Jinrou e no Tensei – Tome 16– Chapitre 16 – Partie 12

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Chapitre 16

Partie 12

J’étais entré dans la tente de commandement pour vérifier tous les émetteurs-récepteurs. Comme chacun était jumelé à deux autres, un ici et un dans l’autre camp, je pouvais approximativement trianguler la position de chaque équipe grâce à la puissance des ondes de mana captées. Ce n’était pas aussi précis qu’un GPS par satellite, mais c’était le mieux que nous pouvions faire dans ce monde.

« Oh, voyons, pourquoi une des équipes se précipite-t-elle en avant… ? » L’équipe qui s’avançait au-delà de sa zone assignée était la même équipe de fidèles de Shumar qui était revenue la veille. Elle était composée de roturiers désespérés d’attirer l’attention de leur prince. Je les surveillais particulièrement, car je me doutais qu’ils feraient quelque chose comme ça, et je ne m’étais pas trompé.

« Monza. »

« Oui ? » Monza surgit de l’ombre et s’approcha de moi.

« Envoie deux loups-garous rappeler l’équipe 11 », dis-je en fronçant les sourcils. « Ils ont quitté la forêt et sont entrés dans les terres désolées. »

« Pourquoi ? On ne devait pas les envoyer là-bas demain, de toute façon ? »

« Parce qu’ils y sont allés seuls. En plus, ce sont tous des civils. C’est trop dangereux pour eux sans escorte. »

L’un des plus âgés de l’équipe était un ancien soldat, mais les autres n’avaient aucune expérience du combat. Ils risquaient de se retrouver coincés là-bas.

« Ramenez-les ici au plus vite. C’est la deuxième fois qu’ils désobéissent aux ordres, alors dite à vos hommes qu’ils peuvent se montrer fermes si nécessaire. »

« Attends, vraiment ?! »

Monza semblait prête à partir à la chasse, alors j’avais tendu la main et je lui avais dit : « Attends. Tu ne comptes pas y aller toi-même, quand même ?! »

« Mais, chef… enfin, ancien, tu pars toujours seul. »

« D’accord, tu as raison, mais… »

Un chef ne devrait pas partir seul. Tu me rappelles moi-même. Malgré mes réticences, j’avais fini par envoyer Monza en éclaireur. Sans elle, les deux survivants de l’équipe 11 n’auraient pas non plus survécu.

Quelques heures plus tard, Monza revint avec le jeune archiviste et le vieux soldat. Vu la date à laquelle il avait commencé à travailler au palais, je supposai que le vieil homme était un ancien serviteur de Zagar gracié. Il était livide et peinait à garder son sang-froid.

« Je ne les ai vus que de loin… Un seul homme a tué les autres. À mains nues, en plus. Kushum et les autres étaient armés, mais leurs armes n’ont même pas… »

D’après le récit du vieil homme, le reste de l’équipe était parti en avant pendant que l’archiviste notait les relevés du manamètre. Les équipes inexpérimentées commettaient souvent l’erreur de se séparer ainsi. Quoi qu’il en soit, ceux qui étaient partis furent tués par un homme mystérieux surgi de nulle part. « Il a juste balancé son bras et les a tous tranchés comme s’il maniait une épée. »

Ça ne me plaît pas du tout… Le vieil homme et l’archiviste s’étaient immédiatement cachés et, heureusement, il semblait que ce mystérieux individu n’ait pas les sens aiguisés d’un loup-garou. Cependant, la peur les avait désorientés et ils s’étaient perdus pendant leur retraite. Monza était apparue juste avant qu’ils ne commettent l’erreur monumentale de retourner dans les Terres désolées et les avait traînés jusqu’ici.

