Chapitre 8 : Leurs noms
Partie 1
Les nobles de la faction de Calvin n’étaient pas contents.
L’un d’eux, le visage rouge de rage, frappa du poing sur la table devant lui, attirant l’attention de toutes les personnes présentes dans la salle de réunion. « Plus de cent membres de ma famille sont morts ! Cent fils et membres de ma famille ! »
« Sommes-nous les seuls à avoir subi des pertes ? Bon sang !!! Si nous avions su à quel point cet homme de Liam était doué… »
« Claus, c’est ça ? Il est totalement inconnu, mais il doit être incroyablement talentueux. Et aussi froid que la glace, pour éliminer autant de ses propres forces juste à cause d’une différence entre les factions. »
La guerre avec le Royaume-Uni s’était achevée bien trop tôt. Alors que l’on pensait qu’elle durerait des décennies, le conflit s’était achevé en moins d’un an. Grâce à cette victoire rapide, la réputation de Cléo s’envola, même si les pertes étaient nombreuses du côté de l’Empire. Cependant, la grande majorité d’entre elles provenaient des forces de Calvin, qui s’étaient précipitées sur le champ de bataille tandis que la faction de Cléo attendait le moment idéal pour frapper.
Les forces de la faction de Calvin ayant participé à la guerre ne représentaient pas la totalité de leur puissance militaire, la perte d’un petit nombre de navires n’aurait donc pas dû les affecter outre mesure. Cependant, le fait qu’ils aient tous été anéantis changeait la donne.
Un noble assis près de Calvin affichait une mine amère. « Votre Altesse, à cause de la guerre, les forces du Prince Cléo sont maintenant presque entièrement équipées d’armes de nouvelle génération. La plupart des usines d’armement à qui nous avons demandé de ne pas les fournir ont ignoré nos demandes. »
« En effet. On dirait que mon nom ne vaut pas grand-chose, n’est-ce pas ? »
L’Empire avait donné son accord pour que la mise à jour de l’armement de l’armée expéditionnaire soit la priorité absolue de toutes les usines d’armement qui la fournissaient. Pour affaiblir Cléo, la faction de Calvin avait contacté les usines d’armement et leur avait demandé de ne donner à la faction de Cléo que le minimum de soutien. Malheureusement, les usines qui avaient déjà des relations avec Liam avaient ignoré cette demande. Parmi les usines contactées par la faction de Calvin, la Troisième, la Sixième, la Neuvième et la Septième — toutes intimement liées à Liam — avaient apporté leur soutien total à la faction de Cléo.
En conséquence, l’armée expéditionnaire avait passé la majorité de ses commandes auprès de ces quatre usines d’armement et les autres usines n’avaient pas pu profiter du conflit, si bien qu’elles étaient maintenant irritées contre Calvin — tout comme les nobles de sa propre faction.
« Les usines ont donc ignoré la demande du prince héritier et se sont rangées du côté de la faction de Cléo. Quel culot ! » Calvin disait cela, mais il pouvait imaginer pourquoi les usines d’armement avaient ignoré sa demande. « Je suppose qu’ils ont pensé qu’ils obtiendraient plus de résultats à la fin si Liam était au sommet. »
L’un des nobles nota : « L’Empire a toujours favorisé les Première et Seconde Fabriques d’Armement. Je ne serais pas surpris que les autres nourrissent des rancœurs depuis longtemps, et qu’ils aient pensé qu’ils auraient plus de bénéfices à se ranger du côté de la faction de Cléo. »
« C’est troublant. Ce n’est pas comme si c’était ma politique. »
Si l’Empire privilégiait les Première et Deuxième Fabriques d’Armement, c’est parce qu’elles étaient généralement les dépositaires des technologies militaires les plus performantes. Lors de leur création, chaque usine d’armement partageait avec la Première et la Seconde les technologies qu’elle développait pour elle-même, car leur objectif était de créer les armes les plus performantes pour l’armée impériale. Au fil des ans, cependant, les Première et Seconde usines d’armement avaient fini par se contenter de profiter de la technologie des autres usines sans innover outre mesure. L’Empire avait laissé cette situation en l’état pendant si longtemps que les autres usines d’armement en étaient venues à lui en vouloir. Ces autres usines avaient sans doute aidé la faction de Cléo grâce à l’influence de Liam, qui était leur protecteur habituel. Les autres usines espéraient probablement que si Cléo devenait empereur, il améliorerait la situation dans laquelle elles se trouvaient actuellement.
Calvin changea le sujet de conversation pour s’intéresser à l’armement lui-même. « La faction de Cléo s’est donc dotée des dernières armes, hein ? J’aimerais que nous fassions de même. Est-ce que ce sera difficile ? »
Il regarda les nobles qui l’entouraient et, d’après leurs expressions acerbes, il supposa que la réponse était oui.
« C’est possible pour certaines de nos forces », avait répondu l’un d’entre eux, « mais avec les pertes que nous avons subies pendant la guerre, nos finances sont désastreuses en ce moment. Le Royaume-Uni versera des réparations à l’Empire, mais je doute que le Premier ministre nous permette de les utiliser à de telles fins. »
Le Premier ministre utilisera probablement les lourdes dépenses liées au conflit pour réduire les dépenses militaires, ce qui empêchera Calvin d’utiliser l’argent de l’Empire pour renforcer sa propre faction.
