Monster no Goshujin-sama (LN) – Tome 3 – Chapitre 7

Bannière de Monster no Goshujin-sama (LN) ***

Chapitre 7 : Serviteur, maître

***

Chapitre 7 : Serviteur, maître

Partie 1

Après le service commémoratif pour les victimes de terres forestières, nous étions retournés à la surface. J’avais ressenti un sentiment de libération en le faisant, et pas seulement à cause de la sensation de claustrophobie qui régnait en bas. L’atmosphère du mausolée souterrain possédait un poids particulier.

« À propos de vos projets après cela, Takahiro, Miho, avez-vous l’intention de rejoindre les autres pour vous entraîner ? » Shiran avait demandé ça alors que nous sortions de l’escalier. « J’ai entendu de la commandante que les autres sauveurs devraient finir leur entraînement à peu près maintenant. En conséquence, hum… Vu que vous avez manqué l’occasion de participer parce que vous m’avez accompagnée pour le service commémoratif de mes camarades, bien que ce soit présomptueux de ma part, je peux vous enseigner à tous les deux en ce qui concerne l’épée et la lance. Qu’en pensez-vous ? »

Honnêtement, ce n’était pas une mauvaise offre. Mon entraînement avec Gerbera jusqu’à présent avait été extrêmement utile pour habituer mon corps au combat. Cependant, il y avait un défaut majeur. Gerbera excellait dans les combats, mais elle s’enorgueillissait d’une force écrasante. Elle ne s’appuyait sur aucune ruse, donc elle n’avait aucune connaissance des arts martiaux. Évidemment, elle ne pouvait pas enseigner quelque chose dont elle ne savait rien.

D’un autre côté, pour un humain faible comme moi, la ruse des arts martiaux était une nécessité absolue pour que je ne sois pas une gêne pour mes compagnons au combat. Dans ce sens, la proposition de Shiran n’était pas mauvaise du tout. Elle avait déjà perçu que je pouvais utiliser le mana, de toute façon. Je n’avais pas à m’inquiéter de m’exposer en m’entraînant avec elle. Il n’y avait pas non plus d’autres élèves, je pouvais donc être plus à l’aise. De plus, quelle que soit la forme que ça prend, le fait de participer à une forme d’entraînement au moins une fois pouvait servir d’excuse pour s’abstenir de toute autre séance.

J’avais échangé un regard avec Lily, et après qu’elle m’ait répondu par un signe de tête, j’avais accepté l’offre de Shiran.

 

 ◆ ◆

Après cela, nous avions attendu que Kei lave son visage baigné de larmes avant de nous rendre sur un terrain d’entraînement. Il y avait une légère erreur de calcul de ma part ici. Avec les étudiants partis, les soldats utilisaient maintenant l’espace pour leur entraînement régulier. Ils nous feraient sûrement de la place si je faisais une scène, mais je n’aimais pas faire étalage de l’autorité d’un sauveur comme ça. Il n’y avait que moi et Lily qui nous entraînions, donc nous n’avions pas besoin d’un très grand espace de toute façon. Nous avions donc demandé à Shiran de nous guider vers une pièce plus petite où nous avions commencé à apprendre les bases des arts martiaux.

Il y avait une limite à ce que l’on pouvait faire en une demi-journée. Tout ce que Shiran m’avait appris, c’est à manier l’épée, mais il y avait beaucoup de choses à apprendre, comme comment déplacer mon poids lorsque je m’avançais et comment maintenir le tranchant de la lame. Shiran était une bonne enseignante. Mais il faudrait encore du temps avant de pouvoir mettre tout cela en pratique.

Lily avait rapidement terminé son entraînement et était passée au rôle de spectatrice. Elle ne se relâchait pas vraiment. Elle s’assurait simplement qu’elle n’attirait pas les soupçons à cause de son endurance anormale en tant que monstre. Nous avions réussi à aller jusqu’ici sans que personne ne découvre son identité, mais on n’était jamais trop prudent. En fait, j’avais déjà eu un incident qui m’avait donné des sueurs froides.

« La façon dont vous utilisez le mana est assez particulière, n’est-ce pas, Takahiro ? »

Quand Shiran avait dit cela, j’avais eu l’impression que tout le sang s’était vidé de mon visage d’un seul coup, malgré le fait que je sois rougi par l’effort physique. J’avais appris à utiliser le mana de Gerbera… d’un haut monstre. De plus, la grande majorité du mana qui circulait en moi provenait d’elle et de mes autres serviteurs. Peut-être que la nature même de mon mana était différente de celle des humains normaux. Shiran avait senti quelque chose à ce sujet.

« Vous pouvez dire ce genre de choses ? »

« Je suis une spiritualiste, après tout. Il est impossible de sympathiser avec les esprits si l’on n’excelle pas dans l’utilisation du mana. »

En général, il semblait que les elfes étaient semblables à des tricheurs. C’est peut-être pour cela qu’ils avaient fini par être discriminés.

« Je suppose que c’est parce que j’ai appris par moi-même. La façon dont j’utilise le mana est peut-être différente de celle d’une personne ordinaire. »

« Non. Même en autodidacte, le mana ne circule pas normalement de cette manière. »

« Vraiment ? Alors… C’est possible. N’est-ce pas parce que je viens d’un autre monde ? »

« Je vois. Cela peut certainement être le cas. Tout peut arriver avec les sauveurs. »

Mis à part ce petit contretemps, la période s’était écoulée sans problème particulier. J’avais fini par poursuivre mon entraînement jusqu’au soir. La pièce n’avait pas de fenêtre, donc la nuit était arrivée avant même que je m’en rende compte.

Nous avions fini par manquer le dîner, alors Shiran avait fait en sorte que les repas soient portés dans notre chambre. Une fois mon entraînement terminé, Kei avait préparé de l’eau dans un sceau et un chiffon humide. Lily s’était joyeusement occupée de moi en essuyant ma sueur avec le tissu. En tant que garde, elle ne pouvait pas me quitter, elle avait donc surveillé mon entraînement tout le temps. Je pensais que ce serait ennuyeux pour elle, mais elle était tout sourire.

« Hm ? »

« … Ce n’est rien. »

Lily s’était tournée vers moi après avoir réalisé que je la fixais. J’avais secoué la tête. La voir s’amuser autant me rendait très heureux. J’avais décidé de la laisser faire ce qu’elle voulait, car elle fredonnait pratiquement en s’occupant de moi.

 

 ◆ ◆

Après avoir remercié Shiran d’avoir organisé le dîner pour nous, Lily et moi, nous étions retournées dans notre chambre. Je m’étais lavé avec l’eau chaude que Kei nous avait apportée et j’avais enfilé mon maillot. J’avais pris mon dîner et je m’étais allongé dans mon lit.

« Es-tu fatigué, Maître ? » me demanda Lily en s’asseyant à côté de moi.

« Oui, un peu. »

Ma fatigue avait fondu et s’était transformée en somnolence. L’épuisement présent dans mes bras et mes articulations était le résultat de l’entraînement que j’avais fait avec Shiran. Ce n’était rien de majeur. Si on me pousse à le dire, ma fatigue mentale était bien plus importante.

Depuis que j’étais arrivé dans cette forteresse, j’étais sur les nerfs à tout moment, sauf lorsque j’étais dans cette pièce. Je pensais que c’était la même sensation que d’être constamment vigilant aux attaques de monstres lorsque je vivais dans les Terres forestières, mais la sensation était plus forte ici dans la forteresse.

Les monstres, à part mes serviteurs, m’attaquaient à vue. La distinction entre ami et ennemi était noire et blanche. Parce que je pouvais dire en un instant comment traiter quelqu’un, la vie dans les bois était plus facile.

Cependant, les choses étaient différentes ici. Tout ce qui m’entourait était une nuance de gris. Je devais rester sur mes gardes face à chaque humain que je croisais. Mais je ne pouvais pas simplement les attaquer et éliminer tous les obstacles.

Heureusement, je n’avais pas perdu mon temps en étant ici. J’avais appris beaucoup de choses en venant ici. D’un autre côté, rien n’indiquait encore que j’allais pouvoir résoudre mes problèmes. Plus j’en savais, plus ma situation difficile devenait claire.