« Je vois, c’est donc ce qui s’est passé. Eh bien, je suis content que vous soyez encore en vie. C’est malheureux ce qui est arrivé à vos amis, mais… »

Le jeune archiviste secoua la tête, les larmes ruisselant sur ses joues. « Non… C’est notre faute. Si seulement nous avions obéi aux ordres… »

Eh bien, pourvu que vous ayez retenu la leçon. Je posai une main sur son épaule et dis : « L’important, c’est que tu aies survécu. Tu peux maintenant mettre à profit ce que tu as appris. »

Est-ce que je commence à ressembler à un de ces vieux qui donnent des conseils aux jeunes ? Je suppose que je suis vieux, mais quand même…

Je me retournai vers les autres et dis : « Nous suspendons l’enquête. Vu la chute brutale de mana à l’endroit où ils ont été vus pour la dernière fois, ces hommes ont probablement rencontré un Valkaan. Rappelez toutes les équipes, nous quittons cet endroit. »

« Oui, monsieur. »

Un silence gêné s’installa lorsque je prononçai le mot Valkaan. L’armée démoniaque et les habitants de Kuwol savaient à quel point ils pouvaient être redoutables. Malheureusement, avant que toutes les équipes ne soient rappelées, le manamètre sur mon bureau se mit à vibrer de façon erratique.

« Le mana dans la zone commence à s’épuiser… »

« C’est exactement comme ce qui s’est passé dans ce désert, Seigneur Veight », dit le jeune archiviste en pâlissant. « C’est descendu presque à zéro, puis c’est remonté d’un coup. »

J’avais empoigné mon fusil, Ryuuga, et vérifié une dernière fois qu’il était chargé.

« Quelqu’un siphonne tout le mana des environs », avais-je affirmé. « Mais dès que cette personne se montrera, le manamètre va s’emballer, car la densité de mana dans la zone va remonter en flèche. »

« E-Est-ce que ça veut dire… ? »

À présent, tout le monde semblait effrayé, même les loups-garous et les chats-garous.

Je leur avais adressé un sourire confiant et j’ai dit : « Ne vous inquiétez pas. Même si nous sommes face à un Valkaan, je peux au moins gagner le temps nécessaire pour vous échapper. Restez calmes. Continuez simplement à préparer les bagages et soyez prêt à partir. »

En réalité, je ne pourrais probablement gagner que quelques secondes contre un… Valkaan. Je n’avais réussi à vaincre Arshes que parce que Friedensrichter l’avait grièvement blessé. Si le Héros avait été à pleine puissance, il m’aurait tué, ainsi que tous les gardes de Friedensrichter, en quelques secondes. Tous mes tours de magie étaient inutiles face à un adversaire possédant des centaines de fois plus de mana que moi. Pourtant, ici, tout le monde croyait que Veight le Tueur de Héros — Veight, le légendaire Roi Loup-garou Noir — pouvait venir à bout même d’un Valkaan. S’ils ne paniquaient pas, c’était uniquement grâce à ma présence, même si je refusais de l’admettre. Je ne pouvais pas leur dire que je ne tiendrais probablement que quelques secondes face à un Valkaan. Je devais les rassurer, sinon ils succomberaient à la peur.

Le problème, c’est que je ne pouvais pas gagner le temps que je prétendais pouvoir gagner.

Alors que je cherchais une solution, une idée me vint soudain. Si je n’avais besoin que de gagner du temps, je pouvais servir d’appât. Je pourrais attirer le Valkaan loin de la zone de repli, car il poursuivrait probablement la personne possédant le plus de mana. Bien sûr, une fois qu’il m’aurait rattrapé, je mourrais, mais cela donnerait aux autres le temps de s’échapper. Shumar, Parker et Friede s’occuperaient sûrement du reste.

Meraldia avait encore Gomoviroa et pouvait utiliser son pouvoir de vortex pour drainer le mana du Valkaan. La situation n’était pas totalement désespérée. Mais si nous étions tous anéantis ici, il ne resterait plus personne pour avertir le reste du monde et lui donner le temps de se préparer.

Très bien, je suppose que je vais mourir. En fredonnant, je pris Ryuuga sur mon épaule et me dirigeai vers la sortie de la tente.

« Nous ne pouvons pas laisser le Valkaan trouver cette base, alors je vais le distraire. Repliez-vous en attendant. »

« O-Oui, monsieur ! » répondirent-ils tous en saluant. Si Monza avait été là, elle aurait insisté pour venir avec moi, mais heureusement, elle était occupée à gérer l’escouade de loups-garous. Parker, lui aussi, s’affairait à envoyer des esprits dans tous les sens pour recueillir un maximum d’informations. Friede était toujours là, cependant, et elle sentait que quelque chose clochait.

