Chapitre 9
Partie 18
Je m’étais assis sur les décombres à côté d’Airia et j’avais levé les yeux vers les particules de mana scintillantes qui tombaient toujours sur la ville.
« Je me demande combien de temps cela va durer… » réfléchit-elle.
« J’aimerais moi-même le savoir. »
Parfois, j’entendais des loups-garous hurler au loin. Après avoir sauvé Airia, je leur avais demandé de voir ce qui se passait à l’extérieur de Ryunheit. À en juger par leurs hurlements, la pluie de mana d’Airia continuait à perte de vue. On dirait que je ne pourrai pas cacher cet incident. Chaque fois qu’Airia me souriait, la pluie de mana devenait un peu plus intense. Cela semblait être lié à ses émotions d’une manière ou d’une autre.
« Est-ce que mon mana protège Ryunheit ? »
« On dirait que c’est le cas. Je n’ai jamais entendu parler de quelqu’un utilisant du mana comme celui-ci… Mais maintenant que j’y pense, ce n’est pas très différent de la magie de renforcement. »
En fait, Airia lançait une magie de renforcement partout plutôt que sur une personne. Bien sûr, lancer une magie de renforcement sur une zone aussi vaste demanderait une quantité ridicule de mana, mais Airia avait exactement cela. Théoriquement parlant, un sort comme celui-ci était tout à fait possible.
Alors que je réfléchissais aux implications que cela avait pour la magie dans son ensemble, Airia se rapprocha de moi. Je m’étais tourné vers elle et elle me lança un regard hésitant.
« Dois-je bouger ? »
Eh bien, c’est un peu gênant quand tu es si proche, mais ça ne me dérange pas.
« Non. C’est rassurant de t’avoir à côté de moi, » répondis-je honnêtement en rougissant un peu. Je me demande quel genre d’expression je fais en ce moment ? Souriante, Airia se rapprocha encore plus, jusqu’à ce que nos épaules se touchent. D’accord ouais, c’est assez embarrassant.
« Je rêve de faire ça depuis des années. »
« Maintenant, je sais que tu exagères. »
Moins de trois ans s’étaient écoulés depuis que j’étais entré par effraction dans la fenêtre d’Airia le jour où j’avais conquis Ryunheit. Cependant, Airia se contenta de sourire timidement et elle déclara : « Tu as sûrement entendu le dicton Une nuit d’amour dure mille lunes ? »
C’était un dicton courant à Meraldia. Cela signifiait que lorsqu’on était amoureux, le temps passait extrêmement lentement.
« Assez juste. » J’avais hoché la tête, repensant à un dicton japonais qui signifiait quelque chose de similaire.
« À bien y penser, il y a aussi le dicton Ichijitsusenshuu. »
Airia me lança un regard perplexe. « Ichijichu... senshu ? Qu’est-ce que cela signifie ? »
Ta prononciation est incorrecte. Meraldian n’avait pas ce dicton : Un jour peut durer mille automnes, j’avais donc choisi de le dire en japonais plutôt que de le traduire. Il n’était pas surprenant qu’Airia soit confuse.
« Cela signifie que certains jours peuvent paraître aussi longs que mille automnes, ou mille ans. »
« Je vois. Et c’est Ichiji… chusenshu, n’est-ce pas ? »
Presque, mais pas tout à fait.
« Eh bien, c’est certainement vrai que chaque jour a semblé une éternité ces derniers mois. » Airia n’avait pas approfondi la question, alors j’avais décidé d’aborder le sujet de mon propre chef. « C’est un dicton d’un autre monde. »
Airia observa mon expression pendant quelques secondes, puis demanda avec hésitation : « Fais-tu référence au même monde d’où vient cette chose que tu appelles avion ? »
« Oui. »
Airia mourait d’envie d’en savoir plus, mais je pouvais dire qu’elle gardait sa curiosité sous contrôle par considération pour moi. Sa maîtrise de soi était vraiment incroyable.
