Chapitre III : La raison pour laquelle j’ai adopté un chat noir
Partie 5
Cela dit, les sorciers pouvaient facilement cacher une épée dans leur robe. Il était difficile de prédire qui serait la prochaine victime. Et pourtant, les prochains mots du prêtre avaient été totalement inattendus.
« Cependant, ils ne se sont pas fait voler leurs épées. Elles ont toutes été détruites. »
« Détruite ? » répéta Raphaël, les yeux écarquillés.
« Oui. Je me demande comment c’est fait. On les a découvertes réduites en miettes, ne laissant qu’une partie de la poignée. »
Le prêtre avait mimé le fait de tenir une épée pendant qu’il expliquait ce point. Ils les avaient apparemment identifiées comme des épées seulement par leurs poignées et les morceaux de métal brisés.
« Qu’en est-il des épées brisées ? Ont-elles été jetées ? » demanda Raphaël.
« Non, elles sont stockées dans l’église. Pensez-vous qu’elles serviront d’indice ? »
« Je ne peux pas en être sûr tant que je ne les ai pas vues. »
Il était apparemment possible pour un sorcier d’identifier avec précision le propriétaire d’un objet, mais l’Église considérait la sorcellerie comme un mal, aussi ne pouvait-elle jamais recourir à de telles méthodes. Quoi qu’il en soit, il ne pouvait pas se permettre de négliger quoi que ce soit qui puisse le conduire au coupable.
« Très bien. Je vous les montrerai plus tard… Ah oui, je ne sais pas quel but il poursuit en détruisant leurs épées, mais c’est la raison pour laquelle le coupable est connu sous le nom de Chasseur d’épées. »
« Je vois…, » Raphaël marmonna, puis grimaça en reportant son attention sur l’épée dans son dos. « Au fait, qu’est-il arrivé à l’épée du Chevalier Angélique ? »
D’après ce qu’il avait entendu, le chevalier avait simplement été pris dans un incident en cours, c’est pourquoi il s’en était sorti vivant. Ainsi, son épée aurait pu aussi être intacte.
« Maintenant que vous le dites, elle n’était pas cassée, » répondit le prêtre avec une légère inclinaison de la tête.
« Dans ce cas, j’aimerais l’emprunter. Malheureusement, vous pouvez voir l’état dans lequel se trouve la mienne. »
Raphaël avait retiré l’épée de son dos, ceinture et tout. Il la tira légèrement pour montrer la lame, révélant des entailles et des éclats sur tout son bord. Les étincelles qui avaient jailli pendant l’affrontement de la nuit dernière provenaient toutes des fragments métalliques qui étaient tombés de son épée.
La prochaine fois… ça pourrait casser.
Si l’épée de l’autre Chevalier Angélique était intacte, alors il voulait la prendre comme réserve. Le prêtre avait rétréci ses yeux pour l’examiner de plus près, puis, après un court instant, il leva les yeux vers Raphaël, choqué.
« Ce n’est pas possible… Est-ce le Chasseur d’Épées qui a fait ça ? »
« En effet. J’ai combattu un voyou qui semblait correspondre au profil hier soir. Je suis sûr que c’était le Chasseur d’Épées. »
Personne ne l’aurait cru s’il avait dit qu’elle était en fait une petite fille.
Si seulement j’avais eu un meilleur aperçu de son visage…
La seule chose qu’il avait réussi à identifier chez elle était ses yeux rouges.
Et puis il y a cette employée de l’auberge…
Il espérait qu’elle n’avait aucun lien avec cette série de meurtres, mais ses traits physiques correspondaient bien trop à ceux de la coupable. Il devait vérifier pour être sûr, ne serait-ce que pour prouver son innocence. Il rangea cette question comme quelque chose à résoudre plus tard, puis se retourna pour faire face au prêtre, qui avait les yeux plissés comme s’il était troublé par quelque chose.
