Chapitre 75 : L’ours achète un magasin
Le jour qui suivit celui de mes adieux faits à tout le monde à la capitale, j’utilisais la porte de transport des ours pour retourner à Crimonia avec Fina.
« Yuna, c’était tellement amusant ! »
Mis à part l’armée de monstres mortels contrôlés par des nécromanciens, j’avais vraiment apprécié mon séjour à la capitale. Et j’avais en plus mis la main sur des pommes de terre et du fromage.
« Je suis heureuse de l’entendre. Si jamais tu veux y retourner, appelle-moi et on pourra utiliser la porte de transport des ours. »
« Oui ! Je veux y aller avec toute ma famille la prochaine fois. »
« Tant que tu gardes le secret de la porte de transport des ours, compris ? »
« Compris. »
Nous nous étions dirigés vers l’orphelinat afin que je puisse ramener Fina à Tiermina, qui aurait dû être occupée avec les kokkeko à l’orphelinat en ce moment. Quand j’étais arrivée au poulailler près de l’orphelinat, j’avais trouvé les enfants au travail. L’un d’eux m’avait remarquée avant que je puisse faire quoi que ce soit…
« C’est la fille aux ours ! »
… Ce qui signifiait qu’ils avaient tous remarqué. Ils se mirent à courir vers moi.
« Avez-vous tous bien travaillé ? »
« Oui ! »
Les enfants étaient tout sourire. Cool, on dirait que les choses sont O-okay.
« Tiermina est-elle dans le coin ? »
« Uhuh ! Elle compte les œufs là-bas. », dit un des garçons.
Il me désigna une petite cabane à côté du poulailler. J’avais remercié les enfants de m’avoir dit ça et j’y étais allée. J’avais trouvé Tiermina à l’intérieur, comptant les œufs avec Shuri à côté d’elle.
« Maman ! »
Dès que Fina vit Tiermina, celle-ci courut vers elle et la serra dans ses bras.
« Fina ?! »
« Sœur ! »
Shuri se précipita vers Fina et lui fit un gros câlin, rayonnante.
« Shuri, on est de retour ! »
« C’est bon de te voir, Tiermina. »
« Bienvenue à la maison, vous deux. »
Fina était enfin à la maison, saine et sauve.
« Comment était la capitale ? », demanda Tiermina.
Fina avait pratiquement explosé avec des détails.
« Ce n’est pas juste ! », dit Shuri tout en croisant les bras et en faisant une puissante moue de petite fille.
« Tu dois tout faire, sœurette ! »
Si j’allais ailleurs, je devrais m’assurer de les prendre toutes les deux, la pauvre enfant.
« Au fait, Tiermina, j’ai quelque chose à te demander — ou plutôt, à te confier. »
« Qu’est-ce que c’est ? »
Je lui avais donné une explication simple sur Morin et sa fille, et comment j’allais ouvrir un magasin.
Tiermina s’était frotté les tempes : « Donc, en plus des œufs, vous vendez du pudding et du pain. Et vous dites que vous avez des boulangers qui viennent de la capitale ? Alors, que suis-je censée faire ? »
Elle semblait un peu exaspérée, mais je suppose qu’elle n’allait pas refuser pour autant.
« J’aimerais que tu t’occupes des ventes, du stock et, surtout, de l’argent de la boutique. »
« D’accord. Je n’ai pas à m’occuper des détails avant l’arrivée de cette Morin, n’est-ce pas ? »
« Et il y a aussi l’histoire du pudding, pourrais-tu donc parler à Milaine des œufs ? C’est comme ça qu’on décidera de la quantité de pudding à vendre. »
« Compris. Je lui parlerai la prochaine fois que je serai à la guilde du commerce. »
Elle n’était pas la seule à avoir des questions pour Milaine. Il y avait le truc avec les œufs, mais la boutique allait être plus grande que ce que j’avais initialement prévu, maintenant que nous cuisions du pain et des pizzas. J’avais aussi besoin de la consulter à ce sujet.
J’avais assez dérangé Tiermina pendant son travail, j’avais donc décidé de passer chez la directrice avant de rentrer chez moi… Mais elle était sortie, peut-être que je passerais plus tard.
Je m’étais ensuite dirigée vers la guilde des aventuriers.
« Mlle Yuna, déjà de retour ? », dit Helen
« J’ai un souvenir pour toi. »
J’avais sorti le cadeau de la capitale de mon rangement pour ours et je l’avais tendu.
