Chapitre 15
Partie 29
Les serviteurs de Ryuunie échangèrent un regard inquiet, et l’un d’eux dit : « Je donnerais volontiers ma vie pour vous ou pour Lord Woroy, mais je veux protéger nos femmes et nos enfants. Seront-ils vraiment tous en sécurité dans l’arène ? »
Ryuunie n’avait pas non plus la réponse à cette question. L’armée démoniaque s’était engagée à donner la priorité à la protection des civils, mais il ignorait s’ils seraient vraiment capables de gérer un dragon. Tout le monde est plus inquiet que je ne le pensais… Tous ceux qui servaient la famille Doneiks étaient ceux que Woroy avait rassemblés lors de ses voyages à travers Meraldia. C’étaient tous des hommes courageux et loyaux, mais même eux semblaient inquiets face à la bataille à venir. Plus jeune et bien moins expérimenté qu’eux, Ryuunie ne savait pas comment apaiser leurs craintes. Mais il se souvint alors d’une phrase de son défunt père, Ivan : Les hommes courageux se rassemblent sous la conduite de chefs courageux. C’est pourquoi les hommes de la famille Doneiks doivent tous être courageux.
Tu avais raison, père. Ravivant sa détermination, Ryuunie leva les yeux vers ses serviteurs. D’une voix pleine d’assurance, il dit : « J’ai confiance en Veight pour nous protéger. J’ai donc aussi besoin de votre confiance. Pour survivre à cette bataille, j’ai besoin de la force de tous. »
« Jeune Maître… » Les larmes montèrent aux yeux des vieux serviteurs.
Après quelques secondes, l’un d’eux dit : « Notre jeune Seigneur a raison, ce n’est pas le moment de trembler de peur. Il risque sa vie pour l’avenir de Meraldia. À quoi bon si nous ne pouvons pas faire de même ? »
« Tu l’as dit. Tu te souviens de cette bataille contre les squelettes, il y a des années ? »
« Oui, à l’époque où nous construisions cette ville. Quand j’ai vu le nombre de morts-vivants qui arrivaient, j’ai cru que nous étions perdus. »
« Mais Lord Woroy, Lord Barnack et Lord Veight nous ont protégés. C’est l’occasion de leur rendre la pareille ! »
« Voilà de quoi je parle ! »
En quelques secondes, l’atmosphère dans la pièce passa de la peur à la détermination.
« Comparé à une horde de squelettes, un seul dragon n’est rien. De toute façon, on ne va même pas le combattre, notre boulot, c’est juste de maintenir l’ordre. »
« Hahaha, ça fait si longtemps qu’on ne s’est pas battus. On est vraiment devenus des lâches, pas vrai ? »
Ryuunie poussa un soupir de soulagement, content d’avoir réussi à garder le moral.
Juste à ce moment, Woroy entra dans la pièce et dit : « Oh, on dirait que tout le monde est motivé ici ! »
Bien qu’il ait pris sa retraite de vice-roi, Woroy était toujours vénéré comme le héros de la ville. Tout le monde le salua à son entrée.
« Seigneur Woroy, vous êtes de retour ! »
« Je viens de rentrer, oui. Et arrêtez d’appeler Ryuunie jeune Seigneur. C’est le vice-roi officiel de Doneiks maintenant, et un adulte. De plus, il a toujours été le véritable héritier du nom de famille, je l’ai conservé jusqu’à sa majorité. Adressez-vous à lui comme vous vous adresseriez à moi. »
« O-Oui, monsieur ! »
Il semblerait que Woroy écoutait la conversation depuis un moment. À première vue, il semblait du genre à se moquer des détails comme les rangs et les noms, mais il était en réalité très pointilleux sur les convenances.
J’ai encore un long chemin à parcourir avant de pouvoir unir les gens comme Tonton… pensa Ryuunie. Remarquant le regard de Ryuunie, Woroy se tourna vers lui et dit : « Les renforts de Rolmund sont presque là ! Un de leurs chefs fait aussi partie de leur groupe ! »
« Qui ont-ils envoyé ? »
Tout le monde avait complètement oublié sa peur du dragon et se pencha vers Woroy avec curiosité.
« Vous voulez savoir ? » demanda Woroy avec un sourire. Une seconde plus tard, une jeune fille ouvrit brusquement la porte de la chambre de Ryuunie et entra à grands pas.
