Chapitre 9 : Première bataille
Table des matières
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Chapitre 9 : Première bataille
Partie 1
Nous avions été en mesure de rassembler quelque cinq mille vaisseaux. Bien que notre force militaire complète comprenne huit mille vaisseaux, entre les vaisseaux en maintenance et ceux qui ne pouvaient tout simplement pas être préparés à temps, c’est ce que nous avions pour ce combat. Si nous avions attendu un peu plus longtemps, nous aurions pu porter ce nombre à six ou sept mille, mais je ne pensais pas que nous devions attendre davantage.
Sur le pont de mon vaisseau spatial, j’étais assis de manière hautaine dans mon fauteuil spécialement équipé. Le pont était vaste, avec plus de cent personnes qui s’y bousculaient. Le mien était un vaisseau très performant, capable de servir de centre de commandement pour mes cinq mille vaisseaux. Avec les commandants et les officiers d’état-major à bord, il comptait plus de personnel que la moyenne des vaisseaux.
Depuis ma chaise, j’avais ordonné aux soldats affairés d’accélérer le rythme. « Sommes-nous prêts à lancer ? »
Les soldats étaient tous à cran, mais ils ne pouvaient pas répondre à un noble. C’était comme ça dans l’Empire, les divisions de classe étaient absolues, et personne ne pouvait me désobéir. Franchement, c’était génial. Les simples soldats travaillaient comme des fous pendant que j’étais assis au sommet, à les regarder.
C’est ce que signifie la noblesse. Bien sûr, je serais énervé si j’étais à leur place. Vous travaillez dur et votre patron se la coule douce ? Je voudrais le tuer.
« Ce ne sera plus très long maintenant, mon seigneur. Plus important encore, est-ce vraiment le meilleur plan d’action ? »
Le commandant avait une fois de plus remis en question mes ordres, mais j’avais coupé court à la conversation avec un « C’est assez » sec.
C’est un jeu décidé à l’avance. Bien sûr, j’affronte un énorme gang de pirates, mais ce n’est rien d’autre qu’une étape bonus pour moi. Ma victoire est déjà décidée. J’avais souri. Je ne pouvais pas attendre de voir mon prix.
« Ces types ont une sorte de trésor, non ? »
Les soldats avaient échangé un regard devant mon changement soudain de sujet. « Il semblerait que oui. Vu la façon dont ils se déchaînent, il serait logique que le gang des pirates de Goaz soit en possession d’un trésor miraculeux. »
J’avais souri. « J’ai hâte de le leur prendre. Je suis impatient d’en faire usage. »
Ils avaient continué à me regarder, déconcertés.
Ces gars sont totalement effrayés par le nombre de navires de l’autre camp. Est-ce normal que mon armée personnelle réagisse comme ça ?
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Au milieu de toute l’énergie nerveuse sur le pont, seul Liam souriait. Assis sur la chaise préparée pour le comte et de personne d’autre, il sirotait avec élégance son verre. Il avait l’air tout à fait calme, et personne ne savait vraiment comment réagir.
« Plutôt calme pour sa première bataille, » avait fait remarquer le colonel à son commandant, le lieutenant général.
Le lieutenant général ne savait pas non plus comment réagir à l’attitude de Liam. « Il n’a pas l’air de faire simplement bonne figure. »
Son chef était enclin à être d’accord. « Il a la réputation d’être un administrateur compétent, mais qu’en est-il de ses prouesses militaires ? Personnellement, je préférerais qu’il ne cherche pas à trop s’immiscer. »
« Je suis d’accord. »
Aucun des soldats ne savait quoi penser. Il était rare qu’un seigneur vienne lui-même au front. Normalement, les nobles restaient en sécurité à l’arrière ou laissaient leurs domaines derrière eux et fuyaient. Pourtant Liam avait dit qu’il les mènerait au combat — et il n’était même pas encore adulte.
« C’est peut-être sa marque de fierté en tant que noble. Je pense que c’est louable, » dit le lieutenant général, et le colonel acquiesça.
Pour être honnêtes, les soldats auraient préféré que Liam s’enfuie et vive pour voir un autre jour, mais cela leur donnait aussi du courage de le voir essayer de faire son devoir.
