Chapitre 1 : Rencontre avec la Vanadis
Partie 4
Sur ce continent, la portée maximale de l’arc était de deux cent cinquante alcins (environ deux cent cinquante mètres).
Ce nombre représentait simplement la distance que pouvait parcourir la flèche… une distance calculée. Si l’on voulait infliger des lésions corporelles à la cible, la distance serait bien moindre que cela.
À l’heure actuelle, la Vanadis était encore à une distance d’environ trois cents alcins d’avec Tigre. Mais même ainsi, il avait quand même décoché la flèche.
La flèche avait sifflé dans le vent avant de s’enfoncer profondément dans la tête d’un cheval utilisé par un chevalier se tenant à côté de la Vanadis.
Alors que le cheval s’effondrait sur le sol, Tigre lâchait une seconde flèche. Cette flèche avait percé la zone entre les sourcils d’un autre chevalier.
« Ça va, » murmura-t-il.
Et enfin, avec deux personnes en moins dans son escorte, une possibilité de lui tirer dessus lui était offerte… une trajectoire vers la Vanadis aux cheveux argentés et aux yeux cramoisis pour qu’une de ses flèches puisse l’atteindre.
« La vraie chose commence ici, » murmura Tigre.
Tigre tendit sa main jusqu’à son carquois. Son souffle devint lourd et chaud.
Même dans les profondeurs de la montagne, où la lumière du soleil n’atteignait pas, face aux Dragons de Terre (Slō), qui avaient plus de quarante chets (environ quatre mètres) de longs, il n’avait pas éprouvé autant de nervosité qu’il ressentait maintenant.
… Supposant que les autres chevaliers voulaient la protéger, ils seraient gênés par le cheval et les chevaliers tombés. Le fait de les contourner va prendre du temps.
Bien que ce temps fût plutôt court, en effet, c’était suffisant pour Tigre.
… Dans cette situation, les actions qu’elle pouvait prendre consistaient soit à se coucher sur son cheval soit à descendre du cheval.
Sur sa gauche et sa droite se trouvait son escorte donc elle ne pouvait pas se déplacer dans ces deux directions. Il y avait un chemin dans son dos, mais seulement pour quelques pas, ce n’était pas une voie viable pour une action évasive. Et devant elle se trouvait ses subordonnés à terre et un cheval. Il serait difficile pour elle de les traverser sans un saut en longueur, et les chevaux détestaient faire cela.
Même si cette Vanadis réussissait à le faire entre le début du saut jusqu’à l’atterrissage, il y aurait sûrement un petit intervalle de temps qui serait une occasion parfaite pour Tigre.
À ce moment-là, Tigre, qui avait une fois de plus concentré son regard sur la Vanadis, avait été assailli par un intense froid.
La Vanadis souriait. Elle le regardait fixement et elle semblait excitée.
« Kuh. »
Tigre avait alors serré les dents. Évidemment, elle ne le prenait pas au sérieux. Il avait sorti les deux flèches restantes de son carquois. Il en avait placé une entre ses dents tandis que l’autre avait été bloqué sur son arc.
Mais ce qui était arrivé à ce moment-là était un spectacle tout bonnement incroyable.
Le cheval sur lequel se trouvait la Vanadis s’était doucement élevé dans les airs, passant loin au-dessus des subordonnés. Cette hauteur était d’environ vingt chet (environ deux mètres).
Pour Tigre, il semblerait presque que le cheval avait développé une paire d’ailes et s’était mis à voler. Ce n’était pas un « saut », c’était bien plus proche du véritable « vol ».
« Que vient-il de se passer… ? » se demanda Tigre.
La peur et l’effroi avaient ébranlé le corps de Tigre. Il pensait presque que ses yeux le trompaient.
Un cheval qui portait un cavalier n’aurait pas dû pouvoir sauter une hauteur de vingt chet sans même prendre le moindre élan.
Pourtant, la Vanadis l’avait fait, et tout cela avec un calme comme si ce n’était rien pour elle, puis elle avait galopé dans sa direction.
Je ne dois pas avoir peur...! Il s’était réprimandé. Je voyais simplement des choses.
Renfrogné, Tigre lâcha sa troisième flèche.
Surfant sur le vent, la flèche avait voyagé dans les airs jusqu’à sa cible. Et juste au moment où elle était sur le point de frapper au centre de son front, elle fut touchée par un éclair d’argent.
« … Impossible, » s’exclama Tigre alors qu’il écarquillait les yeux et que sa mâchoire s’était relâchée.
Elle avait abattu une flèche qui volait à plus de cent alcins à haute vitesse avec sa seule épée. Les exploits de ce degré provenaient seulement dans les chansons de geste, des légendes des braves et des héros. Ce n’était pas quelque chose que les humains normaux étaient capables de réaliser.
Il avait alors encoché sa dernière flèche.
Il avait une confiance absolue dans son arc. Et c’était d’autant le cas quand l’adversaire se dirigeait vers lui en ligne droite et que la distance de trois cents alcins avait presque été réduite à zéro.
C’est impossible pour moi de la manquer.
Comme avant, il avait dirigé la flèche directement sur son front. Mais de la même manière qu’avant, elle avait été déviée.
Pendant cet intervalle, le cheval, poussé par la Vanadis, ne ralentit pas un instant et s’approche de lui avec la même férocité qu’auparavant. Dans une dizaine de secondes, elle l’atteindrait.