Cela avait conduit les autres nobles à revenir sur le sujet de Liam.
« Ce garçon a utilisé l’argent de l’Empire pour renforcer sa faction ! »
« Non, le gamin a dépensé une bonne partie de son propre argent, si j’ai bien compris. »
« Il est donc également à court d’argent ? »
Liam avait dépensé une bonne partie de sa fortune pour financer ses efforts de guerre, mais il avait obtenu un bon retour sur investissement en renforçant la puissance militaire de la faction de Cléo. Ils avaient également amélioré leur capacité à travailler ensemble en tant qu’unité.
J’ai fait une erreur, avait pensé Calvin. Liam n’est pas resté derrière pour faire la fête et jouer la carte de la sécurité.
Liam était resté sur la planète capitale pour pouvoir se concentrer sur le soutien de ses troupes depuis l’arrière. Grâce à lui, l’armée de Cléo n’avait subi aucun revers dans ce domaine. On pouvait même dire qu’ils avaient réussi parce que Liam n’était pas avec eux. Sa réputation avait été légèrement entachée par le fait qu’il n’était pas lui-même allé au front, mais les avantages l’avaient largement emporté sur les coûts.
Aujourd’hui, la force militaire de ma faction est remise en question, en comparaison.
Les forces de Calvin au sein de l’armée expéditionnaire avaient subi de lourdes pertes et ne pourront pas améliorer l’armement de leurs forces restantes avant un certain temps. Ils étaient en mauvaise posture, et le Premier ministre ne manquerait pas de rejeter toute tentative d’utiliser l’argent de l’Empire pour remédier à cette situation, maintenant que la guerre était terminée.
Cléo a le vent en poupe, mais ça ne peut pas se terminer comme ça.
Si cela suffisait à faire renoncer Calvin, il aurait déjà abandonné la course au trône à l’heure qu’il est. Il serait même déjà mort.
« Nous avons permis à Liam de remporter la plus grande partie de la gloire, mais nous ne pouvons pas laisser les choses en l’état. »
Les nobles rassemblés avaient apporté leur contribution.
« Faisons tout ce que nous pouvons pour ruiner la réputation de Liam. »
« Je reconnais qu’il est doué pour la logistique, mais il n’est toujours pas bon qu’il n’ait pas lui-même combattu en première ligne. »
« Pour vaincre Cléo, il faut d’abord vaincre Liam. Mais comment ? »
Même s’ils s’en prenaient aux associés de Liam plutôt qu’à lui directement, il protégeait ces associés avec diligence. Il disposait également d’une organisation clandestine très compétente qui travaillait pour lui et qui avait déjoué toutes les manœuvres de Calvin à son encontre pendant qu’il se trouvait sur la planète capitale.
Aux yeux de Calvin, Liam était enfin un ennemi redoutable. Les autres nobles de sa faction ne le sous-estimaient plus non plus. Ce n’était pas seulement un garçon qui avait eu de la chance et qui s’enorgueillissait de sa force personnelle en tant que combattant. Non, il était vraiment un ennemi difficile à vaincre.
Nous avons réalisé les forces de Liam trop tard… Est-ce comme ça que ça s’est passé pour toi, Linus ?
Le frère de Calvin avait-il perdu face à Liam parce qu’il l’avait sous-estimé de la même manière ?
Calvin se ressaisit et donna un nouvel ordre à sa faction. « Appelons ces deux maîtres de l’épée sur la planète capitale. »
Les nobles avaient tous échangé des regards nerveux, mais ils avaient accepté sa suggestion comme inévitable.
« Les enverrez-vous directement face à Liam ? »
Calvin secoua la tête. « Non, je les veux avec moi, juste au cas où. Je pense que les choses sont sur le point de se gâter sur la Planète Capitale, alors je veux qu’ils me servent de gardes. »
S’ils ne pouvaient pas s’occuper de Liam sur le champ de bataille, ils devraient le faire ici même. Cependant, Calvin savait que ce serait une mauvaise idée d’envoyer les Maîtres de l’Épée s’occuper de lui directement. Il serait plus avantageux de montrer aux gens que les Maîtres de l’Épée étaient alignés avec lui que de les envoyer assassiner Liam.
Il existait d’autres moyens d’atteindre le comte. Actions politiques, actions financières… autant d’approches possibles. La force militaire n’est pas tout.
Après s’être concertés, Calvin et ses nobles alliés avaient décidé d’utiliser toutes les méthodes possibles pour neutraliser Liam.
Il doit vraiment avoir une sorte de force divine de son côté s’il a pu renverser la situation sur le champ de bataille comme il l’a fait. Malheureusement pour lui, la vraie bataille n’est pas encore terminée.
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La planète où le style d’épée Ahlen avait son quartier général était gouvernée par le maître de l’épée qui était le chef actuel du style. Ce fait montrait à quel point le style Ahlen avait du poids dans l’Empire. De nombreux nobles puissants comptaient parmi ses élèves, y compris des membres de la royauté impériale. En tant que l’un des deux principaux styles de combats utilisés dans l’Empire, il n’était concurrencé que par le style de combat mixte Kurdan.
