Monster no Goshujin-sama (LN) – Tome 10 – Chapitre 4

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Chapitre 4 : Le point de vue d’un certain chevalier

Dans le campement installé à l’intérieur de la forêt, Zoltan Michalek, un chevalier de la quatrième compagnie du Saint-Ordre, était assis. Il n’était pas de service et les autres chevaliers qui l’entouraient passaient la soirée comme ils l’entendaient.

Ceux qui montaient la garde restaient concentrés, mais les autres étaient loin d’être bien élevés. Aucun d’entre eux n’était un imbécile qui avait mis de côté ses armes, mais toute discipline avait depuis longtemps disparu. Certains idiots s’étaient même assis en rond pour jouer.

Juste à côté de Zoltan se trouvait un homme au regard terriblement acéré. C’était l’un de ceux qui avaient attaqué le village avec Travis : Edgar Guivarch.

« Mon Dieu, quelle poisse ! Penses-tu qu’on doive se replier comme ça ? » marmonna-t-il, n’essayant même pas de cacher son mécontentement.

« Combien de fois devrai-je te le répéter ? » rétorqua Zoltan.

« Qu’est-ce que je peux dire d’autre ? »

Zoltan soupira. Edgar était comme ça depuis un moment déjà, mais Zoltan était simplement resté le même : morose. L’ambition chevaleresque et la gouaille soldatesque lui étaient étrangères. Même tous ses pairs le trouvaient morose. Il en avait conscience lui-même. Pourtant, il était un chevalier glorieux du Saint Ordre, tout comme eux.

Il était le descendant d’un sauveur connu sous le nom de l’Œil qui voit tout. Il était également un bien-aimé de sang béni, ayant hérité du superpouvoir de son ancêtre. Cependant, ses capacités étaient très limitées par rapport à celles de son ancêtre qui avait aidé la Sainte Église à étendre son influence en lisant dans les esprits. Zoltan ne pouvait au mieux lire que les émotions de sa cible.

Cette capacité s’avérait néanmoins assez utile. Il pouvait notamment savoir si son adversaire était en colère lors d’un combat. Grâce à cette information, il pouvait prédire leur prochaine action dans une certaine mesure. C’était particulièrement pratique contre les monstres. De même, lors des négociations, il pouvait détecter si l’autre partie dissimulait de la malice sous son sourire et tentait de l’escroquer, ce qui rendait toute tentative de le piéger impossible.

Selon ce qu’il avait discerné avec son œil omniscient, Edgar était incroyablement frustré. Même sans le pouvoir de Zoltan, tout le monde pouvait le voir. La cause de sa frustration était également évidente. Zoltan était ailleurs à ce moment-là et n’en avait entendu parler qu’après coup, mais le groupe principal, comprenant Travis et Edgar, avait trouvé sa cible : la répugnante goule Shiran.

Mais elle n’était pas seule. Le dompteur de monstres Takahiro Majima était avec elle. C’était une bonne chose pour Travis, qui pouvait désormais se targuer d’une plus grande gloire, mais d’un autre côté, les forces ennemies étaient plus nombreuses que prévu. C’est la raison pour laquelle Travis avait opté pour la sécurité et ordonné une retraite temporaire. Cette décision avait mis Edgar de mauvaise humeur.

« Nous avons passé tant de temps à venir jusqu’ici et nous avons enfin trouvé notre cible. Et maintenant, faut-il remettre ça pour un autre jour ? Bien sûr que je veux râler et me plaindre à ce sujet. »

Il y avait trois bien-aimés de sang béni dans la quatrième compagnie dont les superpouvoirs étaient suffisamment puissants pour être utilisés au combat. L’un d’eux était le commandant, Sire Travis Mortimer du Regard sacré. Un autre était Sire Zoltan Michalek de l’Œil qui voit tout. Le troisième était l’ogre de combat, Sire Edgar Guivarch.

Au combat, Edgar était le plus fort. Sa force rivalisait avec celle des commandants du Saint Ordre. Mais sa nature méritait bien plus d’attention.

