Je suis le Seigneur maléfique d’un empire intergalactique ! – Tome 7 – Chapitre 9

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Chapitre 9 : Une querelle de famille

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Chapitre 9 : Une querelle de famille

Partie 1

Sur la planète capitale, Calvin tenait une réunion. Le sujet de discussion était le chaos actuel dans la maison Banfield. Les nobles de la faction de Calvin ne pouvaient pas cacher leur excitation face à la disparition de Liam.

Le Guide, toujours sous sa forme réduite de chapeau, observait leur rencontre depuis l’ombre.

« C’est l’heure de passer à l’action ! » s’exclama-t-il. « Avec mon aide, vous pouvez saccager le domaine de Liam autant que vous le voulez ! »

Le Guide les encourageait en coulisses, sans se soucier de l’impression de désespoir qu’il donnait à ses propres oreilles. Les nobles n’avaient pas entendu ses commentaires, mais leur regard changea.

« Votre Altesse, c’est une opportunité en or. Nous devrions attaquer le domaine de Liam avec tout ce que nous avons ! Si nous le faisons, nous gagnerons sûrement ! »

Ses alliés commençaient à s’énerver, mais Calvin était toujours aussi calme. « Nous prêterons main-forte à tous ceux qui veulent agir rapidement. Mais nous ne ferons aucun mouvement nous-mêmes. »

Les nobles avaient réagi avec surprise aux paroles de Calvin.

« Nous ne le ferons pas ? Pourquoi ? »

« Quoi ? » s’écria le Guide. Calvin n’avait apparemment pas l’intention de profiter de l’opportunité qui s’offrait à lui, et dans l’état de faiblesse actuel du Guide, il ne pouvait pas manipuler l’homme.

Calvin parcourut calmement les rapports qui se trouvaient devant lui. « Il est difficile de croire que Liam ait pu se faire prendre de la sorte. S’il suffisait d’utiliser la magie d’invocation pour mettre la maison Banfield en émoi, nous n’aurions jamais eu autant de problèmes avec eux. Je dirais qu’il y a de fortes chances que ce soit un piège. »

Lorsque Calvin avait maintenu que la maison Banfield devait posséder des mesures contre l’invocation de la magie, le feu dans les yeux des nobles s’était éteint, et ils avaient retrouvé une certaine contenance.

« C’est vrai qu’il est possible que ce soit un piège, mais est-ce que la maison Banfield irait aussi loin ? Les choses sont vraiment en train de s’effondrer dans leur domaine. Êtes-vous sûr que nous ne devrions pas les frapper avec tout ce que nous avons maintenant ? »

Calvin était tout aussi conscient que les autres nobles de l’opportunité qui s’offrait à eux. Pourtant, il n’avait pas l’intention de s’impliquer dans la situation.

« Il n’est pas nécessaire de mettre les pieds dans le piège qu’il nous a tendu. S’il s’avère que ce n’est pas une ruse, le pouvoir de la maison Banfield s’affaiblira sans que nous intervenions. »

Les nobles s’échangèrent un regard.

« Même si Liam parvient à revenir, il faudra des années pour nettoyer le désordre dans lequel il reviendra. »

« Des décennies, dans le pire des cas. Peut-être même plus longtemps. »

« Il n’est pas nécessaire de s’impliquer. Nous devrions plutôt profiter de cette occasion pour augmenter notre propre force. »

Ils étaient tous d’accord avec Calvin.

Le guide n’était pas satisfait de la tournure des événements. « Battez-vous, lâches ! N’est-ce pas là votre grande chance ? Pourquoi vous dégonfler maintenant ? Je vous soutiens ici ! »

Le chapeau aux petits membres tapa furieusement des poings sur la table de réunion.