« Tu sais quoi, Maître… ? Maître ? T’es-tu endormi ? »

J’avais passé toute la journée dans la forteresse, aussi ma fatigue était-elle plutôt considérable. Au moment où j’allais lui dire que j’étais encore éveillé, ma conscience avait sombré dans l’obscurité.

 

 ◆ ◆

Le troisième jour de notre séjour au Fort de Tilia…

« Fatigué… »

« Tu es toujours aussi mauvais avec les matins, Maître. »

J’avais écouté la voix exaspérée, mais quelque peu charmante, de Lily en étouffant un bâillement. Il était encore tôt le matin, un ciel morose était visible par la fenêtre. Nous attendions que Shiran vienne dans notre chambre. Nous avions convenu de continuer à apprendre les arts martiaux avec elle. Shiran était souvent active tôt le matin, elle nous avait donc invités à la rejoindre.

Elle était une bonne enseignante. Avant cela, je maniais mon épée de manière autodidacte, et l’entraînement d’hier m’avait permis d’en apprendre bien plus que je ne le pensais. Et maintenant, j’avais l’opportunité d’en apprendre encore plus avec elle. Je ne pouvais pas me plaindre juste parce qu’il était tôt le matin.

J’avais étouffé un autre bâillement quand on avait frappé à notre porte. Lily était allée la chercher. Je pensais que Shiran était arrivée, mais c’était en fait mon ami aux cheveux hirsutes.

« Yo. Bonjour, Takahiro, Mizushima. »

« Hein ? Qu’est-ce qui t’amène ici, Kaneki ? » demanda Lily.

« J’ai entendu dire que la lieutenante Shiran apprenait à Takahiro comment se servir d’une épée, alors j’ai pensé me joindre à eux, » avait-il répondu en me faisant un signe de la main.

« Toi ? » avais-je demandé, la tête penchée. « Qu’est-ce qui a provoqué cette tournure des événements ? »

« Euhh, comment dire ? » Mikihiko souriait avec embarras. « Je m’entraîne aussi avec la lieutenante Shiran de temps en temps. Alors, voilà, c’est comme ça. »

« Vraiment ? »

J’avais été assailli par une petite crise de rire. Il était gêné d’être vu en train de faire un effort. Je connaissais déjà très bien cette partie de sa personnalité.

« Et puis, ce sera plus amusant de faire de l’exercice avec vous plutôt qu’avec ces aspirants héros et ces types qui essaient de réveiller leurs tricheries. La commandante a aussi beaucoup de confiance dans la lieutenante. J’ai appris à renforcer mon corps et à utiliser la magie simple, un peu. »

« Je vois. C’est à peu près la même chose que moi. Ce sera pratique pour Shiran de nous enseigner ensemble. Cependant, je ne peux pas utiliser la magie. »

« C’est bon. Tout ce que je peux utiliser, c’est la magie de l’eau de niveau 1 que j’ai apprise à la colonie. Je veux dire, je serais mort dans les bois sans elle. Ça m’a déjà été plus qu’utile. Mais je n’ai pas vraiment de talent pour la magie. J’ai appris le renforcement corporel après être arrivé ici et j’ai travaillé dessus presque exclusivement. » Mikihiko avait fait glisser la poignée d’une épée courte à sa taille. « Il semble que j’aie de toute façon plus de potentiel avec ça qu’avec la magie. »

« Ah oui, tu utilises une épée courte ? »

« C’est bien vrai. »

Mikihiko avait quatre épées courtes d’apparence robuste avec des lames de trente centimètres de long accrochées à sa taille. Il en avait sorti deux de leur fourreau d’un revers de main et un tintement métallique avait résonné dans la pièce. Ses mouvements souples démontraient sa familiarité avec ces armes. Cela montrait à quel point Mikihiko était sérieux dans son entraînement.

« Deux en même temps ? »

« Oui. C’est cool, non ? »

Cette partie était tout à fait appropriée venant de lui. Bien que, le fait qu’il ait des pièces de rechange prêtes à l’emploi indiquait qu’il ne faisait pas que s’amuser. Il avait correctement pris en compte les situations de combat réelles.

***

Partie 2

Mikihiko remit ses épées dans leurs fourreaux et gonfla sa poitrine. « Mon objectif est de devenir un maître en tout ! Je vise à devenir le chevalier de la commandante. Je me suis dit que je devais commencer par me familiariser avec une arme accessible et j’ai étudié sous la direction de la lieutenante Shiran. »

Il avait ensuite jeté un coup d’œil dans la pièce. « Alors, où est-elle ? »

« Nous l’attendions justement. Elle devrait bientôt arriver… »

On avait entendu frapper au moment où j’étais en train de parler.

En parlant du diable.

Cette fois, c’était Shiran.

« Bonjour, Takahiro, Miho. Je vois que Mikihiko est aussi avec vous. »

« Ouais. Bonjour, Shiran… Quelque chose ne va pas ? »

J’avais froncé les sourcils. Il y avait une ombre qui planait sur l’humble expression de Shiran.

« Mes excuses, Takahiro, » dit Shiran en baissant la tête d’un air triste. « En ce qui concerne l’entraînement de ce matin… Pourriez-vous attendre un peu avant de commencer ? »

« Ça ne me dérange pas vraiment. S’est-il passé quelque chose ? »

« Oui. Après avoir dit à Kei de se préparer pour l’entraînement de ce matin, je n’ai pas été en mesure de la trouver. »

« … Quoi ? » J’avais rétréci mes yeux.

« Cela n’est jamais arrivé avant, donc je suis inquiète pour elle. »

Shiran avait l’air désemparée. J’avais appris combien elle tenait à sa nièce Kei après les avoir vues au mausolée hier. Bien sûr, cela l’avait ébranlée.

« Excusez-moi, mais je voudrais partir à sa recherche. Cela signifie que je vais rompre ma promesse avec vous, donc je voulais vous en informer avant… »

« Je comprends. Ce n’est vraiment pas un problème. S’il vous plaît, donnez la priorité à la recherche de Kei. En fait, nous allons aussi vous aider. »

« Hein ? Non, c’est… »

Au moment où Shiran s’apprêtait à refuser ma proposition, Mikihiko était intervenu avec un sourire désinvolte. « C’est bon, c’est bon. Nous n’avons rien à faire de toute façon, » avait-il dit en poussant Shiran dans le couloir. « Allez-y, lieutenante. Nous allons aussi commencer à chercher tout de suite. »

« T-Très bien. Alors, bien que cela me fasse mal, s’il vous plaît prêtez-moi votre aide. » Shiran s’était inclinée avec hésitation et avait pris congé.

Après l’avoir vue partir, Mikihiko s’était retourné vers moi. « Ça te convient, Takahiro ? »

Il s’était apparemment interposé parce qu’il avait vu que j’avais du mal à répondre. J’étais reconnaissant de son côté un peu agressif dans ces moments-là.

« Désolé pour ça. Ça nous a vraiment aidés. »

« C’est bon. Alors, qu’est-ce qui se passe ? Tu vas expliquer les choses, non ? » demanda Mikihiko avec un regard curieux.

« Oui. Je n’ai qu’un soupçon sans fondement de ce qui s’est passé, mais Kei a peut-être disparu parce qu’elle était près de nous. »

Toute contenance avait disparu de l’expression de Mikihiko. « Ne penses-tu pas un peu trop aux choses ? »

« Peut-être, mais peut-être pas. »

« Qu’est-ce qui te fait penser ça ? »

« À en juger par nos conversations d’hier, Kei est une fille très sérieuse. Je ne pense pas qu’elle se relâcherait pour jouer quelque part. Il est plus naturel de supposer que quelque chose lui est arrivé. De plus, Shiran a dit que cela n’était jamais arrivé auparavant. Même sa famille proche ne se souvient pas d’un incident similaire. Il est donc fort probable que “quelque chose” qui n’était pas là avant ait causé cela, comme les personnes qui se sont récemment présentées à cette forteresse. »

« On ne peut pas l’exclure complètement, hein ? Je vois. Tu as raison. Ils sont là depuis trois jours maintenant. C’est à peu près le bon moment pour que les idiots excités commencent à agir comme des idiots. »

Contrairement à Shiran, Mikihiko et moi savions que leurs visiteurs de notre monde n’étaient pas des héros. Il ne serait pas étrange pour certains d’entre eux d’agir comme bon leur semble après avoir été choyés de la sorte.