« De plus, la dépouille de l’ancien chevalier le plus fort des Terres forestières du Nord n’est même pas en état de se battre correctement. Tu sais à quel point j’espérais une bonne bagarre ? »

Pour faire simple, Edgar était un maniaque de la bataille. Il se consacrait entièrement au combat et ne s’intéressait à rien d’autre. C’était peut-être une façon de penser peu chevaleresque, mais c’était le cas de tous les membres de la quatrième compagnie du Saint-Ordre. Sinon, ils n’auraient pas participé à ce genre d’opération.

La force principale menée par Travis aujourd’hui avait détruit un village entier. Les épées chevaleresques qui devaient à l’origine protéger les gens les avaient au contraire abattus sans pitié. Même un chevalier imparfait, non, aucune personne sensée ne pouvait accepter cela.

Néanmoins, les yeux de Zoltan n’avaient pas pu repérer un seul membre de la force principale qui semblait souffrir de culpabilité. Au contraire, beaucoup d’entre eux étaient très stimulés. Ils étaient différents d’Edgar, qui appréciait simplement le fait de se battre; eux aimaient la violence à sens unique.

Tyranniser les autres était amusant. Manier la violence était amusant. C’est ce que pensait la majorité des membres de la force. Même ceux qui n’étaient pas d’accord n’étaient pas disposés à trouver une quelconque faute dans de tels actes. Zoltan faisait partie de ce dernier groupe.

Peut-être les lignées rayonnantes des sauveurs s’étaient-elles corrompues. Ou peut-être l’idée même que les sauveurs étaient tels que les légendes le racontaient était-elle discutable. Les gens d’ici étaient tellement corrompus que Zoltan ne pouvait s’empêcher d’y penser.

« J’ai besoin d’un moment, Edgar. — Toi aussi, Zoltan. »

Le plus corrompu d’entre eux — et de loin — interpela les deux hommes. Il s’agissait de leur commandant, Travis Mortimer. Il était élégant, mais son cœur était avide de gloire et il était animé par l’ambition. Zoltan pouvait clairement voir la vraie nature de Travis. Si clairement, en fait, qu’il ne pouvait pas le regarder en face.

« Il semble qu’il faudra un certain temps pour que les autres nous rejoignent », dit Travis en jetant un coup d’œil autour de lui.

Il y avait une centaine de chevaliers dans la région, mais la quatrième compagnie du Saint-Ordre en comptait environ deux cents. Travis avait divisé ses forces pour chercher la répugnante goule Shiran, et il faudrait un certain temps pour les rassembler toutes.

« Nous ne pouvons pas nous permettre d’avoir de la fatigue dans nos rangs. Reposez-vous tant que vous le pouvez. »

À première vue, cette remarque semblait provenir d’un lieu d’inquiétude, mais Travis traitait ses subordonnés comme des outils plutôt que comme des personnes. Quelqu’un qui avait envie de se battre s’inquiète naturellement de l’état de ses outils. Il n’y avait aucune sympathie humaine derrière ses paroles.

« Demain, nous obtiendrons de grands honneurs. Même si, pour toi, Edgar, cela risque d’être ennuyeux. »

« Hmph. »

Edgar renifla, et Travis lui sourit. Ce sourire aurait fait passer un frisson glacial le long de l’échine de quiconque. Il y avait une malice crasse derrière.

« Notre ennemi est un visiteur unique, et un visiteur dont les capacités ne sont pas adaptées au combat. Il ne mérite même pas qu’on s’intéresse à lui. »

Pour Travis, qui ne croyait qu’en lui-même, le visiteur, Majima Takahiro, n’était pas un sauveur; c’était juste un extraplanétaire égaré dans ce monde. De plus, il pouvait manipuler les monstres, un pouvoir vraiment maléfique; toutes les excuses étaient donc bonnes à prendre. Travis n’hésiterait pas à éliminer un tel homme.

