Chapitre 77 : L’ours réfléchit à un nom de magasin
Les travaux de préparation du magasin étaient presque terminés, mais un problème subsistait : nous n’avions toujours pas de nom. Lorsque j’avais essayé de demander conseil à Morin, elle m’avait dit que c’était mon magasin et que c’était à moi de décider.
C’était bien beau, mais… j’étais terriblement mauvaise pour nommer les choses. J’avais même utilisé mon propre nom dans le jeu. J’avais appelé mes invocations d’ours Kumayuru et Kumakyu parce qu’ils étaient kuma-kuma, comme dans le mot japonais pour ours. Les ours semblaient heureux de leurs noms, mais c’étaient des ours magiques et ils avaient probablement leur propre conception des choses. Non, je n’avais aucune confiance en ma capacité à nommer quoi que ce soit, et même après avoir réfléchi à un nom de magasin pendant plusieurs jours… aucune idée, la tête vide. J’avais donc décidé de demander à chacun ses suggestions.
J’avais réuni la gérante de la boutique, Morin, et sa fille, Karin, les aides de l’orphelinat, Milaine, de la guilde des commerçants, qui avait participé à la rénovation, Helen, qui m’aidait à la guilde des aventuriers, Tiermina et ses filles Fina et Shuri, qui me donnaient toujours un coup de main, et Noa, qui était revenue de la capitale — quatorze personnes au total.
Puis, nous étions entrés dans le vif du sujet :
« La boulangerie de l’ours. »
« Le restaurant de l’ours. »
« La pizzeria de l’ours. »
« L’Ours et le Pudding. »
« Le restaurant de l’ours. »
« L’Ours avec vous. »
« L’Ours… »
« L’Ours… »
Elles étaient arrivées avec un déluge insupportable de noms d’ours.
« D’accord, alors… vous semblez toutes assez déterminés à mettre ours dans le nom. Pourquoi ? »
Je savais déjà pourquoi, mais j’avais quand même demandé. Peut-être qu’elles allaient me donner une réponse inattendue.
« Je veux dire… »
« Yuna… »
« Uhh… »
Tout le monde m’avait fixée. Bon, d’accord. C’était ma boutique, d’où le truc de l’ours. Ça ressemblait quand même beaucoup à une répétition de l’histoire de Kumayuru et Kumakyu. Mais je n’allais pas leur dire non, et je m’en fichais un peu. Dans mon monde d’origine, il y avait aussi des magasins avec « ours » dans leur nom. Ça m’avait juste un peu déprimée d’entendre tout le monde le dire à voix haute.
« Eh bien, que pensez-vous de “La boutique de l’aventurière Yuna” ? », se risqua Helen
« Non ! », l’avais-je coupée. D’une certaine manière, ça sonnait trop fade. Si nous allions dans cette direction, alors « La boulangerie de Morin » ferait tout aussi bien l’affaire.
Quand je l’avais dit à Morin, celle-ci l’avait gentiment écarté en disant : « C’est ta boutique. »
« Je pense qu’il doit y avoir “ours” dedans », dit Karin.
Noa hocha la tête.
« C’est vrai. Parce que c’est la boutique de Yuna. »
Tout le monde fit un signe de tête à Noa. Il fut alors décidé que l’ours serait utilisé dans le nom, et tout le monde commença à proposer de nouvelles idées. On dirait que j’étais coincée avec « ours ». Peut-être que les autres étaient aussi mauvaises que moi pour nommer les choses.
Ours ? C’est bon. Mais qu’en est-il du reste du nom ? Personne ne pouvait décider.
« Et si on choisissait d’abord l’uniforme du magasin ? J’ai réfléchi à quelques idées. », lâcha Milaine.
J’avais cligné des yeux : « Un uniforme ? »
« Il faut qu’ils portent quelque chose lorsqu’ils servent les clients. »
Je me souvenais bien avoir vu une fois des employés d’un grand magasin de la capitale porter des choses qui ressemblaient à des robes tabliers. C’était un look plutôt mignon. Peut-être que des vêtements de bonne et de majordome fonctionneraient dans un monde fantaisiste ? J’avais essayé d’imaginer les enfants dans ces vêtements. Hmm.
J’avais hoché lentement la tête.
« C’est une bonne idée, les uniformes. »
« N’est-ce pas ? J’ai donc fait un ensemble juste pour essayer », Milaine sortit un uniforme plié de son sac d’objets et l’étala.