« Les troupes sont moins agitées avec notre seigneur ici. J’espère qu’il continuera à rester assis là à nous remonter le moral. »
Du point de vue des soldats, leur chef se battait avec eux au lieu d’abandonner le navire. Certains d’entre eux avaient été profondément émus par cette vue, pensant : c’est ce qu’un noble devrait être.
La présence de Liam sur le champ de bataille signifiait également que ses militaires ne seraient pas utilisés comme des pions sacrificiels. Sacrifier des soldats pour que la noblesse puisse s’échapper n’était pas une tactique inhabituelle dans l’Empire. Par conséquent, l’armée privée de la Maison Banfield avait un moral étonnamment élevé. Ils étaient encore capables de conserver leur volonté de combattre face à une force ennemie six fois plus importante qu’eux.
Ajustant son chapeau, le lieutenant général se rassura. « Maintenant, nous devons nous assurer de nous-mêmes suivre son exemple. »
« Vous l’avez bien dit. »
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Parmi les navires de la flotte du gang des pirates de Goaz, Goaz commandait un vaisseau particulièrement grand. Il avait appartenu à une nation qu’il avait détruite, et il l’avait pris en affection. Bien sûr, avec toutes les modifications qu’il avait apportées, il ne ressemblait plus guère au vaisseau d’origine.
Ayant reçu un rapport sur le pont de ce navire, Goaz avait pressé sa main sur son front et avait ri. « Il sort lui-même ? Le petit enfant va-t-il se battre avec les grands ? »
Les autres pirates ne manquaient pas de se joindre à ses rires pour garder Goaz de bonne humeur. Jusqu’à présent, la bande de pirates de Goaz n’avait jamais connu la défaite. Ils n’avaient rien à craindre d’un comté paumé avec un nombre dérisoire de soldats et pas un seul chevalier. Pour eux, les actions de Liam semblaient suicidaires.
« Eh bien, il a du cran, je lui accorde ça. Dites à tout le monde qu’ils auront le double de la récompense s’ils le prennent vivant. Je vais faire de ce gamin mon nouveau jouet. »
Sachant exactement comment Goaz aimait jouer avec ses jouets, son adjudant grimaça. « Bon goût comme toujours, patron. »
Goaz était de bonne humeur, appréciant la réaction de Liam face à son arrivée. « C’est agréable de mettre à terre des morveux coincés comme lui. Je pense que je vais tourmenter ses pauvres gens sans défense quand j’en aurai fini avec lui. »
Pendant près d’un siècle, Goaz avait joué avec la vie d’innombrables personnes. La raison pour laquelle il était capable d’accomplir tout cela était la petite boîte en or qu’il avait acquise — la boîte d’alchimie. C’était le trésor qui avait transformé Goaz d’un voyou quelconque en capitaine d’une énorme flotte de pirates.
La boîte d’alchimie était un objet fantastique qui pouvait transformer n’importe quelle vieille camelote en or. Elle avait été créée par un ancien artisan, les secrets de sa fabrication se perdant dans le temps. Il avait été dit que personne ne serait jamais en mesure de faire quelque chose comme ça à nouveau. Il ne se contentait pas de fabriquer de l’or, l’appareil pouvait également transformer des matériaux en Mithril ou en adamantite. Avec cet objet, n’importe quelle vieille pierre gisant au bord d’une route pouvait devenir un métal précieux. C’était tellement puissant.
« Je pense qu’il est temps d’apprendre à un petit morveux ignorant ce qu’est une vraie guerre. »
Dans l’esprit des pirates, ils avaient déjà gagné. C’était tout naturel pour eux de ressentir cela, étant donné que leurs forces étaient six fois plus importantes que celles de leur ennemi. Ils n’avaient même pas besoin d’une stratégie. Il suffisait de les percuter de plein fouet, et la victoire était certaine.
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Plusieurs jours après avoir quitté mon domaine, nous avions enfin affronté les pirates. J’avais écouté le lieutenant général, qui était le commandant par intérim de mon navire, donner des ordres, mais c’était tellement ennuyeux que j’avais du mal à rester éveillé. Mon fauteuil de capitaine était de très bonne qualité. Je n’avais pas mal au dos lorsque je m’asseyais dessus pendant des heures, et il était si confortable que j’avais envie de dormir. En fait, je m’y étais déjà endormi plusieurs fois au cours des derniers jours. Si je baissais ma garde maintenant, je recommencerais probablement à m’endormir.
