Le Dilemme d’un Archidémon – Tome 15 – Chapitre 3

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Chapitre 3 : Tout méchant a été un jour innocent

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Chapitre 3 : Tout méchant a été un jour innocent

Partie 1

« Hé, grande sœur, qu’est-ce que tu comptes faire après avoir appris la sorcellerie ? »

La jeune fille gonfla les joues, se plaignant à sa grande sœur qui ne jouait plus avec elle et préférait s’adonner jour après jour à des concours de regards avec des grimoires. Ces deux Carbuncles appartenaient à une espèce rare qui avait des symboles étoilés au fond des yeux.

« Pourquoi n’irions-nous pas plutôt cueillir des fleurs ? » demanda la petite sœur en cueillant un lys blanc dans le jardin et en l’approchant de ses cheveux argentés. « Regarde, n’est-il pas joli ? »

La tentative de la jeune fille d’attirer l’attention de sa sœur aînée pour qu’elle lève les yeux de son grimoire sembla aboutir comme si elle était vaincue par sa persistance.

« Oui, oui. Ça te va bien. »

« Allez, regarde bien. Ce livre stupide est-il plus mignon que moi ? »

« Je sais mieux que quiconque à quel point tu es mignonne », avait-elle répondu en tapotant la tête de sa petite sœur pour la réconforter, puis en levant fièrement un doigt vers le haut. « Ta grande sœur deviendra une sorcière et récoltera tout un tas de trésors. »

« Un trésor ? Quel genre de trésor ? » demanda la petite sœur avec curiosité.

« Voyons voir… Je suppose que ce sera des pierres précieuses et autres ? »

« Et si tu ne ramassais pas de pierres précieuses ? » protesta la petite sœur avec une grimace. « C’est de mauvais goût. »

Les pierres précieuses faisaient partie du corps de ces jeunes filles, et même si elles trouvaient ces objets très beaux, elles avaient l’impression que les pierres en vrac étaient des cadavres mutilés. Qu’elles soient vraies ou fausses, le bon sens voudrait que l’on empêche quelqu’un de ramasser les crânes de son peuple. C’était le cas, mais la sœur aînée agita le doigt d’un air condescendant.

« Qu’y a-t-il de mal à ce qu’un Carbuncle ramasse des pierres précieuses ? Plus importants encore, les humains de l’extérieur ont soif de pierres précieuses. Si nous les accumulons toutes, personne n’osera nous défier, n’est-ce pas ? »

« Je suis presque sûre que cela n’arrivera pas », répondit la petite sœur sans ambages.

« Pourquoi pas ? » hurla la grande sœur en gonflant à son tour les joues. « J’ai dit que ça arriverait, alors ça arrivera ! »

La regardant taper du pied, la petite sœur poussa un soupir exaspéré.

« Et qu’est-ce que ça va donner ? Tu vas devenir une reine ou un autre truc du genre ? »

« Oui, exactement », affirma nonchalamment la grande sœur. « Il n’est pas nécessaire que ce soit des pierres précieuses. N’importe quel trésor fera l’affaire. Si je rassemble tout, je serai une reine. »

Cela semblait idiot, mais se sentant désolée pour sa grande sœur, la jeune fille ne déclara rien et se contenta de détourner les yeux.

« Uhhh ! Voilà encore ce visage ! Tu penses que je suis stupide, n’est-ce pas ? »

« Je me suis efforcée de ne rien dire parce que tu avais l’air si pitoyable… »

« Tu es terriblement effrontée pour une jeune sœur, tu sais ? » se plaignit la sœur aînée, les yeux pleins de larmes. Elle reprit néanmoins son calme assez rapidement. « Si je deviens reine, nous n’aurons plus besoin de nous cacher dans un endroit comme celui-ci. »

Les Carbuncles étaient ciblés précisément à cause des gemmes qui se trouvaient dans leur corps. Même si le vol de leur joyau central entraînait leur mort, les gens « à l’extérieur » s’en moquaient. Les espèces rares qui possédaient un emblème d’étoile se faisaient même arracher les yeux.

La jeune fille écarquilla les yeux à cette déclaration, tandis que sa sœur aînée posa sa main sur la joue de la jeune fille.

« Je veux créer un royaume pour les Carbuncles…, » dit-elle affectueusement. « Non, pour tous les opprimés. »

Elle serra ensuite les poings sur ses genoux. Peut-être ses yeux regardaient-ils plus loin dans l’avenir que n’importe qui d’autre lorsqu’elle déclara : « Peu importe que l’on se moque de moi ou que l’on se fâche contre moi, je vais certainement y arriver. C’est pourquoi j’ai besoin du pouvoir pour faire de mon rêve une réalité. »

« Je ne rirai pas…, » dit la jeune fille en secouant la tête et en pressant sa main contre sa poitrine en signe de honte. « Tu peux le faire, frangine ! »

« Héhé, merci, Lily », répondit la grande sœur, son visage s’assombrissant dans une hébétude ravie.

La fillette glissa le lys blanc dans les cheveux de sa grande sœur. Son souhait était aussi pur que cette fleur. Elle savait que c’était impossible, mais elle avait encore le culot de dire qu’elle y parviendrait.

Tout cela s’était passé cent ans avant le jour où la reine des fées Titania avait fondé la capitale des opprimés.

« Un rêve… ? »

La voix de la jeune fille était extrêmement rauque, sa gorge brûlait. Son corps était aussi lourd que du plomb, elle ne pouvait pas lever les bras, et un plafond en bois remplissait sa vision. Elle ne reconnaissait pas du tout l’endroit. Cependant, l’odeur de la terre et de l’herbe lui semblait étrangement nostalgique.

Que m’est-il arrivé ?

Elle avait l’impression que quelque chose d’horrible s’était produit, mais son esprit n’était pas clair, comme s’il était prisonnier d’une brume vaporeuse. Ayant peut-être entendu son gémissement d’incompréhension, quelqu’un la regarda de haut.

« Oh, tu es réveillée ? »

C’était un visage inconnu. Le garçon avait l’air d’avoir entre dix-sept et dix-huit ans et un cristal gemme était incrusté dans son front.

« Ah… »

Mais comment ? Au premier coup d’œil, elle sut qu’il était de son peuple, même si elle avait l’impression qu’il était impossible de rencontrer de tels frères.

« Gah… »

Elle essaya de se redresser, mais elle eut directement un mal de tête épouvantable. Sa vision se déforma et elle eut même l’impression d’être sur le point de vomir.

« Tu ferais mieux de ne pas bouger », dit le garçon. « Tu as en fait subi une blessure mortelle. »

« Une blessure… ? Pourquoi… voudrais-je… ? »

Avait-elle été victime d’une sorte d’accident ? Elle ne s’en souvenait pas vraiment.

« Je m’appelle Shura », dit le garçon, l’air un peu nerveux. « Peux-tu me dire ton nom ? »

« Mon nom… ? »

Elle essaya de répondre, mais rien ne lui vint à l’esprit.

Nom… Mon nom… ?

Elle n’arrivait pas à s’en souvenir. La première chose à laquelle elle pensa fut le rêve qu’elle venait de voir.

« Lily. »

« Lily ? Est-ce ton nom ? »

« Probablement. »

« Veux-tu dire que tu ne sais pas ? » demanda le garçon d’un air confus.

« Désolée…, » dit-elle avec une pointe de culpabilité.

Le garçon secoua la tête et répondit : « Ce n’est pas grave. Je suis désolé d’être passé pour quelqu’un d’énergique. »

Il semblerait que ce ne soit pas une mauvaise personne.

« Où suis-je… ? » demanda-t-elle en regardant autour d’elle, hébétée.

« Euh, maintenant que j’y pense, il n’y a pas encore de nom propre. C’est un peu difficile à expliquer, mais cet endroit s’appelle la capitale des opprimés. »

« Les opprimés… »

Pour une raison ou une autre, ces mots étaient restés gravés dans son esprit.

J’ai l’impression que c’est lié à moi…

Et pourtant, elle ne se souvenait de rien.

« Ce n’est pas la peine de te forcer à rester debout », dit le garçon avec un sourire réconfortant. « Tu devrais te reposer. »

« Bien sûr…, » marmonna-t-elle en fermant les yeux et une lourde somnolence tomba sur elle comme un voile de boue.

Après s’être assuré qu’elle dormait, le garçon quitta la pièce.

« Elle est amnésique ? »

Andrealphus fut abasourdi par le contenu du rapport de Shura. Il s’était dit qu’il était peu probable qu’elle s’en prenne soudainement à un autre Carbuncle, et il avait donc laissé à Shura le soin de s’occuper d’elle, mais le résultat était tout à fait inattendu. Ils se trouvaient dans la pièce adjacente à la chambre d’Asmodée. La disposition du bâtiment était telle que pour quitter la salle des malades, il fallait passer par là, ainsi avaient-ils pris position par précaution.

Andrealphus supervisait les opérations et était accompagné de Foll, de ses assistantes Dexia et Aristella, et de Shura, qui venait de revenir pour les informer de ses découvertes.

« Désolée, » dit Foll. « On dirait que je ne l’ai pas assez bien soignée. »

« Non, ce n’est pas votre faute », répondit Andrealphus. « Même la réanimer après que son joyau central ait été brisé est déjà un miracle. »

Foll avait réparé le joyau central d’Asmodée en utilisant l’Écaille de la prière de l’Écaille des cieux, mais cela n’avait pas été parfait. Peut-être que Foll n’avait pas assez de puissance, ou peut-être que l’Écaille de la prière n’était pas suffisante pour réparer l’âme.

