« Je veux dire, je t’en ai déjà parlé, non ? Toute la responsabilité de la chute du Fort de Tilia pourrait lui être imputée. Je n’ai pas été autorisé à la voir après qu’elle ait été assignée à résidence, et je n’ai pas pu obtenir d’informations de quiconque savait ce qui se passait, donc je ne peux rien dire avec certitude… Mais je ne pense pas qu’il y ait d’autres raisons pour qu’ils l’arrêtent. »

« Rien d’autre ne te vient à l’esprit, hein ? »

« Mais Mikihiko, » dit Shiran, « quelles que soient les circonstances, les actions du Seigneur Lorenz ne sont-elles pas trop autoritaires ? » Son expression, à moitié cachée par son cache-œil, était sensiblement rigide. « La commandante est la princesse d’Aker. C’est certes un petit pays, et il possède une faible puissance nationale par rapport à l’Empire, mais nous ne sommes pas si faibles au point d’accepter un tel comportement. Les autres des Cinq Royaumes du Nord ne manqueront pas de compatir aussi avec nous. Sans parler du fait que le Seigneur Lorenz est responsable de la cité marchande de Serrata, qui profite largement du commerce avec l’Alliance. Je ne pense pas qu’il soit du genre à agir avec autant de force… »

« Quel genre de personne est le Comte Lorenz ? » J’avais demandé à Shiran, en essayant de comprendre la situation. Elle donnait un bon point, mais les gens au pouvoir n’étaient pas toujours rationnels, surtout si l’on considère la société féodale ici.

« Je ne l’ai pas rencontré personnellement, mais j’ai entendu dire qu’il a la réputation d’être prudent dans tout ce qu’il fait, » répondit Shiran, en choisissant ses mots avec soin.

« La commandante a dit que c’était un opportuniste qui n’aimait pas faire de vagues, » ajouta Mikihiko. « C’est pourquoi elle a balayé cela comme assez peu probable. »

J’avais froncé les sourcils. C’était facile de supposer qu’ils l’avaient mal interprété, mais quelque chose ne collait pas. Peut-être que quelque chose d’incroyable se passait à l’abri des regards. Cette mauvaise prémonition m’avait fait bondir.

« Je ne peux rien affirmer avec certitude, mais il y a une chose qui me préoccupe, » dit Mikihiko en aiguisant son regard sous ses lunettes. « Je ne l’ai découvert qu’en recueillant des informations pendant l’enfermement de la commandante. Le margrave Maclaurin est apparemment à Serrata en ce moment. »

« Le margrave Maclaurin… Tu veux dire le grand noble impérial qui est célèbre pour détester les elfes ? » avais-je demandé, plutôt perplexe devant ce nom inattendu.

Mikihiko avait hoché la tête. « Malheureusement, je suppose que oui. Il est possible qu’il ait entendu la nouvelle de la chute du Fort de Tilia et qu’il soit venu ici pour en profiter. »

« Profiter ? Suggères-tu que le margrave est celui qui a ordonné l’arrestation ? »

« C’est juste mon avis. »

Mikihiko avait jeté un coup d’œil à Shiran pour lui demander son avis. Elle avait hésité à répondre pendant un moment, puis avait hoché la tête. « La maison Maclaurin est en désaccord avec les cinq royaumes du Nord depuis des générations. Leurs relations difficiles remontent à l’époque où l’Empire et l’Alliance étaient en guerre. En fait, la maison Maclaurin a reçu le titre de margrave spécifiquement pour servir de force militaire contre l’Alliance. Les deux sont des ennemis politiques jusqu’à aujourd’hui. »

La guerre entre l’Empire et l’Alliance avait eu lieu il y a plusieurs siècles. Les souvenirs de ce conflit étaient loin dans le passé. Cependant, de tels faits historiques pouvaient jeter des ombres sur les relations entre les pays loin dans le futur. La différence avec laquelle l’Empire et l’Alliance traitaient les elfes n’était qu’un des fossés qui les séparaient.