« Papa… »

« Hmm ? »

Après quelques secondes, elle se mordit la lèvre et secoua la tête, ne disant pas ce qu’elle voulait dire. « Laisse tomber, ce n’est rien. Ne meurs pas, papa. »

« Tout ira bien », la rassurai-je.

Désolé de t’avoir menti. Maintenant que j’y pense, c’est la première fois que je te mens, hein ? Mais je dois te protéger, même si ça signifie ne pas te dire la vérité. C’est le seul mensonge que je te dirai, alors pardonne-moi. Le sacrifice d’un père pour sa fille était un thème récurrent dans les jeux et les mangas, mais je n’aurais jamais cru faire la même chose un jour. « Professeur ! » cria Shumar en se précipitant dans la tente.

« Attendez, Votre Altesse ! On nous a ordonné de… »

« J’ai dit attends, imbécile ! » Tiriya accourut à sa suite et tenta de l’entraîner dehors, mais Shumar était plus fort.

Je leur souris et dis : « Je ne savais pas que vous étiez encore là. Ce camp va bientôt se transformer en champ de bataille, vous devez partir tant que vous le pouvez. »

« Je ne peux pas vous laisser risquer votre vie pour nous, Professeur ! » s’écria Shumar, les larmes aux yeux.

Je lui caressai doucement la tête et dis : « C’est le devoir d’un professeur de faire tout son possible pour ses élèves. »

« Mais nous en sommes là uniquement à cause de l’erreur de mes hommes ! C’est moi qui devrais en porter la responsabilité ! »

« Peut-être. Mais vous êtes aussi l’avenir de votre nation. Vous ne pouvez pas perdre la vie ici. C’est l’une de vos responsabilités, et j’ai aussi une obligation à remplir. » Le poids des responsabilités était lourd, mais il était encore plus douloureux de les perdre, et c’est pourquoi je devais agir ainsi.

Je m’étais tourné vers Tiriya.

« Tiriya, veille bien sur le prince. Elmersia trouvera une solution à cette crise. Ne t’inquiète pas. »

« Compris. Allons-y, Votre Altesse. »

« … D’accord. »

Oh, mince, j’avais presque oublié.

« Friede, accompagne le prince. N’oublie pas, tu es aussi la fille du Seigneur-Démon. Tu ne peux pas te permettre de mourir dans un endroit pareil. »

« Eh bien, tu es aussi son second, papa ! »

« Un second, c’est personne. N’importe qui peut le remplacer. » J’avais poussé les enfants hors de la tente. « De toute façon, vous ne ferez que me gêner si vous restez. Nous combattrons ensemble quand vous serez plus forts, mais pour l’instant, laissez-moi faire. »

« P-Papa ?! » Je savais que c’était probablement la dernière fois que je verrais Friede. Je ne m’y attendais certainement pas ce matin, mais les adieux sont toujours soudains. Ma dernière mort l’avait été aussi, tout comme celle de Friedensrichter. Au moins, cette fois, j’avais l’occasion de lui dire adieu.

J’avais souri à Friede et lui avais dit : « Friede, je suis plus fier de toi que tu ne peux l’imaginer. Tu n’as plus besoin de mon aide pour réussir dans la vie. Je sais que tu peux surmonter tout ce qui t’arrivera. »

C’était vraiment rassurant de savoir que je pouvais compter sur quelqu’un. Friedensrichter avait probablement ressenti la même chose en mourant.

Avant de regretter ma décision, j’avais sauté hors de la tente. Le soleil disparaissait à l’horizon et j’ai réalisé, comme par magie, que ce serait peut-être le dernier coucher de soleil que je verrais. Au moins, il est magnifique.

Je m’étais retourné vers les autres et j’avais crié : « Courez toute la nuit s’il le faut ! Vous devez rejoindre le versant nord du Mont Kayankaka aussi vite que possible ! Une fois, sur place, quelqu’un d’autre s’occupera de tout, alors ne pensez à rien d’autre et courez ! »

Je lançai alors un sort de renforcement sur mes jambes et me précipitai dans la forêt sombre.

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Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

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