Au quartier général, le maître de l’épée du style Ahlen était en train de se préparer pour un voyage sur la planète capitale. C’était un homme musclé vêtu d’un costume et d’un manteau. Il portait également des lunettes de soleil et tenait sa fidèle épée à la main.
« Nous sommes prêts, monsieur. »
Ses élèves étaient alignés devant la voiture qui l’attendait pour l’emmener au port spatial. Ils s’inclinèrent à son approche.
Marchant à ses côtés, le fils du maître de l’épée parla : « Pour qui se prend le prince héritier ? Il a demandé à ce que tu viennes pour le protéger juste parce qu’il a peur de Liam. »
Le quartier général du style Ahlen avait en fait plus de pouvoir que de nombreuses maisons nobles, aussi le fils du maître d’armes parlait-il comme un noble lui-même. En fait, ils étaient des nobles. Ils avaient gagné leur position en enseignant leur style d’épée dans tout l’Empire. Leur position unique leur permettait de parler avec une certaine autorité.
« Je n’ai jamais entendu parler de la Voie du Flash », déclara le fils. « C’est risible que le prince héritier ait si peur d’un simulacre. Eh bien, je suppose que c’est une bonne occasion de lui donner un peu plus d’entraînement. »
La famille était devenue arrogante depuis que de nombreux nobles impériaux vénéraient pratiquement les instructeurs. Ils s’étaient habitués à être considérés comme des maîtres de l’épée. Leurs capacités avec la lame étaient réelles, et l’autorité de leur famille rivalisait avec celle des autres maisons nobles. Se faire un ennemi du style d’épée Ahlen signifiait essentiellement se faire un ennemi de tous les nobles formés à ce style. L’école était bien plus puissante que de nombreuses maisons nobles elles-mêmes.
« Le comte Banfield s’enorgueillit d’avoir vaincu le maître de l’épée Gerut, mais tout ce qu’il a fait, c’est battre un épéiste autodidacte », poursuivit le fils. « Banfield n’est en rien inquiétant pour le style Ahlen. »
« C’est vrai », dit le maître d’épée d’Ahlen en hochant la tête. « La Voie du Flash est comme n’importe quel autre style d’épée qui disparaîtra en un instant. »
Le maître de l’épée s’apprêtait à monter dans la voiture, mais il se figea soudain et s’éloigna d’un bond. Plusieurs de ses élèves firent de même, mais les moins habiles d’entre eux avaient dû être coupés par quelque chose. Du sang avait jailli de leur corps et ils poussèrent des cris de surprise.
Le fils du maître de l’épée dégaina son épée et se mit en position de combat avant même que son père ne le fasse. « Qui est là ? »
Soudain, la voiture elle-même avait été coupée en deux verticalement.
Devant le maître de l’épée et son fils se tenait une jeune femme tenant une épée dans chaque main. Elle était vêtue d’un kimono léger qui mettait en valeur son corps, sans que rien n’indique qu’elle portait une quelconque combinaison motorisée. Ses yeux étaient cachés par le bord de son chapeau de paille, mais sa bouche était courbée en un sourire.
« Comment es-tu arrivée ici ? » s’exclame le fils.
Le maître de l’épée savait que son fils paniquait, mais il ne pouvait pas le blâmer. Il y avait beaucoup de jeunes gens téméraires dans le monde, et beaucoup d’entre eux infiltraient chaque année le quartier général du style Ahlen pour faire preuve de bravade. C’était pour cela qu’il y avait des contrôles stricts si l’on voulait venir sur leur planète. Le fait que cette femme ait réussi à passer ces mesures de sécurité était la preuve de son habileté.
La femme porta une main à son chapeau, et un groupe de maîtres épéistes ayant le rang d’instructeur adjoint se précipita sur elle, voyant là un moment de vulnérabilité. Le maître de l’épée lança un appel pour narguer la femme, supposant qu’elle était sur le point de mourir de leurs mains.
« Pour quelqu’un qui infiltre un territoire ennemi, tu es beaucoup trop détendue. Si tu veux attaquer quelqu’un, tu devrais — Quoi !? »
En une fraction de seconde, le maître de l’épée vit ses assistants instructeurs se précipiter sur la jeune fille, et l’instant d’après, il les vit tous s’envoler, chacun amputé d’un membre. Ils tombèrent tous au sol, en vie, mais en serrant leurs blessures. Il n’avait même pas vu la femme bouger.
Son fils s’avança devant le maître de l’épée. « Es-tu un assassin ? Mais alors, pourquoi ne pas — ! »
Pourquoi ne tue-t-elle pas ses victimes ? Cette question vint naturellement à l’esprit du maître de l’épée, alors même qu’il s’émerveillait de l’habileté de cette femme. Tout à l’heure… Qu’est-ce qu’elle a fait ?
Il n’avait pas vu l’épée de la femme bouger. Utilisait-elle une sorte de magie ? Un nouveau type d’arme ?
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