Je suis le Seigneur maléfique d’un empire intergalactique ! – Tome 5 – Chapitre 4

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Chapitre 4 : Les autres nations intergalactiques

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Chapitre 4 : Les autres nations intergalactiques

Partie 1

Dans un spatioport appartenant à l’Union Intergalactique de Rustwarr, une flotte de l’Armée de l’Union complétait les défenses habituelles. Un groupe de gros vaisseaux transportant des marchandises, dirigé par Patrice, venait d’arriver au spatioport. Ils étaient accompagnés d’une forte sécurité sous la forme de vaisseaux mercenaires.

Il s’agissait d’un spatioport secret appartenant à l’Union, caché à l’intérieur d’un astéroïde dont les matériaux avaient été exploités par le passé. À l’intérieur de cette coquille semblable à une forteresse se trouvait un environnement habitable, mais de l’extérieur, l’astéroïde avait l’air abandonné et banal. Ce port était utilisé pour des réunions top secrètes et d’autres affaires importantes, mais c’était aussi, d’une certaine manière, une cage utilisée pour sécuriser les visiteurs importants d’autres nations.

Le petit vaisseau de luxe de Patrice avait suivi un vaisseau d’escorte jusqu’à l’astéroïde. Une ligne lumineuse avait été projetée dans l’espace, marquant un chemin le long duquel le vaisseau devait naviguer.

Regardant par la fenêtre, elle se tourna vers Marie, qui était assise à côté d’elle. « Je ne pensais pas que nous ferions des affaires à l’intérieur d’une forteresse. »

Marie était assise, les jambes croisées, lisant des informations top secrètes sur l’Union sur la tablette qu’elle tenait à la main. Patrice n’était pas sûr des détails particuliers que la femme étudiait, mais Marie semblait vouloir être bien informée sur l’Union.

« Ils ne veulent pas du tout négocier avec nous, j’en suis sûre », dit Marie. « L’Union n’a jamais aimé le système de noblesse de l’Empire. »

« C’est logique, il s’agit d’une démocratie dirigée par des civils. Nos systèmes sont incompatibles. »

L’Union est un vaste ensemble de planètes démocratiques qui s’étaient réunies pour former une énorme nation intergalactique.

Marie ricana. « Ils ne sont rien de plus qu’un ramassis de racailles. Ils ont beau s’appeler Union, seule une poignée de personnes sur les planètes les plus développées détiennent tous les pouvoirs. »

« Vous semblez en savoir beaucoup sur eux. »

« Ils décrient le système de la noblesse, mais avec toutes leurs luttes de pouvoir internes, ils sont prêts à entrer en guerre avec d’autres nations ou même entre eux. Rien n’a changé entre hier et aujourd’hui. »

« Alors ? »

Marie examinait encore les données sur sa tablette, mais elle semblait déjà en savoir beaucoup sur l’Union. Cela éveilla la curiosité de Patrice. Marie ferma les documents qu’elle lisait et montra à Patrice l’écran de la tablette qui affichait des nouvelles de l’Union.

« J’ai lu quelques articles de presse récents, et rien n’a changé du tout au tout par rapport à la situation antérieure. On critique les systèmes héréditaires, mais la majorité des hommes politiques de l’Union sont issus de familles d’hommes politiques. »

Patrice parcourut l’article et trouva une longue liste de familles de politiciens dont les membres avaient été élus à plusieurs reprises depuis des générations, ce qui confirmait l’affirmation de Marie. Le ton satirique de l’article montrait clairement qu’au moins les gens avaient assez de liberté dans l’Union pour dire ce qu’ils voulaient.

Pourtant, Patrice se surprit à murmurer : « Ils sont comme les nobles. »

Tout en observant Marie, Patrice remercia mentalement Liam de lui avoir fourni le chevalier comme garde. Je n’ai pas à me plaindre de ses capacités, et elle connaît bien les rouages de l’Union.

Reconnaissant que Liam ait pensé à envoyer la meilleure personne pour ce travail, Patrice poursuit sa conversation avec Marie.

« Je suis toujours surpris qu’ils aient voulu utiliser une forteresse top secrète pour de simples transactions commerciales. Les choses sont-elles si tendues ici ? »

Tout en continuant à consulter les articles sur sa tablette, Marie déclara : « L’Union possède beaucoup de forteresses comme celle-ci. Ils ne se soucient pas que la localisation de l’une d’entre elles soit divulguée. »

Patrice regarda par la fenêtre. Une puissante source lumineuse, semblable à un soleil miniature, était suspendue à l’intérieur du noyau creusé de l’astéroïde. Les bâtiments pointaient tous vers le plafond haut et solide de cet espace central, ce qui donnait l’impression que l’astéroïde était encore plus fermé.

Voyons comment se déroulent ces négociations.

 

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Dans un salon VIP de la forteresse, des politiciens de l’Union, des hauts fonctionnaires et des officiers de l’armée attendaient. Les soldats étaient hostiles et bourrus, mais l’un des bureaucrates tendit la main à Patrice avec un sourire.

« Vous devez être Mme Patrice, de la société Newlands. Je vous remercie de votre présence. »

Patrice lui serra la main et lui sourit en retour. « Merci de m’avoir reçue. »

Patrice prit place à la longue table et Marie se plaça debout derrière elle. Plusieurs soldats de l’armée de l’Union se tenaient le long du mur de la même manière, jetant un regard sur Patrice et Marie.

Je vois que nous ne sommes pas les bienvenus.

Du point de vue du gouvernement de l’Union, le système de noblesse de l’Empire était une façon anachronique de diriger une nation. Plus important encore, il y avait eu de longues hostilités militaires entre les deux nations. Les politiciens et les bureaucrates avaient peut-être accueilli Patrice avec le sourire, mais elle était sûre qu’ils étaient profondément amers à l’intérieur.

Le bureaucrate qui avait accueilli Patrice plus tôt avait commencé la réunion. « Je n’aime pas aller droit au but, mais discutons de ce marché, voulez-vous ? »

« Cela ne me dérange pas. »

Les officiers militaires affichaient tous une mine renfrognée, mécontents d’envisager un accord avec l’ennemi. Connaissant l’irritation des militaires, les bureaucrates ne voulaient probablement pas laisser la réunion s’éterniser et essayaient de régler les choses rapidement. Patrice n’avait franchement pas non plus à se plaindre de cela.

Le bureaucrate projeta une liste holographique devant elle. « Voici les articles que nous souhaitons vous acheter. »

« C’est beaucoup », avait-elle déclaré.

« Nous connaissons les circonstances. Nous cherchons à conclure un accord permanent. »

« Permanent, dites-vous ? »

« Oui. Ce n’est pas non plus un mauvais arrangement pour vous, n’est-ce pas ? Je pense qu’il vous serait utile d’avoir des relations régulières avec le gouvernement de l’Union. »

Le bureaucrate était un peu arrogant, pensant sans doute que Patrice sauterait sur une telle occasion. Il est vrai aussi que ce n’était pas un mauvais arrangement pour elle. S’il n’y avait pas eu d’autres circonstances à prendre en considération, elle serait probablement déjà en train de discuter des conditions avec eux. Mais pour l’instant, une personne plutôt effrayante se tenait juste derrière elle, car Marie travaillait directement pour Liam et surveillait la femme de près.

« Pourquoi ne pas mettre cette discussion en suspens pour un moment ? » déclara Patrice.

« En suspens ? Que voulez-vous dire par là ? Nous vous disons que nous avons l’intention d’acheter régulièrement de grandes quantités de marchandises à votre entreprise. »

Patrice grogna intérieurement face à l’incrédulité du bureaucrate. Je veux en finir aussi vite que vous !

Les mots de Thomas sur le fait de se mettre à dos Liam pour avoir traité avec des types illégaux revinrent à l’esprit de Patrice.

« Je pense que vous pourriez me dire ce qui se passe exactement au sein de l’Union en ce moment, non… ? »

Sa simple question fit disparaître les faux sourires des politiciens et des bureaucrates.

« Puis-je vous demander pourquoi vous souhaitez savoir ? » demanda le bureaucrate. Sa voix était beaucoup plus sombre qu’auparavant.