Il y avait une raison à cet ennui. Comme les deux flottes connaissaient la position exacte de l’autre, chaque mouvement était trop prévisible. Cela faisait des jours que nous nous étions rencontrés pour la première fois, mais il n’y avait pas encore eu de bataille. Tout ce que les deux camps avaient fait pendant ce temps était de repositionner leurs vaisseaux dans de nouvelles formations de combat. Je ne connaissais rien à la guerre, je laissais donc mes hommes faire le travail, mais si je ne disais pas quelque chose rapidement, il n’y aurait peut-être jamais de bataille.
J’avais l’impression que le combat serait rude en raison de notre infériorité numérique, mais jusqu’à présent, c’était trop calme. Quand est-ce que le combat va commencer ?
C’est ce que j’avais demandé à un soldat proche de moi. « Alors, quand irons-nous au combat ? »
« Cela a déjà commencé, monseigneur. Dans un combat de cette ampleur, on ne peut pas simplement charger l’ennemi. En infériorité numérique, nous sommes dans une situation délicate. »
Ça n’a même pas encore commencé et on est déjà dans une situation délicate ? Qu’est-ce qui se passe avec ça ?
« Je ne vois pas l’ennemi. »
« Dans l’espace, si vous pouvez voir l’ennemi, vous êtes à bout portant. »
« Ça me dit quelque chose. » J’avais l’impression de l’avoir appris dans la capsule éducative, mais je n’avais jamais reçu de leçons d’un vrai soldat, alors la mémoire m’échappait.
Ces gars ne me lèchent vraiment pas les bottes, hein ? Ça ne me dérangerait pas s’ils le faisaient, mais je suppose que je devrais apprécier leur franchise. Ils font du bon travail pour moi, alors je l’autorise. Je suppose qu’ils essaient juste d’évaluer la bonne distance entre nous et l’ennemi et le bon moment pour réduire cette distance. Vraiment, c’est une bataille menée avec des instruments. Quand même, combien de temps faut-il pour viser les autres gars ?
« À cette échelle, ils ont probablement de vrais conseillers militaires, » murmura le commandant.
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Partie 2
Les soldats voisins discutaient de la même chose. « J’ai entendu dire qu’ils ont beaucoup d’anciens soldats. »
« Avec cette différence de nombre, ils vont avoir de gros problèmes s’ils sont plus qu’incompétents. »
Je m’étais retourné vers le soldat à côté de moi. « Est-ce que toutes les batailles ressemblent à ça ? »
« Non, pas toujours, mais les commandants doivent toujours se préoccuper du timing de leurs attaques. »
Petit à petit, les deux forces s’étaient rapprochées et avaient réajusté leurs formations. L’ennemi n’était pas à portée de vue, mais les deux camps étaient conscients de l’existence de l’autre. Sur une représentation 3D simplifiée du champ de bataille, je pouvais voir nos ennemis tenter de nous encercler.
« Combien de temps allons-nous devoir attendre ? » Au moment où j’envisageais d’ordonner à ma flotte de charger, j’avais été alerté par le cri d’un des opérateurs de la passerelle.
« Échec des communications ! Le brouillage vient de… directement au-dessus de la flotte ! Ennemis en approche depuis le haut ! Cinq cents navires ! »
Le commandant avait calmement donné ses ordres. « Préparez-vous à intercepter, mais ne les laissez pas vous distraire de la force principale ! »
Ma flotte, qui se déplaçait rapidement, avait fait demi-tour, de sorte que le nez des navires pointait vers le haut, vers l’ennemi qui attaquait.
Pendant ce temps, le commandant grimaçait. « Ils ont donc agi les premiers. »
J’avais demandé au soldat à côté de moi de m’expliquer. « Ne devriez-vous pas éviter de diviser nos forces ? Pourquoi nous attaqueraient-ils avec seulement cinq cents navires ? »
« Ils essaient de briser notre formation. Peu importe la vitesse à laquelle nous interceptons, ils seront capables de nous déstabiliser d’une manière ou d’une autre. »
« Ils devraient juste tout faire dès le début, » m’étais-je plaint.