« Ceux qui nous attendent ne sont rien d’autre que des faibles destinés à être écrasés sous nos pieds. Piétinons-les jusqu’à ce qu’ils soient réduits en poussière, non ? »

Travis était sûr de sa victoire. Pour Zoltan, c’était tout à fait normal. Lors de la rencontre d’aujourd’hui, Travis avait neutralisé le plus puissant combattant de l’ennemi, l’araignée géante, et Shiran, la goule repoussante, n’était pas en état de se battre. Avec ces deux-là à terre, l’ennemi était sans défense. Les chevaliers tueraient leurs cibles et massacreraient les villageois survivants. Cet avenir cruel n’émouvait pas le moins du monde le cœur de Zoltan.

« J’ai hâte d’y être. »

Il leur tourna le dos, mais avant de le faire, Zoltan croisa enfin son regard. En apparence, Travis conservait son expression raffinée, mais un léger malaise se lisait dans le fond de ses yeux. Travis n’était pas le seul. Les autres chevaliers observaient Zoltan et Edgar. Presque tous les chevaliers le considéraient d’un mauvais œil.

Il n’y avait rien à faire. Même s’il ne pouvait lire que les émotions et non les pensées, personne ne pouvait le prouver. La grande majorité se sentait dégoûtée à l’idée de côtoyer quelqu’un comme lui, même s’il était vrai qu’il ne pouvait lire que les émotions. Mais Zoltan n’en pensait pas un mot.

Zoltan ne ressentait rien. Il avait fait le choix de vivre ainsi, c’est pourquoi il restait indifférent à tout ce qui se passait dans le monde. Peu importait à quel point la réalité était cruelle, rien n’émouvait son cœur. Telle était la nature de Zoltan Michalek.

« Franchement, quelle impénitence ! », marmonna Zoltan pour lui-même.

« Qu’est-ce qu’il y a, Zoltan ? » demanda Edgar d’un air dubitatif, l’ayant apparemment entendu.

Il n’y avait aucune émotion dans ses paroles, si ce n’est de la curiosité, et aucune animosité, comme celle que les autres chevaliers ressentaient pour Zoltan. Il n’y avait cependant rien qui ressemble à de l’affection. Cet homme ne s’intéressait qu’au combat et restait indifférent à tout le reste.

« Ce n’est rien », répondit Zoltan.

« Si tu le dis. Si tu ne te sens pas bien, alors dégage d’ici. Si tu te mets en travers de mon chemin, je te tue, malgré notre longue connaissance. »

« Je le sais. »

À peu près au même moment, les chevaliers de garde commencèrent à faire du bruit. Les chevaliers qui avaient cherché ailleurs reprenaient contact avec le groupe. L’heure de la bataille approchait. Le moral était au beau fixe. Travis prétendait que la victoire et l’honneur étaient garantis.

Le moral est extrêmement important pour toute force armée, et Travis excellait à le manipuler. Si l’on faisait abstraction de sa personnalité, c’était un commandant talentueux.

L’ambition, la cupidité et le sadisme. Ces désirs qui animent les hommes brûlaient comme un brasier dans les yeux de Zoltan. Cette flamme ne faisait que grandir et leur donnerait sûrement de la force. Zoltan était le seul à observer ces hommes avec froideur, animés par la cupidité. C’est peut-être pour cette raison qu’une pensée absurde lui traversa l’esprit.

Travis avait affirmé que leurs adversaires n’étaient rien de plus que des « faibles destinés à être écrasés sous les pieds ». Travis piétinait souvent les autres, alors sur ce point, son intuition était la bonne. Mais était-ce une vérité absolue et indéniable ?

Rien ne garantissait que les faibles le resteraient à jamais. Un faible doute vint à l’esprit de Zoltan. Ce n’était qu’une inquiétude insignifiante, et même si ce n’était pas le cas, cela n’avait aucune importance pour lui. À peine la pensée lui était-elle venue qu’elle s’était déjà évanouie.

La nuit avançait et le moment d’écraser les faibles se rapprochait.

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Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

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