Chapitre 4 : Les hommes deviennent stupidement imprudents devant la fille qu’ils aiment
Partie 2
« Salomon ne l’a pas fait. »
« Alors qu’est-ce que — ! »
Alshiera posa un doigt sur ses lèvres pour le faire taire.
« Nous ne pouvons plus en parler », dit-elle d’une voix à glacer le sang.
Asura grimaça face à cet avertissement soudain.
« Bon, peu importe », dit-il, voulant changer de sujet. « De toute façon, si tu as un indice, ne peux-tu pas le transmettre à cette fille Asmodée ? »
« À propos de ça… »
Alshiera avait du mal à interagir avec elle.
Elle n’écoute jamais les autres et c’est aussi l’amie de Foll.
Cette petite fille ramassait les gens sans se soucier de leur situation. Et Alshiera ne pouvait pas non plus ignorer purement et simplement ces personnes.
« Haaah… » soupira Asura, l’air vraiment exaspéré. « Tu n’as pas changé du tout quand il s’agit de ce genre de choses. Si tu continues à résister, tu vas te mettre à pleurer. »
Il avait raison, mais elle n’aimait pas qu’on le lui fasse remarquer. Les joues d’Alshiera se contractèrent alors qu’elle parvenait tant bien que mal à lui rendre un sourire.
« Dans ce cas, j’ai simplement été traumatisée par ton incapacité à écouter les autres », déclara-t-elle.
« Ha ha, c’est toi qui parles. Tu dis ça maintenant, mais tu m’as toujours suivi partout. »
Maintenant qu’il avait marché sur une deuxième mine, Alshiera lui adressa un sourire rafraîchissant.
« Ah oui, tu as mentionné quelque chose tout à l’heure, n’est-ce pas ? Comme quoi être capable de faire un nœud avec une queue de cerise dans ta bouche fait de toi un bon embrasseur. »
« Hm ? Oui, je l’ai fait. »
« Veux-tu le tester ? »
« Hein… ? »
Sans attendre de réponse, Alshiera planta un baiser sur ses lèvres.
« Hmmm !? »
Non seulement cela, mais elle avait forcé l’entrée de sa langue, l’avait fait tourner et avait joué avec lui à satiété. Après s’être concentrée entièrement sur cette activité pendant un moment, elle se retira et s’essuya les lèvres avec un mouchoir.
« Tes impressions ? » demanda-t-elle.
« F-Fantastique… »
« Si tu as appris ta leçon, alors abstiens-toi d’être aussi impertinent. »
« O-Oui madame… »
Asura se recroquevillant timidement, Alshiera fut enfin libre de se lever et de se débarrasser du noyau de cerise.
« Je ne savais pas qu’Ashy était aussi lubrique… » s’était dit Asura en chuchotant.
En fin de compte, celui qui se trouvait à la réception n’avait pas pu échapper à son destin.
◇
« Nous avons été séparés…, » gémit Kuroka avec agacement. Elle s’était retrouvée à l’intérieur d’une taverne, mais était maintenant seule sur un chemin inconnu au milieu de la nuit. La ville en bois construite autour d’anciennes ruines avait disparu, remplacée par un paysage urbain en pierre bien organisé. Des pavés de pierre sans le moindre interstice recouvraient le sol. Des lanternes de verre alimentées par la sorcellerie bordaient les deux côtés du chemin. Cette ville ressemblait un peu à la ville sainte de Raziel, mais les bâtiments étaient bizarrement uniformes. À cause de cela, il y avait un étrange sentiment d’oppression dans l’air.
« Alors, mesdames et messieurs, commençons le deuxième acte. »
À la suite de cette déclaration, l’ancienne cité d’Aristocrates s’était transformée en un tout autre endroit.
De la sorcellerie qui peut refaire une ville entière… ? Non, une barrière ?