Ce soldat avait alors remarqué quelque chose à propos des ennemis qui chargeaient, et la couleur avait disparu de son visage. « Monseigneur, ce ne sont pas des pirates… Ce sont des navires qui se sont rendus aux pirates. Ce sont les militaires d’un autre territoire — utilisés comme des pions sacrificiels. »
Ces vaisseaux ne semblaient pas appartenir à l’Empire, ils devaient donc provenir d’une autre nation intergalactique.
« Ils capturent une force ennemie et l’envoient sur un autre ennemi. Dites-moi, s’ils pouvaient couper nos communications, pourquoi ne l’ont-ils pas fait avant ? »
« Cela affecterait aussi leurs propres communications. Pensez-y comme quelque chose à n’utiliser qu’à un moment crucial. »
S’ils ne pouvaient pas communiquer, ils ne pouvaient pas envoyer d’ordres. Ce serait une vraie douleur pour les deux côtés.
Quand la flotte avait lancé son attaque, nous l’avions interceptée et avions riposté. Toutes sortes de faisceaux avaient filé entre nous. Il y avait une certaine beauté dans les éclairs de lumière qui illuminaient l’obscurité de l’espace.
Mec, des explosions dans l’espace… Je dois dire que les mondes imaginaires sont assez étonnants.
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Depuis le pont de son vaisseau, Goaz avait applaudi son ennemi. « Le morveux sait se battre. Ou alors il a des gens talentueux qui travaillent pour lui. »
Ils avaient repoussé cinq cents de ses navires alliés, mais Goaz s’en fichait. Les troupes vaincues n’étaient que de la chair à canon qui s’était rendue à lui, alors il n’avait pas à s’inquiéter de les perdre. De plus, son avantage était si écrasant que la perte de seulement cinq cents navires n’aurait rien changé à l’issue de la bataille.
Son adjudant n’avait pas l’air particulièrement gêné non plus. « Les choses sont chaotiques pour eux, patron. C’est le moment d’attaquer. »
La flotte de la Maison Banfield était déjà désorganisée, et il n’y avait aucun moyen pour eux de retrouver leur organisation avec des communications interrompues. Pendant que leur détachement se battait, les pirates avaient avancé.
Goaz acquiesça à l’évaluation de la situation par son adjudant. Sa voix entraînante résonnait sur le pont. « Les gars, il est temps de charger ! Pendant qu’ils sont encore confus, apprenons-leur comment les pirates font les choses ! »
À la suite de l’ordre de Goaz, toute la flotte pirate avait chargé. Ils n’étaient pas en formation, mais ils s’en fichaient. Vu la désorganisation de leur ennemi, ils pouvaient facilement être vaincus par un simple assaut frontal.
La flotte de la Maison Banfield avait battu en retraite tout en restant en formation, le nez des navires pointant toujours vers l’ennemi.
« Ils fuient. Nous allons les poursuivre, et… Hm ? »
Les pirates attaquants avaient volé droit dans un piège — un champ de mines. Une cinquantaine de vaisseaux à l’avant de la charge avaient été pris dans les explosions et avaient été mis en pièces. Les explosions avaient même atteint certains navires derrière eux, créant des dommages importants.
« Sournois. »
Ils avaient dû répandre les mines pendant que les deux forces s’affrontaient, ou pendant qu’elles battaient en retraite. Quoi qu’il en soit, en termes de force de combat totale, ils n’avaient pas perdu beaucoup.
Imperturbable, l’adjudant évalua les forces de House Banfield. « Ils sont meilleurs que nous le pensions. »
Goaz était plutôt amusé par leur résistance. « C’est mieux quand ils nous amusent un peu. Quelques pertes ne vont pas… »
Soudain, leurs navires de première ligne avaient été touchés par un barrage ennemi et ils avaient commencé à exploser.
« Hein ? » Goaz avait plissé les sourcils et s’était tourné vers son adjudant pour obtenir une explication.