Patrice souriait toujours. « Eh bien, c’est le comte Banfield qui a préparé les marchandises que je compte vendre, et le comte ne veut pas se ranger du côté de l’injustice. »

En réponse à cela, un général militaire à la poitrine pleine de médailles tapa bruyamment du poing sur la table.

« Comment osez-vous ? » hurla l’homme. Marie fit alors un pas vers lui, ce qui fit bouger les soldats le long du mur avant qu’ils ne dégainent leurs armes. Les négociations étaient sur le point d’être rompues, mais le bureaucrate se leva précipitamment et tenta d’éclaircir la situation.

« Attendez une seconde ! » dit-il pour apaiser les militaires. « Je suis désolé, mais ils ne comprennent pas encore très bien la situation. »

Les autres bureaucrates intervinrent pour contenir les soldats ouvertement hostiles.

Patrice fut soulagé de voir que les choses ne s’étaient pas complètement effondrées. « Merci », dit-elle.

Leur armée est vraiment mécontente de cette situation.

Le bureaucrate secoua faiblement la tête et se rassit pour commencer à expliquer simplement la situation à Patrice. Il projeta plusieurs documents et images holographiques entre eux deux.

« La situation a commencé par un mouvement d’indépendance. »

« Que voulez-vous dire ? »

« Un certain nombre de planètes qui composent l’Union souhaitent la quitter et former leur propre nation intergalactique. »

De tels mouvements d’indépendance n’étaient pas rares, même au sein de l’Empire, et il n’était donc pas surprenant qu’ils se produisent également dans l’Union.

« L’avez-vous immédiatement réprimée ? »

Tout domaine qui tentait de faire sécession de l’Empire était rapidement soumis, et parfois des planètes entières étaient anéanties. Cependant, il semblerait que ce ne soit pas le cas dans l’Union.

L’un des politiciens se moqua des paroles de Patrice. « Votre Empire est une bande de sauvages si vous passez directement à l’action militaire au premier signe d’opposition. »

Le bureaucrate s’était excusé auprès de Patrice pour le commentaire du politicien. « Je suis désolé, c’était déplacé. »

« Ce n’est pas grave. »

« Il est vrai que nous ne recourons pas immédiatement à la force militaire lorsqu’une planète déclare son indépendance de l’Union. » Le bureaucrate tenta d’expliquer à Patrice les défis uniques de ce mouvement d’indépendance particulier. « Si le mouvement est le fait d’un dictateur, nous le réprimerons rapidement, mais si le peuple décide démocratiquement de faire sécession, tout ce que nous pouvons faire, c’est prendre acte de sa décision. »

S’il s’agissait d’une question qui pouvait être résolue par l’armée, l’Union l’aurait déjà fait, mais comme il s’agissait d’une décision prise démocratiquement, il n’y avait rien à faire, conformément à la politique de l’Union.

Patrice y avait réfléchi. « C’est très différent ici par rapport à l’Empire. »

« Mais s’il ne s’agissait que de cela, il n’y aurait pas de problème majeur. Le problème, c’est que les planètes qui souhaitent faire sécession ont formé une alliance, et que cette alliance a déclaré la guerre à l’Union. »

Patrice regarda les documents devant elle et remarqua quelque chose d’intéressant. Tous les mondes qui avaient fait sécession de l’Union n’avaient aucun pouvoir au sein du gouvernement de l’Union. Il s’agissait d’un rassemblement de petites administrations qui faisaient officiellement partie de l’Union, mais qui n’avaient aucune autorité réelle au sein de celle-ci. Même regroupés, ils n’auraient pas dû avoir la puissance militaire nécessaire pour déclarer la guerre à l’Union aussi rapidement.

Quelqu’un les soutient-il ?

Lorsque Patrice eut cette idée, elle se rendit compte que le bureaucrate observait sobrement son visage pour y déceler une réaction.

Il déclara : « Les unités de combat qu’ils possèdent sont déguisées, mais elles sont fabriquées par l’Empire. »

En étudiant les images projetées devant elle, Patrice avait rapidement reconnu les vaisseaux et les chevaliers mobiles comme étant le travail d’une usine d’armement impériale.

Ceux-ci semblent avoir été fabriqués par la première fabrique d’armement. La Seconde est également impliquée. Et ce sont tous de nouveaux modèles !

Les Première et Seconde Fabriques d’Armement étaient autrefois alliées à la Maison Berkeley, mais celle-ci avait été détruite par Liam. Le fait que des vaisseaux flambant neufs créés par ces usines soient utilisés par cette alliance de rebelles était extrêmement inhabituel.

S’ils donnent de nouveaux vaisseaux comme ça, c’est qu’ils viennent de quelqu’un de très haut placé dans l’Empire.

Alors que Patrice se demandait qui pouvait bien soutenir cette nouvelle alliance, elle critiqua le bureaucrate pour ce qu’il semblait insinuer. « Vous pensez donc que l’Empire soutient vos ennemis ? Maintenant, je comprends pourquoi vous êtes tous si énervés, mais vous en prendre à moi ne résoudra rien. Je ne suis qu’une marchande, mais je peux vous assurer que la personne derrière moi, le comte Banfield, ne soutient absolument pas les ennemis de l’Union. »

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Partie 2

Pour l’instant, le bureaucrate semblait accepter son affirmation. « Je m’excuse. Quoi qu’il en soit, le problème ici est l’étendue de ce mouvement indépendantiste. L’armée de l’Union doit consacrer une trop grande partie de ses forces à la simple observation de la situation — sans se soucier de les déplacer efficacement. »

L’armée de l’Union était donc trop préoccupée par le fait que ses ennemis rassemblaient des armes de pointe pour surveiller correctement ses régions extérieures.

« Avez-vous des informations sur les personnes qui soutiennent vos adversaires ? » demanda franchement Patrice.

Le bureaucrate semblait un peu réticent à l’idée de s’exprimer franchement. « Ce n’est pas confirmé, mais… nous pensons qu’il s’agit du prince Linus de l’Empire. Pour être plus précis, nous pensons que quelqu’un lié au prince est impliqué. »

« Le deuxième prince ? Je suis surprise que vous ayez accepté de me rencontrer. »

Alors que l’Empire était apparemment à l’origine de conflits internes au sein de l’Union, pourquoi tenter de s’appuyer sur la société de Patrice ?

Le bureaucrate sourit faiblement. « Vous avez dit que c’était le comte Banfield qui se tenait derrière vous, n’est-ce pas ? L’Union s’est intéressée à lui. »

Non seulement Liam se faisait un nom au sein de l’Empire, mais même d’autres nations le remarquaient maintenant. Cela devait signifier qu’ils étaient également au courant de son opposition à Linus.

« Vous saviez que le comte Banfield s’oppose au prince Linus depuis le début, n’est-ce pas ? »

« J’espère que vous n’avez pas sous-estimé notre réseau d’information. Maintenant, devrions-nous revenir aux affaires ? »

« Bien sûr », déclara Patrice. Elle se sentit transpirer un peu.

Je suppose que nous ne sommes pas vraiment en avance sur l’Union en matière de renseignements. Ce n’est pas une bonne chose.

 

☆☆☆

 

Pendant que Patrice s’occupait des affaires, Marie laissa la protection de la marchande à quelques-uns de ses subordonnés et sortit de la pièce. Elle se dirigea vers le couloir, les yeux grands ouverts, brûlant d’excitation devant la conversation qu’elle venait d’entendre.

« Voilà donc ce qui inquiétait Lady Rosetta. La maîtrise de la situation par Lord Liam est comme d’habitude pratiquement surnaturelle. »

Immédiatement après avoir contrarié Linus, Liam avait été en mesure d’obtenir des informations qu’il pourrait utiliser contre l’individu. La perspicacité de Liam dans la situation pourrait presque être considérée comme de la pure chance, mais c’est ce qui la rendait si impressionnante.

« L’univers entier souhaite le succès de Lord Liam. Je savais qu’il était celui… »

Elle entra dans une salle de bain pour se maquiller et trouva à l’intérieur la gardienne d’un gros bonnet de l’Union. Portant un costume noir et des lunettes de soleil, la femme sourit en voyant Marie. La forme de la femme se dissout alors dans un liquide épais et se remodèle, reprenant sa véritable apparence : celle d’un des agents masqués de Kukuri.