« Si on lui en donne l’occasion, il en profitera certainement avec plaisir, » ajouta Shiran. « En fait, je le vois bien ouvrir davantage la plaie, aussi lentement que possible. De plus, même si c’est étrange pour moi de le dire moi-même, la commandante est souvent ridiculisée comme étant une amoureuse des elfes, alors… »

Les paroles de Shiran avaient renforcé l’opinion de Mikihiko. Cela explique-t-il tout pour l’instant ? Je ne connaissais pas bien le tempérament de Maclaurin. Compte tenu de la position de Shiran en tant qu’ancienne citoyenne d’Aker, il était possible que ses critiques contiennent une bonne dose de préjugés. Mais même en tenant compte de cela, il y avait définitivement un fossé entre Maclaurin et l’Alliance. La commandante avait fait un mauvais calcul en oubliant qu’un noble qui ne se souciait pas de la détérioration des relations avec Aker se trouvait actuellement à Serrata.

« J’ai compris l’essentiel, » avais-je dit. Il y avait encore plusieurs points qui me dérangeaient, mais il était inutile d’y réfléchir davantage. J’avais décidé de mettre un terme à toute investigation supplémentaire pour le moment. « Alors, que va-t-il arriver à la commandante ? »

L’attaque du Fort de Tilia avait fait plus de mille morts parmi l’Armée impériale du Sud, la deuxième compagnie des Chevaliers impériaux et la troisième compagnie des Chevaliers de l’Alliance. Qui plus est, un point stratégique important pour toute l’humanité avait été perdu et abandonné. Je ne pouvais même pas imaginer ce qui arriverait à la personne tenue pour responsable de cela.

« Ne me dis pas qu’ils ont l’intention d’exécuter… »

Je m’étais arrêté à mi-chemin au moment de le dire. J’avais vu l’expression de Shiran se déformer avec tristesse. Je n’aurais pas dû dire quelque chose d’aussi irréfléchi.

« Non, je suis presque sûr que c’est hors de question, » dit Mikihiko, écartant heureusement cette possibilité. « La famille royale d’Aker est aimée de ses citoyens. Être assigné à résidence est une chose, mais aller jusqu’à exécuter l’un de ses membres royaux déclencherait une guerre contre Aker. Les autres nations des Cinq Royaumes du Nord ne resteraient pas non plus tranquilles, pensant qu’elles seraient les prochaines. Même pour le grand patron de l’Empire du Sud, perturber toute la frontière des forêts du Nord pour une telle chose le mettrait dans une position misérable. Au pire, le Saint Ordre pourrait même prendre des mesures. »

« Le Saint Ordre ? »

« Oui. Leur rôle principal est de défier les Terres forestières aux côtés des sauveurs, mais ils maintiennent aussi l’ordre mondial. Ils sont la force militaire la plus puissante du monde. L’Église accorde à toutes leurs actions une légitimité religieuse. S’ils font un geste, même un margrave va tomber en ruine. »

Un tel risque serait impensable, sauf s’il avait l’intention de détruire l’héritage de sa famille. La seule raison pour laquelle Maclaurin s’était manifesté pour cet incident alors qu’il n’était pas vraiment impliqué était uniquement pour harceler un ennemi politique détesté. Il serait stupide de perdre tout ce qu’il avait pour quelque chose d’aussi insignifiant.

« Eh bien, c’est une connaissance de seconde main venant de la commandante. De toute façon, le margrave ne peut pas ordonner une exécution à sa propre discrétion. »

« Donc… nous n’avons pas à nous inquiéter de sa sécurité ? »

Mikihiko avait acquiescé, mais il avait un regard sombre. « Pourtant… Tant qu’elle est confinée comme ça, je crois qu’il va lui faire porter le chapeau autant que possible. Peu importe ce qui s’est réellement passé, elle est en position de porter le chapeau. Elle va probablement être envoyée sous bonne garde dans la capitale impériale, subir un procès et être condamnée. »

« Être condamné à quoi, précisément ? »

« D’après ses suppositions… Elle sera renvoyée en tant que commandante de la troisième compagnie. »

« Ce n’est pas possible ! » Shiran avait pratiquement crié.