« Ce serait moi ! La princesse héritière de Rolmund, Micha Wikran Originia Rolmund ! »
« Princesse Micha ?! » s’écria Ryuunie, surprise.
Micha était la fille de la sœur d’Eleora, ce qui faisait d’elle la cousine éloignée de Ryuunie.
Elle regarda la pièce avec un sourire, puis, les mains sur les hanches, dit : « Je suis venue ici personnellement pour protéger notre pays allié de Meraldia, et la cité bâtie par mes estimés cousins. Il est temps de voir à quel point les fidèles serviteurs de la famille Doneiks sont compétents. »
« D’accord… » dit Ryuunie, surprise par l’attitude autoritaire de Micha.
« La princesse héritière de Rolmund en personne est là ?! » s’exclama l’un des hommes de Ryuunie, se remettant de son choc.
« Oh mon Dieu ! »
« Veillez à ne rien faire qui puisse nuire à notre jeune… enfin, à notre seigneur ! »
« Oui, il est temps de montrer à quel point ses serviteurs sont fiables ! » Les hommes de Ryuunie se mirent rapidement au travail, plus motivés que jamais.
Micha hocha la tête en signe d’approbation, puis se tourna vers Ryuunie.
« J’ai apporté les dernières armes de Rolmund, Ryuunie. Je ne sais pas comment m’en servir, mais n’hésite pas à en profiter pour renforcer les défenses de la ville. »
« Merci, Micha. »
Micha jeta un coup d’œil autour d’elle, comme si elle cherchait quelque chose.
« Euh… où est Friede ? » demanda-t-elle.
« Elle est en pleine mission. Elle devrait bientôt revenir. En attendant, nous devrions terminer nos préparatifs. Je t’emmène là où les canons sont en cours d’installation. »
Ryuunie ordonna à l’un de ses serviteurs de préparer un chariot.
Le groupe pour tuer le dragon avait établi son campement non loin de la ville, dans une plaine dégagée offrant une bonne visibilité. Les troupes de Wa et l’armée démoniaque travaillaient ensemble à la construction de toutes les fortifications possibles.
« Ici ! C’est par ce creux qu’on va piéger le dragon et l’abattre ! Assurez-vous que tous les canons soient braqués sur cet endroit ! » cria Fumino du fond d’une petite dépression. C’était l’une des meilleures utilisatrices de magie de prédiction de Wa, mais même elle ne pouvait voir que quelques minutes dans le meilleur des cas, elle n’avait donc pas encore d’idée précise de l’endroit où le dragon apparaîtrait.
Les loups-garous commencèrent à déplacer les canons conformément à ses instructions. Les frères Garney et leurs fils firent le gros du travail.
« Pointez ces gros tas de métal vers l’endroit où se tient Fumino ! »
« Compris ! Aller ! »
Alors qu’ils commençaient à pousser, des canonniers de Wa accoururent pour les arrêter.
« Attendez, attendez ! Ne bougez pas juste le canon, vous allez le casser ! »
« Il faut déplacer le socle avec ! »
Garbert et Nibert échangèrent un regard.
« Pourquoi ? »
« Ce n’est pas comme si la base faisait quoi que ce soit, n’est-ce pas ? »
À ces mots, leurs fils intervinrent.
« Fais ce qu’on te dit, papa ! »
« Ouais ! Tu te souviens de ce qu’a dit le professeur Veight ? Ce sont eux qui ont toutes les connaissances spéciales, alors on doit suivre leurs instructions ! »
« C’est parce que tu n’écoutes pas que maman est toujours en colère contre toi ! »
Garbert et Nibert se grattèrent la tête, gênés, tandis que leurs fils adolescents les grondaient.
« Mon Dieu, vous, les morveux, vous devriez vraiment apprendre à respecter vos aînés. »
« Et puis, même si les bases se brisent, on pourra simplement transporter les canons là où ils doivent aller. »
Leurs fils continuèrent, imperturbables.
« Tu es stupide, papa ? Le recul va t’envoyer valser ! »
« Ouais ! Tu vas encore te casser le dos si tu fais ça ! »
« Vous n’êtes plus jeunes, ni l’un ni l’autre ! »
Garbert et Nibert échangèrent un nouveau regard. « Mon Dieu, quelle galère… »
« Hé, au moins, ils sont plus intelligents que leurs parents, mon pote. »
« C’est vrai. Wahahahaha ! »
Ils rirent ensemble. Pendant ce temps, un autre groupe de loups-garous transformés empilait de la terre pour former une digue.