 

☆☆☆

 

« Nous sommes les successeurs légitimes de la maison Banfield ! Moi, Christiana Leta Rosebreia, j’exécuterai la volonté de Lord Liam ! Mort à quiconque s’opposera à nous ! »

« Nous, qui abritons Lady Rosetta, sommes les véritables successeurs de la maison Banfield ! Moi, Marie Sera Marian, je déclare ici et maintenant que tous ceux qui s’opposent à nous meurent ! »

Sur la planète d’origine de la maison Banfield, Claus s’était retrouvé à suer à grosses gouttes. Pour des raisons qui lui échappaient, il avait pris le commandement de la garde royale de la maison Banfield, et la force d’élite de Liam avait choisi de le suivre. Claus était bien conscient de sa médiocrité en tant que chevalier, aussi, sa situation était-elle franchement ridicule. Malgré tout, il aborda son travail avec sérieux, se concentrant du mieux qu’il pouvait sur les tâches qui l’attendaient. Bien que…

« Qu’est-ce que vous voulez dire, les deux plus fidèles serviteurs de Lord Liam l’ont trahi !? »

Tia et Marie étaient des figures centrales du corps des chevaliers de Liam. Claus savait à quel point elles étaient fortes, et Liam leur faisait manifestement confiance, malgré la façon dont il parlait d’elles.

Pourtant, en son absence, ces deux chevaliers s’étaient révoltés, chacun prétendant qu’il devait diriger les affaires en l’absence de Liam. Tia avait commencé à commander une flotte sans permission, tandis que Marie s’était emparée de Rosetta et avait commencé à rassembler des forces de sécurité et de défense pour soutenir sa cause.

« Je savais qu’elles ne s’entendaient pas, » murmura Claus, « mais je ne pensais pas qu’elles déclencheraient leurs propres révoltes. Qu’est-ce qu’elles pensent faire dans un moment pareil ? Sans parler de… »

La maison Banfield avait été inondée de visiteurs, dont la plupart essayaient d’exploiter l’absence de Liam pour en tirer profit d’une manière ou d’une autre.

« J’ai entendu dire que la maison Banfield était sans héritier. Je suis apparenté au chef de famille qui a précédé le précédent, alors j’ai pensé que je devais venir apporter toute l’aide dont je suis capable. »

« L’héritier doit venir de notre famille. La maison Astread était autrefois une branche de la maison Banfield. Les chefs de la faction du prince Cléo me soutiennent, alors j’exige d’être nommé chef permanent de la maison. »

« Je porte l’enfant de Lord Liam ! Ce bébé est le prochain chef de la maison Banfield ! »

Ces opportunistes les assaillaient de l’aube au crépuscule presque tous les jours, ne cherchant manifestement rien d’autre que la richesse et l’influence de la maison Banfield. Claus était la seule personne en mesure de s’occuper d’eux, bien qu’il ait d’autres tâches à accomplir. Pour ne rien arranger, des pirates de l’espace s’aventuraient constamment sur le territoire de la maison Banfield, et c’est également à Claus qu’il revenait de s’en occuper. Son estomac le faisait souffrir, et les deux meilleurs chevaliers qui auraient dû être ses alliés aggravaient ses nausées.

« Devons-nous exterminer chacun de ces traîtres, seigneur Claus ? », lui demanda l’un des siens.

« Seigneur Claus, si nous les tuons, vous deviendrez chevalier en chef à coup sûr ! »

« Maintenant que vous avez la garde royale et la force d’élite de votre côté, personne ne peut s’opposer à vous, Seigneur Claus ! »

Ses subordonnés au sang chaud essayaient de le promouvoir — et de le pousser à se battre contre Tia et Marie. Claus leur donna des ordres fermes, supportant désespérément la douleur dans son estomac.

« Maintenez le statu quo ! Nous devons protéger la planète d’origine jusqu’au retour de Lord Liam. »

Claus n’avait aucune envie d’exploiter cette crise pour prendre de l’avance. Il s’était contenté de veiller à ce que tout fonctionne bien. Mais ses subordonnés n’étaient pas satisfaits.

« Eh bien, si ce sont ses ordres, nous les suivrons… »

« Je pense toujours qu’on lui garantirait le rôle de chevalier en chef s’il mettait à profit cette situation. »

« Lord Claus est la seule personne qui protège la maison Banfield à présent. Ne devrait-il pas avoir plus de reconnaissance ? »

Ils se plaignaient surtout de la situation de Claus, et non de Claus lui-même. Pourtant, Claus était conscient de leurs sentiments, et ils le rendaient nerveux.