Marie plissa les yeux devant ce membre de l’équipe des opérations secrètes de la maison Banfield. « Alors ? »

Le subalterne de Kukuri ricana et déclara : « Il est vrai qu’ils ont remarqué Maître Liam, mais seulement très récemment. En fait, ils cherchaient des informations sur Linus lorsque le nom de Maître Liam est apparu. »

« Ils ont donc bluffé. »

« Ils ne disposent pas d’informations détaillées sur la Maison Banfield. »

« Leur hostilité initiale n’était donc pas une comédie. Elle était sincère. »

L’affirmation du bureaucrate selon laquelle ils avaient des vues sur Liam était un mensonge.

Marie fit claquer sa langue et demanda à l’espion : « Qu’as-tu découvert sur les objectifs de l’Union ? »

« Il est vrai qu’ils ont besoin de ravitaillement. Plusieurs de leurs portes de distorsion longue distance ont été détruites et ils ont du mal à se réapprovisionner correctement. »

« Autre chose ? »

« C’est tout ce que ce garde avait comme information », dit l’espion, faisant référence à la personne qu’il avait éliminée et dont il avait pris la place. « Je vais chercher plus de détails. »

« Nous ne pouvons pas permettre que Lord Liam soit utilisé », dit Marie à l’homme de Kukuri. « Continue à collecter des informations et obtiens des informations sur l’Union. »

L’homme reprit l’apparence de la gardienne. « Bien sûr. »

L’espion sous couverture quitta la salle de bains pour retourner à son poste.

Marie sourit. « L’Union dansera dans la paume de la main de Lord Liam. »

 

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Le Royaume-Uni d’Oxys était une autre nation intergalactique qui, comme l’Empire Algrand, utilisait un système de noblesse. S’il y avait une différence entre les deux, c’est que le Royaume-Uni était en fait une collection de plusieurs nations avec leurs propres systèmes de noblesse. Chaque nation avait son propre monarque dirigeant, et tous se réunissent en assemblée pour décider de la politique du collectif.

Thomas était en train de rencontrer un noble de l’une des nations appartenant à ce collectif.

Le noble, un ancien partenaire commercial de Thomas, était assis dans son bureau et fumait un narguilé en forme de pipe. En échange d’un don important, il partageait avec Thomas toutes sortes d’informations privilégiées sur le Royaume-Uni, et l’homme ne semblait pas se sentir le moins du monde coupable.

« Le prince Linus soutient plusieurs nations au sein du Royaume-Uni. Il a conclu un accord secret pour céder un territoire non développé à la frontière de l’Empire s’il devient empereur. »

« Un accord secret ? »

Thomas réagit avec surprise, mais l’idée ne lui paraissait pas si étrange que cela. Le territoire de l’Empire était vaste, et Linus n’aurait aucun mal à en céder une infime partie. En fait, c’était un petit prix à payer si un tel accord l’aidait à devenir empereur.

Le noble exhala de la fumée, qui se transforma en oiseau et s’envola. Sa pipe lui permettait de façonner et de contrôler la fumée qu’il soufflait. L’oiseau de fumée heurta un mur et se dissipa, mais le noble continua.

« Ceux qui ont passé un accord avec le prince Linus sont en train de prendre le pouvoir au sein du Royaume-Uni. En conséquence, toutes sortes d’escarmouches éclatent, et tout le monde essaie de rassembler le matériel nécessaire au conflit. Tu devrais aussi venir faire du commerce avec nous. Tu me les vendras à bas prix, n’est-ce pas, mon vieil ami ? »

C’était un juste prix pour l’information, décida Thomas. Il acquiesça et demanda plus de détails. « Sais-tu exactement qui a conclu ce marché avec le prince Linus ? »

« Bien sûr. Mon seigneur est l’un d’entre eux. »

Thomas resta un instant sans voix en apprenant que le propre roi de ce noble était dans le coup avec Linus. « Et toi ? »

Était-il aussi l’un des co-conspirateurs de Linus ? Cependant, le noble rit pour tenter d’apaiser les craintes du marchand.

« Hé, je ne suis pas la nation. Je ne suis qu’un noble individuel. Le roi est peut-être de connivence avec le prince Linus, mais pas moi. »

Pourtant, Thomas ne pouvait pas se fier aux paroles de l’homme. Ce noble pouvait faire semblant de jouer le jeu de Thomas pour l’instant, mais le poignarder dans le dos plus tard. En fait, si Thomas avait cessé de traiter avec lui par le passé, c’était parce qu’il avait décidé que l’homme n’était pas assez digne de confiance.

« Je suis soulagé de l’entendre », dit Thomas en cachant ses véritables sentiments.

Le noble continua de bonne humeur. « En fait, notre nation soutient le prince Linus. Après tout, s’il réussit, nous obtiendrons une partie de ce territoire frontalier, ce qui profitera également à l’ensemble du Royaume-Uni. »

Thomas n’avait pas aimé que l’homme présente la situation comme étant bonne pour la nation. L’affaire du prince Linus est un sujet de discorde. S’il pensait réellement au bien du Royaume-Uni, il verrait les escarmouches entre ses nations comme une mauvaise chose. Peut-être que ce noble n’était pas de connivence avec Linus lui-même, mais il était manifestement en retrait et attendait de profiter des circonstances dans lesquelles il se trouvait.

Le noble pencha la tête avec curiosité. « Cependant, c’est un peu étrange ces derniers temps. »

« Étrange ? »

« Les choses n’ont jamais été aussi violentes, même avec l’implication de l’Empire. Le timing y est pour quelque chose, mais j’ai l’impression que les choses ne se termineront pas par de simples escarmouches cette fois-ci. Cela devient plutôt stressant. »

Thomas s’était plongé dans ses pensées. Y a-t-il quelque chose d’autre à l’œuvre ici ?

Le noble se racla la gorge, revenant aux affaires courantes. « Quoi qu’il en soit, en raison de tous ces bouleversements, les choses sont difficiles pour nous sur le plan financier en ce moment. J’espère que nous pourrons compter sur ton soutien à partir de maintenant. D’ailleurs, pourquoi ne pas devenir un marchand personnel de notre maison ? »

En réponse à l’invitation de l’homme, Thomas tenta désespérément de conserver son sourire de commerçant. S’il se déconcentrait, ses lèvres risquaient de se transformer en une grimace dans la seconde.

« Ce serait difficile, compte tenu du soutien que nous recevons actuellement de la Maison Banfield. »

Si la société Henfrey devenait ton marchand personnel, nous serions tout simplement épuisés et jetés en un rien de temps.

En regardant l’homme en face de lui, Thomas appréciait encore plus sa relation avec Liam.

 

☆☆☆

 

Alors que j’assistais à un cours, j’avais observé Wallace du coin de l’œil. Il avait l’air plus hagard de jour en jour, en raison de sa consommation accrue d’alcool depuis que j’avais décidé de soutenir son frère Cléo.

« Tu t’es peut-être renforcé physiquement », lui avais-je dit, « mais tu te détruiras quand même si tu vas trop loin, mec. »

Des choses dont je n’aurais pu que rêver dans ma vie antérieure étaient réelles ici, y compris des médicaments incroyables. Il existait des remèdes instantanés contre la gueule de bois, et une personne pouvait se baigner dans l’alcool tous les soirs et être en pleine forme le lendemain matin. La plupart des gens ne souffraient même pas des effets néfastes de l’alcool puisqu’ils avaient un physique artificiellement renforcé. Un peu d’alcool ne les affectait pas du tout. Si Wallace dépérissait, c’était parce qu’il buvait beaucoup et que cela lui causait des problèmes psychologiques.