« Oh, franchement, d’abord Furcas et maintenant Asmodée », se plaignit Andrealphus en se grattant la tête. « Ces Archidémons peuvent-ils cesser de perdre la mémoire ? »

« Il y a aussi la question de savoir qui lui a fait ça, » ajouta Foll. « Seul un Archidémon peut vaincre un Archidémon, je dois donc découvrir ce qui s’est passé. »

Andrealphus acquiesça et déclara : « J’ai obtenu quelques informations en amont. Il y avait une petite ville appelée Paralynia sur la côte de Suflaghida, mais il semble qu’elle ait été inondée. L’embouchure du fleuve s’est effondrée et l’eau s’est engouffrée à l’intérieur des terres. L’Église travaille à la réparation du barrage, donc la situation devrait bientôt s’arranger. »

Il n’y avait donc pas lieu de s’inquiéter de la montée des eaux du canal.

« Et les citoyens ? » demanda Foll.

« Je suis sûr qu’il y a des victimes, mais il semble que la plupart d’entre elles aient été évacuées. Il y a apparemment eu beaucoup d’agitation avant que la ville ne sombre, donc les citoyens endormis avaient déjà été réveillés. »

« Bon, si quelqu’un d’autre a été emporté par les eaux, aidez-le… Je suis presque sûre cependant que ce sera difficile à ce stade. »

Ils avaient trouvé Asmodée juste avant midi, mais c’était déjà le soir. Un sorcier aurait pu survivre aussi longtemps, mais n’importe quelle personne normale aurait été morte.

« Reprenons le cours des choses », dit Andrealphus après avoir fait un signe de tête à Foll. « Le fait qu’elle ait été emportée par cette voie signifie qu’Asmodée est certainement liée à ce qui s’est passé à Paralynia. Sa sorcellerie peut facilement détruire une ville entière, après tout. »

« Contre qui Asmodée se battait-elle ? » demanda Foll.

Andrealphus secoua la tête et répondit : « Une montagne de sorciers a un compte à régler avec elle, alors je ne peux même pas commencer à deviner. »

« La forme de la blessure d’Asmodée donne l’impression qu’elle a été tranchée par une épée. Il ne devrait pas y avoir beaucoup de sorciers capables de faire ça. »

Andrealphus réfléchit un moment avant de dire : « Eh bien, il y a moi… et parmi les Archidémons actifs… Je suppose que Glasya-Labolas est celui qui a le plus de pêche. Non seulement il est extrêmement habile à l’épée, mais il accepte même des contrats pour tuer des gens. »

« Connaît-il personnellement Asmodée ? »

« C’est le genre de sorcier qui ne vit que pour le plaisir de la chasse, sans se soucier de ses relations personnelles. Il lui arrive de frapper des gens après avoir croisé leur chemin par hasard et de tuer des gens à la demande de quelqu’un d’autre. »

Il était difficile de trouver un motif.

***

Partie 2

« Est-elle vraiment amnésique ? » Dexia s’était jointe à la discussion, l’air très suspicieux.

« Il m’a semblé que c’était le cas…, » répondit Shura.

« Je l’ai rencontrée une fois lorsque Maître Shere Khan négociait avec elle », dit Dexia d’un air agacé. « Elle était vraiment sournoise et désagréable. On ne pouvait pas savoir quand elle allait nous rouler dans la farine. Êtes-vous sûre qu’elle ne fait pas semblant de ne pas avoir de souvenirs juste pour nous faire baisser notre garde ? »

« Eh bien, elle est du genre à faire ce genre de choses », acquiesça Andrealphus.

« Asmodée est-elle si mauvaise que ça ? » demanda Foll.

« Je vous l’ai dit tout de suite, n’est-ce pas ? » répondit Andrealphus. « C’est une vraie méchante. Je vous conseille quand même de l’achever tout de suite. »

Néanmoins, Foll voulait la sauver.

« Qu’en penses-tu, Shura ? » demanda-t-elle.

« Hein ? Moi ? », répond-il, l’air complètement abasourdi. Il n’avait probablement jamais pensé qu’on lui demanderait son avis.

Shura croisa les bras et réfléchit un moment avant de finalement dire : « Il me semble que son esprit est en désordre. Elle s’est même appelée Lily. »

« Ce qui veut dire que ses souvenirs reviendront avec le temps ? »

« C’est possible, alors je veux au moins veiller sur elle en attendant… D’ailleurs, j’ai entendu dire qu’il n’y avait plus de Carbuncles dans le monde. »

Peu importe ce qu’elle avait fait dans le passé, une partie de lui voulait voir son peuple survivre.

« Je veux aussi… la sauver, » Aristella se joignit inopinément à la conversation, soutenant Shura. « Ne pas avoir de souvenirs est très troublant… Se faire tuer sans rien savoir… ça doit être dur. »

« Aristella… »

Après avoir vu sa petite sœur exprimer son opinion de la sorte, Dexia ne put plus faire front.

« Deux pour et deux contre. C’est à vous de décider, ma petite dame », déclara Andrealphus.

« Ma réponse reste la même », répondit Foll en hochant la tête. « Nous sauvons Asmodée. »

« Milady…, » marmonne Dexia, mécontente.

« Je comprends que tu sois inquiète, Dexia », dit Foll avec un autre signe de tête. « Mais attendons pour l’instant. »

« Bien. »

Andrealphus n’avait pas non plus fait d’objections. Au lieu de cela, il déclara simplement : « Eh bien, soyez prudente. Il est temps pour moi de retourner à l’entraînement de mon successeur. »

« Hmm… »

« Aussi, êtes-vous sûre de vouloir tenir Zagan à l’écart d’Asmodée ? » demanda Andrealphus.

« Ouais. »

Il aurait peut-être été préférable de l’informer, mais c’était son travail. Foll se contenta donc de secouer la tête.

« Je ne veux pas inquiéter Zagan avec des choses inutiles. »

« Parce que c’est votre premier emploi ? » demanda Andrealphus.

« Non, parce que Zagan a déjà la tête pleine à se préoccuper de l’anniversaire de Néphy. »

C’était donc à Foll de s’occuper de tout jusqu’à ce qu’il puisse fêter l’anniversaire de Néphy en toute sécurité. Andrealphus fut choqué par cette déclaration franche, mais Foll n’y prêta pas attention.

Au même moment, dans la salle du trône du palais de l’Archidémon, Barbatos et l’Archidémon Zagan se regardaient en chiens de faïence. Zagan était assis sur le trône, les jambes croisées, tandis que Barbatos était prêt à attaquer à tout moment, même s’il avait les mains dans les poches.

« C’est rare », dit Zagan, rompant le silence. « Ce n’est pas souvent que tu sors de ton foutu sous-espace pour me rendre visite en personne. »

N’importe quel message ordinaire aurait pu passer dans l’ombre, il devait donc s’agir de quelque chose d’important qui justifiait une rencontre en personne.

« Va te faire foutre. Je ne suis là que parce que tu n’as pas rempli ta part du contrat. »

Voyant son ami indésirable fulminer de rage, Zagan hocha la tête en signe de compréhension. Des trois personnes qu’il avait nommées pour devenir les prochains Archidémons, seul Barbatos n’avait pas hérité d’un Emblème. Zagan avait parlé d’une ouverture parmi les Archidémons en récompense des services rendus par Barbatos dans l’assassinat des officiers des Nephilims pendant la guerre, il était donc logique que Barbatos prétende qu’il s’agissait d’une rupture de contrat.

Cependant, bien que Zagan l’ait nommé comme l’un des prochains Archidémons, il avait dit à Barbatos qu’il fermerait les yeux si Barbatos volait un Emblème pour lui-même. Il pouvait donc considérer qu’il s’agissait d’un défaut de Barbatos. Cependant, il était également vrai que Barbatos avait fait des efforts supplémentaires pour aider à sauver Nephteros.

Zagan ne lésinait pas sur les moyens pour récompenser ses subordonnés qui travaillaient dur, et cela même Barbatos. De ce point de vue, Zagan se devait de faire quelque chose. Il s’enfonça dans ses pensées pendant un moment avant que Barbatos ne s’emporte soudainement.

« Tu as dit que tu me donnerais des conseils sur ce que je peux faire pour l’anniversaire de cette pleurnicharde ! »

Un silence douloureux se répandit dans la salle du trône.

« Désolé, j’ai oublié. »

Zagan baissa la tête. Maintenant qu’il y pensait, c’était la seule raison pour laquelle Barbatos avait rejoint l’alliance pour sauver Nephteros. Il avait mené cette tâche à bien jusqu’au bout, et Zagan n’avait d’autre choix que de reconnaître ses efforts.

« C’est totalement ma faute, » dit Zagan en s’excusant une fois de plus. « Cela m’a complètement échappé jusqu’à ce que tu me le mentionnes. Je te présente mes excuses les plus sincères. »

Zagan avait honte de lui. Il avait privilégié le cadeau de sa propre épouse avant tout, au point de s’empresser de tuer Shere Khan. De plus, il venait tout juste de décider de soutenir la relation entre Barbatos et Chastille pour résoudre l’antagonisme entre les Chevaliers Angéliques et les sorciers.

Malgré tout, il avait complètement oublié de conseiller Barbatos sur le cadeau de Chastille. Barbatos avait beau être une ordure et être sans importance pour Zagan, c’était une question de morale et de vertu.