Remarquant le regard de Raphaël, le prêtre sourit amèrement, leva les yeux vers lui et déclara : « Pardonnez-moi. Ma vue est très faible. Je ne suis pas complètement aveugle, du moins. »
Maintenant, tout s’expliquait. Le prêtre ne pouvait pas voir correctement le visage de Raphaël à cause de sa mauvaise vue. C’est pour cette raison qu’il n’avait montré aucune crainte face à Raphaël. Mais même si c’était la seule raison, il avait traité Raphaël comme une personne correcte dès leur première rencontre. C’était une raison plus que suffisante pour que Raphaël mette sa vie en jeu pour protéger cet homme.
« Avez-vous essayé d’utiliser des lunettes ? Je suis sûr que l’Église en préparerait une paire pour un prêtre. »
« J’en ai fait faire une paire une fois », répondit le prêtre en haussant les épaules. « Cependant, j’ai fini par les vendre. Comme vous pouvez le voir, nous ne sommes pas vraiment riches ici. Donc, je ne peux pas demander qu’on m’en fasse une autre paire. »
Ce prêtre était si sérieux que cela avait fait monter une larme aux yeux de Raphaël. Pourquoi un tel homme de caractère souffrait-il dans une région reculée, alors que l’évêque de son église vivait dans le luxe ?
« Y a-t-il autre chose que je puisse faire pour vous aider ? » demanda le prêtre. En d’autres termes, il voulait évacuer toutes les questions à l’avance afin de ne pas accabler le chevalier angélique blessé.
« Hmmm… Quel type de sorcier était la première victime, le Ressentiment ? »
« Ah…, » marmonna le prêtre. Son expression s’était assombrie à la mention de ce nom. « Je ne sais rien de sa sorcellerie, mais c’était le genre d’homme qui gagnait du pouvoir en infligeant de la souffrance aux autres. Il y a un grand nombre de personnes qui ont été tuées à cause de ses indulgences. En vérité, plusieurs des enfants ici sont devenus orphelins à cause de lui. »
« Je vois. Alors, beaucoup de gens le méprisaient. »
Si le coupable était une personne — après tout, il y avait des cas où le coupable était un monstre ou une chimère — alors il était possible d’aborder la question en cherchant des personnes qui avaient un compte à régler, mais cela s’avérerait difficile dans les circonstances actuelles. Raphaël manquait de bras pour mener une véritable enquête, après tout.
« Oh, je ne sais pas si cela sera utile, mais j’ai entendu quelque chose, » dit le prêtre comme s’il se souvenait soudainement d’une piste potentielle. « On dit que le Ressentiment a passé du temps loin de Mercator avant d’être tué. Voyons voir… Je pense qu’il a été absent pendant environ un demi-mois. »
« Hmm ? Savez-vous où il est allé ? »
« Non… malheureusement pas. Les sorciers pourraient cependant savoir. »
Cependant, très peu de sorciers répondraient aux questions d’un Chevalier Angélique. Dans tous les cas, il était possible que le Ressentiment ait amené le coupable avec lui depuis l’endroit où il avait voyagé. Mais dans ce cas, pourquoi le Chasseur d’épées était-il encore en train de tuer des gens alors que le Ressentiment était déjà mort ?
Le prêtre lui avait fourni toutes les informations qu’il avait sous la main, mais malheureusement, elles n’étaient pas si différentes de ce que Raphaël avait entendu de l’aubergiste. Mais au moins, cela lui avait permis de vérifier les détails. La seule nouvelle information qu’il avait obtenue était que les incidents se produisaient dans des zones non peuplées, tard dans la nuit.
Je suppose qu’il sera assez difficile de trouver celui que le chasseur d’épées combattait avant moi.
L’agresseur était en fait en train de combattre quelqu’un d’autre avant que Raphaël n’interrompe leur combat. Il avait chargé pour aider la victime du tueur en série, mais il n’avait pas vu qui c’était à cause de l’obscurité. Cependant, à en juger par la chemise et le pantalon qu’il portait, il s’agissait probablement d’un civil. Il y avait une probabilité assez élevée que le Chasseur d’épées vise à nouveau cette victime. Raphaël voulait le trouver et le protéger, mais…
Alors qu’ils avaient presque fini de parler, Raphaël s’était soudain souvenu de quelque chose d’important.
« Maintenant que j’y pense, le chasseur d’épées avec qui j’ai croisé le fer hier soir a dit quelque chose d’étrange. »
« Et qu’est-ce que c’était ? »
« “La lune est belle, n’est-ce pas ?” »
Un silence douloureux s’était abattu sur eux.
