Chapitre 12 : La mélancolie d’une servante
Point de vue d’Eliza
Je m’appelle Eliza.
J’étais une servante de la maison Maxwell, le chef des nobles de la province orientale. J’étais plus précisément la servante personnelle de Dyngir Maxwell, le prochain en lice pour être maréchal.
« Alors, je sors. Je serai de retour en fin de journée. »
« Très bien. Prenez soin de vous, jeune maître. », avais-je dit au jeune maître qui partait tout en m’inclinant profondément.
J’étais restée inclinée tant que la calèche du jeune maître était visible, puis j’avais finalement levé la tête après que celle-ci avait tourné au coin et disparu.
En tant que servante de la maison du Maréchal Maxwell, et en tant que servante du jeune maître, j’avais toujours veillé à ce que ma conduite soit impeccable.
« Le jeune maître est encore sorti quelque part aujourd’hui… »
Une de mes préoccupations récentes était que le jeune maître quittait le manoir plus fréquemment que d’habitude. Il rentrait souvent tard et passait aussi parfois la nuit dehors.
J’avais aussi l’impression qu’il recherchait moins souvent notre compagnie qu’auparavant… mais je n’étais certainement pas mécontente. Au contraire, j’étais honnêtement soulagée qu’il ne me fasse pas l’amour jusqu’à ce que je m’évanouisse… mais laissons cela de côté.
« Sakuya, tu es là. »
« Bien sûr, Mlle Eliza. »
J’avais appelé le nom de Sakuya et celle-ci apparu de nulle part derrière moi.
Sa présence était comme d’habitude difficile à détecter. On pouvait à peine entendre ses pas lorsqu’elle marchait. Je me demande quel genre de travail elle faisait avant de servir au manoir des Maxwell.
« Il y a des choses anormales dans le comportement du jeune maître ces derniers temps. Il est possible que… »
« Une nouvelle femme ? »
Sakuya partageait apparemment ma prédiction.
Je lui avais fait un signe de tête et j’avais continué.
« Si tu le penses aussi, alors tu sais sûrement ce que je veux dire. »
« S’il te plaît, laisse-moi faire. Le travail dans l’ombre est après tout ma spécialité. »
Au moment où elle avait fini de parler, Sakuya s’était volatilisée.
J’avais regardé autour de moi pour voir où elle était passée et je l’avais trouvée en train de courir à toute vitesse sur les murs du manoir, tout en retenant à deux mains la jupe de son uniforme de femme de chambre.
« Ses mouvements sont comme toujours incroyables… franchement, qui pouvait bien être cette fille… ? »
Sakuya avait été amenée au manoir par le jeune maître il y a environ trois ans. À son arrivée, elle avait déjà reçu « l’initiation » du jeune maître.
Seul le jeune maître savait ce qu’elle faisait avant.
Elle était nulle pour le nettoyage ou la lessive, mais était exceptionnellement douée avec les lames.
Elle connaissait aussi très bien le poison.
Elle avait également attrapé un voleur qui s’était introduit dans le manoir une fois, en utilisant des techniques de combat bizarres.
Elle faisait probablement un travail très particulier… mais il n’était pas convenable de fouiller dans le passé de quelqu’un, non ?
« Eh bien… je dois aussi faire les tâches ménagères de Sakuya aujourd’hui. »
J’étais retournée à l’intérieur du manoir et j’avais repris mes fonctions de femme de chambre.
« Le nom de la femme est Shana Salazar ? »
« Oui, il semblerait qu’elle soit la nouvelle amante du Seigneur Dyngir. »
Sakuya était rentrée dans la soirée. Je n’avais même pas entendu la porte s’ouvrir, et pourtant elle se tenait soudainement derrière moi : j’étais si surprise que j’avais crié.
Elle avait accompli son travail avec succès : Sakuya me fit un rapport détaillé sur la nouvelle amante du jeune maître.