Ce n’est pas bon ! À ce rythme, mes hommes vont tout faire sauter et déclencher une guerre ! Seigneur Liam, revenez s’il vous plaît !

 

☆☆☆

 

Keith et les chevaliers qui avaient accompagné Isaac se comportaient comme si le manoir de la maison Banfield leur appartenait. Ils croyaient sincèrement qu’ils étaient les vrais chevaliers de la maison Banfield, puisqu’ils servaient la famille depuis des générations.

Ils se prélassaient dans un luxueux salon destiné aux hauts responsables de la famille, ouvrant des bouteilles d’alcool hors de prix pour les déguster comme si c’était leur droit. Les personnes qui s’étaient rapprochées de la nouvelle direction les rejoignaient dans le salon pour festoyer et boire. Il n’y avait pas que les trois représentants du gouvernement. Quelques-uns des domestiques humains du manoir, des serviteurs et même des militaires étaient venus. Cela montrait combien de personnes avaient rejoint la maison Banfield par ambition, et non par loyauté, au cours de la rapide ascension de Liam vers le succès.

Parmi les fêtards se trouvait l’un des espions de Calvin, ainsi qu’un agent d’un autre pays. Tous deux avaient pour but de jeter de l’huile sur le feu alors que la maison Banfield était en plein chaos. Keith était au courant de l’existence de ces agents, mais il les laissait tranquilles, tout simplement parce qu’ils coopéraient avec lui. Il pensait que leur aide pourrait lui permettre de redevenir le chevalier en chef de la maison Banfield.

En savourant un autre verre d’alcool coûteux, Keith réfléchit à l’état actuel de la maison Banfield. « Je suis impressionné par la croissance qu’ils ont réalisée au cours des cent dernières années. »

De belles femmes en robe et en uniforme de soubrette répondaient à ses moindres besoins. Malgré les compétences de Keith en tant que chevalier, son goût pour les femmes et l’alcool le désignait comme la pire espèce d’homme. Et il était fondamentalement un traître à la famille, il avait abandonné la maison Banfield quand Liam était jeune.

Comme on pouvait s’y attendre, les chevaliers qui servaient un tel homme étaient eux-mêmes de perfides ruffians. Ils avaient mis le manoir à sac, ramenant tous les trésors qu’ils avaient trouvés au salon et se les partageant.

« Regarde cette épée ! Cette chose est époustouflante ! »

« J’ai trouvé un chevalier mobile dernier cri dans le hangar. C’est mon engin personnel à partir de maintenant, compris !? »

« Hé, moi aussi je veux un engin personnel ! Veux-tu bien m’en trouver un ? »

Ils ressemblaient plus à des bandits qu’à des chevaliers.

Finalement, un chevalier fit quelque chose d’impensable. Il retourna au salon en traînant un robot domestique — l’une des unités produites en série qui travaillent dans le manoir. Ses vêtements étaient déchirés, ses articulations détruites par ses mauvais traitements. Arrivé au salon, le chevalier saisit la tête de la servante robot et la jeta devant Keith et les autres hommes. Curieusement, la servante robot s’efforça de leur échapper. En la voyant se débattre avec ses articulations mutilées, les hommes éclatèrent de rire.

« Liam est un sérieux pervers pour avoir des poupées comme ça partout dans le manoir ! »

« Il n’a aucune fierté en tant que noble. C’est juste un morveux qui essaie d’avoir l’air cool en chassant les pirates. »

« Hé, c’est grâce à lui que nous pouvons vivre ainsi. Et si on lui montrait un peu de gratitude ? » déclara un chevalier avec un rire moqueur.

« Cela ne sera-t-il pas pénible s’il revient ? » demanda une autre, reconnaissant qu’ils ne pouvaient faire que ce qu’ils voulaient puisque Liam était parti.