« Laisse-moi tranquille. De toute façon, on va bientôt me tuer. Des assassins seront à mes trousses, et quand je serai disparu, ils diront que c’était une maladie. Heh heh… C’est le destin de trop de membres de la famille royale. »

Son pessimisme commençait vraiment à m’énerver. « J’ai des gardes qui te surveillent. Calme-toi, c’est tout. »

« L’histoire sordide de la famille impériale est longue. Sais-tu combien d’organisations d’assassins ont vu le jour au cours de cette histoire ? Il y a des gens dont tu ne peux pas te prémunir juste parce que tu es fort, Liam. »

Ces assassins sont apparus pour une bien mauvaise raison… Mais il avait raison : il n’y avait pas de mal à être prêt. J’avais décidé de dépenser plus d’argent pour ma protection personnelle.

Alors que j’essayais de rassurer Wallace, dépité, j’avais reçu une communication d’urgence. J’avais consulté ma tablette sous le bureau de l’amphithéâtre et j’avais trouvé des rapports de Thomas et Patrice, qui étaient toujours en voyage d’affaires à l’étranger. Un rapport de Marie était également arrivé.

Thomas avait découvert que les escarmouches en cours au sein du Royaume-Uni d’Oxys étaient toutes dues à Linus. Que Linus est un vrai malfaiteur comme moi. Il y avait autre chose dans le rapport qui m’intriguait. Thomas avait obtenu ses informations d’un noble peu scrupuleux qui travaillait dans le dos de son monarque, vendant ses pairs sans le moindre remords. J’aime bien ce traître ! Je dirai à Thomas d’entretenir ses relations avec lui. Mais nous ne pourrions pas le soutenir directement. Pour l’instant, nous devions travailler avec un type plus respectable, dont la nation n’était pas liée à Linus.

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Partie 3

Le rapport de Patrice indiquait qu’au sein de l’Union Intergalactique de Rustwarr, Linus soutenait un mouvement indépendantiste. Ce type a vraiment les mains dans le cambouis. Il était bénéfique pour l’Empire de soutenir les mondes qui souhaitaient devenir indépendants, car cela mettait l’Union en ébullition. Mais comme j’étais l’ennemi de Linus, je devais soutenir l’Union. Je suis vraiment mauvais. J’avais agi pour des raisons égoïstes, sans me soucier des intérêts de l’Empire. Je commençais vraiment à ressembler à un seigneur maléfique.

Enfin, j’avais lu le rapport de Marie et j’avais roulé des yeux d’irritation devant ses conclusions absurdes.

« Qui lui a dit de me rapporter toutes ces conneries surnaturelles ? »

Marie avait déclaré qu’elle ne pouvait pas croire que tous les conflits dans ces nations voisines étaient dus à une quelconque influence de l’Empire. Il n’était pas rare que les diverses nations intergalactiques interfèrent les unes avec les autres, comme cela s’était produit d’innombrables fois par le passé. Elle affirmait que cette fois-ci, les choses étaient différentes. Pour Marie, il semblait que quelque chose de bien plus grand que Linus tirait les ficelles en coulisses.

Qu’est-ce que c’est, une théorie du complot ? Elle est ridicule. Cet univers avait connu des guerres constantes. Ce n’était qu’une coïncidence que toutes ces escarmouches éclatent en même temps maintenant. Il n’y avait rien de mystérieux dans les coulisses.

Non… Attends un peu. Une possibilité réelle m’était venue à l’esprit. Ces troubles éclataient dans les pays voisins à un moment très opportun pour moi, juste au moment où j’entamais une querelle avec les princes. Ces conflits m’avaient permis de réussir dans mes affaires internationales. Peut-être cette situation était-elle un peu trop commode pour moi.

Ce n’est pas possible ! J’avais couvert ma bouche pour m’empêcher de crier. J’avais presque exprimé ma gratitude à tout l’amphithéâtre.

Ce moment opportun… Il ne pouvait y avoir qu’une seule personne derrière cela. Le Guide !

« Qu’est-ce qu’il y a, Liam ? » Wallace tourna son visage fatigué vers moi.

Je lui avais adressé un sourire satisfait. « Réjouis-toi, Wallace. Ma victoire est pratiquement assurée. »

« Est-ce que tu rêves en classe ? »

J’avais effacé le sourire de mon visage et j’avais frappé Wallace à la tête. Comment osait-il se moquer de moi alors que j’étais sérieux ?

 

☆☆☆

 

« À la vôtre ! »

Des voix joyeuses et le tintement des verres résonnent dans le bar faiblement éclairé. Des dames vêtues de robes de luxe apportaient des boissons à Liam et partageaient la table.

Assis à côté de Liam, Wallace pleurait en buvant de l’alcool à même la bouteille. « Bon sannnggg ! », s’était-il exclamé.

« Ce n’est pas tous les jours que nous venons dans un endroit aussi prestigieux, Wallace. Et si on s’amusait un peu, hein ? »

« Comment faire ? Il n’y a rien à apprécier en ce moment ! »

Toujours terrifié à l’idée d’être assassiné, Wallace tenta de se distraire en buvant. Étant né dans la royauté, il savait exactement à quel point les techniques d’assassinat actuelles étaient sophistiquées.

Bien sûr, les choses n’avaient plus rien à voir avec ce qu’elles étaient il y a deux mille ans. À l’époque, il y avait eu une période au cours de laquelle les rois étaient si nombreux qu’un conflit long et sanglant avait eu lieu pour les éliminer. Cette période avait donné naissance à un certain nombre d’organisations d’assassins qui avaient toutes fini par disparaître pendant le conflit. On raconte même qu’une de ces organisations avait été trahie par son employeur — l’empereur de l’époque — et qu’elle avait été transformée en pierre. Cette histoire se terminait par l’idée que si ces assassins étaient libérés de leur état de pétrification, ils assassineraient tous les rois qu’ils rencontreraient en guise de représailles. Wallace avait considéré cette histoire comme une sorte de mise en garde, mais les assassins avaient continué à exister et leurs méthodes étaient devenues de plus en plus sophistiquées à l’époque actuelle.

« Je suis sûr que je vais disparaître sans que personne ne sache jamais ce qui m’est arrivé », se lamenta Wallace. « Oh, ma vie a été trop courte. »

Liam pencha la tête. « Courte ? Tu es en vie depuis quatre-vingts ans déjà. »

« Oui, juste quatre-vingts ans ! Je veux vivre plus longtemps ! » se lamenta Wallace.

Gardant à l’esprit les durées de vie de son ancienne vie, Liam ne savait pas trop quoi répondre à cela. « Quatre-vingts ans, c’est court, hein ? » murmura-t-il.

L’une des femmes à leur table bruyante se leva et se dirigea vers les toilettes. « Voulez-vous bien m’excuser ? »

 

☆☆☆

 

Après être entrée dans les toilettes du bar, la femme avait cessé de sourire. Elle confirma qu’elle était seule et sortit une seringue de sa poche.

« Quel homme stupide ! Pense-t-il qu’il survivra grâce à ses compétences en matière d’épée ? Personne n’a besoin de force pour tuer un homme. »

Elle revérifia tous ses instruments d’assassinat et se retourna vers Liam… mais un mur l’empêcha soudainement d’accéder à la porte des toilettes.

« Hein ? »

La femme leva les yeux.

Le mur sombre lui sourit. « Je suis tout à fait d’accord. Cependant, si tu veux le tuer, une si petite aiguille ne suffira pas. »

Le mur était un grand homme qui lui barrait la route. Il portait un masque souriant et une robe noire. La femme inspira pour crier, mais une main se tendit par derrière et lui enserra la bouche. Un deuxième ennemi s’était glissé derrière elle sans qu’elle s’en aperçoive. Elle tourna la tête pour regarder et découvrit une femme debout, portant le même genre de masque souriant.

La femme masquée tendit la main et arracha la peau du visage de l’autre femme, mais au lieu d’un horrible visage de muscles nus, un autre visage fut révélé sous celui qui avait été arraché. Cette femme n’avait été déguisée qu’en une des filles du bar, et une fois son identité découverte, elle se renfrogna.

L’homme imposant approcha son visage masqué du sien. « Un tel déguisement aurait été risible à notre époque. Les connaissances des organisations passées ont-elles été perdues ? »

La femme se déboîta l’épaule en essayant de s’enfuir, mais la femme masquée la coinça et elle ne put pas se libérer.

« Tch ! »

La peau de la femme masquée était apparemment collée à l’autre femme, et elle ne pouvait pas s’en défaire. Elle s’enfonça alors dans le sol.