« Eh bien, tant que tu as compris », dit Barbatos en se grattant maladroitement la tête. Il ne s’attendait vraiment pas à ce que Zagan s’excuse si sincèrement. Il se ressaisit et attrapa une chaise sans rien demander, s’asseyant et s’appuyant sur le dossier en croisant les jambes, il demanda : « Alors, qu’as-tu choisi comme cadeau pour ton épouse ? »

« Bon, je suis en train de faire une montre. Néphy est très occupée, alors je me suis dit que ce serait bien qu’elle ait un moyen de connaître l’heure. »

« En as-tu fabriqué une ? À la main ? »

« Oui. J’ai mis la main sur les faiblesses de Naberius et tout le reste, alors je l’utilise. »

« Hmm… Fabrication artisanale, hein… ? » marmonna Barbatos, hochant la tête en signe d’admiration. « Pas mal du tout. »

« Et toi ? As-tu quelque chose de prévu ? »

Barbatos grimaça et détourna les yeux en répondant : « Je n’ai encore rien décidé. »

« Qu’est-ce que tu vas faire… ? »

« Comment peux-tu m’en vouloir ? Juste pour que tu saches, je n’ai jamais offert de cadeau à une personne de toute ma putain de vie ! »

Zagan pencha la tête en signe de confusion et demanda : « Hein ? Ne lui as-tu pas donné un ornement de cheveux pour Alshiere Imera ? »

« C-C-C-C-Comment le sais-tu ? » s’exclama Barbatos, son visage malsain se teintant d’une légère nuance de rouge avant qu’il n’affaisse les épaules. « Je veux dire… Je me suis débrouillé pour le lui donner, mais je n’ai pas vraiment eu l’impression que c’était un cadeau… »

« Franchement, qu’est-ce que tu dis là… ? » grogna Zagan. Chastille l’avait porté pratiquement tous les jours, il était donc clair qu’elle l’aimait bien. N’était-ce pas bien qu’elle l’ait accepté ?

J’avais prévu de le confier entièrement à Gremory, mais…

D’un autre côté, si Zagan mettait cet idiot à la porte maintenant, on ne pouvait pas savoir ce qu’il ferait. Au pire, on pouvait imaginer que Barbatos ne parviendrait pas à trouver un cadeau et qu’il passerait toute l’année suivante à se montrer encore plus morose que d’habitude.

En fait, ce type peut-il même remettre un cadeau comme une personne normale ?

Bien qu’il soit conscient de ses sentiments, il continue à dire des choses comme « Je ne l’aime pas », tout en agissant comme s’il se souvenait soudainement de quelque chose d’embarrassant. Il valait mieux qu’il passe à autre chose, mais sa fierté ou sa honte l’en empêchait. En tout cas, il était pénible.

Zagan se creusa la tête pendant un moment avant qu’une idée soudaine lui vienne à l’esprit et il suggéra : « Et si on lui apportait quelque chose de bon à manger ? »

« Des plats savoureux ? Je sais cuisiner, mais tu sais… »

Barbatos se gratta la joue comme pour dire : « Ah bon, je n’ai pas le choix ! », lorsque Zagan eut soudain l’impression que la vie de ses subordonnés était en danger.

« Stop. Ne te mets pas toi-même à cuisiner. Aucune cuisine de ce monde ne t’acceptera, idiot. »

Néphy avait déjà ordonné qu’ils ne soient jamais autorisés à pénétrer dans la cuisine. S’il laissait faire, le mal s’étendrait sûrement bien au-delà de la portée de Zagan. Kianoides était son domaine, il ne pouvait donc pas permettre que de tels crimes soient commis.

Le problème, c’est qu’ils avaient tous les deux des défauts rédhibitoires en matière de nourriture, jusqu’à leur sens du goût. Ce n’était pas qu’ils faisaient de la mauvaise nourriture, mais ils effectuaient des tests de goût appropriés et faisaient de la nourriture qu’ils croyaient bonne. Ils y croyaient tout en créant des déchets dont la qualité n’avait rien à envier à celle des restes d’aliments moisis. Il n’y avait donc aucun moyen de prévenir les victimes potentielles, si ce n’est en leur interdisant complètement l’accès à la cuisine.

« Hein ? Juste pour que tu saches, je sais mieux cuisiner qu’elle. »

« Ce n’est pas la peine d’en parler quand on prend Chastille comme étalon de mesure. Vous êtes tous les deux des petits pois dans la même cosse. Et honnêtement, vous devriez juste apprécier avec gratitude la nourriture que les autres préparent pour vous. »

« Nous ne sommes pas des pois dans la même cosse ! »

Ce n’est pas la question !

Par réflexe, Zagan faillit frapper l’homme, mais il se retint de le faire en utilisant toute sa sagesse d’Archidémon. Et comme il n’avait aucun moyen de connaître les efforts héroïques de Zagan, Barbatos croisa les bras.

« Alors… Je devrais l’emmener dans un restaurant ? » demanda-t-il. Il y réfléchit un moment, puis détourna soudain les yeux, honteux. « Bon sang, mec. On dirait que c’est un rendez-vous galant ou quelque chose comme ça. »

L’accoudoir de Zagan se brisa.

 

 

Qu’est-ce que ça peut être d’autres qu’un rendez-vous, espèce d’abruti !?

Zagan parvint tant bien que mal à ravaler les mots qui lui montaient à la gorge. Cet homme avait-il oublié le conseil qu’il était venu chercher ici ? C’était en fait tout à fait possible, et c’était peut-être une bonne idée de le lui rappeler. Il était temps que Barbatos reconnaisse la date et espère des développements.

Mais tout de même, il s’agissait de Barbatos. Lui en faire prendre conscience risquait d’aggraver son état d’esprit fastidieux, ainsi Zagan se devait-il d’y aller doucement. D’un autre côté, si on le laissait seul, Barbatos risquait de passer le reste de l’éternité à prétendre qu’il « ne l’aimait pas ». Ce n’était pas grave en soi, mais Chastille prenait au sérieux tout ce que disait Barbatos, donc il y avait aussi le risque d’aggraver son état d’esprit.

Pourquoi ces deux-là s’aiment-ils alors qu’ils sont tous les deux des emmerdeurs ?

Non, attendez, c’est peut-être justement ce qui les avait rapprochés. Quoi qu’il en soit, c’était fatigant. Zagan voulait juste se débarrasser de cet homme et se remettre à préparer le cadeau de Néphy. Il s’épuisait à penser à tout cela.

***

Partie 3

« Tu nous invites tout le temps, moi et mes subordonnés, à sortir boire, n’est-ce pas ? » dit Zagan.

« Eh bien, oui. »

« As-tu déjà invité Chastille ? »

« Hein ? Non, jamais. »

« Dans ce cas, ne se sentira-t-elle pas aliénée ? Je parie qu’elle se demande pourquoi tu ne l’emmènes jamais. »

Les yeux de Barbatos s’ouvrirent comme s’il venait de recevoir un coup de poing. Ce n’était pas comme s’il allait boire avec tout le monde, et il n’avait probablement jamais invité d’autres chevaliers angéliques. Pourtant, formulé ainsi, il se sentait mal de l’avoir exclue.

« D’ailleurs, elle a l’âge de boire maintenant, non ? » déclara Zagan, frappant alors que Barbatos était encore à terre et espérant le faire sortir maintenant. « Ne vaudrait-il pas mieux que tu lui apprennes à boire avant qu’elle ne prenne de mauvaises habitudes ? »

« Pourquoi dois-je… ? »

« Alors, dis-moi, peux-tu vraiment supporter l’idée qu’un autre homme lui apprenne à boire ? »

« G-G-G-G-Gah… »

Il avait donc vraiment envie de la garder pour lui… En fait, ce désir semblait particulièrement fort. Barbatos s’ébouriffa les cheveux en signe d’agonie, et bientôt, il abandonna et affaissa les épaules.

« Oh, bien sûr… Je suppose que je vais m’occuper d’elle. C’est un vrai casse-tête. »

« C’est toi qui es la source de ça, abruti. »

Au moins, tu as pris une bonne décision.

Zagan sourit doucement, comme pour confirmer son amitié pour cet homme.

« Me cherches-tu des noises, connard !? » hurla Barbatos.

« Oh, je suis désolé. Je me suis dit qu’il n’y avait aucune chance que tu en meures, alors j’ai laissé échapper mes vraies pensées… »

« Quelle partie de cette conversation t’a mis en colère ? »

« Tout, espèce d’abruti. »

Zagan commençait à en avoir assez de donner des conseils sur la vie amoureuse de Barbatos. Pourtant, Barbatos se leva, comme s’il reprenait soudain ses esprits.

« Attends ! Qu’en est-il du cadeau de la pleurnicharde ? »

« Je croyais qu’on en avait fini avec ça ? »

« La nourrir n’est pas un cadeau, n’est-ce pas ? N’ai-je pas besoin de quelque chose, je ne sais pas, de plus permanent… ? »

« Hein ? On est encore là-dessus ? » répondit sévèrement Zagan, espérant sérieusement qu’il s’en aille. « Un cadeau ne doit pas nécessairement être un objet tangible, n’est-ce pas ? Un bon moment restera aussi dans sa mémoire. L’important, c’est qu’elle passe son anniversaire dans la bonne humeur, n’est-ce pas ? »

Malgré cela, Barbatos grimace et dit : « Elle va m’offrir quelque chose pour mon anniversaire. Même si elle est pauvre, elle va certainement faire des efforts pour m’offrir quelque chose de bien. Dans ce cas, il faut que je prenne quelque chose pour équilibrer, non ? »

D’où lui vient cette confiance ?

« Comment diable peux-tu prétendre ne pas l’aimer quand tu peux débiter des conneries comme ça ? »

« H-Huuuh !? Ça n’a rien à voir ! » hurla Barbatos, rouge vif au visage.