« Est-ce un ours ? »
« Si c’est ta boutique, Yuna, il fallait bien que ce soit un uniforme d’ours. »
En disant ces mots redoutés, Milaine mit les vêtements d’ours en évidence. Ugh. Je n’étais pas littéralement une ourse, et je ne voulais vraiment pas que cela devienne ma marque pour toujours.
Milaine pivota jusqu’à ce que ses yeux se posèrent sur l’une des orphelines.
« Miru, ne veux-tu pas essayer ça ? », demanda-t-elle à la fille.
Allez, c’est impossible que ça marche. Même Miru ne porterait pas une tenue aussi embarrassante.
« Oooh ! Puis-je vraiment ? ! »
Mais Miru semblait ravie. Aucun dégoût, aucune horreur sur son visage. En fait, certains des enfants la regardaient avec jalousie.
« Tu as tellement de chance. »
« Pas juste ! »
« Ooo ! Moi la prochaine ! »
Mais… mais… ! Argh ! Miru avait l’air extatique quand elle prit l’uniforme d’ours et les autres enfants étaient verts de jalousie. Peut-être que j’étais l’intruse ?
Je m’étais frotté les tempes.
« Tu n’es pas gênée ? »
« Bien sûr que non. Je vais te ressembler, Yuna. Je suis si heureuse. »
Les autres enfants avaient hoché la tête. Était-ce à cause de l’histoire du « sauvetage de l’orphelinat » ? Ils ne me faisaient pas passer pour un héros ou quelque chose comme ça, non ? Miru avait commencé à se changer immédiatement, jetant ses vêtements pour enfiler l’uniforme.
« Miru, arrête ! », avais-je dit.
Elle inclina alors la tête vers moi.
« Trouve un vestiaire ou autre chose. »
Milaine hocha la tête.
« C’est vrai. Tu deviens trop âgée pour ce genre de choses. Viens avec moi. »
Milaine s’était levée et avait conduit Miru dans une des pièces du fond. Miru avait déjà douze ans, il fallait vraiment qu’elle se fasse une raison sur ce genre de choses. Les garçons étaient peut-être plus jeunes qu’elle, mais ils restaient des garçons, et ils vieillissaient. Je suppose que j’aurais besoin de désigner des vestiaires.
Après un moment, Miru était revenue avec l’uniforme. Il ressemblait beaucoup à mon body d’ours, jusqu’à la capuche. Il y avait même une petite queue sur ses fesses pour compléter le look mignon. Je suppose que ce n’était pas vraiment un uniforme, mais plutôt une parka d’ours ? Allaient-ils vraiment porter ça au travail ?
« Qu’est-ce que vous en pensez ? »
Miru avait l’air ravie alors qu’elle tournait lentement sur place pour montrer l’uniforme. Pourquoi était-elle heureuse de cette chose ?
« C’est vraiment très beau. »
« Eeeee ! Tu es si chanceuse. »
« Migonnnnnne. »
Elle était couverte d’éloges de toutes parts. Ce n’était vraiment pas mal. C’était mignon. Mais, je voulais dire, allez. Un uniforme d’ours. Je voulais y mettre un terme, mais je ne pouvais pas me résoudre à dire quoi que ce soit. C’était franchement trop adorable.
Pourtant, je sentais que quelque chose manquait. J’avais regardé Miru de haut en bas. Oh ? C’est vrai… ça semblait bizarre parce que Miru n’avait pas de chaussures. Quand Milaine remarqua que je fixais les pieds de Miru, celle-ci fouilla dans son sac d’objets comme si elle se souvenait de quelque chose.
« Miru, essaye ça. »
Elle sortit de son sac des chaussures qui ressemblaient beaucoup aux miennes. Elles étaient toutes deux noires pour aller avec les vêtements, contrairement aux blanches et noires des miennes. Miru enleva ses chaussures et mit celles de Milaine. Elle était en ours de la tête aux pieds.
Tiermina rit : « Oh, mon Dieu, tu leur as même fait des chaussures ! »
La foule était bouche bée.
Milaine secoua la tête : « J’ai demandé à quelqu’un d’autre de les faire. Mais elles sont belles, n’est-ce pas ? »
Les petits pieds de Miru étaient emmitouflés dans les chaussures qui ressemblaient terriblement aux miennes. Bon sang, je savais que Milaine était une fonceuse, mais là, ça semblait un peu extrême.
« Honnêtement, » continua Milaine, « J’ai aussi envisagé d’acheter des gants, mais ils m’empêcheraient de cuisiner et de servir, alors je me suis contentée des chaussures. À moins que tu ne veuilles les gants. »
Elle m’avait lancé un regard plein d’espoir.