Même si Mikihiko avait regardé avec sympathie le visage affligé de Shiran, il avait expliqué les choses jusqu’au bout.

« Tant que la commandante n’est pas là, la troisième compagnie sera obligée de se dissoudre. Même s’ils arrivent à se reformer, il est hors de question qu’elle soit celui qui les dirige. Qui sait s’ils seront vraiment capables de se reformer. Tu as vu ce qui s’est passé au Fort de Tilia. Tant que les sauveurs de l’époque actuelle seront là, les hautes sphères de l’Empire vont retirer un maximum de réalisations à leurs rivaux. »

« La troisième compagnie… sera dissoute… ? » dit Shiran, sa voix tremblante et creuse. En voyant cela, son comportement habituel de calme ressemblait presque à un mensonge. « C’est impossible… Ce n’est pas possible… »

Shiran avait titubé, marmonnant dans son délire. Sa posture normalement digne semblait maintenant fragile. Elle parvint à garder suffisamment de maîtrise d’elle-même pour ne pas s’effondrer, mais il semblait qu’elle pouvait tomber à tout moment.

Elle s’était toujours efforcée d’être un chevalier. C’était l’équivalent de perdre sa place dans la vie. Ce n’était pas tout. Parce qu’elle était maintenant un monstre mort-vivant à cause de sa bataille contre Juumonji, il lui serait difficile de continuer à être un chevalier si elle devait servir sous quelqu’un d’autre que la commandante.

« Je suis un chevalier, comme avant. Je me battrai pour le bien de ceux que je dois protéger. Je ne remercierai jamais assez la commandante. »

C’est ce qu’elle m’avait dit un jour en souriant. À quel point serait-ce un choc pour elle de perdre sa place de chevalier ? Cette simple pensée m’avait fait mal au cœur.

« Mikihiko… Que dois-je faire ? » J’étais inquiet pour Shiran, mais pour l’instant, nous devions faire face au problème qui se présentait à nous. J’avais tué mon envie d’appeler Shiran et j’avais interrogé Mikihiko à la place. « La raison pour laquelle tu es venu me voir directement, c’est parce que la commandante voulait que je fasse quelque chose, non ? »

« Cela rend les choses plus rapides. »

« Non pas que je pense pouvoir faire quoi que ce soit. »

Je ne savais même pas si je pouvais lui être utile. Elle avait garanti ma sécurité pendant tout ce temps. Les chevaliers qui la soutenaient pleinement, connaissant notre situation, avaient tant fait pour nous. Si elle n’était plus là, ma position dans ce monde deviendrait considérablement plus instable.

« Désolé, mais il n’y a pas grand-chose que je puisse faire. Tu ne vas pas me demander de t’aider à défoncer la porte du Fort de Serrata pour la reprendre, n’est-ce pas ? »

« Ha ha. Ne serait-ce pas excitant ? Ce serait génial si on pouvait, mais malheureusement, ce n’est pas le cas. Même si nous pouvions le faire, cela ne ferait que compliquer davantage les choses, » avait dit Mikihiko, me montrant un sourire pour la première fois aujourd’hui. « Takahiro, la demande de la commandante concerne Shiran. »

« À propos de moi… ? » dit Shiran avec un souffle de surprise.

Mikihiko lui avait jeté un regard compatissant et avait dit. « Elle veut que tu raccompagnes Shiran dans sa ville natale. »

***

Partie 2

Selon l’homme que j’avais sauvé, les chevaliers à l’extérieur de la ville avaient été retenus par précaution contre toute tentative de sauvetage de la commandante. Tant qu’ils se rendraient docilement, aucun mal ne lui serait fait et elle resterait en résidence surveillée. Il y avait un gros problème, cependant — Shiran.

En tant que lieutenante de la compagnie de la commandante, Shiran lui servait de bras droit. Les personnes qui avaient arrêté la commandante voulaient retenir Shiran avant tout le monde. Mais ce serait un développement terrible.