L’autre homme s’était empressé de répondre, l’air anxieux. « Leurs troupes semblent être assez expérimentées, et leur équipement n’est pas mal non plus. »
Goaz avait fait claquer sa langue. Ils n’étaient pas en mesure de communiquer avec leurs autres vaisseaux ou d’intercepter les transmissions ennemies, les communications étant interrompues des deux côtés, mais d’ici, il semblait que ces gars se battaient mieux que prévu. Les rôles étaient inversés sur la ligne de front.
« Plutôt impressionnant, mais qu’est-ce que ça change ? Vous pensez vraiment que vous pouvez compenser la différence de chiffres avec ça ? »
Même si l’autre camp s’avérait plus expérimenté, les pirates avaient toujours une supériorité numérique écrasante. Peu importe le nombre de navires qu’ils perdaient, il y en aura d’autres derrière eux pour continuer l’attaque contre la flotte de la Maison Banfield.
Les deux camps s’affrontèrent, et les deux flottes subirent des dommages sur leurs lignes de front, mais aucune des attaques n’atteignit le vaisseau de Goaz. Son vaisseau était équipé d’un bouclier énergétique, et plusieurs vaisseaux spécialisés dans la défense étaient disposés autour du sien, le protégeant. Il n’avait rien à craindre de son ennemi.
« Continuez à pousser — nous avons l’avantage ! Écrasez-les ! »
Ils se battaient un peu, c’est tout. Les pirates avaient avancé, se dirigeant vers la flotte de la Maison Banfield.
L’adjudant avait anticipé les mouvements de leur ennemi. « Normalement, l’armée privée d’un noble commence à fuir à ce moment-là. Dès que l’un d’entre eux rompt le rang et prend la fuite, ils vont tous s’effondrer. »
Lorsqu’un navire s’enfuit, les autres finissent par suivre, brisant la formation de la flotte. Il était plus facile d’écraser un ennemi en fuite, c’est ce que l’adjudant espérait.
« Eh bien, ils ont les couilles de ne pas fuir. S’ils veulent tellement se battre, on va leur en mettre plein la vue. »
« Tu l’as bien dit, patron. »
Les équipages mal entraînés appartenant à la noblesse avaient tendance à fuir dès qu’ils étaient en situation de désavantage, soit par manque d’expérience, soit par simple manque de loyauté. Cependant, jusqu’à présent, la flotte de la Maison Banfield restait soudée et se battait en faisant preuve de persévérance. Pensant qu’ils finiraient par les épuiser, les pirates avaient continué leur charge.
« Je parie qu’ils vont bientôt s’enfuir, » dit Goaz.
Finalement, les mouvements des vaisseaux de la Maison Banfield avaient changé. Voyant cela, l’adjudant s’était dit que l’affrontement touchait à sa fin. « On les tient dans les cordes, patron. »
« C’est ce que j’attendais d’eux. »
Les deux hommes pensaient que leur ennemi brisait sa formation et que la bataille était terminée.
Cependant, quelque chose n’allait pas.
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Combien de temps cette bataille va-t-elle encore durer ? Irrité, je m’étais levé de ma chaise et j’avais fait signe au commandant. Il avait l’air occupé, mais je m’en fichais.
« Hé, combien de temps va-t-on faire ? »
« C’est le mieux que nous puissions faire pour le moment, monseigneur. Pour gagner, nous devons faire durer la bataille aussi longtemps que possible en attendant que l’armée régulière… »
C’est ça ton plan ? Je n’aurais pas dû te laisser faire.
« Attendre l’armée régulière ? Qui vous a ordonné de faire ça ? Je vais me battre ici et maintenant, et gagner avec ma seule force. On va finir ça avant même que les autres n’arrivent. »
« M-Mais, mon seigneur… »
« L’ennemi est plus nombreux. Que va-t-il se passer s’ils envoient une force détachée sur ma planète ? »
« Eh bien… il est possible que notre unité défensive ne soit pas en mesure de les repousser. C’est pourquoi nous devons les occuper ici ! »
« Ne soyez pas ridicule ! Vous voulez juste les laisser entrer dans mon domaine ? »
Je n’en avais rien à foutre de ma planète, mais Amagi était là. Eh bien, et Brian aussi. La victoire n’avait aucun sens si mon territoire était déchiré et si Amagi était morte. En fait, est-ce que je me fichais vraiment de ce qui arrivait à ma planète et à mon peuple ? Après tout le travail qu’il m’avait fallu pour en arriver là, ce serait humiliant que quelqu’un d’autre détruise tout.