« Un accessoire ? Pourquoi, merci beaucoup ! »
Quel soulagement ! Je ne savais pas ce qui était à la mode dans ce monde fantaisiste, j’avais donc simplement acheté ce que la personne du magasin m’avait recommandé. On dirait que tout s’est bien passé.
« Le maître de la guilde est-il là ? »
« Oui. Je vais aller le voir tout de suite, juste un instant. »
Elle était allée dans l’arrière-boutique pour appeler le maître de guilde et était revenue aussitôt.
« Il va vous recevoir dans son bureau. Veuillez venir par ici. »
Je l’avais remerciée et m’étais dirigée vers l’arrière-salle où se trouvait le maître de guilde.
« Vous êtes revenue rapidement », dit-il.
« Vous m’avez convoquée, alors me voici. Au fait, merci pour la lettre d’introduction. »
« Était-ce utile ? »
« Oh oui. J’ai eu des ennuis pendant un moment, mais après, le maître de guilde de la capitale m’a beaucoup aidée. »
« Du moment que c’était utile. Comment va cette bonne vieille Sanya ? »
« Elle va bien. Je pense que je lui ai laissé quelques dégâts à nettoyer. Ou, euh, peut-être plus que deux. »
Le maître de la guilde avait éclaté de rire. Sanya s’était occupée des aventuriers qui m’avaient donné du fil à retordre, de cette histoire de tueur de monstres, de la promesse faite au roi et de toute l’affaire Morin. Je ne pouvais pas lui parler de l’histoire de l’armée de monstres, alors je lui avais dit que, grâce à Ellelaura, nous avions pu voir le château, rencontrer Dame Flora, et que j’avais servi du pudding au roi et à Dame Flora.
« Pardonnez-moi, vous… avez cuisiné pour le roi et la princesse ? »
Il redressa quelques papiers, comme s’il essayait de rendre quelque chose, n’importe quoi un peu plus ordonné.
« Oui. »
Je lui avais ensuite parlé du couple de boulangers mère et fille que j’avais rencontré, du marchand corrompu, de l’aide de Sanya, et enfin de la grosse portion de pudding royal.
« Que pensez-vous que vous faisiez à la capitale ? »
« Écoutez, ce n’est pas comme si tout était de ma faute. »
Je ne pouvais pas fermer les yeux quand il s’agissait de Morin et de sa fille, et recevoir une demande du roi lui-même était la dernière chose que je voulais.
« Oui, oui. Err. Ce pudding dont vous avez parlé. Est-il vraiment si bon ? »
« Voulez-vous en goûter ? »
Je lui ai offert un peu de pudding pour le remercier de sa lettre d’introduction. Le maître de guilde le renifla, en prit une bouchée, puis une autre.
« Hm. Mon Dieu, c’est délicieux. »
Même le maître de guilde lui donna de bonnes notes. Peut-être que mon public était un peu plus large que je ne le pensais, hein ?
Après avoir quitté la guilde des aventuriers, je m’étais dirigée vers la guilde du commerce pour trouver Milaine afin de la consulter au sujet de la boutique…
« Yuna ! »
… mais ce fut elle qui me trouva.
« S’il vous plaît, ne criez pas mon nom », me suis-je plainte en me dirigeant vers sa place habituelle à la réception.
« Mes excuses. C’est sorti tout seul. »
« Tenez, j’ai un souvenir pour vous. »
Ce n’était pas un accessoire similaire au souvenir d’Helen, mais c’était proche.
« Merci beaucoup. Maintenant, Yuna, à propos de la boutique dont nous avons parlé l’autre jour… », dit-elle, rayonnante.
« J’ai trouvé quelques bons endroits pour l’emplacement. Comment voulez-vous procéder ? »
« J’allais justement demander ça. »
Après une rapide explication de ce qui s’était passé à la capitale, je lui avais dit que j’allais vendre du pain à côté du pudding, et qu’il faudrait que la boutique soit assez grande pour compenser.
Milaine hocha la tête d’un air pensif.
« Maintenant, quand vous dites “grande”, quelle taille allons-nous opter ? »
Eh bien, voyons voir. J’avais besoin d’une salle à manger pour les clients et, puisque je voulais employer les orphelins, j’avais besoin que la cuisine ait beaucoup d’espace, au cas où. Bref, j’avais décrit mes exigences pour le magasin comme elles me venaient à l’esprit.
« Le loyer sera dans ce cas plutôt cher. Mais c’est moi qui ai suggéré que vous devriez ouvrir un magasin, alors je serais heureuse de vous offrir une réduction. Mais si vous avez besoin d’un grand espace, ça fait quand même beaucoup d’argent… »
Milaine avait l’air troublée.