Shiran était maintenant un monstre mort-vivant. Si une tierce partie devait la capturer, elle découvrirait très probablement ce fait. Il n’était pas certain que ses circonstances atténuantes soient prises en compte, surtout si le haïsseur d’elfes Maclaurin était impliqué.

En ce sens, c’était une chance que Shiran soit restée avec nous dans ce faubourg. La commandante avait préparé ce bâtiment pour nous, mais il n’appartenait pas aux Chevaliers de l’Alliance. Cela le plaçait hors de la vue de Maclaurin. Sinon, il l’aurait déjà envahi.

« La commandante ne peut pas t’accompagner, » dit Mikihiko, « mais une fois le procès terminé, elle rentrera vraisemblablement chez elle. En attendant, elle veut que tu emmènes Shiran et Kei et que tu les attendes dans leur village. »

Je ne pouvais pas laisser Shiran seule, et je n’avais de toute façon aucune destination en tête. J’avais accepté la demande de la commandante, j’avais immédiatement rassemblé nos bagages et je m’étais mis en route. Nous n’avions pas eu le temps de faire tous les préparatifs nécessaires pour le voyage, mais heureusement, les chevaliers avaient encore un surplus de provisions pour le voyage qu’ils nous avaient cédé. Nous pouvions simplement acheter ce dont nous avions besoin à la prochaine ville, et si besoin était, nous pouvions aussi chasser des monstres pour nous nourrir. J’avais aussi l’argent que la commandante m’avait donné en récompense de nos services et que je pouvais utiliser comme frais de voyage.

« Nous avons quitté la ville plus facilement que je ne le pensais…, » avais-je marmonné depuis le siège conducteur de la manamobile.

« Je suis sûr qu’ils sont occupés avec les chevaliers en dehors de la ville, » dit Mikihiko depuis l’intérieur de la voiture. « Il y a cinquante chevaliers à leur connaissance. Ils ont dû utiliser une quantité importante de personnel dans le cas improbable où les chevaliers résisteraient. Ils n’ont plus assez d’hommes pour fermer les routes. »

Lorsque nous avions quitté la ville, nous avions vu un marchand passer devant nous en faisant tout un plat à propos d’une tonne de soldats descendant de Serrata. Comme l’avait dit Mikihiko, Maclaurin avait envoyé la majorité des forces à sa disposition pour protéger les chevaliers.

Ces soldats étaient probablement en train d’escorter les chevaliers jusqu’à Serrata. Même si la nouvelle de la fuite du chevalier et de notre intervention leur parvenait, Serrata était à une demi-journée de voyage du faubourg. Ils ne seraient pas en mesure de nous empêcher de partir.

Nous nous étions mêlés au flot des colporteurs qui quittaient la ville et avions pris la route vers le sud. Aker, l’un des cinq royaumes du Nord, était un petit pays situé au sud-ouest du comté de Lorenz. Pour s’y rendre en toute sécurité, il fallait d’abord prendre la route vers l’ouest et traverser le comté de Longue, dont la région sud bordait Aker. Cependant, la moitié de cette frontière était couverte par les Bois Sombres, et l’autre moitié par les montagnes escarpées de Kitrus, il était donc dangereux de se diriger vers le sud depuis le Comté de Longue. C’est pourquoi la route typique, celle qu’utilisent les colporteurs, prenait un chemin détourné plus à l’ouest jusqu’au comté de Cornisch. Elle suivait ensuite une route parallèle à la rivière Aralia, un grand fleuve qui coulait au centre du continent et se ramifiait au sud-est vers Aker.

Cependant, comme il s’agissait de la route établie et sûre, il était possible que des poursuivants viennent nous chercher. C’est pourquoi nous avions commencé par nous diriger vers le sud pour prendre une route différente vers le sud-ouest. Cette suggestion avait également été faite par la commandante. Contrairement aux marchands ordinaires, nous pouvions sacrifier une partie de notre sécurité sans trop de problèmes. Notre voyage à travers les terres les plus dangereuses de ce monde, les Terres forestières, n’était pas juste pour le spectacle.