« Nous allons les écraser ici. Ne laissez aucun d’entre eux s’échapper ! Je ne permettrai pas à un seul d’entre eux de poser le pied sur ma planète ! »
« Mais qu’en est-il de votre propre vie, mon seigneur ? »
Il est vrai que je tenais à ma propre vie, mais il n’y avait aucune raison de prolonger cette partie de jeu avec les pirates. En combattant un ennemi plus puissant, vous devez tout faire pour le ramener à votre niveau. Nous sommes contre des pirates, ils n’ont pas peur de jouer salement. Je ne veux pas leur donner plus de temps pour élaborer une stratégie.
« Ne discutez pas avec moi. Maintenant, j’ai apporté mon unité personnelle puisque c’est ma première bataille et tout… Nous devrons nous rapprocher de l’ennemi pour que je puisse aller le combattre, non ? »
Tout le monde me regardait avec des yeux durs, comme pour dire : « Qu’est-ce que ce morveux croit faire en parlant de choses qu’il ne comprend pas ? » Mais je m’en fichais. En plus, si j’attendais l’intervention de l’armée régulière, ils réclameraient mon trésor. Goaz est ma proie ! Je ne le donnerai à personne d’autre !
« À tous les navires, chargez. »
Face à mon ordre, le commandant avait écarquillé les yeux. « Quoi — ? »
« Vous ne m’avez pas entendu ? J’ai dit, chargez avec tous les navires. Dépêchez-vous et faites-le. Je vais me déployer avec l’Avid, dites-moi quand on sera assez près. Nous enverrons aussi les autres chevaliers mobiles. »
J’en avais assez de rester assis sur le pont, alors je m’étais dirigé vers le hangar, où l’Avid était entreposé. Bon sang, si vous vouliez juste les occuper, vous auriez dû me le dire plus tôt. Quelle perte de temps !
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Partie 3
Sur la passerelle du vaisseau de Goaz, lui et son adjudant devenaient agités. Ils avaient compris que quelque chose était bizarre lorsque la bataille ne s’était pas déroulée comme ils l’avaient prévu. Normalement, l’attaque de leur ennemi aurait dû faiblir à présent, mais il ne montrait aucun signe d’arrêt.
Goaz s’était levé de sa chaise. « Qu’est-ce qui se passe ? »
L’écran en face de lui grossissait la flotte ennemie lointaine. Ce qu’il voyait, c’était les vaisseaux ennemis retenant leur formation… Se battant, ne fuyant pas. En voyant cela, il était difficile d’imaginer que cette flotte perdait sa volonté de se battre.
Son adjudant était tout aussi surpris. « Ils ne battent pas en retraite ? Non, on dirait qu’ils resserrent leur formation et qu’ils avancent ! »
« Envoyez les chevaliers mobiles ! » hurla Goaz. « Tous les mercenaires aussi ! »
Ils étaient maintenant assez proches pour envoyer leurs armes humanoïdes pour combattre, mais ils avaient réalisé alors que l’ennemi avait déjà déployé ses propres chevaliers mobiles, et ceux-ci coupaient les lignes de front de Goaz.
« Ce gamin a vraiment des tripes. Je vais à coup sûr l’attraper pour en faire mon jouet. »
Pour la première fois, Goaz avait frémi de colère, reconnaissant enfin son ennemi.
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Sur le pont, le commandant aboyait ordre sur ordre. Les officiers d’état-major étaient occupés à confirmer l’état de la bataille et à distribuer leurs propres instructions. Un officier — celui avec qui Liam avait parlé plus tôt — avait jeté un coup d’œil à la chaise désormais vide du seigneur.