« Il n’y a pas lieu de s’inquiéter à ce sujet », répondit Keith. « Le prince Calvin soutiendra l’ascension de Lord Isaac à la tête de la maisonnée. »

« Vraiment, Keith ? »

« Il serait plus avantageux pour lui que Lord Isaac dirige la famille. Liam est l’ennemi du prince Calvin, après tout. Il n’y a donc aucun doute à ce sujet. »

En disant cela, Keith jeta un coup d’œil à l’espion de Calvin, qui hocha la tête et sourit en guise de confirmation. Même si Liam revenait, il n’y aurait pas de place pour lui ici.

L’incertitude dissipée, le chevalier piétina la servante-robot. « Alors ce ne sera pas un problème si nous cassons les petites poupées de Liam, n’est-ce pas ? Ça me rend malade de les voir se balader un peu partout. »

Il leva le pied pour piétiner à nouveau le robot, mais une voix retentit dans le salon.

« Qu’est-ce que vous croyez faire ? »

C’était Brian.

Keith se leva, roulant des yeux devant l’indignation de Brian. « C’est mauvais pour ta santé de t’énerver ainsi, mon vieux. »

Malgré les manières moqueuses de Keith, Brian lui fit des reproches, le visage rouge. « Vous viviez dans le salon dès l’aube !? Vous détruisez le manoir !? Vous mettez la main sur les affaires personnelles de Maître Liam !? Relâchez cette servante-robot tout de suite ! » Brian regarda la servante-robot mutilée avec anxiété.

Amusé par son attitude, Keith se moqua du majordome. « Qu’est-ce qu’il y a à craindre ? Ce n’est qu’une poupée. Elles sont toutes pareilles, n’est-ce pas ? » Il donna un coup de pied au robot domestique en direction de Brian.

« Tateyama !? Regarde ce qu’ils t’ont fait… »

Voyant que le visage de Brian avait blanchi, Keith en était arrivé à la mauvaise conclusion. Alors, il a peur de tenir tête à un chevalier de premier ordre comme moi ? Je suppose que je dois lui reconnaître le mérite d’avoir essayé. Mais il est quand même un peu trop grossier.

Keith était très fier de son statut de chevalier et trouvait exaspérant d’être défié par quelqu’un qui n’avait pas ce statut — par exemple, un majordome comme Brian.

« Ne me mets pas en colère, Brian. Je peux user de mon autorité pour que l’on s’occupe de toi, si nécessaire. Si tu veux continuer à servir la maison Banfield, je te suggère d’ajuster ton comportement à mon égard. »

Les yeux de Brian s’étaient rétrécis devant l’attitude arrogante de Keith. « Si je dois trahir maître Liam, je préfère quitter ce manoir. »

« Tellement dévoué. Je ne peux pas dire que je ne comprenne pas moi-même ta loyauté. »

« Je doute que vous puissiez le faire. Vous avez abandonné la maison Banfield, après tout. »

« Nous sommes juste partis pour protéger Lord Cliff. Le sang neuf ici est cependant terriblement arrogant. Ils auraient besoin d’un peu d’éducation, tu ne crois pas ? » Keith pensait que lui et ses disciples étaient les véritables vassaux de la maison Banfield, et que les chevaliers de Liam n’étaient rien de plus que des débutants.

Plutôt que d’honorer Keith d’une réponse, Brian se contenta de prendre Tateyama et de quitter le salon. « On va te soigner, Tateyama. Ne t’inquiète pas, tout ira bien. »

En voyant Brian parler à la femme de ménage robot comme si elle était humaine, Keith et ses acolytes avaient ri de façon dérisoire.

Dans l’embrasure de la porte, Brian lança un dernier avertissement à son ancien collègue. « Maître Liam est une personne compatissante, mais il peut aussi être effrayant. À votre place, je me préparerais à son retour. »

« C’est effrayant ! » Keith leva les mains en signe de reddition. « Crois-tu vraiment que j’ai peur d’un type qui n’est même pas là ? De toute façon, au moment où Liam rentrera à la maison, tout ce qui se trouve dans ce domaine appartiendra à Lord Isaac. »

Les chevaliers envahisseurs et les autres traîtres avaient ri en entendant ça.