Qu’est-il arrivé à tous les autres ? Il n’y avait pas beaucoup de monde à l’intérieur de la taverne, mais il y avait un bon nombre de piétons dans la rue. Elle ne les voyait nulle part. Mais même sans les voir…
C’est bizarre. Je peux encore les sentir.
Même si elle sentait la respiration et les pulsations autour d’elle, il n’y avait personne. Si Kuroka n’avait pas encore la vue, elle ne pourrait pas distinguer le haut du bas, et encore moins la gauche de la droite.
Avons-nous été téléportés ? Non, j’ai bien vu la ville se briser physiquement.
Se faire entraîner dans le sous-espace par Barbatos, ça ne ressemble pas à ça. Alors, que se passe-t-il ? Malheureusement, Kuroka n’avait pas le temps de réfléchir lentement à sa situation. Shax l’avait soignée, mais les séquelles du Rideau de la Nuit étaient encore profondément ancrées. Elle ne pouvait se lever qu’avec le soutien de son bâton. Elle n’allait pas s’en plaindre, mais elle n’était pas en état de combattre un Archidémon. La douleur palpitait profondément derrière ses globes oculaires.
Oh non… Mes yeux…
Elle pouvait encore voir, mais il y avait clairement quelque chose qui n’allait pas dans son champ de vision. Elle voyait quelque chose comme des images rémanentes superposées les unes aux autres. Certaines ressemblaient à des silhouettes humaines, tandis que d’autres étaient des spirales sans signification. De plus, quelque chose comme une lumière pâle et brillante courait le long des bâtiments. Si un ennemi se cachait ici, elle ne pourrait pas le repérer. C’était comme si son œil droit et son œil gauche voyaient des images différentes, ce qui la rendait malade au point de vomir.
« Je dois trouver les autres… »
Elle doutait d’être la seule à être piégée de la sorte. Les autres devaient également se trouver quelque part dans cette ville. Et au moment où elle fit un pas en avant, elle regarda soudain le mur contre lequel elle avait la main. Elle eut l’impression d’y voir une brume ayant la forme d’une personne.
Il tient une épée… ?
Elle ne pouvait pas sentir sa présence ou une quelconque soif de sang. Il était clair qu’il n’y avait rien. Mais lorsqu’il sembla brandir son épée vers elle, le corps de Kuroka bougea de lui-même.
« Argh ! »
Elle roula au sol alors qu’un sifflement aigu du vent passait à l’endroit où se trouvait le cou de Kuroka il y a un instant.
Ce n’est pas du vent. C’est une lame !
Elle se poussa immédiatement avec son bâton alors que le torse d’un vieux monsieur jaillit du mur.
« Hmm, tu as donc réussi à l’esquiver ? » dit-il. « C’est bien approprié pour le plus grand samouraï de cette époque. »
Glasya-Labolas était sorti du mur pendant qu’il chantait ses louanges. Il avait en main une épée sans lame — qui devait être le Katana Hex.
« Comment trouves-tu cette ville ? N’est-elle pas belle ? » demanda-t-il en prenant une profonde inspiration, comme s’il savourait l’air. « Les séraphins régnaient autrefois sur ces terres. Ceci est une imitation de leur ville. »
« Les séraphins… ? »
Kuroka savait que c’était un nom pour les hauts elfes comme Néphy, mais personne ne savait quel genre de vie ils avaient menée il y a mille ans.
« Est-ce votre barrière ? » demanda Kuroka, tout en surveillant attentivement ce qui l’entourait.
« C’est en effet le cas. Métropole sombre, la cité des épées — tout ici est sous mon contrôle. »
Kuroka avait frémi.
« Alors la raison pour laquelle je n’ai rien sentit… »
« Oui. C’est une caractéristique de la cité des épées. Quel que soit le maître, il est impossible d’esquiver une lame invisible que l’on ne peut pas sentir. »
Kuroka avait vu Glasya-Labolas juste devant elle, mais n’avait rien senti de sa part. Même lorsqu’il parlait, on pouvait se demander s’il était vraiment là. Elle ne pouvait pas esquiver indéfiniment ce genre d’attaques.