« Es-tu sûr que tu devrais me dire ça ? »
« J’ai promis de tout te dire une fois cette crise résolue, tu te souviens ? »
J’avais pu voir tous les coins et recoins du cœur d’Airia. Il était juste que je lui ouvre également mon cœur. Certaines personnes pourraient dire qu’il n’y a rien de juste dans l’amour et que c’est une bataille pour voir qui peut gagner l’autre en premier, mais je n’y croyais pas. En plus, je voulais qu’Airia sache tout de moi. Je voulais voir si elle m’aimerait toujours après que je me sois mis à nu devant elle. Mais plus important encore, je devais tenir ma promesse pour une fois.
« Euh, Veight ? Si c’est quelque chose dont tu as du mal à parler, tu n’es pas obligé de le faire. »
« Eh, ce n’est pas si grave. Je vais commencer par une question un peu bizarre, mais… crois-tu en la réincarnation ? »
« Oui. Tous ceux qui suivent l’Ordre du Sonnenlicht y croient. »
Oh ouais, j’ai oublié que l’Ordre du Sonnenlicht prêchait la réincarnation. Les esclaves qui avaient échappé à Rolmund avaient apporté cette partie de la foi du Sonnenlicht lorsqu’ils s’étaient installés à Meraldia.
« Eh bien, j’ai encore mes souvenirs de mon ancienne vie, avant de me réincarner dans celle-ci. »
« Est-ce que ça veut dire… que la vision que j’ai vue dans ton paysage mental était faite de souvenirs de ton ancienne vie ? »
« Oui. De plus, les démons n’existaient pas dans mon monde précédent. Je vivais comme un humain à l’époque. Peux-tu croire ça ? »
« Bien sûr, je le peux. » J’avais été surpris par le sérieux de la voix d’Airia. En souriant, elle ajouta : « J’ai toujours trouvé étrange que tu puisses si bien comprendre les humains, mais maintenant tout fait sens. »
Il est vrai que le fait d’être humain dans ma vie passée expliquait pourquoi j’étais capable de m’entendre avec les humains même si j’étais un loup-garou. Et il n’était guère surprenant qu’Airia ait remarqué cette incohérence depuis longtemps.
« Mais alors, ça veut dire que la vie de loup-garou a dû être difficile pour toi ? » avait-elle demandé.
« Euh, eh bien, un peu… »
Les loups-garous essayaient en règle général de résoudre tous leurs problèmes par la violence. Je devais continuer à devenir plus fort afin de conserver ma position de leader des loups-garous. Heureusement, j’avais pu emprunter l’autorité du vieux Seigneur-Démon pour m’aider à consolider mon statut plus tard. Cependant, même si le chemin avait été long et difficile, je m’étais désormais pris d’affection pour les démons.
« Mais tu sais, les loups-garous chérissent leurs camarades de meute et ne les trahiront jamais. Cela ne semble peut-être pas le cas, mais j’ai eu la chance d’avoir une famille merveilleuse. »
« Je le sais. Après avoir passé autant de temps avec Fahn et Vodd, je commence à comprendre quel genre de race sont les loups-garous. »
« Oui, nous prenons toujours soin des nôtres. Il n’y a rien de plus rassurant que d’être avec sa meute. »
C’est pourquoi j’avais travaillé si dur pour créer un monde où les loups-garous puissent vivre en paix.
« Mais en fin de compte, je n’ai jamais réussi à devenir pleinement un loup-garou. À l’intérieur, je suis toujours un humain. De plus, le pays dans lequel j’ai vécu au cours de ma vie passée était un pays paisible, sans guerre. »
Il était probablement difficile de croire que le célèbre Roi Loup-Garou Noir assoiffé de sang, le même homme qui avait massacré 400 soldats Thuvan, avait réellement vécu une vie paisible. Mais à ma grande surprise, Airia avait semblé prendre ma révélation avec aisance.
« Cela aussi a du sens. Les seules fois où tu tues, c’est lorsque tu es sur le champ de bataille. Je ne t’ai jamais vu faire du mal à quelqu’un qui n’a pas la volonté de se battre. »
« Penses-tu que je suis trop gentil ? »
« Mon instructeur militaire l’aurait probablement dit. Il croyait qu’un commandant soucieux du bien-être de ses ennemis était un échec. »
Logique. J’avais froncé les sourcils, puis Airia avait ajouté avec un sourire timide : « Mais j’aime ce côté de toi. Même si tu es incroyablement fort, tu es plus intéressé à arrêter les guerres qu’à les déclencher. C’est étrange, mais rassurant à la fois. »
« Merci. Je pense que j’avais besoin d’entendre ça, » dis-je avec un petit sourire. Rassurant, hein ?