« Ngh ! »

L’homme masqué observa avec intérêt la femme qui continuait à se débattre.

« Eh bien, il semblerait que la force soit utile, après tout, mais peut-être que vous, les assassins modernes, avez vos propres techniques. Hmm, je pense que nous devrions obtenir quelques informations de votre part. Il y a deux mille ans d’écart dans nos connaissances, après tout. »

Comme il était évident que ces deux-là étaient de la même profession qu’elle, la femme savait à quel point il était grave qu’elle se soit fait surprendre par eux.

Je… Je dois m’enfuir !

Elle se débattit à nouveau avec un nouvel élan de désespoir, mais la femme masquée la priva rapidement de conscience.

 

☆☆☆

 

La femme au masque regarda sa proie inconsciente.

« Est-ce donc un assassin au service de la famille royale ? Elle est pathétique. »

L’homme au masque — Kukuri — avait souri en réponse à son commentaire.

« Je me demande si tous les assassins sont comme ça aujourd’hui », dit-il. « Bien sûr, il se peut qu’ils se soient simplement développés d’une manière différente de la nôtre. Nous prendrons notre temps pour enquêter sur la question. Pour l’instant, déguise-toi en la même femme qu’elle prétendait être et va servir Maître Liam, veux-tu ? » Kukuri ordonna à la femme masquée, sa subordonnée, de retourner dehors afin qu’il n’y ait pas d’ennuis à cause de la disparition de la femme.

La femme assassin n’avait pas eu d’objection. « Oui, monsieur. »

Elle prit rapidement la tête de la femme inconsciente entre ses mains. Lentement, elle commença à prendre la forme de la femme originale en laquelle l’assassin s’était déguisé. Il ne s’agissait pas seulement de son visage : l’assassin reproduisait parfaitement les vêtements et les accessoires de la femme. Tout au long du processus, le corps de la femme inconsciente fut secoué de spasmes et de la mousse sortit de sa bouche. Une fois la transformation terminée, l’assassin libéra la femme, qui s’enfonça dans le sol et disparut.

« C’était comme je m’y attendais », déclara l’assassin, qui avait également accédé aux souvenirs de la femme tout en prenant son déguisement. « Elle n’avait aucune connaissance ou compétence utile. »

Kukuri haussa les épaules, déçu. « Je ne m’attendais pas à ce qu’ils envoient une telle racaille après Maître Liam. Eh bien, ce n’est pas grave. Alors, je te laisse t’occuper du reste. »

Kukuri lui-même s’enfonça dans le sol et disparut. Après son départ et celui de la femme inconsciente, des pas précipités se firent entendre dans les toilettes. C’était un membre du personnel masculin.

« Catherine, retourne là-bas ! Nous ne voulons pas mettre ce client en colère ! », gémit l’homme à travers la porte, et la femme assassin réagit comme il se doit.

Elle jouait une femme hautaine, donc ma réponse devrait être…

« Oh, tais-toi. J’arrive ! »

« Quelle insolence ! » L’homme était parti sans rien soupçonner.

La subordonnée de Kukuri quitta les toilettes et retourna auprès de Liam.

 

☆☆☆

 

Trois ans après mon entrée au Collège impérial, une réunion d’un grand nombre de nobles s’était tenue dans l’hôtel de luxe où j’habitais actuellement. Naturellement, c’était moi qui les avais réunis.

« J’apprécie que vous soyez tous venus me rencontrer », j’avais salué cette bande de gens à l’allure désagréable.

Plusieurs d’entre eux se distinguaient par leur aspect particulièrement néfaste. L’un d’eux était jeune, mais avait des cheveux blancs coiffés en arrière, il était mince et avait un air malicieux. C’était le comte Francis Sera Gyanne, un gentleman, et mon instinct me disait que je ne devais pas le sous-estimer.

Le comte Gyanne déclara : « Je ne m’attendais pas à ce qu’on m’appelle sur la planète capitale et qu’on me demande de rejoindre votre faction, comte Banfield, mais j’apprécie l’occasion qui m’est donnée. » C’était le type de méchant habituel qui souriait à l’extérieur sans laisser paraître ce qu’il pensait à l’intérieur.

Un autre méchant était tout aussi facile à repérer : le comte Jericho Sera Gaul, qui portait un cache-œil et était musclé. Il était assis, les bras croisés et un sourire confiant sur le visage.

« Je n’aurais jamais pensé qu’un jeune comme vous me convoquerait. J’aurais ignoré votre invitation si vous ne vous étiez pas appelé le comte Banfield. »

Malgré son ton enjoué, ses paroles portaient des épines. Le corps du comte Gaul était couvert de cicatrices, ce qui lui donnait l’apparence d’un guerrier aguerri, mais apparemment il avait plus de muscles que de cervelle. La technologie médicale actuelle aurait pu facilement effacer ces cicatrices, mais il les avait probablement gardées pour avoir l’air intimidant. Il était sans doute plus modeste que son apparence et son attitude ne le laissaient supposer, mais la famille Gaul avait du pouvoir parmi les nobles de la périphérie, et je ne pouvais donc pas sous-estimer les Gaul, quoi que mes impressions m’aient dit de ce type.

Baron Exner, le père de Kurt, m’avait aidé à gérer ce groupe d’individus hauts en couleur.

« Passons aux choses sérieuses », dit-il. « Lord Liam, avez-vous vraiment l’intention de créer une faction pour soutenir le prince Cléo ? »

J’annonçais enfin officiellement mon intention de former une faction pour soutenir le troisième prince, et de nombreux nobles l’appréhendaient. J’avais réussi à utiliser ma réputation pour en rassembler beaucoup ici, mais aucun n’avait encore accepté de se joindre à moi. La plupart d’entre eux pensaient clairement qu’il était inutile d’afficher leur soutien à Cléo, mais je n’avais moi-même aucun doute quant à mon chemin vers la victoire.

***

Partie 4

« Bien sûr », avais-je dit au baron Exner. « J’ai promis de faire du prince Cléo le prochain empereur. »

Le bruit des marmonnements des nobles avait empli la pièce. J’avais surtout rassemblé des chefs de famille, des nobles qui géraient leurs propres domaines. La plupart d’entre eux n’avaient pas l’habitude de se rendre sur la planète capitale et n’avaient donc qu’une vague idée de ce qui se passait à l’intérieur de la cour impériale.

Même le baron Exner était mal à l’aise. « Sa Majesté ne voit-elle pas le prince Cléo de manière négative ? »

« Je suis sûr que oui, mais c’est le but. » Comme il y avait de fortes chances que l’empereur actuel soit mon ennemi secret, je n’avais d’autre choix que de le destituer.

Le comte Gyanne était très intéressé par ce que j’avais à dire. Selon toute apparence, ma nouvelle faction était dans une position très défavorable, mais Gyanne semblait néanmoins désireux de la rejoindre.

« Ce serait certainement intéressant, si c’est possible », dit-il. « Ma famille est en mauvaise posture à la cour depuis qu’elle s’est attiré les foudres de l’empereur il y a quelques générations. C’est une bonne occasion pour nous de revenir sur le devant de la scène. »

Je me demandais quels actes terribles son ancêtre avait commis. Quoi qu’il en soit, j’étais sûr que le comte Gyanne ferait un parfait camarade de seigneur maléfique.

Voyant que le comte Gyanne l’approuvait, le comte Gaul s’était empressé de manifester son intérêt à son tour.

« Je n’aime pas que les conneries de la cour m’affectent dans mon domaine, alors ce serait bien d’avoir un empereur plus bénéfique pour nous sur le trône. Mais j’ai entendu dire que le prince Calvin et le prince Linus étaient tous deux redoutables. »

J’avais projeté des documents holographiques et je les avais agrandis pour que tous les nobles réunis puissent les examiner.

« Ces documents concernent des transactions secrètes que le prince Linus mène avec des nations étrangères. » Telles étaient les informations que j’avais recueillies sur les transactions de Linus avec l’Union et le Royaume-Uni.