Zagan commençait à en avoir assez de cette conversation, alors il déclara carrément : « Et si tu lui donnais des biens monétaires ? L’or fonctionne comme dans ce cas, et il n’y a pas à se plaindre avec les pierres précieuses et autres. Elle pourra même les vendre si elle le souhaite. »

« Les pierres précieuses… Ce n’est pas une mauvaise idée. Ah oui, tu as du Sang spirituel dans le trésor de Marchosias, n’est-ce pas ? Donne-m’en un. »

« Cela ne me dérange pas vraiment, mais as-tu l’intention de donner quelque chose d’aussi inquiétant à Chastille ? »

« Hein ? Quoi, tu penses que c’est une mauvaise idée ? »

Même Zagan hésitait à en utiliser un comme cadeau pour Néphy. Certes, il avait une valeur monétaire, mais c’était une sorte de gemme maudite, donc ce n’était pas vraiment quelque chose à offrir comme cadeau d’anniversaire. De plus, Chastille étant un Chevalier Angélique, elle ne pouvait pas vraiment en faire quelque chose.

Zagan n’avait aucun scrupule à en donner un à Barbatos en guise de récompense pour ce qu’il avait fait, mais il avait besoin que les choses se passent bien entre ces deux-là, et il devait donc écarter toute possibilité d’aggraver la situation.

Il n’était pas certain de comprendre cette logique, mais Barbatos croisa les bras et gémit. Il serra soudain ses genoux contre son visage, comme s’il était tombé dans les profondeurs du désespoir.

« Qu’est-ce que c’est maintenant… ? » demanda Zagan.

« Je ne comprends pas vraiment, mais quand je l’imagine en train de mettre mon cadeau en gage, ça me fait très mal. »

« Franchement, pars maintenant… »

Chastille n’était même pas du genre à vendre un cadeau.

« Et si on demandait directement à Chastille ? » suggéra Zagan.

« Je n’aurais pas autant de mal si c’était une option. »

Cela semblait absurde, mais même si Zagan était réticent à l’admettre, il comprenait.

Je n’ai jamais réussi à interroger Néphy sur ses goûts…

« Dans ce cas, j’en parlerai à Kuroka à son retour, » dit Zagan.

« Hein ? Ces elfes ne feraient-elles pas mieux l’affaire ? »

« Comment évoquer les anniversaires autour de Néphy et Nephteros alors que nous essayons de les surprendre ? »

« Ah oui… J’ai dit une connerie. »

Les deux hommes s’entendaient comme chien et chat, mais ils se comprenaient parfaitement sur ce point.

« Désolé de te gêner. Je te laisse le soin de t’occuper de la dame au chat. »

« Bien sûr. »

Barbatos était enfin parti. Après s’être assuré que sa présence ait complètement disparu, Zagan marmonna en l’air : « Alors, combien de temps comptes-tu rester spectatrice, Gremory ? »

Gremory sortit de l’ombre d’un pilier. La grand-mère avait observé le comportement excentrique de Barbatos pendant tout ce temps, mais elle n’avait rien fait pour l’aider.

« C’était très amusant ! » dit-elle avec un sourire satisfait, lançant un pouce levé à Zagan. « Joli pouvoir de l’amour ! »

« Ferme-la ! » rugit Zagan. Il s’inquiétait de savoir s’ils allaient vraiment pouvoir fêter l’anniversaire de Néphy et Nephteros à ce rythme. « Écoute-moi, assure-toi que ces deux-là finissent par avoir un vrai rendez-vous. Après, tu feras ce que tu voudras. »

« Compris ! »

La grand-mère sortit de la salle du trône d’un pas léger. Maintenant que le calme était revenu, Zagan s’affaissa sur son siège.

« Je n’ai pas eu l’occasion de prendre des nouvelles de Foll… Je me demande comment elle va… »

Zagan savait que sa fille faisait de son mieux pour l’aider. En ce sens, l’anniversaire de Néphy devait être réussi, mais il se sentait un peu pathétique de devoir tout laisser à sa fille pour pouvoir se concentrer uniquement sur cet événement.

« Enchantée, Lily. Comment te sens-tu ? »

Asmodée se redressa dans son lit lorsque Foll entra dans sa chambre de malade. Deux jours s’étaient écoulés depuis son réveil. Le premier jour, elle avait repris connaissance par-ci par-là, puis s’était considérablement rétablie le deuxième jour. On ne savait pas si elle avait retrouvé la mémoire, mais elle semblait au moins stable sur le plan émotionnel. Foll s’était dit qu’il était temps de la rencontrer. Elle était déjà entrée dans la pièce plusieurs fois pour vérifier ses blessures, mais Asmodée n’était pas consciente à ces occasions. Pour l’instant, puisqu’elle se reconnaissait comme Lily, Foll décida de s’adresser à elle par ce nom.

Aristella est également entrée dans la salle des malades avec Foll. Elle était là pour aider la petite dragonne dans des tâches un peu difficiles pour elle, comme appliquer de nouveaux bandages ou essuyer le corps d’Asmodée. En fait, Foll voulait aussi emmener Dexia, mais la pièce était un peu trop exiguë pour quatre personnes.

Aristella posa un seau et une serviette sur la table, et Foll ferma la porte après avoir reçu un signe de tête nerveux d’Asmodée — non, Lily.

« Je vais bien », avait-elle répondu. « Je n’ai plus mal. »

« Je vois. Mais ne te force pas à bouger, d’accord ? Tes blessures étaient fatales pour une Carbuncle. Je ne sais pas comment les choses vont se passer à partir de maintenant. »

Ce serait bien qu’elle se rétablisse complètement, mais il était tout à fait possible que la blessure se rouvre.

« Hum, où est Shura aujourd’hui… ? » demanda Lily, ses yeux anxieux parcourant la pièce. Elle se sentait probablement une certaine affinité avec lui en tant que compagnon carbuncle. De plus, il était plutôt gentil avec elle, ce qui faisait de lui le seul et unique allié de Lily.

« Je suis venue voir ta blessure », répondit Foll en secouant la tête. « Shura est un homme, il ne peut pas entrer maintenant. »

« Oh ! Vous avez raison… »

Devant l’expression confuse de Lily, Foll se rendit compte qu’elle ne s’était pas encore présentée.

« Je m’appelle Valefor. Je suis l’Archidémon chargé de protéger cet endroit, alors je te protégerai aussi. »

« A-Archidémon… ? » répéta Lily, un air d’incrédulité dans la voix.

« Voici Aristella. Elle me donne un coup de main. Sa situation est similaire à la tienne, c’est pourquoi je l’ai emmenée avec moi. »

"..."

Aristella était probablement nerveuse elle aussi. Toutes deux échangèrent des courbettes rapides et raides, si bien que les présentations s’étaient peut-être mal passées. Le silence régnait dans la salle des malades. Foll en fut quelque peu troublée, mais soudain, Lily poussa un soupir de soulagement.

« Qu’est-ce qu’il y a ? » demanda Foll.

« Oh, je pensais que vous seriez plus effrayante quand vous avez dit que vous étiez un Archidémon. Au lieu de ça, vous êtes une jolie petite fille… Oh, désolée. C’était impoli de ma part. »

« Cela ne me dérange pas. C’est vrai que je suis encore une enfant », répondit Foll, puis ajusta sa posture et fit de nouveau face à Lily. « Montre-moi ta blessure. »

« Ah oui, c’est vrai. »

Lily portait une simple robe pour remplacer la blouse d’une patiente. Cela permettait de vérifier facilement sa blessure, mais la raison la plus importante était d’éloigner tout équipement magique d’elle. Même un Archidémon ne pourrait pas faire grand-chose sans rien pour l’aider, après tout.

Lily retroussa sa robe comme on le lui avait demandé, et Aristella la soutint. Foll s’assit sur le lit… ou plutôt l’escalada, puis examina sa blessure. Entre les deux seins de la femme, bien plus gros que ceux de Chastille, mais moins que ceux de Néphy, se trouvait une gemme cramoisie.

« On dirait que la blessure s’est refermée, mais… »

« Euh, quelque chose ne va pas… ? »

Foll essaya de toucher la gemme. Elle avait été brisée et présentait encore d’innombrables fissures à sa surface. Une substance dorée et brillante remplissait ces fissures. Il s’agissait des traces de l’Écaille de la Prière. Elle ressemblait à ces bols de Liucaon réparés avec art à l’aide d’une laque dorée.

Le traitement à l’aide de l’Écaille de la Prière s’apparentait à l’échange d’une partie artificielle du corps. Cependant, comme le flux sanguin se chargeait de la régénération, le patient retrouvait peu à peu sa biologie d’origine. Mais la question se pose : cette procédure fonctionnerait-elle avec le joyau du cœur d’un Carbuncle ?

Foll expliqua tout cela à Lily tout en continuant son examen.

« Ça fait mal ? » demanda Foll.

« Non, je me sens bien. »

Après avoir entendu cela, Foll vérifia les bras et les jambes de Lily, mais ces blessures étaient presque entièrement guéries. Elle était couverte d’ecchymoses et d’égratignures avant d’être amenée dans cette pièce, mais il ne restait plus que les nombreuses cicatrices de Lily.

***

Partie 4

Elles avaient probablement été causées par la sorcellerie. Il y avait de tout, des brûlures à une profonde entaille qui traversait son dos. Il était même possible qu’elle ait plus de cicatrices que Raphaël.

Je ne peux pas les effacer…, pensa Foll en essayant de les toucher, ce qui provoqua un sourire troublé de la part de Lily.

« Je me demande quel genre de vie j’ai vécue… ? »

« Le fait de ne pas savoir t’angoisse-t-il ? » demanda Foll.

Lily secoua la tête et répondit : « Quand je vois l’état de mon corps, j’ai l’impression qu’il vaut mieux que je ne me souvienne pas. »

« Je vois… »

En ce moment, Lily n’était pas l’Archidémon qui avait vécu pendant des centaines d’années. Elle n’était qu’une jeune fille qui ne savait pas qui elle était, alors voir son propre corps couvert de cicatrices comme ça devait être déstabilisant. Foll ne trouva pas les mots justes et sortit un pendentif de sa poche.