S’il s’en prend à Monsieur Shax ou aux autres…
Il leur serait impossible de s’échapper.
« En tout cas, c’est censé être le cas, ma dame, » dit Glasya-Labolas en haussant les épaules d’un air troublé. « Tu as esquivé après avoir confirmé l’attaque à vue, n’est-ce pas ? »
Kuroka n’avait pas répondu. Ou plutôt, elle ne pouvait pas répondre.
Parle-t-il de cette brume… ?
Elle avait juste vu quelque chose par hasard. Elle doutait de pouvoir réitérer l’exploit. Et pourtant, Glasya-Labolas hocha la tête en signe de compréhension.
« Tes yeux… Je vois, ce sont donc les yeux du quatrième. »
« De quoi parles-tu ? »
Elle jeta un coup d’œil à l’épée courte qu’elle avait à moitié dégainée. Elle reflétait son visage, mais au lieu de ses habituels yeux rouges, elle avait des yeux argentés comme Zagan.
L’argent… ? Qu’est-ce qui se passe ? Mes yeux sont différents…
Était-ce un effet secondaire de l’ouverture de sa vieille blessure ? Non, en y repensant, Shax avait semblé plutôt inquiet pour ses yeux. Elle avait eu l’impression qu’il craignait une mauvaise réaction à son traitement, mais c’était peut-être la raison.
Glasya-Labolas se caressa la moustache en contemplant, puis sourit comme s’il avait eu une idée merveilleuse.
« Pow ! Mon cœur n’a pas dansé comme ça depuis mon jeu avec le roi sans visage ! »
Le Roi sans visage Bifrons — Kuroka avait autrefois été utilisée comme un outil dans leurs plans, aussi ce nom lui rappelait-il d’abominables souvenirs. On disait que Bifrons et Glasya-Labolas avaient un jour expérimenté en utilisant une ville entière comme jouet. Le côté obscur de l’Église ne connaissait pas tous les détails de l’événement, mais les histoires racontaient à quel point cela avait été répugnant.
« J’avais l’intention de commencer par toi, ma dame, mais j’ai changé d’avis », poursuit le Seigneur du meurtre avec délectation. Il sortit complètement du mur et s’inclina respectueusement. « Que dirais-tu de jouer à un petit jeu avec moi ? »
« Un jeu… ? »
Kuroka avait résisté à l’envie de lui hurler dessus pour avoir suggéré une telle absurdité.
Je dois faire durer cette conversation…
Telle qu’elle était dans cet état, Kuroka ne pouvait pas esquiver sa prochaine frappe, elle devait donc gagner le plus de temps possible pour récupérer son endurance.
« Oui », dit Glasya-Labolas, la joie transparaissant dans son expression. Il n’était pas clair s’il avait compris ou non les tergiversations de Kuroka. « Je vais tuer tous les autres un par un. »
« Quoi — !? »
Le sang s’écoula du visage de Kuroka à sa suggestion effroyable.
« Ma dame, tu vas essayer de m’arrêter. Si je les tue, je gagne. Si tu m’arrêtes, tu gagnes. C’est assez simple, non ? »
« Arrête de dire des conneries ! »
Furieuse, Kuroka lui lança un couteau, mais celui-ci traversa Glasya-Labolas et se planta dans le mur.
Il n’est pas encore sorti du mur…
La silhouette floue d’une personne que Kuroka avait vue pour la première fois semblait se trouver à l’intérieur du mur, comme auparavant.
« Alors tu le vois vraiment ? » dit-il. Et laissant ce murmure derrière lui, la brume commença à se dissiper. « Viens maintenant, il est temps de lever le rideau sur ce concours amusant. »
« Stop ! Glasya-Labolas ! »
Elle lança un deuxième couteau, mais il rebondit en vain sur le mur.
C’est pathétique !
Telle que Kuroka était maintenant, elle n’avait même plus la force de faire planter son couteau dans le mur.
merci pour le chapitre