Le comte Gyanne porta une main à son menton, son regard pensif fixé sur les données devant lui. « Il n’y a rien d’anormal à cela, ce ne sera pas suffisant pour le blesser. Le prince Linus ne manquera pas de feindre l’ignorance de tout méfait, même avec des preuves. »

« Je ne compte pas sur les effets négatifs que cela pourrait causer au Prince Linus si tout cela était révélé. » Je n’avais pas l’intention de lui faire part de mes découvertes, je voulais simplement que le plus grand nombre possible de personnes soit au courant de ses liens avec des puissances étrangères. « Il suffira de nuire à sa réputation. Le prince Cléo gagnera le trône en ayant la meilleure réputation. »

Le comte Gaul semblait impressionné par mon assurance. « Si c’est possible, c’est merveilleux, mais n’est-ce pas un peu imprudent d’affronter le prince Linus ? »

Linus avait beaucoup de nobles qui le soutenaient — sans doute plus que ce que j’avais rassemblé dans cette pièce — et ils étaient tous plus puissants les uns que les autres. Il serait judicieux d’éviter un conflit avec quelqu’un comme lui.

Le baron Exner s’était mis à transpirer nerveusement. « La menace est bien trop grande pour qu’un simple baron comme moi puisse s’y opposer. » Il pensait probablement qu’il n’avait pas assez de pouvoir pour contribuer.

« Ne vous inquiétez pas, c’est le prince Cléo qui se chargera de l’essentiel de l’hostilité, et je me tiendrai derrière lui. J’aimerais avoir votre aide, mais je n’exigerais rien de déraisonnable. »

Tout ce que je voulais pour ma faction, c’était le nombre, car le nombre, c’est le pouvoir. Tant que je pouvais dire que beaucoup de gens soutenaient Cléo, d’autres seraient encouragés à le rejoindre.

Le comte Gaul jeta un coup d’œil dans la pièce. « Je dirais que c’est de la foutaise si vous n’étiez pas l’homme qui a éliminé la maison Berkeley. Ça a l’air intéressant, alors comptez sur moi. »

Le comte Gyanne s’esclaffa. « J’en suis aussi. »

Ces deux hommes influents ayant pris leur décision, les autres nobles avaient tous exprimé leur intention de rejoindre la faction de Cléo.

Le baron Exner me regarda. « Personne n’aurait soutenu le prince Cléo sans votre invitation, Lord Liam. »

Il semblait que la destruction de la Maison Berkeley m’avait permis d’acquérir une certaine influence. Après ce que j’avais accompli, les gens faisaient confiance même à un effronté comme moi, et je leur en étais reconnaissant. Mais nous n’étions pas là que pour ça.

« Je vous assure à tous, » dis-je à l’assemblée, « que nous serons victorieux à la fin. »

Je balayai du regard les nobles rassemblés. Ils avaient tous l’air louche, chacun avec ses particularités. Les méchants étaient toujours à l’affût de situations dont ils pouvaient tirer profit, et les personnes présentes dans cette pièce avaient été convaincues que si elles restaient avec moi, elles en tireraient effectivement profit. Après tout, lorsque Cléo deviendrait empereur, nous pourrions faire à peu près tout ce que nous voudrions, et ces nobles y croyaient enfin. C’était notre heure.

J’étais un vrai méchant, il était donc naturel que d’autres méchants se rassemblent autour de moi.

« C’est nous qui allons créer une nouvelle ère », avais-je conclu de manière dramatique.

J’avais souri, et les membres de ma nouvelle faction avaient souri avec moi.

 

☆☆☆

 

Après la réunion, le comte Gyanne et le comte Gaul avaient eu leur propre petite réunion dans un autre hôtel. Le comte Gyanne avait loué la chambre et le comte Gaul se tenait à la fenêtre, contemplant la planète capitale.

« Une nouvelle ère, hein ? J’aurais fait sortir quelqu’un de la pièce en riant si cela ne venait pas de Banfield », dit le comte Gaul sans se détourner de la fenêtre.

Le comte Gyanne contempla la boisson dans son verre, satisfait. « Quelle chance qu’un homme aussi remarquable que lui soit né dans les confins de l’Empire, hein ? »

« Ses grands-parents et ses parents étaient des imbéciles, mais cela signifie que le sang de Lord Alistair ne s’est pas éteint. »

« Oui — son arrière-grand-père, le héros des confins de l’Empire… C’était un grand souverain. »

L’arrière-grand-père de Liam était resté très respecté par la noblesse des confins de l’Empire.

Gaul s’esclaffa. « As-tu vu qui il a appelé à lui ? Rien que des marginaux. »

« J’avais entendu dire que le comte Banfield était arrogant, mais c’est un homme bienveillant au fond. J’en suis sûr, après avoir vu qui il a convoqué à la réunion d’aujourd’hui. Ce sont tous des gens qui privilégient la dignité et la volonté plutôt que le profit. »

Les nobles que Liam avait rassemblés étaient tous des seigneurs bon enfant qui régnaient fièrement, même s’ils n’avaient pas beaucoup de pouvoir. Gaul et Gyanne étaient pareils.

« Les plus proches du centre de l’Empire ont toujours méprisé ceux d’entre nous qui se trouvent à la périphérie. J’aimerais que nous puissions mettre le prince Cléo sur le trône et enfin faire quelque chose pour les problèmes de notre peuple négligé. N’est-ce pas, Francis ? »

« Je suis du même avis, Lord Jericho. Le comte Banfield doit être victorieux. »

 

☆☆☆

 

En tant que représentant de la faction de Cléo, Liam avait déclaré au grand public son soutien officiel au troisième prince.

Ce soir-là, Linus se rendit chez son frère Cléo et tous deux se retrouvèrent dans une salle de réception. Après une salutation formelle, Linus entra dans le vif du sujet.

« Cléo, je me suis trompé sur ton compte. »

« Et qu’entends-tu par là ? »

« Je pensais que tu te contenterais de vivre une vie paisible et humble en dépit de ta position. C’est pour cela que je t’ai ignoré. »

« Je vois. »

Linus se leva de son siège et regarda froidement Cléo. « C’est dommage que tu ne puisses plus jamais dormir sur tes deux oreilles. » C’est ainsi que Linus déclara la guerre à Cléo.

« As-tu fait tout ce chemin juste pour proférer des menaces ? Tu ne dois pas avoir mieux à faire, Linus. » Cléo sourit faiblement, trouvant amusant que Linus se donne la peine de l’avertir en personne de ses intentions.

Linus n’apprécia pas les railleries de Cléo. Son expression se durcit et il abandonna toute prétention. « Ne me prends pas à la légère, petit morveux. Crois-tu que nous sommes sur un pied d’égalité maintenant que tu as une petite faction à toi ? Tu n’es pas de taille à m’affronter avec la racaille que tu as pu dénicher. »

On pouvait toutefois se demander, si la faction de Cléo est si peu importante, pourquoi Linus se montre si hostile.

« Tu as l’air terriblement irrité », dit Cléo. « Y a-t-il un problème ? »

Les yeux de Linus s’embrasèrent. Il fit un pas menaçant vers l’avant, mais Tia s’était placée derrière Cléo pour le protéger pendant tout ce temps.

Ses yeux s’étaient rétrécis en se tournant vers lui.

« Je vous observe, Prince Linus. »

Linus s’arrêta dans son élan, se ressaisit et se dirigea vers la porte comme si le regard de Tia l’avait mis en fuite. Cependant, avant de sortir de la pièce, il se retourna pour montrer sa bravade habituelle.

« Je pense que tu regretteras de t’être impliqué dans ce conflit, mon frère. Tu es maintenant mon ennemi. »

Lorsque Linus fut parti, Cléo s’adossa à son siège. « Nous avons toujours été ennemis, Linus. »

Tia prépara ensuite du thé pour Cléo. En la regardant, il l’appréciait d’autant plus. Non seulement elle était une guerrière puissante, mais elle maîtrisait aussi parfaitement l’étiquette. Cléo considérait sa sœur comme un chevalier impressionnant, mais elle n’était pas au niveau de Tia.