« Tiens, Lily, prends ça. »

« Hein… ? Qu’est-ce que c’est ? »

« Quand nous t’avons trouvée, tu t’y accrochais fermement. »

Foll referma les doigts de Lily sur le pendentif. La sorcellerie avait préservé l’intérieur, mais il n’y avait rien d’autre à l’intérieur, donc le rendre ne posera pas de problème.

En ouvrant le pendentif, on découvrit un portrait à l’intérieur.

« Un médaillon… » dit Lily. « Est-ce que c’est… moi ? »

« Je pense que oui. »

« Je me demande laquelle je suis… ? » murmura Lily en touchant la photo de ce qui ressemblait à des sœurs proches. « Je suis sûre que c’est quelque chose que je n’aurais jamais dû oublier, mais je ne peux pas le dire… »

Elle serra le médaillon contre sa poitrine, puis elle sourit et enfin, elle déclara : « Merci ».

On dirait qu’elle s’était calmée.

Foll lui fit un signe de tête, puis jeta un coup d’œil à Aristella et ordonna : « Montre-le-lui. »

« Oui. »

Aristella n’avait pas eu besoin d’explication. Elle enleva simplement son long gant, dévoilant sa peau nue.

Lily sursauta en voyant le bras d’Aristella, qui était transparent comme du verre. Il était de la couleur de l’Écaille du Ciel elle-même.

« Aristella est la même que toi. Après avoir subi d’horribles blessures, la majeure partie de son corps a été recréée. Le pouvoir qui l’a sauvée a également été utilisé pour te soigner, il y a donc beaucoup d’inconnues. Essaie de rester à mes côtés chaque fois que tu le peux. »

C’était la raison pour laquelle Zagan avait placé Aristella aux côtés de Foll. L’Écaille de la Prière la maintenait en vie, mais elle était encore en phase expérimentale. Si quelque chose devait arriver, seuls ceux capables de manipuler l’Écaille des Cieux — Zagan et Foll — étaient capables d’y faire face. Jusqu’à ce que les cellules d’origine reprennent le dessus, il n’y avait pas de place pour les conjectures ou les vœux pieux.

Au moins, je peux passer plus de temps dehors que Zagan.

Zagan était actuellement occupé par son travail et ne pouvait pas quitter le palais de l’Archidémon. Il avait donc confié Aristella à Foll pour qu’elle puisse se promener à l’extérieur. Foll le savait, et c’est pourquoi elle traitait Aristella et Dexia avec le plus grand soin.

Foll jeta un autre coup d’œil à Aristella et acquiesça, incitant la jeune fille à remettre son gant. Puis, après avoir réfléchi un peu, Aristella prit la parole.

« La petite dame est tout simplement très calme de nature. Elle est très gentille. »

« Hwuh ? Euh, oui… Je le pense aussi. »

« Mhm. »

Elles parvinrent à une sorte d’entente et, enfin libérées de la tension, elles se sourirent l’une à l’autre.

« Je suis sûre que ta blessure se remettra également, » ajouta Aristella. « Elle et le Seigneur Archidémon sont des sorciers hors pair. »

« Hein, le Seigneur Archidémon… ? »

Lily regarda Foll avec confusion. Il semblerait qu’elle ne se souvienne pas non plus de ces détails.

« Ils sont treize au total », dit Foll en les comptant sur ses doigts. « Dans notre cercle, il y a Zagan et Néphy — mon papa et ma maman — et un médecin nommé Shax. »

En fait, elle aurait voulu que Shax jette un coup d’œil à la blessure de Lily, mais il était en plein entraînement avec Andrealphus. Le délai de trois jours de Zagan était presque écoulé, il serait donc difficile d’obtenir son aide tout de suite.

« Ils sont donc quatre ici…, » marmonna Lily.

« Il y en a un autre… mais je ne suis pas sûre qu’on puisse le compter pour l’instant. »

Furcas était en possession d’un Emblème, mais il n’avait aucun souvenir en tant qu’Archidémon. En fait, vu la régression de son corps, il semblait que Furcas l’Archidémon avait déjà péri, et sa situation était donc différente de celle de Lily.

Lily pencha la tête, puis marmonna : « Treize Archidémons… Eek ! »

Elle poussa soudainement un cri de peur et porta sa main à sa poitrine.

« Qu’est-ce qui ne va pas ? » demanda Foll.

« Je ne sais pas, mais j’ai l’impression qu’il s’est passé quelque chose d’effrayant… »

D’après Andrealphus, c’est l’Archidémon Glasya-Labolas qui avait abattu Asmodée. Elle commençait sans doute à s’en souvenir. Lily tremblait violemment et Foll lui mit une couverture sur les épaules.

« Il n’y a pas lieu d’avoir peur. Tu es en sécuritée ici. »

« … Merci. »

Foll s’enfonça dans ses pensées tout en frottant le dos de Lily.

Est-il préférable d’attendre avant de l’amener à Zagan ?

C’est lui qui avait créé l’Écaille de la Prière, ce qui signifiait qu’il était l’expert en la matière. Foll n’était pas très confiante quant à l’efficacité de son traitement, et elle voulait donc qu’il y jette un coup d’œil.

« Je vais bien maintenant », dit Lily en secouant la tête. « Désolée d’avoir flippé comme ça. »

« Ne t’inquiète pas. Tu es une patiente ici. »

« Alors, euh, qui est cet autre Archidémon ? » demanda Lily, se souvenant soudain du sujet précédent.

« Bien. Un garçon nommé Furcas. C’est quelqu’un de bien, mais… »

Alors que ses pensées dérivaient vers le garçon qui était probablement sur le sentier de la guerre envers la seule personne qui lui tenait à cœur, Foll sentit un sourire se former sur ses lèvres.

« Tu es vraiment étonnante, Lilith ! Je savais que tu étais une princesse, mais je n’avais jamais entendu dire que tu vivais aussi dans un château ! » cria Furcas avec passion du haut d’un bateau qui se dirigeait vers Kianoides.

Lilith s’était qualifiée de princesse des succubes de temps en temps, mais elle était vraiment magnifique dans la robe qu’elle avait portée au château. Elle avait retrouvé sa tenue habituelle, qui était bien sûr aussi magnifique.

Lilith détourna maladroitement le regard devant la joie innocente de Furcas.

« La demeure de Son Altesse et le palais de l’Archidémon sont aussi des châteaux, n’est-ce pas ? » dit-elle.

« C’est vrai, mais c’est différent. Et puis, tu avais vraiment l’air d’une princesse dans une robe. Tu étais vraiment jolie ! »

« Ne dis pas des choses aussi embarrassantes ! »

Incapable de le supporter plus longtemps, Lilith se tourna sur le côté, les joues rouges. Tout en lui tenant la main et en souriant comme un idiot devant son adorable réaction, Furcas sentit un frisson soudain lui parcourir l’échine.

« Furcas, n’es-tu pas un peu trop collant ? »

« D-Désolé, Selphy… »

On avait l’impression que Selphy s’était un peu assouplie avec lui, mais elle restait assez stricte. Quoi qu’il en soit, une grande solennité se cachait derrière son sourire calme.

Soudain, une autre femme avec la même couleur de cheveux que la sirène posa son menton sur l’épaule de Selphy. Tout son corps était retenu par ses vêtements, y compris ses bras, ce qui expliquait sans doute pourquoi elle utilisait son menton à la place.

« Allons, Selphy, tu fais l’enfant », dit-elle.

« Levia, c’est un problème entre filles. »

« Furcas est un garçon. »

« Alors, habillons-le en fille. Je parie que Manuela serait tout à fait d’accord. »

Sentant qu’une conversation terrifiante à son sujet était en cours, Furcas frissonna.

Levia ferma les yeux un instant, étonnée, puis hocha la tête et répondit : « Je suppose que ça marcherait. »

« Levia !? » s’écria Furcas sous le choc, tandis qu’une large main se posait sur son épaule en signe de sympathie.

« Ha ha… Désolé, Furcas. Cela fait un moment que Levia n’a pas mis les pieds dans sa ville natale, alors elle est de bonne humeur. »

« Behemoth », dit Furcas en se tournant vers l’homme qui avait des lanières de cuir sur tout le visage, ce qui signifiait qu’il n’avait jamais vu à quoi ressemblait l’homme plus âgé. « Est-ce elle qui est de bonne humeur ? »

« Oui. Ne vois-tu pas comme elle est heureuse ? »

Behemoth agissait comme si c’était la chose la plus évidente au monde, ce qui amena Furcas à le prendre au sérieux. Il regarda longuement Levia, mais ses vêtements cachaient sa bouche et elle n’était pas très expressive. Il ne pouvait donc même pas savoir si elle était en colère ou heureuse.

« Tu es incroyable, Behemoth ! Tu comprends vraiment la personne que tu aimes ! »

Furcas décida de ne pas s’attarder sur des questions qu’il ne pouvait pas comprendre.

« Arrête ça. Nous avons passé un long moment ensemble, c’est tout. »

Behemoth avait l’air plutôt satisfait de l’envie sincère du garçon. Il avait également l’air enjoué.

Cela faisait apparemment six mois qu’ils étaient devenus les subordonnées de Zagan et de Lilith. Les filles avaient donc décidé de retourner chez elles, à Liucaon, et Furcas et Behemoth les avaient accompagnées.