L’air pensif, Airia demanda : « Mais pourquoi n’as-tu révélé ton secret à personne auparavant ? »
« J’avais l’impression qu’il n’y avait aucune raison de… »
L’expression d’Airia devint sérieuse et elle s’adressa à moi non pas comme mon amoureuse, mais comme le vice-roi de la ville : « La ville que j’ai vue dans ton paysage mental était remplie d’innombrables tours extrêmement hautes. Il est clair que le monde dans lequel tu as vécu était bien plus avancé que Meraldia. »
« En effet. Les nations de notre monde avaient dépassé le niveau de progrès technologique de Meraldia et Wa il y a des siècles. »
Bien entendu, les pays de ce monde se trouvaient tous à des niveaux différents de progrès culturel et technologique, mais aucun d’entre eux n’était proche de la Terre moderne. Rolmund était cependant à l’aube d’une version magique de la révolution industrielle, ce qui me rendait anxieux pour l’avenir.
« Si tu possèdes des connaissances provenant d’un monde aussi avancé, ne pourrais-tu pas les transmettre à l’armée des démons et les rendre encore plus fortes ? » demanda Airia.
« Eh bien, en fait… »
Quelqu’un a déjà commencé à le faire, des décennies avant moi. Hé, Friedensrichter, je parie que c’était assez difficile d’apporter la technologie moderne à ce monde. Mais je parie que c’était aussi très amusant.
J’avais expliqué à Airia que le précédent Seigneur-Démon faisait déjà cela au moment où j’avais rejoint l’armée. Techniquement, il s’agissait d’informations classifiées, mais en tant qu’ambassadrice démoniaque, Airia avait le grade honoraire de commandant.
« En fin de compte, il m’avait battu et dépassé de bout en bout, alors j’ai décidé que la meilleure chose que je pouvais faire était de donner tout mon soutien au vieux Seigneur-Démon. »
« Cela te ressemble tellement, Veight. »
Qu’est-ce que c’est censé vouloir dire ? Bon, peu importe, si elle est heureuse, alors je suis heureux. Honnêtement, j’étais soulagé qu’Airia accepte tout cela sans problème. J’étais assez nerveux à l’idée de révéler mon secret à qui que ce soit, car normalement, on penserait que quelqu’un prétendant avoir des souvenirs d’une vie antérieure serait fou. Si quelqu’un du Japon m’avait dit : « Dans ma vie passée, j’étais un loup-garou ! J’ai vécu dans un pays appelé Meraldia ! » J’aurais certainement pensé qu’ils étaient fous.
Après quelques secondes, le doux sourire d’Airia disparut soudainement. « J’imagine que tu dois trouver les gens de ce monde non civilisés et barbares. »
« Hein ? »
« Est-ce que la raison pour laquelle tu semblais si peu intéressé par la romance avant était parce que… »
« Oh non, certainement pas ! » J’avais fermement réfuté les propos d’Airia. « Peu importe le degré d’avancée des civilisations, le cœur des gens reste le même. En fait, personne que j’ai rencontré dans mon ancienne vie n’était aussi gentil et aussi pur de cœur que toi, Airia. »
Il y avait probablement des gens aussi gentils qu’Airia sur Terre, mais je n’en ai jamais vu aucun, probablement parce que tout le monde autour de moi avait tellement de choses à faire à tout moment.
« Je t’aime, mais je te fais aussi confiance et te respecte, Airia. »
Au contraire, j’étais probablement tombé amoureux d’Airia parce que je la respectais en tant que personne.
« C’est pourquoi, euh… »
Bon sang, je trébuche encore sur mes mots.
« Ce que je veux dire, c’est euh… »
Merde, qu’est-ce que je voulais dire encore ? Incapable de trouver les mots justes, j’avais décidé de revenir à l’essentiel.
« Le fait est que je t’aime vraiment. »
Mon Dieu, je suis aussi éloquent qu’un enfant d’âge préscolaire. Malgré la maladresse de ma confession, Airia sourit.
« Merci, Veight. Je t’aime aussi. »
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merci pour le chapitre