« Tch. J’aurais dû surveiller ces bâtards ! » Mikihiko avait gémi en frappant le sol de frustration.

J’avais réprimandé Mikihiko. « Calme-toi. Nous ne savons pas encore si c’est vraiment le cas. »

En fait, on ne savait pas si c’était un de nos pairs ou pas. Cependant, si c’était le cas… Mon esprit s’était rappelé l’image de la fin misérable à laquelle Mizushima Miho avait fait face, ainsi que l’image de Katou lorsque je l’avais vue pour la première fois dans cette cabane.

« Bref, allons-y rapidement, » avais-je dit en secouant la tête.

Mikihiko avait acquiescé, son expression étant sévère. « C’est vrai. Même si quelqu’un a vu ce qui s’est passé, il pourrait tenir sa langue si la lieutenante Shiran le lui demande en raison de ses privilèges spéciaux en tant que sauveur. Sur ce point, nous sommes égaux. Nous pouvons probablement les faire parler. »

« Séparons-nous. Je vais chercher avec Mizushima. »

« Hm. Bonne idée. Ce sera dangereux pour Mizushima d’être seule si nous sommes face à un idiot. OK. À plus tard. »

Mikihiko était parti précipitamment, et Lily et moi avions commencé à chercher Kei. Nous avions marché dans le couloir à pas rapides. Nous n’avions pas prêté attention aux soldats qui nous avaient courtoisement salués. Nous n’avions pas l’intention de demander des informations comme Mikihiko l’avait suggéré. Cela dit, nous ne courions pas non plus à l’aveuglette.

« Lily. »

« Je sais. Tu as besoin de mon nez, non ? »

Lily m’avait fait un signe de tête fiable alors que nous étions arrivés à un accord mutuel. Nous nous étions dirigés vers la salle où nous nous étions entraînés avec Shiran hier. Le plan était de venir ici pour faire de l’exercice ce matin. Shiran avait dit à Kei de s’y préparer, il était donc fort probable qu’elle vienne ici ou dans les environs. Lily pouvait traquer l’odeur de Kei d’ici en imitant l’odorat du croc de feu.

Lily avait pris les devants et nous nous étions rapidement déplacés dans la forteresse, rencontrant de moins en moins de personnes au fur et à mesure de notre progression.

« Ça sent le fer rouillé, » dit-elle en reniflant l’air. « C’est probablement l’odeur des armures. »

« Cette zone doit donc être utilisée pour le stockage ou autre. »

C’est pourquoi il n’y avait personne autour. Que ferait Kei ici… ? Que pourrait-on lui faire ici ? Ma mauvaise prémonition avait commencé à avoir un sens de la réalité. J’avais accéléré mes pas.

« Je t’ai trouvée. »

Très vite, nous avions trouvé un garçon blond et une fille blonde dans un couloir non habité. Les cheveux de la fille étaient naturellement blonds et étaient pratiquement transparents. Le garçon qui la tirait par le poignet avait des cheveux blonds teints avec des racines noires, ce qui signifiait qu’il était l’un des étudiants venus de mon monde.

Ce garçon, traité comme un grand héros ici dans cette forteresse, faisait quelque chose d’absolument pas héroïque. Il était en train de traîner une fille encore dans son jeune âge dans une pièce. Son visage enfantin était raide de peur, mais elle n’avait pas pu résister, voyant qui il était.

« … »

C’était le pire scénario que j’avais imaginé. Cependant, il n’avait pas encore atteint un désastre complet. Il semblait que nous avions réussi à arriver ici à temps. Cela dit, je n’avais pas ressenti de soulagement. Mon cœur était déjà rempli d’une tout autre émotion.

Le garçon m’avait remarqué alors que je me rapprochais à pas rapides.

Son expression s’était transformée en une grimace de mécontentement. Il s’était mis à crier à propos de quelque chose ou autre.

Son attitude était bien différente de celle lors que je lui avais fait face hier matin. Je m’étais demandé pourquoi. Puis j’avais réalisé que c’était parce que la situation ici était un peu différente.

Il n’y avait pas d’équipe d’exploration ici.

C’était si facile à comprendre que c’en était dégoûtant.

J’avais continué à avancer à mesure que je me rapprochais de lui, et quand je l’avais atteint, j’avais pris la tête du garçon dans ma paume alors qu’il me maudissait, mordait et gémissait.

Ça ne servait à rien de discuter. Avant même qu’il ait pu réagir, j’avais écrasé son visage contre la porte de la pièce dans laquelle il essayait d’entraîner la fille. Du sang avait jailli de son nez et il avait perdu connaissance sans même pousser un cri. J’avais lâché prise et son corps s’était effondré sur le sol. C’était trop rapide.

Il était plein d’ouvertures. Même quelqu’un comme moi pouvait facilement le maîtriser. Il croyait sans doute qu’il pouvait blesser les autres en faisant ce qu’il voulait sans jamais être lui-même attaqué. Il n’y avait pas besoin d’ennuyer Lily avec ça.

Mais peut-être que c’était à prévoir. Ce type n’avait pas suivi un entraînement de combat sans relâche. Il n’avait pas fait l’expérience d’être sur le précipice de la vie et de la mort. Il n’était pas déterminé. Il avait simplement brandi le privilège d’être un sauveur comme un bouclier pour faire ce qu’il voulait. Il n’avait fait que brandir la violence, sans la recevoir. C’était le genre d’humain qu’il était.

J’avais détourné le regard du garçon et m’étais retourné. « Vas-tu bien ? »

Kei était tombée sur ses fesses et me regardait avec de grands yeux et une expression abasourdie.

« … Oh, d’accord. Tu ne peux pas me comprendre maintenant, hein ? »

Je venais d’un autre monde, alors que Kei était de ce monde. Sans pierre runique de traduction à proximité, nous ne pouvions pas nous comprendre. Je m’étais gratté la tête en me demandant quoi faire quand Kei s’était levée et avait commencé à crier.

« —, — ! — — ! »

« Wôw là. »

J’avais été surpris par ce mouvement soudain, mais elle s’était juste accrochée à moi. Mon nom était quelque part au milieu des mots qu’elle criait.

« —, —… »

Kei avait fondu en larmes. C’était sûrement une expérience effrayante pour elle. Même si ce n’était qu’une tentative de crime, cela ne signifiait pas que son cœur était resté intact. J’avais caressé sa tête aussi doucement que possible en me tournant pour regarder par-dessus mon épaule.

 

 

« … »

J’avais baissé les yeux vers le blondinet tombé, le sang giclant de son nez…

« Tu ne peux pas le tuer, » avait dit Lily en me saisissant soudainement l’épaule.

Cela m’avait ramené à la raison. Je m’étais maladroitement gratté la tête. Je ne montrais pas une intention claire de le tuer, mais si elle ne m’avait pas retenu, je ne sais pas ce que j’aurais moi-même fait.

« … Désolé. »

« Ne le sois pas, Maî — Majima. Je sais très bien que tu détestes les gens comme ça, et pourquoi tu le fais. »

« … »

Nous avions prévu depuis le début que pendant que Lily se ferait passer pour Mizushima Miho, à moins que quelque chose d’extrême ne l’exige, je m’occuperais de tout ce qui se présenterait ici. Cependant, je n’avais pas l’intention de l’achever. Je n’avais aucune hésitation à me salir les mains dans le sang après tout ce temps, mais ce n’était pas l’endroit pour ça.

Il était différent des trois garçons que j’avais trouvés dans cette cabane. C’était différent de Kaga. Ce n’était pas une forêt sans loi. Je ne pouvais pas oublier que c’était un territoire humain. Même si je savais que je pourrais probablement échapper à la punition en utilisant la considération spéciale qu’ils accordaient à leurs sauveurs, et le fait que c’était une ordure qui essayait d’agresser une petite fille, je ne pouvais pas me permettre de l’achever ici.