« Est-ce que c’est la fin ? »
Il avait épuisé toutes ses flèches, et il n’avait pas d’autre arme. S’échapper à pied face à un cheval était également impossible.
Saisissant son arc avec force, Tigre se leva et rassembla des forces dans ses jambes. Il ne voulait pas avoir l’air trop laid.
La Vanadis était arrivée devant Tigre, et avait arrêté son cheval.
Les cheveux argentés de la jeune fille n’étaient souillés ni par le sang ni par le sable. Elle avait la peau blanche qui lui rappelait la neige perpétuelle qui s’accumulait sur les montagnes de sa terre natale. Une apparence raffinée, avec un nez bien charpenté et des lèvres humides et envoûtantes qui donnaient l’impression d’une sculpture de haut niveau. Cependant, les yeux cramoisis débordant de vitalité rappelaient qu’elle était une humaine en chair et en os.
Elle avait avancé la pointe de son épée vers Tigre.
« Jette ton arc. »
Il n’avait pas d’autre choix que de faire ce qu’on lui disait. En hochant la tête comme s’il était satisfait, la Vanadis déclara, avec un sourire. « Tu as de bonnes compétences. »
Tigre ne s’était rendu compte qu’après un certain temps qu’elle faisait référence à lui.
— M’a-t-on fait des compliments… même si je suis quelqu’un qui pointait ses flèches sur elle il y a un instant ?
Plus que satisfait, il se sentait déconcerté.
« Je suis Eleonora Viltaria. Et tu es ? » demanda-t-elle.
« Tigrevurmud Vorn. »
« Es-tu un noble ? De quel rang ? » demanda Eleonora.
Dans divers pays, y compris les royaumes de Brune et de Zhcted, ceux qui portaient des noms de famille étaient des nobles. À quelques exceptions près, ceux qui n’étaient pas de la noblesse n’avaient pas de nom de famille.
Tigre lui répondit qu’il était comte, et son sourire s’élargit.
« Très bien, Comte Vorn, » déclara Eleonora.
Tout en rentrant sa longue épée dans le fourreau à sa taille, Eleonora lui dit joyeusement « Désormais, tu m’appartiens en tant que prisonnier de guerre. »
Alors qu’il était abasourdi par ces mots inattendus, ses escortes l’avaient finalement rattrapé.
Ils entourèrent complètement Tigre, pointant leurs épées et leurs lances vers lui, mais quand Eleonora agita la main, ils retirèrent leurs armes d’un air surpris.
« Lim, laisse-le monter derrière toi. C’est mon captif. Ça ne me dérange pas si tu le malmènes un peu, mais ne le blesse pas sérieusement, » déclara Eleonora.
Le chevalier nommé Lim fit un signe de tête en silence. Comme toute la tête du chevalier était couverte d’un casque, Tigre ne pouvait pas voir leur réaction.
« Montez vite. »
En regardant Tigre, Lim avait parlé à voix basse à travers son casque. Tigre comprit rapidement pourquoi il sentait que la voix de Lim à son égard portait un degré de colère.
Lim était la chevalière dont il avait tué le cheval plus tôt.
— Le cheval était-il emprunté aux autres chevaliers ? Même parmi les autres escortes, cette personne devrait être un cran au-dessus d’eux.
« Est-ce que je peux aussi prendre mon arc ? » Tigre demanda, en montrant l’arc qu’il avait jeté par terre tout à l’heure. « C’est important pour moi. »
Il avait souligné son manque d’hostilité en montrant son carquois vide. Lim lui tendit une main.
« Ça me va. Cependant, je vais le garder, » déclara Lim.
Tigre tendit son arc à Lim, et se mit à l’arrière du cheval. Il avait ensuite placé ses mains sur la taille de Lim.
Soudain, le cou de Lim s’était plié vers lui. L’arrière du casque avait frappé avec force Tigre au visage.
« Qu’est-ce que vous faites ? » Tigre protesta, alors que son nez rougissait.
Eleonora rit, ses épaules tremblent.
« Lim, pour l’instant, c’est mon prisonnier. Sois un peu plus douce avec lui, » déclara Eleonora.
« … J’entends et j’obéis. »
Bien que la voix soit manifestement insatisfaite, Lim obéit quand même.
« Si vous osez faire quelque chose de bizarre, je vous jetterai immédiatement du cheval et vous piétinerai à mort, » déclara Lim.
Tigre soupira, en partie à cause de l’énorme colère de Lim à son égard, mais aussi à cause de sa propre incertitude quant à ses perspectives.
Se tournant vers les chevaliers, Eleonora proclamait avec exultation
« Bien que ce fut une bataille ennuyeuse, j’ai pu m’amuser à la fin. — Eh bien, retirons-nous. »
***
La bataille des plaines de Dinant s’était terminée par la victoire unilatérale du royaume de Zhcted.
Zhcted avait subi moins de cent morts, alors que Brune avait eu un compte de plus de cinq mille morts pendant la guerre, les blessés comptants pour plus du double du nombre de morts.
Cependant, les pertes ne s’étaient pas limitées à cela. Brune avait caché quelque chose, un fait qu’il serait difficile de garder secret, quels que soient les efforts déployés.
Il s’agissait de la mort au combat du commandant suprême, l’héritier du trône, le prince Regnas.
Merci pour le travail 🙂