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Partie 2

Ce jour-là, des rumeurs horribles avaient circulé dans le manoir de la maison Banfield.

« Tu n’es pas sérieux ! »

« C’est vrai. J’ai vu un chevalier abuser d’elle. »

« J’ai entendu dire qu’elle était cassée ! C’est terrible ! Nous allons être punis, nous aussi ! »

Ces servantes humaines étaient pâles depuis ce matin-là, mais s’étaient rapidement calmées à l’arrivée de la servante en chef Serena.

« Vous êtes bruyantes », les gronda Serena. « Les servantes de cette maison doivent continuer leur travail même dans des moments comme celui-ci. »

Les servantes avaient l’air anxieuses.

« M-Mme la servante en chef, hum… » balbutia l’une d’elles. « Eh bien… Nous avons entendu dire que les chevaliers qui se sont emparés du manoir ont cassé l’une des servantes personnelles de Maître Liam. » Les servantes humaines n’avaient pas le droit d’appeler les robots domestiques des « poupées », alors elles les appelaient des « servantes personnels ». « Est-ce que… est-ce que vous pensez que nous serons… ? »

Les servantes tremblaient, mais ce n’était pas de Serena qu’elles avaient peur — c’était de Liam.

Comprenant cela, Serena les rassura. « Pourquoi seriez-vous punies si vous n’étiez pas présentes lors de l’incident ? Si quelqu’un devait être puni, ce serait moi, celle qui en est responsable. Est-ce que vous comprenez ? Maintenant, remettez-vous au travail. »

« O-oui, madame ! »

Lorsque les servantes furent parties, Serena manipula le dispositif de son bracelet, affichant un hologramme devant elle. Il s’agissait d’un tableau des fiches de présence de ses subordonnés. Plusieurs centaines de ses employés avaient été absents, sans compter ceux qui étaient malades ou en congés payés. L’incident avec Tateyama avait toutefois incité environ la moitié de ceux qui s’étaient acoquinés avec Isaac à reprendre leur poste. Ils avaient dû comprendre à quel point les nouveaux venus étaient terribles, tout comme les servantes effrayées.

« Ces chiffres ne sont pas aussi mauvais que ce à quoi je m’attendais », réfléchit Serena.

Elle avait pensé qu’il y aurait plus de traîtres, mais ses subordonnés étaient plus inébranlables qu’elle ne l’avait deviné. En plus d’être surveillante, Serena était éducatrice, et elle était heureuse de voir ses élèves exceller. Cependant, ils n’excellaient pas tous.

« Nous avons effectivement des personnes qui n’atteignent pas leurs objectifs. Ou bien sont-elles tout simplement trop ambitieuses ? »

Il y avait encore des bonnes qui essayaient de se rapprocher d’Isaac plutôt que de retourner au travail, alors qu’elles auraient dû savoir que Liam ne supporterait jamais que quelqu’un endommage Tateyama. Si cet incident n’avait pas fait réfléchir ces servantes, il n’y avait rien à faire pour les sauver. Serena les avait tout simplement éliminées.

 

☆☆☆

 

Allongé dans mon lit au château, je discutais avec Kunai, qui s’était assise bien droit à côté de moi.

« J’ai identifié les personnes qui ont envoyé ces assassins, Maître Liam », m’annonça-t-elle. « Un ministre et plusieurs généraux étaient impliqués. »

« Ah oui ? Eh bien, débarrasse-toi d’eux », lui avais-je dit sèchement.

Kunai avait l’air heureuse de recevoir cet ordre. Est-elle un bourreau de travail ?

« Oui, Maître Liam ! Puis-je vous demander ce que vous comptez faire de Kanami ? Dois-je me débarrasser d’elle en même temps ? Elle est bien trop irrespectueuse à votre égard. »

Étant donné les capacités de Kunai, elle pourrait probablement tuer Kanami, mais je ne pouvais pas me résoudre à me débarrasser de cette fille. « Laisse-la tranquille, tout va bien pour l’instant. J’ai l’impression qu’elle sera amusante à taquiner. »

« Êtes-vous sûr ? »

Kunai était probablement confuse parce que j’étais habituellement sans pitié. Mais pour une raison ou une autre, je ne voulais pas que Kanami soit éliminée. J’avais juste envie de la taquiner davantage. C’était un sentiment étrange.