Je ne sais même plus ce qui est bien ou mal… Mais même si je me sentais complètement perdu, je continuais à caresser doucement la tête de Kei alors qu’elle pleurait contre ma poitrine.

« … ? »

***

Partie 3

À ce moment-là, j’avais remarqué que quelqu’un nous observait. Je ne l’avais pas remarqué jusqu’à présent à cause de ma vision tunnel, mais il y avait un autre garçon dans le couloir, assis par terre contre le mur.

« … Kudou ? »

C’était le gamin maltraité avec qui j’avais échangé un ou deux mots hier. Pour une raison inconnue, une de ses joues était gonflée. Lily l’avait remarqué un peu plus tôt que moi et s’était approchée de lui.

« Vous allez bien ? Hmm… »

Juste à ce moment-là, elle s’était retournée. Elle était immédiatement revenue et s’était accrochée à mon corps. La raison de ce geste était de remplir son rôle de gardienne.

« T-Tu es un enculé ! Qu’est-ce que… tu crois que tu fais… ! ? »

Le garçon blond, Sakagami Gouta, avait repris connaissance et il s’était levé à pas chancelants.

« Toi… tu vas le regretter ! »

Sakagami m’avait regardé avec des yeux injectés de sang alors que du sang coulait de son nez.

« Tu vas certainement le regretter ! »

Son ressentiment était complètement injustifié. Sa colère alimentée par la folie était sans cesse superficielle. Mais il y avait une instabilité à cela qui était caractéristique de ces humains superficiels. Un sentiment de danger me parcourait l’échine, d’une nature totalement différente de celle que j’avais face à des monstres. Les humains comme lui étaient prêts à tout. J’avais eu une prémonition. Ce type ne se débarrasserait jamais de sa rancune mal dirigée.

Il était possible qu’une horrible tragédie en résulte. Il n’avait pas besoin d’une raison noble comme la perte d’un objet important pour lui. Au contraire, des questions aussi triviales donnaient souvent naissance à des situations gênantes. Je l’avais appris de mon expérience lors de la destruction de la colonie.

Kei était une bonne fille. Shiran avait toujours fait face aux autres avec sincérité. Mizushima Miho et Katou ne méritaient pas non plus ce qui leur était arrivé. Alors, pourquoi ces filles devaient-elles être blessées par ces bâtards ? Était-ce vraiment bien pour moi de laisser ce type en liberté ? Ne serait-il pas préférable de l’éliminer discrètement maintenant ? Ma main avait inconsciemment atteint l’épée en bois à ma taille, mais juste avant que quelque chose ne se produise…

« Qu’est-ce qui se passe ? »

Une voix d’homme s’était interposée entre nous alors que nous nous regardions fixement. J’avais continué à surveiller Sakagami et j’avais déplacé mon attention vers la voix, où se tenait Juumonji. Il s’était approché de nous avec une expression de colère. Je ne savais pas si son timing était bon ou mauvais. Avec ce développement, je n’avais pas d’autre choix que d’arrêter ma main.

« Un autre combat ? Qu’est-ce que c’est cette fois-ci… ? »

« Tch… Ce n’est rien. » L’attitude de Sakagami avait changé en un instant. Il m’avait jeté un regard haineux puis il était passé devant Juumonji à grandes enjambées.

« Argh, stop ! Sakagami ! »

Juumonji avait un peu hésité, mais après nous avoir jeté un regard, il avait décidé de poursuivre Sakagami.

« Majima, Mizushima, et… Kudou, c’est ça ? Je vais m’occuper de ça. Ne faites rien d’inutile, compris !? »

Sa voix était remplie d’une irritation inconcevable. Il s’avérait qu’agir comme un chef était plutôt gênant. Il semblait que Juumonji avait accumulé beaucoup de stress au cours de ces trois jours. C’était compréhensible. À part être un tricheur, Juumonji n’était rien de plus qu’un étudiant. Un fauteur de troubles comme Sakagami était une source inépuisable de maux de tête.

Sur ce, Juumonji était parti sans attendre de réponse en grommelant de frustration. « Sérieusement. Combien de temps compte-t-il agir comme s’il était encore dans ce monde ? Pourquoi dois-je être maudit avec un gars qui ne comprend pas que tout est différent ici !? »

C’est un autre monde. Tout est différent de là où nous venons. Juumonji avait dit quelque chose de similaire hier. Il avait certainement raison. Il avait également raison de dire que Sakagami agissait comme s’il ne comprenait rien à tout cela. D’un autre côté, je doutais sincèrement que Juumonji, qui avait facilement franchi tous les obstacles jusqu’à présent grâce à ses tricheries, comprenne lui-même la différence.

S’il comprenait vraiment la différence entre les mondes, pourquoi essayer d’agir comme s’il était une sorte de héros… ? Mes pensées n’étaient cependant que l’envie banale des malchanceux envers les chanceux…

« Qu’est-ce que tu dis ? Rien n’a changé du tout… » Kudou avait marmonné.

Et alors que je réfléchissais à ces choses, ces mots avaient laissé une impression étrangement forte sur moi.

L’enfant intimidé, Kudou Riku, s’était levé pendant que mon attention était distraite par l’arrivée de Juumonji.

« Vas-tu bien ? T’es-tu cogné la tête ? » lui demanda Lily d’un air inquiet.

« Je vais bien, » avait-il répondu avec un léger sourire sur son visage fin. « Hmm, je suis habitué à ça. »

Il semblait pleinement conscient de son environnement et ses pas étaient réguliers. Il n’y avait pas besoin de s’inquiéter d’une quelconque blessure majeure.

« Hm ? Qu’est-ce qu’il y a ? »

Kei, qui était toujours accrochée à ma poitrine, avait commencé à remuer.

« —, —. »

Elle m’avait lâché avec un reniflement et avait dit quelque chose dans une langue que nous ne pouvions pas comprendre. Puis elle avait incliné sa tête vers Kudou. J’avais déplacé mon regard de Kei vers le garçon à la joue gonflée.

« … Tu t’es peut-être fait frapper pour avoir défendu cette fille ? »

« Hahaha… Non pas que j’aie réussi à accomplir quoi que ce soit, aussi embarrassant que cela soit… »

Kudou avait forcé un sourire et avait gratté sa joue enflée. La toucher avait dû lui faire mal, car le bord de ses lèvres avait eu un bref spasme. Il avait retiré son sourire et nous avait fait une légère révérence.

« Je suis heureux que tu sois venu, Senpai. S’il te plaît, prends soin d’elle. »

« C’est sûr. »

Kudou était parti, ses pas étant un peu instables. Il ne restait plus que Lily, Kei et moi-même dans le couloir vide.

« Qu’est-ce qui ne va pas ? » Lily avait demandé en penchant la tête et en me regardant de côté.

« … Rien. »

J’avais secoué la tête. La signification des mots de Kudou était toujours présente dans mon esprit, juste un peu. Rien n’avait changé. C’est ce qu’il avait dit. Je trouvais étrange qu’il puisse affirmer cela après être venu dans ce monde. De toute façon, il y avait quelque chose à faire avant ça.

« —, — ! »

J’avais baissé mon regard quand quelque chose avait tiré sur le devant de mes vêtements. Kei me regardait avec des yeux rougis.

« Rentrons pour l’instant. Shiran est inquiète. »

J’avais posé ma main sur la tête de Kei. Ses traits humbles et attrayants ressemblaient à ceux de Shiran et elle m’avait offert un doux sourire. Je décidai que, pour l’instant, c’était au moins une bonne chose que j’ai réussie à protéger ce sourire.

 

 ◆ ◆

Après avoir contacté Shiran et Mikihiko, il avait été décidé que Kei s’abriterait dans notre chambre. Nous avions emprunté une nouvelle pierre runique de traduction et Kei y avait passé toute la journée. Nous avions encore beaucoup à apprendre sur ce monde, et Kei était également très intéressée par le mien, aussi nos conversations étaient-elles fixées sur ces deux points.