Cette nuit-là, nous avions installé le camp le long de la route. Emmitouflé dans un manteau, je m’étais assis contre un arbre, sentant le poids et la chaleur corporelle de Lily qui se blottissait contre moi pour me protéger. J’étais bien réveillé. Mes yeux étaient fixés sur Gerbera, qui dormait profondément sous le clair de lune, nos bagages dans les bras, tandis qu’Ayame, ronflant paisiblement, était recroquevillée en boule sur son ventre d’araignée.

J’avais soudain senti un regard sur moi. Shiran, également enveloppée dans un manteau, regardait dans ma direction de son œil bleu. Sa peau blanche ressortait dans l’obscurité de la nuit, mais pas autant que celle de Gerbera.

« Est-ce que ça te convient vraiment ? » avait-elle demandé.

Une petite question. Elle était restée silencieuse depuis notre départ, toujours plongée dans ses pensées — ici dans son corps, mais pas dans son esprit. C’était simplement le grand choc que cela représentait pour elle. Maintenant, cependant, elle semblait calme. Il n’y avait aucun tremblement dans sa voix. Elle avait apparemment réussi à récupérer au cours de la seconde moitié de la journée… au moins au point de pouvoir sauver les apparences.

« Est-ce que tout va bien ? » avais-je demandé.

« M’emmener dans ma ville natale. Si mon identité est découverte, cela deviendra très gênant pour toi, Takahiro. »

« Ne t’inquiète pas pour ça, » lui avais-je dit en haussant les épaules. Enfin, l’épaule. Lily était collée à l’autre. « Partir avec toi n’est pas un si mauvais choix pour moi. Nous ne sommes pas encore familiers avec ce monde, après tout. Il serait difficile pour nous de chercher un endroit paisible où vivre, en trébuchant jusqu’à ce que nous le trouvions. De plus, je ne peux pas utiliser une pierre runique de traduction. Je serai totalement impuissant si je ne peux communiquer avec personne. »

« Dans ce cas, tu aurais pu simplement prendre Kei avec toi. Elle sait très bien s’en servir, » dit Shiran en jetant un coup d’œil à sa nièce qui dormait profondément à côté d’elle. « Elle est encore inepte à certains égards, mais elle devrait te servir plus que… »

« Shiran. »

Je lui avais coupé la parole. Elle avait regardé le sol. Elle n’était vraiment pas encore revenue à son état normal. C’était parfaitement compréhensible, vu les circonstances. Je ne pouvais pas la laisser seule dans un tel état.

« Je me trimballe avec une bombe depuis le début. Rien ne change du fait de t’avoir avec moi. Il n’y a pas besoin de s’inquiéter pour quelque chose d’aussi insignifiant. »

Même si ce n’était pas le cas, je doutais de pouvoir abandonner cette elfe. L’abominable conflit que Juumonji avait causé n’avait apporté que des pertes. S’il y avait une chose que je pouvais dire que j’avais gagnée, c’était le lien de confiance que j’avais maintenant avec ces filles. Il n’y avait aucune chance que je puisse le trahir.

« De plus, la commandante m’a demandé directement de le faire avant que tout cela n’arrive, » avais-je marmonné.

« Directement, dis-tu ? » demanda Shiran en levant les yeux vers moi.

« Oui. Mais je ne sais pas si elle s’attendait à ce que ça se passe comme ça. »

« S’il vous plaît, continuez à prendre soin de Shiran, Takahiro. »

Les mots qu’elle m’avait dits cette nuit-là dans le village de récupération m’étaient revenus à l’esprit. Je ne connaissais pas son intention à ce moment-là. Plutôt que de les dire en prévision de ces événements, elle les avait peut-être prononcés par simple souci de l’avenir de Shiran. La seule chose dont j’étais certain, c’est qu’elle m’avait confié Shiran. Je n’avais pas l’intention de trahir cette confiance.

 

 ◆ ◆

L’aube s’était levée sans incident. Nous étions restés sur nos gardes, mais aucun poursuivant n’était venu nous chercher. Soit c’était le bon choix de prendre la route vers le sud, soit il n’y avait pas de poursuivants.