Contrairement à Furcas, qui s’était contenté de suivre le mouvement, Behemoth avait tout organisé, de l’hébergement au navire. Il avait été si efficace que Lilith s’était plainte de n’avoir rien à faire. Grâce à cela, elle avait pu se détendre pendant le voyage.

Behemoth s’était également occupé de chasser les ivrognes dans les tavernes et avait facilement chassé toute vie marine hostile. C’était un homme fiable.

« Levia et Selphy sont-elles sœurs ou quelque chose comme ça ? » demanda Furcas avec curiosité.

« Non », répondit Behemoth. « Elles sont liées par le sang, mais… leur relation est un peu plus éloignée que cela. »

« J’ai compris. Elles sont de la famille royale et tout ça, donc elles ont beaucoup de parents, hein ? »

« Eh bien… Je suppose que c’est quelque chose comme ça. »

Furcas pencha la tête en entendant cette réponse énigmatique. Avait-il posé une question à laquelle il était difficile de répondre ?

Pendant ce temps, la conversation des femmes passa à un autre sujet.

« Quoi qu’il en soit, je suis heureuse que nous ayons pu y retourner…, » dit Lilith. « Nous avons aussi pu visiter le village d’Adelhide. »

« Oui… », acquiesça Selphy.

L’autre amie d’enfance des deux filles, Kuroka Adelhide, n’était pas là avec elles. Le groupe avait visité la ville natale de la cait sith lors de ce voyage, même si le village avait disparu depuis longtemps et que l’on ne voyait plus que les traces de quelques maisons. Les innombrables pierres tombales étaient la seule preuve que quelqu’un y avait vécu. Les deux familles royales restantes géraient la région, de sorte que le site funéraire lui-même était au moins entretenu correctement.

« Si seulement nous avions pu emmener Kuroka…, » marmonna Levia d’un air languissant.

« Il n’y a rien à faire, » répondit Lilith. « Elle doit rester cachée pour le moment. Le port menant à Liucaon est le premier endroit où ils chercheront. »

« Alors, elle a choisi de se cacher à Raziel ? J’ai du mal à comprendre ce qui passe par la tête de Zagan parfois. »

Cela s’était apparemment avéré d’une efficacité inattendue.

***

Partie 5

« D’ailleurs, » ajouta Lilith en serrant ses mains devant sa poitrine, « Je pense que Kuroka a besoin d’un peu plus de temps. »

« Vraiment ? Je doute qu’il y ait de quoi s’inquiéter maintenant qu’elle a Shax. »

« Hmm, ce vieux monsieur est-il vraiment si fiable ? »

« Je suis sûre que tout ira bien, » dit Selphy, se joignant à la déclaration avec insouciance. « Je veux dire, Shax traite Kuroka vraiment bien, tu ne crois pas ? »

Elle avait l’air tout à fait confiante, comme pour dire qu’elle avait une tonne d’expérience.

« Hé, si tu ne pousses pas ton offensive un peu plus loin, elle va t’être arrachée sous le nez, tu sais ? » chuchota Behemoth en donnant un coup de coude à Furcas.

« Hein… ? Je ne comprends pas vraiment ce que tu veux dire, mais je vais faire de mon mieux ! »

« Eh bien, je suppose que c’est assez bien comme ça », répondit Behemoth avec un sourire impuissant.

Furcas hocha la tête en signe de confusion en entendant cela, mais Behemoth reporta son attention sur l’avant du bateau.

« Oh, Kianoides est en vue. »

Furcas suivit son regard et vit s’étaler devant lui le spectacle familier de la ville.

« Hein ? N’est-ce pas Foll là-bas ? »

Après être arrivé à Kianoides et avoir récupéré leurs bagages, Furcas aperçut une petite fille sur le quai. Elle remarqua le groupe au même moment et courut vers eux.

« Bonjour ! Vous venez de rentrer ? » demanda Foll en les saluant.

« Oui, c’est ça ! Es-tu en train de faire une course pour Zagan ? » demanda Furcas.

« Non. Le travail. Je suis un Archidémon maintenant. »

« Oh oui ! Tu es incroyable, Foll. »

« Bien sûr. »

Elle ne semblait pas du tout offensée et bombait le torse avec fierté, un sourire enfantin sur le visage.

« Milady, ne partez pas toute seule. »

Dexia lui courut après, haletante, apparemment mise à contribution par le jeune Archidémon.

« Oh, tu es avec elle aussi ? » dit Behemoth d’une voix douce. « Comment ça se passe de ton côté ? »

« Euh, à ce propos…, » Dexia s’interrompit, hésitant à répondre pour une raison inconnue. Elle jeta un coup d’œil en coin aux deux filles derrière elle. L’une était sa petite sœur, Aristella, tandis que l’autre…

« Vous êtes… Asmodée !? » hurla Behemoth, en relevant soudainement sa garde.

« Eek ! », glapit la jeune fille appelée Asmodée, qui recula d’un bond.

« Voici Lily », déclara Foll en tendant un bras devant Behemoth pour la protéger. « Elle a été blessée et ne se souvient de rien. »

« Quoi ? » cria Behemoth, hystérique. Puis il se pencha sur l’épaule de Foll et chuchota : « Ma petite dame ! Je ne sais pas ce qui s’est passé, mais c’est une mauvaise nouvelle. Cette amnésie est certainement un jeu d’acteur. Si elle est dans les parages, elle est probablement à la recherche du trésor du palais de l’Archidémon. Nous devrions l’attacher tout de suite… Non, elle s’échappera, mais quoi qu’il en soit, nous devrions l’interpeller ! »

Son ton était étonnamment fort par rapport à ses manières habituelles.

« Qu’est-ce qui ne va pas, Behemoth ? » demanda Furcas en chuchotant, confus. « Elle n’a pas l’air d’une mauvaise fille selon moi. »

Cette fille qu’il avait appelée Asmodée l’avait apparemment effrayé, car le Behemoth était tendu et avait même les larmes aux yeux.

« C’est une sorcière connue sous le nom de la Collectionneuse », répondit Behemoth. « Levia et moi avons vécu l’enfer à cause d’elle. Il y a certainement quelque chose de louche si elle est impliquée. »

Behemoth et Levia étaient victimes d’une malédiction qui transformait l’un en monstre dès que l’autre conservait une forme humaine. Cette malédiction était actuellement supprimée grâce à Zagan, mais ils n’en étaient pas encore totalement libérés. Les deux individus avaient passé cinq cents ans à essayer de l’annuler, et ils avaient donc eu de nombreuses occasions de tomber sur cette Collectionneuse.

« André me l’a déjà dit », murmura Foll en hochant la tête. « Pourtant, j’ai eu envie de la sauver. »

« Ne vous laissez pas berner, petite dame ! » répliqua Behemoth. « C’est son tour habituel. Dès que vous commencez à lui faire confiance, elle vous trahira. »

Furcas se demandait ce qu’il avait vécu dans le passé. Il n’y avait ni colère ni haine dans la voix de Behemoth, seulement une inquiétude sincère pour Foll. Néanmoins, Foll secoua obstinément la tête.

« Elle pourrait se retourner contre nous, mais je croirai en elle pour cette fois. Si elle nous trahit, je reconsidérerai mon approche. »

« Mais… »

Levia se dirigea vers la jeune fille tandis que Behemoth tentait de convaincre Foll. Elle s’approcha suffisamment pour que leurs nez se touchent presque.

"..."

« Hum, hum, hum… ? »

Levia la fixa en silence, et la jeune fille se mit à trembler violemment, les yeux pleins de larmes. Levia était complètement inexpressive, ce qui empêchait de voir ce qui se passait dans sa tête, mais en y regardant de plus près, Furcas put voir qu’il y avait un pli entre ses sourcils, ce qui donnait à son regard un air un peu perplexe. Il aurait été terrifié si elle lui avait fait ça.

 

 

« Eek ! Qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce qui se passe ici ? »

Lilith avait choisi ce moment inopportun pour descendre du bateau… elle avait alors sauté en arrière et s’était mise à trembler.

De façon inattendue, Aristella s’avança timidement pour protéger la jeune fille.

« Levia. Lily a peur. »

"..."

Levia fixa Aristella pendant un moment, mais finit par reculer. Aristella soupira de soulagement.

« Je pense… que nous pouvons aussi croire en elle », dit Levia.

« Tu es sérieuse, Levia ? » dit Behemoth.

« Mhm. »

Il ne pouvait pas vraiment faire bonne figure lorsqu’il s’agissait d’elle.

« Ne me dis pas que je ne t’ai pas prévenu », répondit Behemoth en lui ébouriffant les cheveux.

« Tout ira bien… probablement. »

Maintenant que la petite dispute s’était calmée, la jeune fille prit enfin la parole.

« U-Um, est-ce que vous me connaissez tous ? » demanda-t-elle. On aurait dit qu’elle allait pleurer d’un moment à l’autre. « Qu-Quel genre de choses horribles ai-je fait ? »

"..."

En la voyant trembler si pathétiquement, tout le monde resta sans voix. Behemoth, Levia et Dexia — les trois personnes qui semblaient la connaître — avaient l’air d’être rongés par la culpabilité.

« Je… je… ne vous ai qu’entrevu, alors je ne sais pas grand-chose…, » répondit Dexia, détournant les yeux comme pour insister sur le fait qu’elle ne savait rien.

« J’ai l’impression de vous avoir déjà vu quelque part », dit la jeune fille en se tournant vers Levia. « La voix de cet homme me dit aussi quelque chose… »

Il s’avéra que ses souvenirs ne lui manquaient pas complètement. Le visage de Behemoth était caché, mais elle avait réagi à sa voix.