Pendant que nous y étions, j’avais réussi à poser des questions sur l’acquisition de pierres runiques. La plupart des pierres runiques étaient apparemment assez chères. Les pierres runiques de traduction, en particulier, n’étaient utilisées que pour converser avec les visiteurs d’autres mondes, et comme il n’y avait pas de demande, elles apparaissaient très rarement sur le marché. Il était très difficile d’en acquérir une sans passer par l’armée ou les chevaliers. C’était un peu un problème, et cela se voyait sur mon visage. Je n’avais pas d’autre choix que de tromper Kei lorsqu’elle m’avait regardé avec curiosité.

« Merci beaucoup d’avoir pris soin de Kei. »

Le soir venu, Shiran avait terminé son travail avec les chevaliers et était venue chercher Kei.

« Je suis désolée d’avoir pris votre temps, » nous déclara Kei en s’excusant.

« C’est bien. Je suis reconnaissant d’avoir pu entendre tant de choses intéressantes de ta part. »

Kei avait rougi et avait baissé la tête piteusement. « Oh, ce n’est rien. J’ai aussi eu beaucoup de plaisir à écouter les histoires que vous aviez à raconter tous les deux. »

Après lui avoir jeté un regard affectueux, Shiran s’était approchée de moi.

« À propos de ce que vous avez proposé, Takahiro… »

« … Comment ça s’est passé ? »

Nous parlions à voix basse. Lily gardait l’attention de Kei.

« Il a été approuvé que Kei prenne soin de vous et de Miho. »

« Je vois. C’est bien. »

J’avais laissé échapper un soupir de soulagement. Nous avions demandé aux chevaliers si Kei pouvait servir d’accompagnateur personnel à travers Shiran. Et comme prévu, avec nos positions de sauveurs, ils nous avaient permis ce niveau d’autonomie. Kei n’était rien d’autre que l’accompagnatrice de Shiran, elle ne travaillait donc pas directement pour les chevaliers.

La raison pour laquelle nous faisions cela était bien sûr d’utiliser mon statut pour abriter Kei, en utilisant comme prétexte le fait qu’elle soit notre accompagnatrice. En plus de l’avertissement de Juumonji de garder le silence sur ce qui s’était passé, nous ne savions pas comment les gens de la forteresse traiteraient l’elfe Kei si elle essayait de prétendre que l’un des sauveurs était sur le point de l’agresser. Nous ne pouvions pas transformer l’incident de ce matin en une affaire sérieuse. Cependant, personne ne pourrait se plaindre si elle nous servait comme auxiliaire comme ça.

Sakagami avait reculé à cause de Juumonji, mais il était obligé de rejeter la faute et de faire quelque chose par ressentiment injustifié. Il était préférable de garder Kei à portée de vue autant que possible pour sa propre protection, en particulier contre des ordures comme Sakagami.

« Mais je n’arrive toujours pas à y croire, » dit Shiran avec un gros soupir. « Qu’un sauveur estimé fasse une telle chose… »

« Je comprends ce que vous ressentez, mais c’est vrai. Il n’y a aucune chance que vous pensiez que Kei ment à ce sujet, n’est-ce pas ? »

« Pas du tout, naturellement. Mais quand même… »

« Nous l’avons également vu de nos propres yeux. Ça a aussi tourné à la bagarre, mais sans grand résultat. »

Du point de vue de Shiran, les sauveurs étaient des légendes vivantes, les sujets de sa foi. Elle ne pouvait même pas en imaginer un regardant une si jeune fille avec des pensées méchantes. Il y avait un soupçon d’épuisement dans l’expression déprimée de son visage. Cela dit, elle faisait correctement face à la réalité qui s’offrait à elle et savait qu’elle devait rester sur ses gardes pour protéger sa famille.

« Je l’ai déjà dit à Kei, mais s’il arrive quelque chose, trouvez-nous immédiatement. Nous sommes aussi des sauveurs ici. Nous pouvons vous couvrir. »

« Merci beaucoup. Il semble que je vous ai causé beaucoup de problèmes avec ça… Je ne sais vraiment pas quoi vous dire, Takahiro. »

« Ne vous inquiétez pas pour ça. C’est Sakagami qui a tort. Vous ne me causez aucun problème, » avais-je dit en secouant la tête. « De plus, je ne peux pas ignorer qu’une ordure comme Sakagami a fait du mal à une fille aussi gentille. »

Kei avait remarqué que je regardais dans sa direction. Un sourire s’était dessiné sur son visage enfantin, mais bien dessiné, comme une fleur qui s’épanouissait.

« Takahiro ! Maintenant que ma sœur est là, on peut y aller ? »

Kei avait couru et avait tiré sur ma main. Elle était figée par la tension de la veille, mais peut-être à cause de l’incident de ce matin, ou parce que nous avions passé toute la journée ensemble, elle s’était attachée à moi.

« Oui, bien sûr. »

Avec Kei ici, nous avions mis fin à nos discussions secrètes.

« Es-tu d’accord avec ça aussi, Shiran ? »

« Oui, ça ne me dérange pas. »

***

Partie 4

Comme nous avions fini par manquer notre entraînement matinal, nous avions demandé à Shiran de nous donner un cours pour le reste de la journée.

« Bien que cela me fasse mal de le dire, c’est la seule chose que je puisse faire pour vous remercier. »

« Ne soyez pas comme ça. Vos conseils ont vraiment été utiles. Merci d’avoir pris la peine de nous consacrer du temps. »

Les progrès que nous avions réalisés depuis notre arrivée dans cette forteresse, y compris les informations sur les pierres de rune de traduction, avaient été honnêtement une grande récolte pour moi. Je n’exagérais pas le moins du monde quand je l’avais remerciée.

« Ce n’est pas… Je ne suis qu’un chevalier inexpérimenté, mais je suis heureuse d’être utile. »

Shiran détourna son regard et tripota le bout de son oreille pointue. C’était apparemment un de ses tics nerveux lorsqu’elle était gênée. J’avais senti un sourire se dessiner alors que je faisais avancer les choses.

« Bon, alors. Nous serons à nouveau sous votre responsabilité. »

« Très bien. »

Shiran avait souri avec joie et avait hoché la tête. Son atmosphère solennelle habituelle s’était estompée et une gaieté convenant à une fille de son âge était apparue. Il semblait que Shiran nous ouvrait également son cœur.

« Hm ? »

J’avais remarqué qu’un regard était fixé sur nous.

« Qu’est-ce qui ne va pas ? » J’avais demandé cela à Lily, qui semblait étrangement heureuse en me regardant parler à Shiran.

Lily avait soudainement déplacé son regard vers le sol. « Non, ce n’est rien. » Elle secoua ensuite la tête et adressa un sourire à Kei. « Allez, si on ne se dépêche pas, il va finir par se faire tard comme hier. On y va ? »

« Oui. Allons-y ! »

Lily avait pris la main de Kei et avait commencé à marcher. Shiran les suivait. Quelque chose me dérangeait encore, mais je ne pouvais rien y faire si je ne suivais pas. J’avais donc commencé à marcher et j’avais suivi les filles.

 

 ◆ ◆

Après notre entraînement, Lily et moi étions retournés dans notre chambre pour nous essuyer avant de sortir à nouveau. Nous étions allées dans une grande salle où les autres élèves se réunissaient également pour dîner. Nous avions discuté avec Mikihiko et Kei, puis nous étions retournées directement dans notre chambre. Nous n’avions pas vraiment de raison de nous presser, mais la fatigue de la journée nous avait rattrapés.

Je m’étais allongé dans le lit et j’avais regardé le plafond. Nous ne nous étions pas vraiment entraînés très longtemps aujourd’hui, donc j’avais encore de l’endurance à revendre. Cependant, la fatigue mentale n’était pas différente de celle d’hier. Le fait de devoir m’endurcir continuellement chaque fois que j’étais en dehors de cette pièce pendant deux jours entiers n’avait fait qu’accroître ma lassitude.