« Je pense que c’est mieux sans gant. »
Milaine avait réussi à ne pas avoir l’air trop déçue.
« Comment tu les trouves, Miru ? »
« Très agréable ! »
Miru sautillait pratiquement dans la boutique dans ses chaussures d’ours.
« Ils vont vraiment travailler en portant ça ? », avais-je soupiré.
« Tant que vous donnez votre permission », dit Milaine.
« Yuna, je veux les porter. S’il te plaît, s’il te plaît ? », me supplia Miru.
Hmm. Eh bien, ce n’est pas comme si je les portais. (Attends, je portais des trucs d’ours, n’est-ce pas ? Zut.)
« Si vous êtes toutes d’accord avec ça, alors je suppose que c’est bon. », avais-je dit.
Tant que les enfants étaient heureux, alors peu importe. Ce n’était pas comme si quelqu’un les obligeait à porter ces trucs débiles.
« Je suis d’accord avec ça », dit un des garçons.
« Moi aussi », dit un autre.
« Moi aussi ! »
Attendez, les garçons aussi ? Ce serait mortifiant quand ils y repenseraient plus tard. Eh bien, pas de retour en arrière, les garçons.
« On dirait qu’on va porter l’uniforme d’ours », dit Milaine en chantant.
« Attendez un peu. Ça veut dire que je dois porter ça ? », dit lentement Karine.
Elle était silencieuse, mais maintenant elle désignait l’uniforme de Miru.
C’est vrai. Les enfants n’étaient pas les seuls travailleurs. Si Karine devait aussi s’occuper de la boutique, elle devrait aussi porter l’uniforme au travail.
« C’est mignon sur les enfants, mais je ne suis pas sûre que ce soit pareil pour moi… »
Karin avait 17 ans, non ? Si on était au Japon, elle serait en deuxième année de lycée. Je suppose que cette tenue serait embarrassante à cet âge.
« Je pense qu’elle t’ira très bien, Karin. »
« Mais Mlle Milaine, tu ne la porterais pas toi-même, hein ? »
« Eh bien, j’ai une vingtaine d’années, donc ça n’irait pas. Mais je pense que tu as le bon âge pour le porter. Ça t’ira très bien, profite en tant que tu le peux ! »
« Il n’y a aucune chance que je puisse servir les clients dans cette tenue embarrassante ! »
Wôw. Je devais garder cette « tenue embarrassante » tout le temps parce que je perdrais mes pouvoirs si je ne le faisais pas. Et je ne devais pas seulement servir les clients dans cette tenue — j’avais vaincu des méchants, tué des monstres, j’étais allée à la capitale et j’avais même rencontré le roi, tout ça habillé en ours.
« Comme je vais faire du pain avec ma mère, dans la cuisine, je pourrais être dispensé de porter ça ? »
« Les enfants ne peuvent pas servir les clients sans surveillance. Et n’es-tu pas censée être responsable de l’étage, Karin ? », avais-je dit.
Nous en avions déjà discuté. Morin s’occuperait de la cuisine, tandis que Karin gérerait la devanture et donnerait des instructions aux enfants.
« Mais… »
Karin nous avait lancé un regard désespéré.
« Pff. Heh. Bwahahahahah ! », Milaine éclata alors de rire.
Karin cligna des yeux.
« Mme Milaine ? »
« C’était juste pour les enfants. Mais si vous voulez le porter, je peux vous arranger ça. »
« Ugh, je préfère mourir. »
Ça semblait un peu trop.
« Mais, je me demande si je ne pourrais pas te faire porter au moins un bonnet d’ours ? », dit Milaine
En tout cas, Karin semblait soulagée après avoir réalisé qu’elle n’aurait pas à porter l’uniforme et Milaine semblait ravie à la vue de l’apparence oursonne de Miru.
« Merci beaucoup pour le modèle, Miru. »
Quand j’avais demandé combien les uniformes coûteraient, Milaine m’avait dit qu’elle s’en chargeait, mais je ne pouvais vraiment pas la laisser faire. De plus, j’aurais probablement besoin de quelques pièces de rechange. Nous nous étions donc arrangés pour que je paie les extra.
« Mais comment nommeras-tu la boutique ? », demanda Fina, nous ramenant au sujet principal. Après une longue discussion, nous nous étions mis d’accord sur un nom.
« L’Antre de l’Ours ».
Nous y voilà. C’était agréable, chaleureux et relaxant. Prenez une pizza et hibernez un peu, pourquoi pas ?
merci pour le chapitre
Merci pour le chapitre
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