Dans une rare manifestation d’émotion, les yeux de Levia s’écarquillent, paniqués, et elle répond : « B-Behemoth en sait plus que moi. »

« Levia !? »

Il n’avait probablement jamais pensé qu’on lui jetterait tout sur les genoux. Même à travers les lanières de cuir qui couvraient son visage, il était facile de voir à quel point il était choqué.

« Euhhh… Comment dire ? Vous étiez une… Je veux dire, une personne à l’esprit unique ! Oui, monotone ! »

« Mais n’ai-je pas fait quelque chose de mal… ? », demanda la jeune fille.

« Eh bien… quand on est si déterminé, on a tendance à créer des rancunes sans même s’en rendre compte. Oui, c’est la vie. »

« Est-ce que… c’est ainsi ? »

Il ne lui avait finalement pas vraiment répondu, et la jeune fille ne semblait pas du tout satisfaite de son explication.

« Inutile de s’inquiéter de ne pas s’en souvenir ! » renchérit Furcas en souriant. « Je ne m’inquiète pas non plus ! »

« Aïe ! U-Um, et tu es… ? »

« Je suis Furcas ! Ravi de te rencontrer ! Euh, Mlle Asmodée ? »

« Oh, um, je suis… Lily. »

« Je vois ! Enchanté, Lily ! »

Il lui tendit la main avec un sourire, qu’elle prit timidement. Elle sourit ensuite, un air de soulagement sur le visage.

« D’une certaine manière, j’ai l’impression que ce n’est pas non plus notre première rencontre », avait-elle déclaré.

« Vraiment ? Désolé, je ne me souviens de rien de mon passé. »

« Veux-tu dire… que tu es aussi amnésique ? »

« Ha ha, eh bien, j’ai mon frère et Lilith, alors ça ne me dérange pas vraiment. »

Cette déclaration lui donnait l’impression d’être trop optimiste, mais c’est tout ce qui compte pour Furcas.

« Tu es incroyable, Furcas », dit la jeune fille en baissant les yeux et en rougissant un peu. « Je me demande si je peux devenir comme toi. »

« Tout ira bien. Je peux dire au premier coup d’œil que tu es une bonne personne. »

« … Merci. »

Elle souriait comme une fleur épanouie. S’il n’avait pas eu Lilith, Furcas aurait pu avoir le coup de foudre. Et alors qu’il se laissait emporter par ce moment, Foll éleva la voix et dit : « Lily, il est temps d’y aller. Nous verrons les autres plus tard. »

« Bien sûr ! Bon courage, Foll ! » s’exclama Furcas.

Foll prit son groupe et partit. Dexia avait toujours l’air suspecte, mais Zagan voulait sans doute qu’au moins une personne de ce genre s’approche de sa fille.

Après les avoir quittés, Lilith marmonna froidement : « Hmm… Eh bien, n’était-elle pas mignonne ? »

« Oui… Euh, quoi ? Lilith ? Tu n’es pas un peu loin de moi ? »

« Est-ce le cas ? C’est la même distance que d’habitude. »

Elle se tenait à ses côtés, mais elle était suffisamment éloignée pour qu’il puisse à peine l’atteindre en tendant le bras.

« Lilith ? Tu es peut-être en colère ? »

« Moi ? Pourquoi ? »

« Tu es donc en colère ? »

Les yeux de Lilith étaient si froids qu’on avait l’impression qu’ils pouvaient flétrir une plante d’un seul regard. Furcas n’avait aucune idée de ce qu’il avait fait pour mériter ce traitement. Selphy était tout le temps en colère contre lui, mais c’était la première fois que Lilith le faisait, et il était donc dans tous ses états.

« Tu es donc Asmodée, hein ? »

Un peu plus tard, Zagan se retrouva face à la fille que Foll avait amenée dans la salle du trône du palais de l’Archidémon. Il avait reçu un rapport d’Alshiera au préalable, il avait donc une idée générale de la situation. Elle n’était pas apparue au grand jour, mais le vampire avait surveillé Foll pendant tout ce temps.

Il avait fini par arriver à un stade où il pouvait tenir une conversation correcte avec elle, mais il s’avérait que lorsque les choses se compliquaient, elle ne pouvait pas se passer d’un échiquier entre eux. C’était pénible de sortir l’objet chaque fois qu’ils parlaient, mais c’était bien mieux que lorsqu’elle se taisait, alors il s’en accommodait.

La jeune fille en face de lui était pâle et tremblait comme si elle avait été placée sur la potence.

Quand je pense que c’est la fameuse Collectionneuse… S’il n’y avait pas l’Emblème de l’Archidémon qui brille sur sa main droite, je n’y croirais pas.

***

Partie 6

Dans la salle du trône se trouvaient Zagan, la jeune fille, Foll et ses assistantes, Dexia et Aristella, ainsi que Néphy, qui était venue en volant lorsqu’elle avait appris le retour de sa fille. En levant les yeux, une seule chauve-souris se trouvait au plafond, il semblait donc qu’Alshiera écoutait aussi.

La jeune fille trembla encore violemment, et Foll s’avança à sa place.

« Voici Lily. Zagan, je veux l’aider. »

« Hmm… »

Cela troubla Zagan.

Le plus important pour l’instant est de préparer le cadeau d’anniversaire de Néphy !

L’échéance était maintenant à moins d’un mois, mais la fin n’était toujours pas en vue. Tout irait bien s’il se contentait d’obéir à Naberius, mais quelque chose au fond de Zagan lui disait de ne pas le faire. Il n’y avait donc pas de temps à perdre, et il valait mieux s’attaquer sans ménagement à toute velléité de trouble. C’était en tout cas son état d’esprit actuel.

Franchement, le meilleur plan d’action, et le plus fiable, était de la tuer sur-le-champ pour donner son Emblème à Barbatos. Il avait entendu des montagnes de rumeurs désagréables, et même s’il l’avait sauvée, elle n’était pas du genre à montrer de la gratitude.

Cependant, Foll était déjà un Archidémon et Zagan avait reconnu sa croissance. Il voulait donc respecter ses souhaits. De plus, il était quelque peu réticent à tuer une fille qui ressemblait à un faon nouveau-né.

« S’il te plaît », déclara Foll tandis que Zagan grimaçait. « Je m’occuperai d’elle comme il se doit. »

« Suis-je une sorte d’animal de compagnie ? », glapit la jeune fille sous le choc.

On dirait qu’elles s’entendent déjà bien toutes les deux.

Zagan était en fait touché. Les mots de Foll avaient fait tomber toute la tension qui liait cette fille. Ce n’était probablement pas son intention, mais il y avait suffisamment de confiance entre eux pour que cela soit possible.

Dans ce cas, je suppose qu’il n’y a pas de problème.

Si elle n’avait pas de souvenirs, il était peu probable qu’elle réussisse quoi que ce soit. De plus, si elle tentait quelque chose de sournois, cela signifiait trahir Foll, ce qui était une raison plus que suffisante pour que Zagan la tue.

Zagan finit par acquiescer et déclara : « N’oublie pas de lui faire faire sa promenade. »

« Hmm… »

« Traitez-moi au moins comme une personne ! » protesta la jeune fille, les yeux pleins de larmes.

« Maître Zagan, ne la taquine pas », intervint Néphy, le bout des oreilles frémissant. « Euh, Mademoiselle… Lily, c’est ça ? Maître Zagan dit qu’il vous prendra sous sa protection. »

« Hum, je n’en avais pas l’impression…, » marmonna Lily avec un regard perplexe.

« Il dit qu’il n’y a pas de mal à ce que tu restes dans les parages. N’est-ce pas formidable ? » dit Foll en souriant.

« Faut-il s’en réjouir… ? » répondit la jeune fille en fronçant les sourcils, comme si toute cette rencontre était interminablement humiliante.

« Maintenant que j’y pense, je ne me suis pas encore présentée », dit Néphy, un doux sourire aux lèvres. « Je suis Néphélia, la mère de cette fille. »

« Hein !? », s’exclama la jeune fille sous le choc. Ses yeux se transformèrent en soucoupes, ne comprenant pas vraiment ce que Néphy voulait dire.

« Et voici Maître Zagan, son père. »

La jeune fille regarda Foll et Néphy avec confusion avant de marmonner : « M-Mais vos races… ? »

Elle avait déjà été informée que Zagan était le père de Foll, mais apparemment, elle n’avait pas été informée de quoi que ce soit concernant sa race. Un père humain, une mère haute-elfe et une fille dragonne, c’était assez déraisonnable de devoir comprendre sur le champ quand la famille était présentée de la sorte.

« Est-ce si étrange d’avoir une famille composée de races différentes ? » demanda Zagan en haussant les épaules.

Pour aller plus loin, la mère de Zagan était une succube vampire. Honnêtement, il n’y avait probablement pas beaucoup de familles qui avaient si peu de points communs au niveau de la race.

Zagan avait gardé sa voix aussi peu menaçante que possible, et même si la jeune fille commença à trembler, elle acquiesça timidement.

« Euh… un peu », répondit-elle.

« De l’honnêteté, je vois. Foll est notre fille adoptive. N’est-elle pas une bonne fille ? » demanda Zagan en jetant un regard à Foll.

La jeune fille acquiesça rapidement et répondit : « Elle est vraiment gentille. »

Zagan et Néphy avaient eu l’air satisfaits. Voyant cela, la jeune fille sourit enfin.

« Vous avez l’air d’un couple marié heureux », dit-elle.

« Gah ! »

Zagan et Néphy s’étouffèrent en même temps en entendant cette déclaration.

« Hein… ? »

« Ils sont très timides. Essaie de ne pas aborder ce sujet », déclara Foll.