« Quel est le sens d’une telle question… ? » demanda le prêtre docilement.
« Ça aurait pu être un stratagème pour me distraire. C’est comme ça que le Chasseur d’épées a réussi à s’échapper, après tout. Pourtant, ces mots sont plutôt troublants. J’aimerais savoir s’il y a une signification plus profonde derrière eux. »
« Eh bien, je ne suis pas sûr que ce soit lié, » commença le prêtre, en baissant les yeux d’un air confus, « mais j’ai l’impression d’avoir vu une phrase similaire dans la vieille littérature de Liucaon. »
« Hm ? Liucaon ? »
Raphaël avait sorti le masque d’animal de sa poche. Maintenant qu’il le regardait sous une lumière, il pouvait dire qu’il avait été modelé d’après un renard… et de tels animaux étaient rares sur le continent.
« Alors, cela vient-il aussi de Liucaon ? » demanda Raphaël. Le prêtre s’était alors avancé pour l’examiner de plus près.
« Oh, ça, je l’ai déjà vu, » avait-il répondu. « C’est utilisé lors d’un festival à Liucaon où ils vénèrent un de leurs dieux. Il y a apparemment aussi des statues qui ressemblent à ça. »
Liucaon était un pays où vivaient de nombreuses espèces rares. L’Église gardait le contact avec elles sous prétexte de les empêcher de s’éteindre, de sorte qu’un grand nombre de prêtres et d’évêques de haut rang avaient visité le pays.
Dans ce cas, ce Chasseur d’Épées était certainement de Liucaon. Selon toute vraisemblance, le Ressentiment avait fait quelque chose pour s’attirer sa colère là-bas, menant à cette série d’événements.
Mais… Liucaon ?
Raphaël avait entendu dire qu’ils possédaient des valeurs et une religion différentes de celles du continent. Il avait également entendu dire que de nombreuses races proches de l’extinction sur le continent y vivaient, et que l’Église devait donc faire attention à la manière dont elle interagissait avec la région.
« Nous nous sommes égarés, » dit Raphaël, se rappelant qu’il n’avait toujours pas obtenu de réponse à sa question précédente. « Que signifie cette phrase ? »
« Je suis désolé. Je crains de ne pas savoir grand-chose… Je me souviens qu’il s’agissait d’une sorte de vers de poésie, mais c’est tout. Mais je pourrais le découvrir en faisant quelques recherches. »
« De la poésie, vous dites ? Hm, alors peut-être que ces crimes imitent une histoire. »
« Si c’est le cas, je vais m’en occuper. »
« Je vous laisse faire. »
Ils s’étaient un peu perdus dans la conversation, mais se rappelant soudain pourquoi ils étaient ici, le prêtre frappa à une porte.
« Excusez-moi. »
À l’intérieur, un jeune homme se reposait dans son lit. Il semblait avoir une vingtaine d’années. Même inconscient, il était clair qu’il souffrait à cause de ses gémissements intenses. Raphaël s’était approché pour l’examiner de plus près. Le chevalier avait des bandages autour du visage, il n’était donc pas capable de voir ses blessures. Les bandages semblaient avoir été changés fréquemment, mais même s’ils étaient neufs, il pouvait voir le sang les traverser.
« Qu’en est-il de son Armure Sacrée ? » demanda Raphaël au prêtre.
« Son armure ? Elle est placée dans la chapelle. Pourquoi ? »
« Laissez-la à côté de lui. Cela accélérera sa guérison. »
« Oh ! Compris. Je vais l’apporter ici immédiatement. »
Le prêtre semblait prêt à s’enfuir précipitamment lorsque Raphaël l’avait arrêté. L’Armure Sacrée pesait près de trente kilos, un vieil homme risquait de se briser le dos en essayant de la porter.
« Comme si j’allais laisser ce travail à une vieille peau décrépite. Je peux la trouver si je regarde bien autour de moi, non ? »
Et puis, sans attendre de réponse, Raphaël quitta la pièce. Le prêtre lui fit une profonde révérence en guise de remerciement.
merci pour le chapitre