« Je ne pensais pas qu’il irait vraiment sur le terrain. »
Tous les autres soldats étaient aussi déconcertés. Ils avaient embarqué sur le cuirassé de Liam afin de servir à ses côtés, mais il avait déployé un chevalier mobile. Il avait ordonné la charge, et maintenant il était lui-même sur le champ de bataille, laissant le commandant et les officiers d’état-major superviser le pont chaotique.
« Faites avancer les chevaliers mobiles ! Ne laissez pas notre seigneur être séparé d’eux ! »
« Il s’est éloigné de ses gardes et se précipite en avant ! »
« Nous devons le protéger, quoi qu’il en coûte ! »
Les soldats avaient tous levé les yeux vers le moniteur principal mural, observant les mouvements de l’Avid.
« C’est donc ça un chevalier… »
Les chevaliers étaient vraiment spéciaux, contrairement aux soldats de base. Ils avaient entraîné leur esprit et leur corps depuis leur plus jeune âge, et les soldats ordinaires n’avaient aucune chance contre eux. Il y avait une telle différence dans leurs capacités que lorsqu’ils se battaient, tout ce que les soldats ordinaires pouvaient faire était d’essayer de les encercler et de les submerger. Les chevaliers mobiles pilotés par des soldats ordinaires et ceux pilotés par des chevaliers se déplaçaient de manière complètement différente, même si les machines avaient les mêmes spécifications.
Il n’y avait pas de chevaliers dans la maison Banfield. Le seul dans ce domaine avec les capacités d’un chevalier était Liam lui-même.
Le moniteur affichait l’Avid, avec Liam à l’intérieur, faisant exploser les forces ennemies avec un lance-roquettes dans sa main droite et une épée laser dans sa main gauche. Dès que les chevaliers mobiles des pirates s’approchaient, il les découpait avec sa lame laser, faisant des trous dans leurs cuirassés avec son lance-roquettes.
Lorsque le lance-roquettes n’avait eu plus de munitions, il l’avait mis de côté. Il avait ensuite invoqué un portail magique rougeoyant devant l’Avid et avait sorti une nouvelle arme de l’intérieur. Il avait une réserve massive d’armes à sa disposition, qui était toute stockée avec de la magie spatiale. C’était quelque chose que seule une arme de haut niveau comme l’Avid pouvait réaliser, les machines produites en masse ne pouvaient pas espérer y parvenir. Il manœuvrait l’Avid librement dans l’espace, affichant une puissance écrasante.
La flotte de la Maison Banfield était toujours aux prises avec des problèmes de communication, mais ils pouvaient entendre la voix de Liam entrecoupée de parasites. « Ah ha ha ha, essayez juste de m’arrêter ! »
Alors qu’ils regardaient Liam écraser ses ennemis sans hésitation, détruisant navire pirate après navire pirate, un soldat essuya une larme sur sa joue. « Il est si fort. C’est vraiment un chevalier. »
Comme il n’avait pas encore eu sa cérémonie de passage à l’âge adulte, Liam était encore considéré comme un enfant, et ces soldats avaient l’impression de regarder un enfant se battre joyeusement contre des pirates.
Le commandant s’approcha de ses hommes, ayant fini de distribuer des ordres pour l’instant. « Est-ce qu’il vous effraie ? »
Reprenant son attention, un soldat avait dit. « Oh, commandant. Non, je… »
« Repos, » dit le commandant, qui retourna ensuite à sa chaise. Tout en dirigeant le cuirassé, il avait jeté des coups d’œil à l’Avid sur les moniteurs. « Je me demande si notre seigneur aurait eu une enfance normale s’il n’était pas né noble. C’est vraiment une honte. »
Sur l’écran principal, Liam gloussait en massacrant ses ennemis. Il y avait bien sûr quelques aspects troublants à ce spectacle, mais dans l’ensemble, le moral de ses combattants montait en flèche en le regardant massacrer ses ennemis. Seul le commandant regardait Liam avec un certain regret.
« Une honte, vous dites ? Même s’il est si fort ? » demanda son colonel.