Michael les regarda et demanda : « Hé, Ryuunie, est-ce qu’une digue va pouvoir arrêter le dragon ? »
« Pas du tout. Mais si on peut se cacher derrière, le dragon ciblera les personnes qu’il voit en premier. La plupart des vrais canonniers sont humains, et ils n’ont pas les réflexes de s’écarter à temps s’il les poursuit. »
D’une voix sévère, Micha demanda : « Mais tu vas quand même déployer des équipes humaines, même si ce sont elles qui courent le plus grand risque ? »
L’expression de Ryuunie devint sombre et il répondit : « Les loups-garous ne savent pas se servir des canons, et nous avons besoin de magie de prédiction pour viser correctement. Quel que soit le danger, nous avons besoin d’humains, sinon ce plan échouera. »
« Je vois… » Micha hocha la tête, compréhensive. « Dans ce cas, je commanderai les soldats de Rolmund ici, depuis le front. »
« C’est bien trop dangereux ! Prends au moins le commandement depuis la sécurité de l’arène ! » Ryuunie ne pouvait pas permettre à une princesse étrangère de se mettre en danger sur le sol de Meraldia.
Mais Micha lança à Ryuunie un regard noir et dit : « Je reste ici. »
« Pourquoi ?! »
« Parce que je veux être là quand le dragon tombera. »
Ils continuèrent à discuter un moment, jusqu’à ce que leurs assistants respectifs interviennent pour servir de médiateurs.
* * * *
À cet instant, je traversais la plus grande crise de ma vie. J’ai tellement sommeil…
« Graaaaaaaaah ! »
J’affrontais ce dragon depuis trois jours. Pendant tout ce temps, il avait continué exactement le même schéma : griffe droite, crocs, griffe droite, griffe gauche pour attaquer. Cependant, de temps en temps, il tentait une attaque-surprise aléatoire, ce qui m’empêchait de me désintéresser complètement.
« Ne devrais-tu pas aussi être fatigué ? » demandai-je, sachant que je n’obtiendrais pas de réponse.
Comme prévu, le dragon continua d’attaquer. Cette fois, il me baigna dans son souffle de mana. Son souffle était une source d’énergie importante pour moi. C’est grâce à ça que je pouvais constamment reconstituer mes réserves de mana et continuer à utiliser la magie de renforcement aussi longtemps. J’utilisais aussi la magie de renforcement pour combattre l’épuisement et les douleurs musculaires, donc tant que mon mana ne s’épuisait pas, je pouvais techniquement continuer à me battre indéfiniment sans repos. Même si je parvenais à me débarrasser de ma fatigue physique, mon désir de dormir persistait. C’était comme une perfusion qui vous hydrate, mais qui vous donne toujours la gorge sèche.
« À bien y penser, un des livres du Maître contenait un chapitre sur un type qui avait utilisé la magie de renforcement pour se battre pendant des siècles sans dormir », murmurai-je. Ce type a réussi à tenir bon pendant, quoi, un mois ?
À la fin du chapitre, l’auteur ajoutait une note de bas de page disant : Ce n’est pas pour ça que j’ai étudié la magie de renforcement, et qualifiait l’expérience d’inutile. Je comprenais maintenant pourquoi il n’avait pas pris la peine de faire des recherches supplémentaires sur le combat continu. Je ne faisais ça que depuis trois jours, et j’en avais déjà assez. Malheureusement, le dragon était encore plein d’énergie.
« Graaaaaaaaaaaaaaah ! »
Le dragon me frappa de sa queue, m’offrant un précieux moment de repos. Je m’accroupis et fermai les yeux, profitant d’une seconde et demie de sommeil. Ces vieux os auraient préféré dix secondes de repos à la fois, mais malheureusement, le dragon n’était pas si lent.
« Bon, bon, la pause est finie. »
J’esquivai consciencieusement l’attaque de griffes qui suivit. Je limitais mes mouvements au maximum pour économiser de l’énergie, mais je préparais aussi des imprévus au cas où je serais touché, car subir une de ces attaques sans défense me tuerait instantanément. On aurait pu croire que cette créature en aurait assez d’essayer de me tuer.
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merci pour le chapitre