Lorsque je m’étais retourné, les deux enfants, Ayame et Asarina, avaient commencé à jouer l’une avec l’autre. J’avais fini par devoir les retenir assez souvent ces deux derniers jours. Alors, je m’étais levé et je leur avais tenu compagnie. La douce et franche Ayame et l’étrange Asarina étaient également de mignons compagnons. Le simple fait de jouer avec elles avait guéri mon cœur. Après quelques morsures, des pressions sur le museau et des entortillements, j’avais l’impression que c’était elles qui me tenaient compagnie et non l’inverse. C’était à quel point passer du temps comme ça détendait mon esprit. C’était aussi une indication de l’état d’épuisement dans lequel je me trouvais.

J’avais joué avec Ayame et Asarina pendant un moment avant de me recoucher dans le lit. J’avais spontanément laissé échapper un gros soupir. Nous avions entendu beaucoup de choses de la part de Kei, alors maintenant je devais discuter des événements d’aujourd’hui avec Lily. Je le savais, mais alors que je regardais le plafond, ma conscience s’était progressivement éloignée…

« … Oh, Maître, es-tu réveillé ? »

J’avais fini par m’endormir sans le savoir. Je portai la main à mon front et laissai échapper un petit gémissement.

« … Depuis combien de temps suis-je ainsi ? »

« Pas si longtemps que ça. Il est à peu près minuit passé. »

Le visage de Lily était juste devant mes yeux, me regardant de côté. Elle était assise sur le lit, ma tête reposant sur ses cuisses. Elle était proche. Son doux parfum envahissait mes sens.

Ayame était roulée en boule et dormait sur l’autre lit. Asarina avait compris que nous allions commencer à parler et avait balancé sa tête paresseusement. Quant à Lily, elle me regardait d’un air sérieux.

« S’est-il passé quelque chose ? » avais-je demandé.

Lily avait secoué la tête en silence. « Non. »

Le bruit d’Ayame ronflant gentiment était la définition même de la tranquillité, ce qui signifiait que rien ne s’était passé pendant que je dormais. Les événements d’aujourd’hui avaient rapidement traversé mon esprit. Cependant, je n’avais aucune idée de ce qui avait pu se passer pour que Lily ressemble à ça.

Au contraire, Lily était de très bonne humeur pendant tout ce temps. Quand je discutais avec Mikihiko, quand je m’entraînais avec Shiran, elle me regardait toujours avec un regard heureux. En y repensant maintenant, elle était d’une telle bonne humeur que c’en était presque étrange.

« Maître, » Lily m’avait appelé avec un sourire sur son joli visage.

Son sourire était aussi doux qu’un bonbon. Mais pour une raison inconnue, j’avais l’impression qu’elle souriait pour cacher quelque chose qui l’accablait.

« Hé, Maître ? À propos de ce que nous allons faire à partir de maintenant, j’ai une suggestion, » avait dit Lily avant que je puisse lui poser la question.

« As-tu trouvé quelque chose ? » avais-je demandé, un peu déconcerté par le changement soudain de sujet.

La dernière fois que nous en avions parlé, nous avions réussi à mettre de l’ordre dans tout ce que nous devions faire ici. Le plan était de cacher ma capacité, d’obtenir une pierre runique de traduction, d’apprendre à l’utiliser et de quitter la forteresse. Ensuite, nous devions trouver une colonie quelque part, sécuriser une route pour les provisions, et trouver un endroit sûr pour Katou. Peu importe comment je voyais les choses, tout cela était difficile à accomplir. Je n’avais pas beaucoup de confiance en l’état actuel des choses. Lily avait apparemment une idée bien à elle, cependant.

« Hm. J’ai pensé à deux plans. »

« Deux ? » avais-je demandé d’un air surpris.

Lily me fit un signe de tête en souriant et tendit la main vers ma joue. Je pouvais sentir ses émotions passer dans notre cheminement mental par le biais de sa paume. Elle était déterminée. Sous son doux sourire, Lily était résolue à faire quelque chose. Sa volonté était forte, ferme et inflexible. Elle était comme un lac tranquille sans la moindre ondulation à sa surface. Je pouvais sentir sa détermination dans son ton alors qu’elle parlait de ce qu’elle avait caché dans son cœur.

« Le premier… est de nous dire adieu. »

« … »

« Fais en sorte que ce soit comme si tu n’avais jamais eu le pouvoir d’accorder des cœurs aux monstres et de les apprivoiser en le faisant. Alors il n’y aura pas un seul problème pour toi. Tu pourrais vivre tranquillement dans ce monde avec les autres élèves. »

Le regard de Lily était calme. « Les autres élèves vont essayer de continuer à vivre en tant que sauveurs, mais je suis sûre que certains choisiront de vivre différemment. Tout le monde ne s’éveillera pas à ses pouvoirs, et même si c’est le cas, ils ne seront pas forcément capables de suivre le rythme des autres. Tu peux simplement suivre les gens qui choisissent cette voie. »

Actuellement, les trois membres de l’équipe d’exploration du Fort de Tilia, Juumonji, Watanabe et Iino, avaient le groupe d’étudiants sous contrôle. Cependant, comme l’avait dit Lily, ce n’était pas garanti pour durer. Par exemple, tant que Sakagami continuait à faire ce qu’il voulait, ce n’était qu’une question de temps avant qu’il ne quitte le groupe.

Il y aurait aussi ceux qui n’aimaient pas se battre. Se rebeller ne serait pas vraiment un problème. Ils avaient été confrontés à une situation d’urgence. Ils avaient ressenti un sentiment de solidarité avec leurs camarades japonais et avaient été portés par l’atmosphère dans une sorte de fuite de la réalité. C’est ce qui avait motivé leurs actions actuelles. Mais ils étaient tous nés dans le Japon moderne. Ils possédaient encore leur sens des valeurs. Il y avait sûrement tôt ou tard des gens qui désiraient une vie tranquille sans rapport avec les combats.

Tout ce que Lily disait avait du sens. Cependant, sa proposition elle-même était une tout autre affaire.

Dire adieu à tous ces gens et vivre normalement dans ce monde ? Je ne pouvais pas être d’accord avec ça. Ce n’était même pas la peine d’y penser. Mon désir était de vivre ensemble avec tout le monde. Vivre seul, ce serait mettre la charrue avant les bœufs.

Je ne pouvais pas comprendre. Lily était censée être celle qui connaissait mes pensées sur ce sujet plus que quiconque au monde. Alors pourquoi dirait-elle une telle chose ? Elle savait déjà ce que je dirais…

« Je veux entendre ta réponse, Maître. Je t’en prie. Dis-le-moi. »

La voix calme de Lily avait chatouillé mon oreille.

Sérieusement, qu’est-ce qui se passe dans sa tête ? Ce n’était pas une question irréfléchie. Je lui faisais confiance. Je lui faisais confiance plus que quiconque. Qu’est-ce qui l’avait poussée à faire une telle proposition ? Quel intérêt y avait-il à lui donner ma réponse évidente ?

Et pourtant, je pouvais sentir son désir d’entendre mes mots à travers notre cheminement mental alors qu’elle enroulait sa paume autour de ma joue. Je n’avais donc aucune raison d’hésiter à lui répondre.

« Je n’accepterai pas une telle proposition. Je n’ai même jamais pensé à une telle chose. »

J’avais tendu ma main vers la joue de Lily. C’était doux, chaud, et adorable. Cette chaleur au bout de mes doigts était précieuse pour moi. Je savais du plus profond de mon cœur que je ne voulais pas perdre ça. Je n’avais pas l’intention de le cacher.

« Je n’ai pas l’intention de laisser partir l’une d’entre vous. Quoi qu’il arrive. Sans condition. »

Tous mes sentiments avaient été transmis par mes mots, mon expression et notre cheminement mental. Pour preuve, cette fois, Lily avait souri d’une manière vraiment heureuse.

« Merci, Maître. Désolée d’avoir été égoïste. Je voulais t’entendre le dire. »

Maintenant que j’y pense, elle avait dit qu’elle voulait entendre ma réponse. Elle savait ce que c’était, mais elle voulait l’entendre. C’était tout ce que c’était.