Après avoir pris le petit-déjeuner, nous avions rapidement terminé nos préparatifs pour partir. J’étais monté à bord de la manamobile, mais j’avais rapidement baissé la tête.

« Mikihiko ? »

Du siège du conducteur, j’avais regardé mon ami, qui se tenait dans sa tenue de voyage avec trois chevaliers.

« Qu’est-ce qu’il y a ? Monte. Tu n’es pas en train de me dire que tu veux marcher, n’est-ce pas ? »

La manamobile ne se déplaçait qu’au rythme de la marche, mais elle réduisait vraiment la fatigue des déplacements sur de longues distances. Il n’y avait aucune raison de faire un détour pour marcher.

« Oui, c’est exactement ce que je vais faire, » dit Mikihiko en hochant la tête. « Pour Serrata, c’est ça. »

C’était plutôt abrupt, mais je n’étais pas surpris. Peut-être que je savais quelque part en moi qu’il ferait ça.

« Si quelqu’un s’en prenait à nous, » continua-t-il, « je pense pouvoir les en dissuader d’une manière ou d’une autre, vu que je suis connu comme un sauveur même au Fort de Serrata… Il semble que ce ne soit plus nécessaire. »

« Vas-tu auprès de la commandante ? »

« C’est mieux d’avoir ne serait-ce qu’une personne de plus qui peut la défendre, non ? Mon statut de sauveur me donne envie de hurler… mais je vais l’utiliser du mieux que je peux. »

Mikihiko m’avait fait un sourire. Le chevalier qui se tenait à côté de lui avait également souri effrontément en levant la main.

« Soyez tranquille, monsieur. Nous allons l’accompagner. Nous ne pouvons pas permettre que quelque chose arrive sur le chemin de Serrata, après tout. »

« Marcus… ? Et vous deux aussi ? » murmura Shiran.

Elle était sortie de la manamobile, les yeux écarquillés par le choc. Elle ne trouvait pas les mots à le dire et restait simplement là, le poing serré sur sa poitrine en armure. Leur détermination était forte. Il était clair qu’il n’y avait pas moyen de les convaincre du contraire.

« Ne me regarde pas comme ça, Takahiro, » dit Mikihiko en riant. « Je suis sûr que tu te sentiras seul, mais ce ne sera pas notre dernier adieu. »

Son ton était frivole, mais ce n’était pas parce qu’il était irréfléchi. Je le savais très bien, aussi avais-je réussi à lui rendre son sourire, bien que faiblement.

« Ouais. Ce n’est pas la fin… »

Dans ce monde plein de dangers, il était certain que je me séparerais de certaines des personnes que je rencontrais et que je ne les reverrais jamais. C’était différent du monde d’où nous venions. Ici, les transports et les communications étaient moins que satisfaisants. Des monstres attendaient à l’extérieur de chaque ville, et le simple fait de se déplacer d’une ville à l’autre était un risque mortel. Même avec notre groupe, qui avait assez de force pour surmonter de telles difficultés, nous devions faire face à nos propres circonstances. Il ne serait pas étrange que nous soyons obligés de nous séparer à un moment donné.

Mikihiko et moi étions pleinement conscients de cela. Nos retrouvailles après la destruction de la colonie étaient au départ déjà un miracle.

Quoi qu’il en soit, je lui avais dit. « Je vais y aller. Finis-en bien avec tous les détails et reviens-nous vite. »

La commandante avait sauvé la vie de Mikihiko. Il faisait toujours de son mieux pour lui être utile. C’était sa façon de faire. Tout comme j’avais décidé de vivre en tant que maître de Lily, il s’était résolu à vivre pour le bien de la commandante. Dans ce cas, nous ne perdrions pas courage si facilement.

« C’est ça. Nous nous reverrons. »

Mikihiko m’avait fait un signe de tête appuyé, puis avait souri en se retournant et en faisant un signe de la main.

J’allais aller à Aker, tandis que Mikihiko se dirigeait vers Serrata. Nous avions chacun commencé à suivre notre propre chemin.

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