« Je préfère m’amuser avec elle plutôt que de m’en débarrasser », avais-je insisté. « Mais je veux que tous ceux qui complotent pour me tuer meurent. »

Un ministre et quelques généraux du royaume d’Erle avaient voulu m’assassiner parce que j’avais laissé entrer des hommes bêtes dans le château. À leur place, j’aurais probablement ressenti la même chose, mais cela ne les aurait pas tirés d’affaire. Quiconque envoyait des assassins à mes trousses devait se préparer aux conséquences, c’est aussi simple que cela. Si tu as essayé de tuer quelqu’un, tu ne peux pas te plaindre qu’il t’ait tué à la place.

« Ce groupe était apparemment préparé à assassiner le héros avant même que vous ne soyez convoqué, » m’informa Kunai.

« Quoi ? Quand ils nous ont convoqués, ils étaient prêts à nous tuer ? Typique. Je suppose que je ferais la même chose… De qui je me moque ? Non, je ne le ferais pas. C’est n’importe quoi. »

Disons que tu as tellement de problèmes que tu dois appeler un héros à l’aide. Miser sur l’assassinat de ce héros serait tout simplement stupide. Si tu l’as invoqué parce que tu ne pouvais pas tuer un Seigneur-Démon, comment aurais-tu pu tuer le héros encore plus coriace ? Si tu as réussi à le faire, tu aurais dû assassiner le Seigneur-Démon dès le départ.

Tout pays qui se retrouvait dans cette position ne pouvait plus être sauvé. Il était clair qu’ils avaient eu ce qu’ils méritaient.

« Si la reine est incompétente, tout le monde ici sera incompétent », m’étais-je plaint.

« Je dois dire que je suis d’accord, maître Liam. »

Kunai était d’accord avec moi sur tout. Je m’étais surpris à espérer qu’elle ne finisse pas comme Tia et Marie. Cette pensée me poussa à m’inquiéter de savoir si les deux chevaliers se comportaient bien en mon absence. Je n’avais pas envie d’envisager le grabuge qu’elles pourraient causer — et cela ne servait à rien pour l’instant, alors je m’arrêtai. Pour l’instant, j’étais occupé à décortiquer ce pays et ses problèmes.

« Cette reine est vraiment — »

Un coup frappé à ma porte interrompit notre discussion.

Même avec la porte fermée, j’avais deviné qui était venu me voir. « Que veut Kanami ? »

Kunai ouvrit la porte pour moi, disparaissant immédiatement en révélant le visage renfrogné de Kanami.

« Tout est de votre faute ! » s’écria Kanami.

« Hein ? »

Elle était venue en me faisant des reproches, mais j’aurais aimé qu’elle soit au moins plus précise. Je ne savais pas ce qui était censé être ma faute, ni pourquoi. Mais je pouvais deviner.

« Je ne peux pas lire dans les pensées. Il va falloir que tu me donnes plus que ça », avais-je dit en souriant.

Ce qui est amusant, c’est que cela l’avait encore plus irritée. « Je parle de la reine Enola ! Elle a à peu près notre âge, et elle a dû prendre la responsabilité de tout un pays ! Comment pouvez-vous être aussi cruelle avec elle ? Vous l’avez fait se sentir mal. Vous êtes censé être un héros ! »

Qu’est-ce qu’elle dit ? Est-ce qu’elle sympathise avec cette reine pathétique parce qu’elle la considère comme une bonne personne ? Quelle idiote !

« C’est une souveraine », avais-je dit.

« Et alors ? C’est encore une jeune fille. »

J’avais soupiré devant la profondeur de l’ignorance de Kanami. « Ni l’âge ni le sexe n’ont d’importance pour les dirigeants. Tout ce qu’il faut, c’est qu’ils fassent leur devoir. »

« Quand même… »

« Tu es vraiment stupide. »

« Stupide ? »

Kanami avait l’air furieuse. Cela m’avait tellement amusé que j’avais décidé de lui apprendre une ou deux choses, même si j’avais reconnu que ce n’était pas du tout dans mes habitudes.