« Hm. Grâce à ça, j’ai l’impression que je peux enfin me résoudre… »

Elle avait parlé de détermination. Il semblerait que la détermination que j’avais ressentie sur notre cheminement mental concernait quelque chose d’entièrement différent. Lily avait dit qu’elle avait deux propositions. Cet échange avait dû être une sorte de rituel pour renforcer sa résolution à suggérer autre chose.

« Peux-tu me dire quelle est ta deuxième suggestion ? » avais-je demandé.

Lily avait hoché la tête. « Hm. Ce n’est pas vraiment une idée folle. Non, en fait, il n’y a aucune chance que je puisse trouver une idée aussi folle. Je pense que tu l’as probablement vaguement toi-même réalisé, même si je ne me donne pas la peine de te le dire. » Le sourire de Lily était quelque peu amer. « Il est franchement impossible pour nous de résoudre tous nos problèmes par nous-mêmes. »

« C’est… »

« Surtout l’acquisition d’une pierre runique de traduction et l’apprentissage de son utilisation. C’est bien trop difficile pour nous de le faire en gardant toutes nos circonstances cachées. »

Je ne pouvais pas m’y opposer. En vérité, je n’arrêtais pas de dire que nous finirions par trouver quelque chose, mais je n’avais pas la moindre idée de comment le faire. Nous ne pouvions pas le faire par nous-mêmes. Nous étions dans une impasse. C’était certainement vrai. Alors, qu’est-ce que j’étais censé faire ?

La réponse était évidente dès le début.

« Nous devons juste trouver quelqu’un qui coopérera avec nous. C’est ce que tu suggères ? »

« Hm. » Lily attendit que je trouve la réponse toute seule et hocha la tête. « On demande de l’aide après avoir expliqué un certain nombre de nos circonstances. Nous pouvons simplement ne pas divulguer les autres éléments. Par exemple, nous voulons quitter la forteresse, mais nous ne voulons pas que les autres le sachent. Nous pouvons le mentionner, n’est-ce pas ? »

C’était une suggestion raisonnable. Nous avions réussi à survivre en coopérant, en unissant nos forces et en nous opposant aux monstres. Tout était soit un serviteur, soit un ennemi. C’était très simple. Il fallait juste choisir de se battre ou non.

***

Partie 5

Cependant, nous n’étions plus dans les régions sauvages de la forêt. J’avais mis un pied en territoire humain. Il n’y avait aucune chance que ça se passe comme avant. J’étais conscient de cela tout le temps, et pourtant je n’avais jamais pensé à trouver quelqu’un pour nous aider. C’était en grande partie dû à ma méfiance envers les humains.

Mais je ne pouvais pas me permettre de faire du surplace ici. Rien ne changerait comme ça. Les humains étaient définitivement des créatures qui trahissaient les autres. Le terrible spectacle de la Colonie l’avait prouvé. C’était une tragédie née de la bêtise humaine. Mais cela ne signifiait pas que tous les humains étaient répugnants.

Katou Mana, par exemple. C’était la fille d’un an plus jeune que moi que je protégeais. Elle m’avait sauvé. Elle savait que je me méfiais d’elle, mais elle m’avait quand même prêté sa force. Son existence prouvait que le monde n’était pas seulement rempli de trahisons.

Les personnes qui vivaient dans ce monde n’avaient pas toutes besoin d’être soupçonnées dans tout ce qu’elles faisaient. C’était une réalité assez évidente qui ne méritait pas vraiment d’être mentionnée, mais c’était aussi quelque chose que je ne pouvais absolument pas admettre auparavant.

Dans l’état actuel des choses, je pouvais accepter la proposition de Lily. « Nous devrions essayer de compter sur quelqu’un d’autre. » Tant que nous ne pouvions pas résoudre notre situation par nous-mêmes, quelqu’un qui pouvait nous aider était indispensable.

Nous ne pouvions pas nier la possibilité qu’ils nous trahissent, bien sûr. C’est pourquoi il était de mon devoir, en tant que leader de notre groupe, de sonder les humains devant moi. Ce n’était pas mon travail de me méfier de tout le monde pour ne pas être trahi, c’était de découvrir quelqu’un qui ne nous trahirait pas.

Si je ne pouvais pas faire ça, alors je n’aurais pas dû quitter les terres forestières. J’aurais dû écouter les bruits de la ruine qui se rapprochait lentement de nous et vivre une vie courte, mais tranquille avec mes serviteurs.

Je comprends. Logiquement, je comprends. La vie serait bien plus simple si tout le monde pouvait transmettre ses sentiments aussi facilement. Dévoiler nos secrets pour trouver un coopérateur n’était pas différent que de leur faire confiance.

Rien que d’y penser, un sentiment détestable me parcourait l’échine. Une odeur de fer emplissait mes narines, des flammes entouraient ma vision, mon corps entier se tordait de douleur, et des sourires déformés assaillaient mon esprit. C’était le même flash-back que j’avais eu cette fois-là avec Gerbera. Mon cœur était sec. Toute ma chair avait l’impression de pourrir.

Cependant, je ne pouvais pas céder à cela. J’avais serré la mâchoire. Je devais surpasser cet abominable souvenir. C’était ma responsabilité en tant que chef.

Mais en suis-je capable ? Une maladie du cœur. Un traumatisme. Je ne pouvais même pas en parler à Mikihiko. Les réalités de la mort et de la trahison étaient restées profondément marquées dans mon cœur. C’était un peu banal de le dire comme ça, mais la malédiction qui s’enroulait autour de mon esprit comme une boue épaisse ne pouvait pas être retirée si facilement. Un humain faible comme moi avait besoin de quelque chose qu’il pouvait surmonter — .

« C’est bon. »

Ma vision avait été soudainement bloquée. La main sur ma joue avait bougé. La paume de Lily couvrait maintenant mes yeux. Ne pouvant plus voir, une voix qui semblait encore plus douce que d’habitude s’était infiltrée dans mes oreilles.

« Maître, te souviens-tu de notre première rencontre dans cette grotte ? »

J’étais déconcerté par cette question soudaine et inattendue, mais j’avais quand même répondu tout de suite.

« Oui. Je me souviens. Il n’y a aucune chance que je puisse oublier. »

En proie au désespoir et ayant renoncé à la vie, l’existence même de Lily m’avait sauvé d’une manière incommensurable. Je mourrais avant d’oublier ce moment.

« C’est un souvenir extrêmement important pour moi, » dit Lily. « C’est mon premier souvenir après ma naissance. À ce moment-là, tu as prié du fond de ton cœur pour que quelqu’un te sauve. Quand j’ai entendu cette voix, quand tu as souhaité que tu sois sauvé, quand tu m’as donné le nom de Lily, je suis née dans ce monde… »

La voix enthousiaste de Lily parlait de ses souvenirs comme si elle tenait un trésor précieux dans sa poitrine. Mais ses prochains mots étaient restés sur le bout de sa langue pendant un moment.

« Cependant, le souhait que tu as formulé avant de perdre conscience, “sauve-moi”, n’était pas destiné à un monstre comme moi, n’est-ce pas ? Tu n’aurais jamais pensé qu’un monstre pourrait te sauver. Alors, qui était-ce que tu souhaitais voir te sauver… ? »

J’avais eu l’impression que Lily souriait comme si la réponse était parfaitement évidente. Cependant, avec sa main sur mes yeux, je ne pouvais pas confirmer si elle souriait vraiment.