« Je vois, une tueuse engagée par l’Empire… c’est dangereux. »
« Oui. Elle vit actuellement dans l’autre résidence du seigneur Dyngir. »
Le jeune maître possédait une résidence exclusivement pour lui dans le territoire de Maxwell, qu’il utilisait pour loger ses subordonnés directs. Les femmes qu’il ne pouvait pas amener au manoir des Maxwell y vivaient également, Shana était donc devenue un nouveau membre de ce groupe.
« Devrais-je me débarrasser d’elle ? Elle semble être une guerrière compétente, mais il ne devrait pas être impossible de l’empoisonner. »
Sakuya proposa avec désinvolture une contre-mesure très agressive, mais j’avais secoué la tête.
« Non, ne le fais pas. Voyons comment la situation évolue pour l’instant. »
« … Tu es vraiment sûr ? »
Sakuya était toujours aussi inexpressive, mais sa voix me disait qu’elle était un peu mécontente.
« Oui, ce n’est pas un problème pour moi si le jeune maître a une autre femme. Tant qu’elle ne lui pose pas de problème, bien sûr. »
Afin d’éviter tout malentendu, permettez-moi de dire que je n’enquête pas sur les relations du jeune maître avec les femmes par jalousie.
Sakuya et moi étions aussi les amantes du jeune maître, mais certainement pas ses épouses. Même si le jeune maître commençait à avoir des relations avec d’autres femmes, nous n’avions pas le droit de l’accuser de quoi que ce soit.
La seule raison pour laquelle je veillais à ce que toutes les femmes qui approchaient le jeune maître fassent l’objet d’une enquête approfondie était de confirmer si elles étaient dangereuses pour lui.
« Le jeune maître n’est pas toujours prudent lorsqu’il a affaire aux femmes, ou plutôt, il y a des ouvertures dans sa garde lorsqu’il le fait. Nous devons donc le soutenir dans l’ombre. »
Je m’étais rappelé des souvenirs du passé et j’avais continué.
Notre jeune maître était rusé et intelligent, mais il pouvait être naïf lorsqu’il s’agissait de femmes.
Il n’avait apparemment pas remarqué que Dame Selena le trompait, il pourrait donc finir par être trompé par une femme peu recommandable.
Jusqu’à présent, Sakuya et moi avions neutralisé plusieurs femmes qui avaient tenté de se rapprocher du jeune maître dans le but de prendre le contrôle de l’autorité ou des finances de la maison Maxwell.
« D’après le rapport, je ne pense pas que Mme Shana deviendra une menace pour le jeune maître. Elle semble être du type guerrier, quelqu’un qui ne trompe pas les autres. S’ils se battent en un contre un, le jeune maître ne sera jamais vaincu, même s’il se retient à cause de sa beauté. »
« En effet. Même si elle est une assassin, je suis sûr que le Seigneur Dyngir s’en sortira. Je n’ai après tout pas pu le tuer, donc je doute qu’un autre assassin le puisse. »
« … »
Je crois bien avoir entendu quelque chose d’absolument impardonnable, mais je suppose que je devrais faire semblant de ne pas l’avoir entendu, non ?
.… oui, je le devrais vraiment. Poser d’autres questions pourrait conduire à des développements terrifiants…
« Eh bien, dans tous les cas… nous ne devrions bouger que pour empêcher le jeune maître de se faire piéger par les pots de miel. Laissons Shana tranquille pour l’instant. »
« Compris. Oh, au fait, Mlle Eliza. J’ai une bonne technique pour séduire le Seigneur Dyngir, puisque les contacts se sont faits un peu rares ces derniers temps. »
« Eh ? »
« S’il te plaît, écoute. D’abord, tu dois enlever tes vêtements, puis t’asseoir, les jambes serrées. Ensuite, tu prends un verre et… »
Alors que Sakuya m’enseignait ses mystérieuses techniques orientales, j’avais attendu le retour de mon maître bien-aimé une fois de plus aujourd’hui.
Incidemment, la nouvelle technique de Sakuya avait réussi au-delà de toute attente : cette nuit-là, nous avions toutes les deux été aimées jusqu’à l’épuisement pour la première fois depuis un bon moment. Mais ceci est une autre histoire…
merci pour le chapitre