Pourquoi ai-je eu du mal à la laisser tranquille ? Juste parce qu’elle portait le même nom que ma fille ? Ce n’était pas la même personne. C’était un autre monde, une autre époque, et retrouver ma fille serait plus que miraculeux. La probabilité était pratiquement nulle, c’était tout simplement impensable. Si nous nous rencontrions malgré tout, ce serait préétabli. Mais le destin ne comblerait pas le fossé entre ma fille et moi. Il s’est avéré que nous n’étions pas liées par le sang, et rien d’émotionnel ne nous reliait. À ma manière, j’avais essayé de l’élever avec amour, mais en fin de compte, c’était inutile. C’est pour cela que je n’aimais pas les enfants.

« Dirais-tu aux victimes du royaume d’Erle : “Votre reine a fait de son mieux ! Elle est vraiment gentille et c’est une bonne personne” ? Comment réagiraient les personnes dont les familles ont été tuées ? »

« Eh bien, il se peut qu’ils ne l’acceptent pas. Mais je suis sûre — ! »

« Tu ne comprends vraiment rien à rien. »

En fin de compte, un dirigeant exigeait avant tout des capacités, surtout dans ce genre de système aristocratique. La moralité devait être une considération secondaire. Enola était peut-être une bonne personne, mais en tant que reine, elle était un échec.

Je savais par expérience personnelle ce qui se passait si un dirigeant avait des capacités, mais pas d’éthique. Si tu prenais une merde et que tu le faisais roi, ses sujets le traitaient comme un sage tant qu’il améliorait leurs conditions de vie. Tout dirigeant qui améliorait la vie des citoyens était salué comme sage et bienveillant, quel que soit son caractère. Valoriser la moralité plutôt que les capacités était stupide. Tout ce que les gens obtenaient en élevant un saint incompétent, c’était la pauvreté et la famine.

Je savais que j’étais moi-même un souverain raté — en termes de manque d’humanité — mais j’avais contourné le problème. Tromper mes sujets me permettait de me présenter comme un grand souverain tout en faisant ce que je voulais. La fortune sourit aux méchants comme moi.

Kanami baissa la tête. Elle semblait avoir assez de cervelle pour comprendre l’essentiel de mon petit cours.

« Lorsque tes sujets sont en danger, “faire de son mieux” est attendu — évident. Vouloir être félicité uniquement pour cela est puéril. Un dirigeant qui ne peut pas produire de résultats ne vaut rien pour ses sujets. »

« M-Mais… »

« Va dire aux gens qui ont perdu leur famille et leur maison d’y aller mollo avec Enola, et tu verras ce qu’ils diront. “Désolé, ce n’était pas assez, mais la reine a fait de son mieux !”. Demande-leur s’ils lui pardonnent. Le ferais-tu, après avoir entendu cela ? Peux-tu vraiment dire que tu ne la détesterais pas ? Tu défends la mauvaise personne. »

« Argh… »

« La reine ne veut pas aider son peuple », avais-je ajouté, alors que Kanami ne trouvait pas les mots pour me réfuter. « Elle veut seulement s’aider elle-même en paraissant gentille aux yeux des autres. Elle veut qu’on la laisse tranquille quand tout le monde la voit faire de son mieux. »

J’aurais pu continuer, vraiment. Je n’étais pas du genre à parler, mais il y avait une tonne de choses que je n’approuvais pas chez cette reine. Bien sûr, c’était une bonne personne, louable à bien des égards, mais c’était la pire souveraine possible.

Je dois dire que je ne m’étais jamais soucié de mes sujets. Je voulais juste qu’ils se fassent traire par de lourdes taxes. Et comme ils m’avaient humilié avec ces protestations au sujet d’un héritier, j’avais besoin de me venger d’eux. Je m’étais mis en tête d’augmenter les impôts dès mon retour.