« N’aimez-vous pas le prince Linus, Votre Altesse ? »

Cléo ne savait pas trop comment répondre à la question de Tia. « Ce n’est pas exactement ça. C’est juste que nous avons tous les deux nos positions de princes à prendre en compte. Peut-être que nous nous entendrions dans d’autres circonstances. »

Auraient-ils été proches s’ils n’avaient pas été membres de la famille royale ? C’était une question inutile, et Cléo secoua la tête.

Il porta à ses lèvres la boisson que Tia lui avait préparée et, à ce moment-là, sa sœur Cécilia entre dans la pièce. Ses longs cheveux de lin flottaient derrière elle.

« Linus avait l’air terriblement en colère, Cléo », dit-elle allègrement. « S’est-il passé quelque chose ? »

Cécilia ne semblait pas savoir ce qui se passait. Cléo ne savait pas trop quoi lui dire. J’aimerais que Cécilia quitte le palais si possible, pour sa propre sécurité…

Un conflit féroce était sur le point d’éclater, et Cléo ne pense pas que Cécilia soit faite pour cela.

« Ce n’est rien, Cécilia. Tia… »

« Oui ? »

« Pourriez-vous demander une faveur au comte Banfield pour moi ? J’aimerais qu’il trouve à ma sœur un partenaire conjugal convenable. »

« Un partenaire conjugal ? Ce n’est pas à la cour de s’en occuper ? »

« Ils ne le feront pas. Personne ici n’a vraiment l’intention de lui trouver un compagnon digne de ce nom. »

La position délicate de Cléo dans la hiérarchie affectait également sa sœur Cécilia. Elle faisait partie de la famille royale, tout comme lui, mais elle était encore plus bas dans la ligne de succession et n’avait même pas de fiancé. En d’autres termes, elle était facilement remplaçable, de sorte qu’aucun noble de leur cercle ne voudrait l’épouser si cela signifiait qu’il risquait d’être effacé lui aussi. D’une certaine manière, la position de Cécilia était encore pire que celle de Wallace.

Tia comprit la position de Cécilia et promit de contacter Liam. « Je le contacte tout de suite. »

Cécilia, quant à elle, fut choquée dès que le mot « mariage » avait été prononcé.

« Hein ? Pourquoi parle-t-on de mon mariage ? »

***

Partie 5

Une fois le dîner avec mes nobles alliés terminé, j’avais pris un verre avec le baron Exner. En tant que père de mon ami Kurt, je voulais apprendre à le connaître un peu mieux, mais il semblerait que j’ai fait une erreur en ce qui concerne la boisson…

« Comprenez-vous, Monsieur le Comte ? » dit-il. « Comme c’est gênant que mes subordonnés achètent des posters de moi et les collent à l’intérieur de leurs casiers ? »

Apparemment, quand il était ivre, il laissait sortir les choses qu’il gardait en lui. Et comme j’étais ici avec lui…

Je ne savais pas quoi répondre. « Ça a l’air dur… »

Non, je ne comprenais pas du tout ce que ressentait le baron Exner. Mes propres subordonnés se promenaient-ils avec des photos de moi sur leurs tablettes ? J’imagine que c’est possible, mais je n’arrive pas à imaginer qu’un seigneur au pouvoir soit considéré par sa population comme une idole. Apparemment, il contrôlait vraiment le cœur de son peuple, malgré sa nature maléfique. Cela ne me semblait pas être une mauvaise chose, mais cela semblait déranger le baron Exner.

« Si les personnes qui se conduisent normalement de manière professionnelle devant moi s’enthousiasment pour des photos de moi en privé, comment suis-je censé faire confiance à qui que ce soit ? »

Il pleurait comme un ivrogne, ce qui me rendait un peu compatissant, mais à mes yeux, il utilisait bien sa popularité.

« Je me sens pathétique d’autoriser la vente d’une telle marchandise, juste pour faire de l’argent pour mon domaine. Sans parler du fait que je n’ai pas réussi à trouver quelqu’un à épouser pour mon fils… Oh — vous envisagez toujours d’accepter que ma fille s’entraîne à la Maison Banfield, n’est-ce pas ? »

J’avais été impressionné par le fait qu’il aille jusqu’à vendre des produits dérivés de lui-même pour gagner de l’argent. Peut-être devrais-je essayer cela aussi ? Non, je n’y crois pas. Je n’arrivais pas à imaginer que des objets à mon effigie puissent se vendre. En fait, il y avait eu des projets de création à un moment donné, mais je les avais étouffés moi-même.

Oups, le baron Exner m’a posé une question.

« Je n’ai pas oublié », avais-je répondu. « Elle est la bienvenue à tout moment. N’as-tu vraiment personne pour épouser Kurt ? »

« Nous ne sommes que des nobles autodidactes, après tout. Je lui ai imposé un tel fardeau… »

Le baron Exner s’en voulait d’avoir mis Kurt dans cette situation. Ayant reçu leur titre de noblesse au lieu d’être nés avec, les Exner n’étaient pas très respectés dans la haute société. Kurt se sentait probablement sous pression, et il ne se sentait pas capable de s’ouvrir à moi à ce sujet. Ce type va-t-il bien ?

Alors que je continuais à boire avec le baron Exner, un appel de Tia, que j’avais laissée avec le prince Cléo, était arrivé.

« Dans un moment comme celui-ci… ? » Je soupirai. Je m’étais excusé auprès du baron Exner, « Excusez-moi — un subordonné essaie de me contacter. »

Je m’étais levé et j’avais pris l’appel de Tia sur ma tablette.

« Qu’est-ce qu’il y a ? »

J’avais cru entendre un chuchotement sexy : « Ah, la voix de Lord Liam ! » mais ce n’était probablement que mon imagination. De sa voix habituelle, Tia avait expliqué la raison de son appel.

« Le Prince Cléo espérait obtenir votre aide pour quelque chose, Lord Liam. »

« De l’argent ? » Je lui avais demandé combien, mais sur l’écran de la tablette, Tia avait secoué la tête.

« Non, il ne s’agit pas de fonds supplémentaires, mais de sa sœur, la princesse Cécilia. Elle a plus de 150 ans, elle devrait donc être mariée, mais en raison de son statut défavorable, elle ne trouve pas de prétendant. »

Cléo voulait que je trouve un fiancé pour Cécilia… Je ne savais pas trop quoi répondre à cela. J’avais eu un aperçu d’elle lors de ma rencontre avec Cléo, et elle m’était apparue comme une belle femme, bien qu’un peu tête en l’air.

« Pense-t-il que je peux trouver quelqu’un pour elle ? N’est-ce pas à la cour d’en décider ? » Si elle pouvait épouser qui elle voulait, on pourrait penser qu’il n’y aurait pas de problème. Cependant, sa position inconfortable allait apparemment lui compliquer la tâche, quoi qu’il arrive.

« Il n’y a pas de problème de ce côté-là. La cour la laisse tranquille puisqu’elle n’a pas d’attache pour le moment. Je pense que ce serait une bonne occasion d’établir un lien entre elle et une famille noble avec laquelle vous avez des liens étroits, Lord Liam. »

Tia avait suggéré d’utiliser la princesse Cécilia comme une occasion de rendre une autre famille redevable envers moi. Après tout, la princesse restait une membre de la famille royale la plus respectée de l’Empire. Quiconque avait un problème avec elle manquait de perspicacité. Son père était l’empereur et sa mère venait d’une puissante famille noble. Seule sa proximité avec Cléo posait problème. Contrairement à Wallace, dès que les problèmes de Cléo seraient derrière lui, Cécilia devrait pouvoir trouver quelqu’un à épouser en un rien de temps.

« Hm… Un partenaire pour elle, hein ? »

« Oui. Sa lignée est sans faille et elle a un tempérament plutôt agréable. Ce serait bien si vous pouviez lui trouver un partenaire convenable… »

Alors que je réfléchissais, mes yeux se posèrent sur le baron Exner, ivre et assoupi à la table où je l’avais laissé. Il était à la recherche d’une épouse pour son fils, n’est-ce pas ?

« Une maison autarcique gagnerait à se marier avec la famille impériale, n’est-ce pas ? »

« Avez-vous pensé à quelqu’un ? »

Restant en ligne avec Tia, je m’étais dirigé vers le baron Exner et l’avais réveillé.