Le commandant hocha la tête et raconta le passé de Liam. « Il a été abandonné par ses parents à un très jeune âge et s’est retrouvé avec un territoire en ruine aux limites de l’Empire. Grâce à son travail acharné, il a réussi à construire son domaine, mais maintenant il se bat contre les pirates pour le préserver. Pour être honnête, j’aimerais moi-même savoir comment élever un enfant comme lui. »
Revitaliser un territoire aussi aride à son âge relevait déjà du miracle, mais le jeune seigneur combattait même les pirates en première ligne de la bataille en tant que chevalier, faisant preuve d’une force écrasante.
« J’aimerais que mes propres enfants apprennent de lui, » murmura le commandant pour lui-même.
Ces anciens soldats de l’armée impériale avaient été contraints de rejoindre le domaine de Liam. Beaucoup d’entre eux étaient des hommes têtus, évincés pour avoir été trop sérieux, trop diligents, trop droits. En d’autres termes, beaucoup d’entre eux étaient des gens honnêtes et travailleurs. C’est parce que le Guide avait voulu rassembler des gens qui seraient tout le contraire de Liam, qui visait à devenir un seigneur du mal.
« J’ai passé du temps à réfléchir à ma vie depuis que j’ai été conduit ici par le destin, et j’ai décidé que je suis heureux que cela soit arrivé. Je n’aurais jamais pensé que c’est ainsi que je rencontrerais le seul seigneur que je devrais servir. »
Il connaissait les talents administratifs de son seigneur, mais il n’avait jamais imaginé que Liam serait également un chevalier aussi puissant. Liam brillait vraiment aux yeux des soldats. Ils étaient enchantés de le voir écraser tous les ennemis devant lui, se frayant un chemin vers l’avant.
« Il y a donc vraiment de grands souverains, habiles à la fois avec la plume et la lame. Qui aurait cru que je verrais un noble seigneur se battre comme un chevalier sur le front ? » Le commandant avait réfléchi à voix haute. « En lui, j’ai vu un vrai noble pour la première fois. Il avait raison quand il disait que si son domaine était attaqué pendant que nous attendions les renforts, tout serait vain. Si notre seigneur survit, la maison Banfield sera sauve, mais c’est pour le bien de son peuple qu’il souhaite vaincre les pirates. »
Dans son combat, Liam personnifiait le chevalier idéal. En voyant le courage de ce noble, qui aurait normalement dû être assis en sécurité à l’arrière, alors qu’il protégeait son propre territoire contre le danger, ses soldats avaient eu honte de leur stratégie initiale lâche.
« Fallait-il vraiment qu’il aille se battre lui-même ? » demanda le colonel.
« La Maison Banfield n’a pas de chevaliers, c’était donc nécessaire. Il est vrai que c’est honteux, mais qui pourrait être un combattant plus fiable ? Il a juré de ne pas laisser un seul pirate mettre le pied sur ses terres. »
Liam se battait en première ligne pour défendre son peuple — du moins, c’est ce qu’il semblait aux soldats. Ce jeune noble avait laissé tomber une stratégie plus sûre et plus longue en faveur d’une bataille rapide et décisive, tout cela pour le bien de ses sujets.
« C’est la première fois que je vois un noble protéger son peuple. C’est rare de les voir se battre. C’est vrai que c’est la meilleure chose qu’il puisse faire pour son domaine, mais il risque sa vie pour son peuple ! »
Cela ne semblait pas normal que le responsable se batte à l’avant-garde, mais il donnait à ses troupes le sentiment qu’elles pouvaient gagner si elles se battaient à ses côtés. De nos jours, les nobles ne s’avançaient jamais comme ça, même s’ils avaient la puissance des chevaliers à leur disposition. La plupart des nobles qui amélioraient leurs propres capacités ne le faisaient que dans l’idée de paraître supérieurs et d’exploiter les autres. Tel était l’état actuel de la noblesse impériale. Il y avait très peu de nobles de caractère décent, et ceux qui existaient étaient loin d’être aussi résolus que Liam. Aujourd’hui, Liam avait prouvé qu’il était une véritable rareté dans l’Empire.
« Vous, les mauviettes, n’êtes que des proies ! Essayez au moins de me divertir ! »
Peut-être profitait-il du champ de bataille un peu plus que nécessaire, mais c’était sans doute mieux que de verser des larmes en combattant.
Leur seigneur riait en affrontant les pirates, et ses hommes se sentaient moins anxieux en le regardant.