« Ne vous inquiétez pas pour le prix. Si c’est bien situé, je l’achèterai. »
« Yuna, un magasin n’est pas quelque chose que l’on achète sur un coup de tête. Pas pour la plupart des gens, en tout cas. »
Milaine semblait exaspérée, mais grâce à ce dieu et à ses objets en forme d’ours bizarre, je n’avais aucun problème d’argent. Pourtant, je ne pouvais pas partager cela avec Milaine. J’avais souri et j’avais fait comme si de rien n’était.
« Eh bien, tant que vous pouvez vous le permettre, la guilde du commerce n’a aucun problème avec ça. Le prix sera élevé, mais il y a un magasin avec toutes les caractéristiques que vous cherchez. »
D’après Milaine, le bâtiment était grand et proche de l’orphelinat. Parfait. Maintenant, tout ce que j’avais à faire était de vérifier le prix et de le voir par moi-même.
« Combien ça coûterait ? »
Milaine sortit un dossier, y réfléchit un peu, puis écrivit une somme sur un papier avant de me le tendre.
« Avec une remise, je suppose que c’est le mieux que je puisse faire. »
Le montant qu’elle proposait semblait vraiment élevé. Pour le moins, c’était plus cher que le terrain que j’avais acheté près de l’orphelinat. Pourtant, c’était bien dans mon budget d’ours magique. J’avais décidé de regarder le bâtiment et de décider ensuite.
« Bien sûr. Je vais vous y conduire maintenant. »
Comme Milaine me l’avait dit, le magasin était assez proche de l’orphelinat et, bien qu’il n’y avait pas de bâtiments à proximité, on arrivait à une route passante après avoir marché un peu. Même si une file d’attente se formait devant le magasin, cela ne gênerait personne.
Le seul problème était que…
« C’est un magasin ? »
Cela ressemblait bien plus à un manoir. Peut-être que je me suis imaginé des choses ? J’avais frotté mes yeux, mais le bâtiment n’avait pas perdu son aspect de manoir.
« Ça n’en a pas l’air. »
« Pas encore. Le manoir aura besoin d’être rénové. »
Un manoir transformé en magasin, hein ? Eh bien, ce n’est pas comme si j’avais des problèmes avec l’emplacement. Et plus je le regardais, plus je trouvais son prix raisonnable.
« Puis-je voir l’intérieur ? »
« Naturellement. »
Milaine prit la clé et ouvrit la porte. Nous y étions donc entrées. Il y avait un escalier massif à l’avant et une vaste surface vide autour. Si j’installais des tables et des chaises ici, cela pourrait faire un bon espace de restauration. En continuant à l’intérieur, il y avait un couloir à gauche, et au bout de ce couloir, j’avais trouvé une cuisine. Elle semblait plus que suffisamment grande. Il y avait assez de place pour que Morin et Karin puissent travailler, et pour que les orphelins puissent les aider.
« Il y a aussi une chambre froide, donc vous aurez beaucoup de place pour la nourriture. »
J’avais jeté un coup d’œil dans la chambre de stockage. C’était plutôt spacieux. En fait, c’était assez grand pour que je puisse stocker les œufs et le pudding ainsi que les ingrédients pour le fromage et le pain. C’était peut-être encore mieux que ce à quoi je m’attendais.
« Et l’autre couloir ? »
« Il y a des chambres par là. On peut même y voir le jardin. »
Quand j’étais allé vérifier, j’avais effectivement trouvé plusieurs chambres, chacune avec une vue sur le jardin. Je pourrais probablement les transformer en chambres de luxe. J’étais ensuite allée vérifier le deuxième étage.
Quand j’étais montée à l’étage, j’avais trouvé plusieurs chambres et une surface spacieuse, bien qu’elle ne soit pas aussi grande qu’au rez-de-chaussée. Apparemment, il s’agissait d’un manoir d’aristocrates et les lits, les armoires et les autres meubles des chambres étaient laissés tels quels. Si quelqu’un voulait vivre ici, c’était prêt à être emménagé.
Je pourrais transformer le premier étage en magasin et faire vivre Morin et sa fille au deuxième étage.
Mais, en y regardant de plus près, on aurait dit qu’elle n’avait pas été nettoyée depuis longtemps. Les murs et les tapis étaient sales. Mais bon, des nettoyeurs professionnels pourraient s’en occuper assez facilement.
J’avais décidé de faire des folies et d’acheter ce petit manoir. Les détails, je pouvais les garder pour demain. Aujourd’hui, je m’occupais juste de toutes les formalités liées à l’achat de l’endroit.
Merci pour le chapitre