« Baron Exner, j’ai une idée pour le mariage de Kurt. »

« Kurt ? Oui… Il faut vraiment que je lui trouve quelqu’un rapidement… »

Il était encore ivre, mais au moins il écoutait.

« Je connais quelqu’un qui vient d’une maison très prestigieuse. Elle est cependant un peu plus âgée que lui… »

L’âge de Cécilia était le seul problème auquel je pouvais penser. Kurt avait quatre-vingts ans, comme moi. Cécilia, elle, avait plus de cent cinquante ans. Elle aurait pu lui convenir, mais je craignais que la différence d’âge ne soit trop importante.

« Plus vieille ? Oh, j’aurais de la peine pour Kurt… »

Le baron Exner semblait avoir les mêmes doutes. J’imagine finalement que ça ne marchera pas.

« Ouais, je suppose qu’une différence de soixante-dix ans, c’est beaucoup, hein ? »

Le baron Exner sembla surpris d’entendre le chiffre exact. « Soixante-dix ? Cela semble être une différence assez raisonnable. »

Hein ? Est-ce le cas !?

« Est-ce que ça va vraiment ? » demandai-je. J’avais pensé que, dans son état d’ébriété, il m’avait peut-être mal compris, mais le baron Exner était apparemment sain d’esprit.

« Je pense qu’une fille plus âgée serait bien pour lui. Si Kurt pouvait compter sur une femme mûre pour le soutenir, cela me rassurerait aussi. »

Il semblerait qu’une différence d’âge de soixante-dix ans soit parfaitement acceptable dans ce monde imaginaire.

« Est-ce que Kurt sera d’accord avec ça ? », avais-je demandé en me souciant de mon ami. « Êtes-vous sûr que la différence d’âge ne le dérangera pas ? »

Le baron Exner avait réfléchi à la question. « Il faudrait réfléchir à une différence de cent ans, mais je me souviens que Kurt m’a dit qu’il serait d’accord pour moins que cela… »

Vraiment ? Si c’était le cas, j’avais décidé que je devais les présenter tous les deux tout de suite.

« Alors, organisons une réunion pour eux. »

À partir de là, il ne s’agissait plus que de les présenter l’un à l’autre avant le mariage. Je me sentais un peu mal pour Kurt, qui devait prendre cette décision à sa place, mais nous étions des nobles, après tout. S’il n’aimait pas sa future épouse, il pouvait toujours se trouver une maîtresse à côté.

Le moral remonté, le baron Exner devint enthousiaste. « Absolument ! Oh, Kurt va enfin pouvoir se débrouiller tout seul ! Ah… Mais devrions-nous attendre qu’il soit sorti de l’académie militaire ? »

Le baron Exner était peut-être un peu instable en ce moment, mais il était assez perspicace pour regarder vers l’avenir.

« Il peut attendre la fin des cours pour se marier, mais il faut les fiancer maintenant. »

« Aha ! Il ne devrait pas y avoir de problème avec ça ! »

J’avais fait part de ce qui avait été décidé à Tia, dont l’appel était toujours en cours. « C’est décidé. Nous allons jumeler la princesse Cécilia avec Kurt. »

« Très bien. Dois-je faire venir le seigneur Kurt de l’académie maintenant ? »

« Bien sûr. »

C’est bien ! J’ai réglé le petit problème de mariage de mon ami.

Cécilia était issue d’une famille importante et était également très belle. J’étais sûr que Kurt serait satisfait de cette rencontre. Je regardai le baron Exner — il s’était rendormi, mais cette fois avec un cœur plus léger.

« J’attends avec impatience la cérémonie. »

 

☆☆☆

 

Le retour du baron Exner dans son domaine provoqua une grande agitation.

« Comment ça ? Un membre de la famille royale se marie avec notre famille ? » s’écria sa femme, les yeux exorbités.

Il était incroyable qu’une princesse impériale se marie avec la famille d’un baron autodidacte, et toute la maison Exner en était bouleversée.

Le baron Exner tressaillit lorsque sa femme se pencha sur lui. « Je ne sais pas ! J’ai un peu trop bu et je me suis endormi, et quand je me suis réveillé, tout était arrangé ! »

Le baron avait appris à son réveil que son fils Kurt allait se marier avec Cécilia, une princesse impériale, et des plans étaient déjà en place pour que les deux se rencontrent. Les choses étaient gravées dans le marbre. S’ils essayaient de faire marche arrière maintenant, la maison Exner était fini en tant que noble.

« Nous sommes une toute nouvelle baronnie ! » se lamenta sa femme. « Nous n’avons pas le statut nécessaire pour accepter une princesse impériale dans la famille ! »

Baron Exner s’était excusé. « J’ai dit au comte que ça ne marcherait pas, mais il n’arrêtait pas de dire que c’était bon ! » Il donnait l’impression que Liam l’avait presque forcé à accepter.

« Ce n’est pas bien ! Nous sommes pauvres ! » s’écria sa femme.

Un peu plus loin, une belle jeune fille se tenait là, observant la conversation frénétique de ses parents. C’était la sœur de Kurt, Ciel Sera Exner. Elle avait les mêmes yeux violets que Kurt et de volumineux cheveux argentés. Les traits de son visage ressemblaient également à ceux de Kurt, et son corps était petit et mince.

Pendant que Ciel écoutait ses parents, elle parlait avec Kurt par le biais d’un système de communication à distance. « As-tu entendu tout ça, Kurt ? »

Kurt lui fit un sourire gêné, son visage projeté en hologramme devant elle. Il avait une bonne idée de la situation en écoutant ses parents. « J’ai tout entendu. Je n’aurais jamais pensé me marier avec une princesse impériale… »

« Le comte Banfield est horrible de prendre cette décision sans te demander ton avis. Je me sens mal pour toi. »

« Ah ha ha… Tu en fais une trop grosse affaire. »

« Je pense que tu as raison d’être en colère, Kurt. »

« Eh bien, c’est Liam qui a organisé tout ça, alors je ne peux pas le refuser », dit Kurt, sa bonne humeur s’estompant quelque peu.

Le mécontentement de Ciel à l’égard de Liam ne faisait que croître. C’est horrible de sa part de mettre mon frère dans une telle situation.

 

 

Ciel idolâtrait son frère aîné. Si on lui demandait quel était son homme idéal, elle répondait Kurt sans hésiter. Maintenant que Kurt avait été mis dans une situation difficile, elle était furieuse — et contre Liam, puisqu’il était la source des problèmes de Kurt.

Une autre question qui l’intriguait lui vint à l’esprit. « Ces derniers temps, tu sembles toujours fatigué, Kurt. Quelque chose te tracasse ? »

Ciel s’inquiétait du malaise de Kurt, mais il changea rapidement de sujet.

« L’entraînement est vraiment difficile à l’académie. Cela me rappelle que tu vas bientôt commencer ton entraînement, n’est-ce pas, Ciel ? Tout est prêt ? »

« Oui ! Je me rendrai bientôt à la Planète capitale pour me présenter. »

Ciel restera quelque temps à la Maison Banfield, mais elle se rendra d’abord sur la Planète capitale pour rendre hommage à Liam et Rosetta.

« Liam est strict, alors assure-toi de travailler dur. »

Ciel se sentait de plus en plus mal à l’aise au sujet de son frère à mesure qu’elle regardait son image projetée. Elle pouvait voir à quel point il devenait fragile. « Kurt, es-tu sûr que tu vas bien ? »

« Je vais bien. Tu es tellement inquiète, Ciel. »

 

☆☆☆

 

Après avoir téléphoné à sa sœur, Kurt retourna dans sa chambre et s’assit sur son lit. Son colocataire étant sorti, il se retrouva seul.

« Alors je vais me marier, hein… »

D’un air sombre, il sortit une petite boîte qu’il avait apportée à l’académie militaire. À l’intérieur se trouvaient plusieurs petites bouteilles, chacune contenant une sorte de solution. La drogue rose qu’il avait achetée dans les souterrains de la Planète capitale en faisait partie.

Les mains de Kurt tremblèrent lorsqu’il plongea la main dans la boîte.

« Une fois. Juste une fois… »

Kurt avait l’air angoissé alors qu’il prenait une des petites bouteilles.

***

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