« Vraiment ? »

La jeune fille cligna des yeux et pencha la tête en signe de confusion, ce qui valut à Foll un regard amusé. Dexia et Aristella étaient habituées à ce genre de situation et secouèrent la tête, un sourire fatigué sur les lèvres. Zagan était trop gêné pour admettre qu’ils n’étaient même pas encore mariés et qu’ils venaient à peine de devenir amants.

Quoi qu’il en soit, il fallait l’avertir de quelque chose d’autre. Il se racla donc la gorge avant de s’adresser à nouveau à la jeune fille : « Lily, ou quel que soit ton nom, je te permets de te promener librement dans ce château. Cependant, il s’agit du château d’un Archidémon. Si tu tiens à ta vie, tu ferais mieux de ne pas toucher à quoi que ce soit sans précaution. »

Tout au plus, il traitait cette fille — Lily — comme une invitée. Elle était au même niveau que Barbatos. Elle n’était pas reconnue comme un membre de la famille, et si elle essayait de voler des grimoires ou des trésors, elle serait victime des mêmes pièges que Barbatos.

Si ses souvenirs reviennent, le trésor du palais de l’Archidémon sera sa première cible.

Foll considérait Lily comme une amie, mais il n’avait pas l’intention d’être le moins du monde négligent envers l’Archidémon connu sous le nom de Collectionneurse. Lily sursauta de peur à son avertissement, ce qui incita Foll à lui prendre la main.

« Ce n’est un problème que si tu voles quelque chose. Si tu vas et viens normalement, il ne se passera rien. »

« M-Hmm… »

Sur ce, Lily relâcha la force de ses épaules, même si elle était encore un peu tendue.

Soudain, on frappa à la porte de la salle du trône.

« Mon seigneur, c’est Raphaël. Je suis de retour. »

« Hm ? »

Raphaël semblait être de retour de ses vacances aux sources thermales. Il l’interrompait alors qu’il savait qu’il y avait un invité ici, ce qui signifiait qu’il y avait probablement un problème.

Zagan jeta un rapide coup d’œil à Lily avant de répondre : « Entre. Nous avons déjà terminé. »

« Comme tu le souhaites. »

Raphaël n’était pas entré seul. Une jeune Orias l’accompagnait, ce qui n’était pas si étrange, mais derrière elle se trouvait un visage tout à fait inattendu.

« Toi ! » hurla Zagan sur un coup de tête, se levant d’un bond. C’était un garçon aux cheveux noirs et aux yeux argentés. Le roi aux yeux d’argent de la deuxième génération leva maladroitement la main avant de dire : « Hé, Zagan. Ça fait longtemps qu’on ne s’est pas vus. »

« Ne m’appelle pas comme ça. Tu aurais dû me prévenir que tu étais encore en vie », répondit-il avec un ton de critique dans la voix.

« Tu t’es inquiété pour moi ? » demanda le garçon avec étonnement.

« … Pensais-tu que je m’en ficherais ? »

Le garçon sourit d’un air un peu désolé, mais heureux, puis haussa les épaules et répondit : « Désolé. Je n’ai aucun moyen d’envoyer un message, et je n’avais aucune idée de l’endroit où tu vivais. Pardonne-moi, Zagan. »

« Maintenant que tu le dis, c’est tout à fait logique… »

Il était en effet déraisonnable d’exiger un tel message.

Lily les regarda avec confusion, puis chuchota à Foll : « Hum, ils sont frères ou quelque chose comme ça ? »

« Non. C’est probablement le père de Zagan. Je ne l’ai jamais vu auparavant. »

« Qu’est-ce que cela veut dire ? » demanda Lily, le visage figé dans une splendide expression de confusion.

Orias se tournait vers sa petite-fille qui chuchotait quand ses sourcils s’étaient levés et qu’elle avait marmonné : « Oh… ? »

Elle semblait avoir compris que Lily était Asmodée, mais avait décidé que ce n’était pas le moment d’en parler. Orias ne fit rien d’autre que de la regarder. Raphaël se méfiait lui aussi de cette invitée inconnue, mais gardait le silence. Zagan n’en attendait pas moins du majordome qui avait sa confiance inconditionnelle.

« J’aimerais te présenter quelqu’un », dit Zagan en s’approchant du garçon aux cheveux noirs. Il se sentait étrangement excité, même si cela lui déplaisait.

Il s’avère que je suis heureux de le voir en vie.

Il n’avait pas eu d’autre choix que d’admettre ce fait.

« … Oh, avant cela, comment dois-je t’appeler ? »

« Euhhh, c’est vrai… Il y a un gars qui m’appelle Argent, mais je suppose qu’Yeux d’Argent fera l’affaire pour l’instant. »

« Yeux d’argent ? Très bien. Néphy, Foll, venez ici. »

Les deux femmes s’exécutèrent et s’approchèrent de lui. Elles semblaient avoir une bonne compréhension de la situation.

« Voici Néphy », dit Zagan. « C’est, euh… mon amoureuse. »

Néphy fit une élégante révérence et ajouta : « C’est un plaisir de vous rencontrer. Je suis Néphélia. Puis-je… vous appeler père ? »

« Hum, je me demande… Je ne suis pas la vraie personne… » répondit Yeux d’Argent d’un ton évasif.

« Voici Foll », poursuit Zagan. « C’est notre fille. »

« Attends, Zagan », dit Yeux d’Argent. « Comment pouvez-vous avoir un enfant alors que vous n’êtes encore que des amants ? Vous devez clarifier ces choses lorsque vous êtes une famille. »

« Argh, c’est, hum… » Zagan hésita, détourna les yeux.

« Ils étaient bien plus maladroits quand ils m’ont accueillie », répondit Foll à sa place, en secouant la tête. « Le fait qu’ils deviennent de vrais amants est un grand pas en avant. Je peux attendre, donc c’est bon. »

« Sérieusement… ? Qu’est-ce que tu as fait, Zagan ? »

Zagan voulait se couvrir le visage de honte.

« Alors, tu as été adopté, c’est ça ? » demanda Yeux d’Argent en s’accroupissant pour se rapprocher de la ligne de mire de Foll. « Ont-ils été gentils avec toi ? »

« Mhm. Ils me montrent tous les deux beaucoup d’amour, alors il n’y a pas lieu de s’inquiéter. »

« Je vois… Hmm, dans ce cas, je n’ai rien à dire, » déclara-t-il calmement. Il tapota ensuite la tête de Foll avant de se lever et de dire : « Alors, comment dois-je me comporter avec toi… ? »

« Et si vous vous appeliez un oncle proche ? »

Une voix résonna dans les couloirs, faisant cette suggestion. Un essaim de chauves-souris descendit bruyamment et se rassembla devant Yeux d’Argent, et Alshiera en sortit. « Comment vas-tu, mon cher ? »

« Bonjour, Alshiera. »

Sur ce, Alshiera serra les mains devant sa poitrine, cherchant à comprendre ce qu’il voulait dire en parlant d’elle de la sorte.

« Je vois. Tu as choisi de suivre un chemin différent…, » marmonna-t-elle.

« Désolé. J’ai ses souvenirs, mais je doute de pouvoir devenir l’homme lui-même. »

Le roi Lucia aux yeux d’argent de la deuxième génération — c’était l’homme sous lequel Yeux d’Argent avait été ressuscité à l’époque actuelle. Cependant, grâce à sa sagesse, il savait qu’il s’agissait d’une fabrication.

Tant qu’il le savait, il ne pouvait pas devenir réel. Peu importe à quel point il aimait Alshiera, son esprit continuait à insister sur le fait que ces émotions n’étaient qu’une simple construction. C’est pourquoi il n’avait pas d’autre réponse à la situation.

« Ne t’excuse pas, s’il te plaît », dit Alshiera. « C’est la preuve que tu n’es pas un simple reflet du passé, que tu es déjà obtenu ta propre individualité. Je célébrerai ce fait. »

Zagan ne les quittait pas des yeux.

Ma mère est une femme forte.

Elle aimait sûrement son défunt mari, qui avait été le pilier qui l’avait soutenue pendant ces mille ans. Et pourtant, même si l’homme qu’elle retrouvait enfin n’était qu’une illusion, elle l’acceptait avec le sourire. Face au noble vampire, Yeux d’Argent lui rendit son sourire, se retrouvant au bord des larmes.

« Je ne peux pas devenir lui, mais me permets-tu de souhaiter ton bonheur ? »

« Tu n’as pas à t’inquiéter. Il se trouve que je suis très heureuse en ce moment, tu sais ? » répondit Alshiera en se tournant vers sa famille, qui était si différente en âge et en race.

« Dieu merci », dit Yeux d’Argent, le soulagement étant évident dans sa voix. « J’avais prévu de mettre ma vie en jeu pour l’arrêter s’il le fallait, mais il semble que ce ne soit pas nécessaire. »

« Hein… ? »

Le « lui » dont parlait Yeux d’Argent semblait différent de celui auquel il avait fait référence jusqu’à présent. Tout le monde pencha la tête en signe de confusion, mais soudain, une voix bruyante résonna dans la pièce.

« Je t’ai enfin trouvé, Ashy ! Tu ne t’échapperas pas cette fois ! »

« Eek ! »

Alshiera se leva d’un bond et poussa un cri que Zagan n’avait jamais vu auparavant. Elle se retourna timidement pour faire face à un endroit où se tenait un garçon aux cheveux et aux yeux écarlates, les bras croisés dans une posture imposante.

« Je suis revenu vivant comme je l’avais promis ! » hurla le garçon en lançant vigoureusement un doigt à Alshiera. « Alors oui, maintenant c’est l’heure de notre rendez-vous ! »

Pourquoi personne n’avait-il enseigné à ce garçon le concept de lire l’ambiance de la pièce ? Zagan ressentit une nouvelle haine pour le monde d’il y a mille ans en le regardant…

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