« Je peux deviner exactement quel genre de personnes sont tes parents », avais-je dit à Kanami. « Tu as dû être élevée par des imbéciles. Et d’ailleurs, qu’est-ce qu’ils pensaient t’apprendre ? »

Pour dire les choses de façon positive, Kanami était une bonne fille qui avait de la considération pour les autres. Dans ma vie antérieure, j’avais voulu élever ma fille de façon à ce qu’elle agisse de la même façon. Mais je m’étais trompé sur beaucoup de choses à l’époque, et je m’étais manifestement trompé sur ce point. Cette fille se comportait comme une idiote qui n’avait aucune idée de la façon dont le monde réel fonctionnait.

Kanami me jeta un coup d’œil, la colère se lisant dans ses yeux. « Ne parlez pas de mon papa comme ça. »

« Hein ? »

« N’insultez pas mon papa ! »

« Quoi ? Tu aimes ton père à ce point ? »

« Pas mon père ! Mon papa ! Ne l’insultez pas, c’est tout. »

Ses réactions à ces deux mots suggéraient que son « papa » lui avait inculqué une compassion sans lendemain, ce qui me mettait vraiment en colère. C’était terrible de penser qu’il y avait un autre crédule qui agissait comme je l’avais fait, et que son raisonnement erroné avait contaminé sa fille.

« Je vois. Malheureusement, il est facile de voir que ton â est un idiot maladroit qui t’a enseigné des bêtises ignorantes. Je suppose qu’il t’a dit des conneries du genre “il faut être gentil avec les gens”. Je parie qu’il paiera aussi pour ça. Peut-être l’a-t-il déjà fait. Je peux imaginer le genre de fin misérable qu’il — ! »

« Arrêtez ! »

Je devais avoir vu juste à propos du père sans valeur de Kanami. Ses poings tremblent, elle s’apprêtait à dégainer l’épée qu’elle portait à la taille.

Kunai se leva de l’ombre de Kanami et lui donna un coup de poing dans le ventre, l’assommant. Les yeux de la femme étaient fous, et elle avait sorti son couteau pour couper la tête de Kanami.

En regardant la fille inconsciente, je savais qu’elle était la victime d’un père sans valeur, mais je savais aussi qu’elle l’aimait vraiment. C’était la grande différence entre Kanami et son père, et moi et ma fille. J’avais attrapé le bras de Kunai, empêchant la tête de Kanami de rouler. « Arrête ça. »

« Le pensez-vous vraiment ! Elle a essayé de tirer son épée sur vous, maître Liam ! »

« Elle m’a occupé. Ramène-la dans sa chambre — et ne lève pas la main sur elle, tu m’entends ? C’est mon jouet, n’oublie pas. »

En regardant Kanami, je m’étais senti jaloux de son « papa ». Il était peut-être un imbécile, comme je l’étais dans ma vie passée. Mais pour sa fille, c’était un bon père digne d’être aimé.

 

☆☆☆

 

Alors que Liam regardait au loin en réfléchissant, quelque chose était assis avec découragement dans le coin de sa chambre, l’observant — l’esprit invisible d’un chien. Ce chien était attristé de voir Liam supposer que sa fille ne l’avait pas aimé alors qu’il se comparait au père de Kanami.

Le chien se faufila entre les murs du château et se dirigea vers la chambre de Kanami. À l’intérieur, Kanami était assise par terre et pleurait, les jambes serrées contre sa poitrine.

« Je suis désolée, papa. Je me suis tellement énervée quand il t’a insulté, mais je n’avais pas le droit d’être en colère après la façon dont je t’ai trahi. »

Le chien approcha son visage de celui de Kanami, mais ne put la toucher, il n’y avait aucun moyen de la réconforter. Frustré, il quitta la pièce pour aller aider Liam d’une manière ou d’une autre.

Après avoir grimpé sur le point le plus haut du château, le chien poussa un long hurlement. Le son porta jusqu’au drone de Liam, qui planait dans le ciel en transmettant son signal de détresse. Le drone amplifia le hurlement du chien, l’envoyant plus loin pour appeler ceux dont Liam avait besoin.

***

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