« Maître. Tu dis que tu ne fais pas confiance aux humains, mais dans ton dernier instant, tu as fait confiance à un étranger. Je crois que c’est ta vraie nature. »

« Mon vrai… moi… ? »

« Hm. C’est précisément parce que tu es comme ça que nous sommes nées comme nous sommes. Donc, c’est bon. » La voix de Lily tremblait très légèrement en parlant. « Quand tu parles avec Kaneki, quand tu t’entraînes avec Shiran, tu as vraiment l’air de t’amuser. Rien qu’en te regardant, ça me rend aussi heureuse. »

« Lily… ? »

« C’était la même chose quand Katou s’est effondrée avant que nous venions ici. Tu n’as pas hésité à t’assurer qu’elle aille bien. Et pourtant, tu ne l’as peut-être pas remarqué toi-même… » Lily avait retiré sa main de mes yeux. « Tes blessures sont déjà guéries, Maître. Il ne te reste plus qu’à trouver le petit coup de pouce qui te permettra de faire un pas en avant. »

Ma vision était revenue, et devant moi se trouvait la fille que j’aimais plus que quiconque, qui me souriait. Mais si elle souriait pendant tout ce temps, elle n’avait pas besoin de me cacher les yeux.

« Désolée, Maître. J’aurais dû te le dire plus tôt, » avoua Lily, comme si elle avait honte. « J’étais inquiète. J’avais peur que tu te réconcilies avec les humains. Et si tu le faisais, le jour viendrait où tu n’aurais plus besoin de garder tes serviteurs à tes côtés. »

C’était la première fois que Lily me parlait de l’anxiété qu’elle portait dans son cœur. Malgré cela, en regardant son faible sourire et son expression triste, je pouvais dire que cela la tourmentait depuis longtemps maintenant.

« Il n’est pas question que j’abandonne l’un d’entre vous, » l’avais-je rassurée.

« Hm. Je sais ça… Mais j’étais quand même inquiète. »

Elle était anxieuse parce que c’était si important pour elle. En bref, c’était la preuve du désir qu’elle avait pour moi.

« La raison pour laquelle je peux être à tes côtés est que je t’ai rencontré au moment précis où tu as appelés. Mais comme je l’ai dit, tu ne cherchais pas à ce que ce soit moi, un monstre, qui te sauve… C’est pourquoi je me suis toujours demandé si tu n’aurais pas dû rencontrer quelqu’un d’autre là-bas. Où que j’aille, je ne suis rien de plus qu’un faux, alors peut-être que je n’étais qu’une imitation élaborée de ce que tu désirais vraiment… »

Lily n’était pas complètement et totalement à côté de la plaque. Disons, pour l’argument, que ce n’est pas Lily qui m’avait sauvé, mais un autre humain. L’énorme confiance que je plaçais actuellement en Lily aurait été dirigée vers celui qui m’avait sauvé d’une crise aussi désespérée.

C’était à ce point significatif d’être sauvé des profondeurs du désespoir. En fait, Mikihiko avait vécu une expérience similaire, qui était à l’origine de sa profonde affection pour la commandante des Chevaliers de l’Alliance. La seule différence était que nos positions étaient inversées.

C’était bien sûr une supposition sans intérêt. En réalité, j’avais été sauvé par Lily. C’était la seule et unique vérité. En soi, c’était important pour moi. Cependant, ce n’était pas suffisant pour régler le problème avec Lily. Le simple fait de penser à cette possibilité la faisait se sentir redevable de ce qui était arrivé. Et ce sentiment d’obligation donnait naissance à son anxiété, celle que ce n’aurait pas dû être elle qui était là. C’était ce qui causait ses inquiétudes sans fin.

Si, par exemple, elle était un humain, elle n’aurait peut-être pas ressenti une telle anxiété. Mais j’étais un humain et Lily était un monstre. Néanmoins, je l’aimais, et elle m’aimait en retour. Cependant, nous étions toujours des créatures différentes. C’était peut-être inévitable qu’elle commence à s’inquiéter.

« Je suis désolée de l’avoir caché jusqu’à maintenant. »

J’avais secoué la tête. « Ne t’excuse pas. L’important ici n’est pas que tu te sois tu. C’est que lorsque c’était nécessaire, tu m’as sincèrement fait part de tes sentiments. »

« Maître… »

« Lily, même si tes soucis t’étouffaient, tu m’as remonté le moral avec tes mots. Je devrais te remercier. »

Lily se battait avec les anxiétés de son cœur. Elle s’était battue et après les avoir vaincues, elle avait prononcé les mots que j’avais besoin d’entendre. Il n’y avait aucune chance que je me plaigne de ça et que je veuille des excuses.

« Tu es vraiment forte, Lily. »

« Ce n’est pas vrai. »

Les cheveux de lin de Lily avaient tremblé alors qu’elle refusait mes louanges. Elle m’avait regardé dans les yeux, puis avait parlé d’un ton comme si elle dévoilait ses secrets.

« Si je peux parler ouvertement de mes soucis comme ça, c’est parce que tu as compté sur moi, tu sais ? »

« … Ah. »

Je m’étais souvenu des larmes que j’avais vues une fois chez Lily et j’avais été soudainement surpris. C’était à l’époque où j’avais été pris en embuscade par des renards souffleurs et que j’étais revenu au bord de la mort. Grâce aux pleurs de Lily qui me disait : « Ne porte pas tout sur toi » et « Je veux que tu comptes sur nous, » j’avais appris comment je devais faire face à ces filles et j’avais appris à compter sur elles.

Et cela soutenait Lily maintenant. La réalité quant au fait que je dépendais d’elle lui donnait de la force et lui apportait un sourire. Elle était fière que ce soit son mode de vie en tant que servante. J’étais complètement charmé par son sourire fier. J’avais soudain réalisé que les entraves qui m’attachaient avaient perdu beaucoup de leur force.

Ces sourires déformés, motivés par la folie, étaient encore gravés dans ma mémoire.

Et puis il y avait le sourire rassurant que cette fille m’avait montré malgré ses propres angoisses.

Je n’avais pas besoin de comparer les deux pour savoir lequel avait le plus d’impact sur moi.

En bref, j’étais tout comme Lily. La chose la plus importante pour moi en ce moment était d’être leur maître. Et quel genre de maître serais-je si j’agissais avec une telle faiblesse d’esprit alors que mes serviteurs faisaient tant d’efforts pour moi ? Cette simple pensée m’avait conduit à une vérité qui avait toujours été là. Son existence même soutenait mon faible moi.

Je suis vraiment heureux d’avoir rencontré Lily dans cette grotte. Au moment où j’avais pensé cela, l’amour que j’avais pour la fille devant mes yeux avait éclaté.

« Lily. »

Sans m’en rendre compte, j’avais tendu la main que j’avais sur la joue de Lily et je l’avais attirée dans mes bras. Cela poussait un peu les choses avec notre position actuelle, mais Lily avait docilement rapproché son visage du mien alors que je l’embrassais.

 

 

Alors que nous pressions nos lèvres l’une contre l’autre, nos mouvements devenaient de plus en plus intenses. Je voulais lui transmettre ce sentiment que j’avais dans mon cœur. Si je le souhaitais d’une seule traite, il se réaliserait. Nos sentiments s’étaient fondu l’un dans l’autre en parcourant notre cheminement mental à l’aide de nos lèvres. La frontière qui nous séparait devenait progressivement de plus en plus vague.

« … Maître. »

Lily m’avait appelé affectueusement alors que nous prenions toutes les deux une respiration. Tout sens de la raison qui lui restait était complètement engourdi. La pointe rouge vif de sa langue avait léché mes lèvres, mais son regard enchanté s’était détourné sur le côté pendant un instant.

« Désolé, Asarina. Pourrais-tu me laisser avoir notre maître pour moi toute seule pour une seule nuit ? »

J’avais suivi ses yeux. Sans que je m’en rende compte, l’un de ses bras avait repris sa forme gluante et plusieurs antennes s’étaient déployées. Elles s’étaient enroulées autour du corps externe d’Asarina, semblable à une vigne, et l’avaient doucement poussée dans ma main gauche. Un palpeur s’était ensuite étiré jusqu’au mur et avait éteint la lumière.

Maintenant drapés dans l’obscurité, nos souffles s’étaient rapprochés une fois de plus et s’étaient entrelacés. À partir de là, nous avions simplement confirmé notre amour l’un pour l’autre.

***

Si vous avez trouvé une faute d’orthographe, informez-nous en sélectionnant le texte en question et en appuyant sur Ctrl + Entrée s’il vous plaît. Il est conseillé de se connecter sur un compte avant de le faire.

Laisser un commentaire