Chapitre 6 : Piège à miel
Partie 1
Malgré la gratitude que Liam lui envoyait, le Guide réfléchissait à la manière de le remplir de haine, de ressentiment et de dégoût.
« Je dois le rendre malheureux, mais les seules personnes qu’il a dans sa vie sont le vieux majordome et la poupée. Il n’y a aucun moyen pour moi de lui faire subir des dommages émotionnels. S’il y avait une femme humaine dans le tableau, je pourrais faire remonter certains des traumatismes de son ancienne vie, mais… »
Il pensait que quelqu’un qui travaillait pour Liam pourrait causer des problèmes, mais tous les officiels du gouvernement qui auraient pu faire des bêtises avaient été exécutés, donc c’était hors de question. Il avait besoin de trouver une sorte de pion…
S’il le fallait, il pourrait en créer un, mais cela gâcherait le plaisir en intervenant aussi directement. Ce n’était pas à son goût de tout orchestrer lui-même. La stratégie habituelle du Guide consistait à donner une petite impulsion et à regarder comment les événements se déroulaient ensuite. En même temps, il voulait régler rapidement l’affaire Liam, aussi avait-il du mal à se décider.
« Je pensais qu’il aurait des dizaines de femmes à son service et qu’il ferait tout ce qu’il désire, mais il a été étonnamment diligent. »
Liam avait soi-disant prévu de devenir un seigneur maléfique, mais il gouvernait son peuple comme un souverain bienveillant. A-t-il oublié son propre but, ou quoi ? se demanda le Guide.
Quand Liam était seul dans son bureau, il s’était finalement étiré et avait souri.
« Oh ? » Quand le Guide avait lu ses pensées, il avait découvert que Liam avait ses propres idées sur la façon d’être un seigneur du mal.
Mon domaine est florissant maintenant, et mon peuple a plus de liberté économique. C’est vraiment une bonne chose que je les ai aidés à atteindre une certaine richesse avant de les presser à sec. Je veux dire, qu’est-ce que j’étais censé faire avec leurs déchets ?
Le Guide était heureux de constater que Liam n’avait après tout pas oublié son but. S’il avait changé d’avis, le Guide aurait pu l’écraser entre ses doigts à cet instant précis.
« Je vois — tout comme moi, il a l’intention de les élever avant de les abattre. Ce n’est certainement pas une mauvaise idée. Cela signifie que je peux m’attendre à des développements intéressants à l’avenir. »
Liam avait réfléchi à ses futurs plans. Devrais-je commencer par rassembler un beau harem ? Vu la population de mon domaine, il doit y avoir au moins une ou deux beautés incomparables par ici.
Le Guide s’étourdit en écoutant Liam envisager de rassembler des femmes contre leur gré. « Merveilleux. Maintenant, je peux voir à quel point tu es vulgaire et étroit d’esprit. Que tu les kidnappes ou que tu les achètes, leur cœur ne t’appartiendra jamais. Oh, ça me touche chaque fois. Ahh, mais peut-être que je vais les laisser te murmurer des mots doux, puis présenter un autre homme pour qu’elle lui soit volée. Je suis sûr que Liam adorerait ça ! »
C’est alors qu’Amagi entra dans la pièce pour gâcher le plaisir du Guide. Il fit claquer sa langue et observa l’échange avec rancœur.
« Tu veux transférer du personnel de l’armée ? »
« Oui. Nous prendrions des soldats de réserve et ceux proches de la retraite. Je me suis renseignée sur l’achat de surplus inutilisés de l’armée, et ils ont demandé si nous désirions aussi du personnel. »
Le Guide décida qu’il pouvait utiliser la suggestion de l’armée impériale. « Hmm. L’armée veut probablement se débarrasser de certains de ses membres problématiques. »
L’armée semblait vouloir rétrograder certains de ses soldats et les balayer dans la nature, les laissant à la charge de ce seigneur des bas-fonds. Comme le Guide, Liam s’en rendit compte et fronça les sourcils. « Ils vont juste nous envoyer des gens inutiles, n’est-ce pas ? »
« Ils nous enverront des soldats impériaux, dont certains seront peut-être diplômés de l’Académie militaire impériale. Ils seront bien éduqués et formés professionnellement, avec une expérience du combat réel. Je pense que ce personnel est nécessaire pour renforcer notre armada privée. »
Les mots d’Amagi étaient persuasifs, et Liam avait été obligé d’accepter.
Les lèvres du Guide se tordirent en un sourire. « J’ai l’idée parfaite pour semer quelques graines pour l’avenir. Je vais m’assurer qu’il obtienne un bon contingent de guerriers sérieux qui ne supporteraient jamais un seigneur maléfique, puis j’attendrai qu’ils se rebellent contre lui. Cela semble après tout être assez amusant. »
Liam avait travaillé dur pour s’assurer qu’il pourrait tourmenter son peuple comme un seigneur maléfique à un stade ultérieur. Il n’apprécierait sûrement pas les soldats de bonne moralité qui se tiendraient aux côtés du peuple lorsqu’il organiserait un soulèvement et pendrait Liam. Une chaleur se répandit dans le Guide alors qu’il imaginait les hommes de Liam en train de l’exécuter.
« Je vais m’assurer que les hommes qui lui sont envoyés soient bons et honnêtes. Je ne ménage pas mes efforts lorsqu’il s’agit de faire des suivis, n’est-ce pas ? Parfois, je pense même que je travaille trop ! »
Le Guide claqua des doigts et une fumée noire s’échappa de son corps, se dispersant dans l’air autour de lui. Il inclina son chapeau vers le bas et franchit la porte entre les mondes.
« Mais vraiment, il n’y a rien de plus écœurant que la gratitude. Je me sens malade rien qu’en étant ici. Il vaut mieux passer du temps ailleurs pour un moment. S’il te plaît, amuse-moi la prochaine fois que je viendrai, petit Liam. »
☆☆☆
Une flotte de cuirassés à l’ancienne était arrivée dans le domaine de la maison Banfield. À leur tête se trouvait un général de brigade de l’armée impériale, une élite qui avait obtenu les meilleures notes à l’académie militaire et qui n’avait cessé de monter en grade. Cependant, son ascension avait pris fin lorsqu’il avait révélé les méfaits du noble qui était son officier supérieur. Alors que ses contemporains poursuivaient leur carrière, lui seul restait général de brigade, relégué dans une flotte qui ne faisait que patrouiller dans une région éloignée. La flotte était connue pour être composée des indésirables de l’armée, et pour croiser dans une zone qui ne verra jamais de combat avec une force ennemie.
Il y avait en fait plusieurs flottes de ce type, et en raison des caprices d’un supérieur ou d’un autre, il avait été décidé que certaines d’entre elles devaient être éliminées. Ils avaient trouvé un noble qui voulait acquérir les vieux cuirassés, et les personnes qui les pilotaient faisaient partie du lot.
« Alors l’armée vend aussi des gens maintenant. C’est pourri jusqu’à la moelle, » marmonna le général de brigade sur son pont, mais personne autour de lui n’écoutait. Le personnel qu’on lui avait confié pour cette réaffectation était une collection de trublions au caractère bien trempé qui avaient eu maille à partir avec leurs supérieurs, et dont un bon nombre avait été rétrogradé pour avoir défié un noble.
« Quelle bande d’inadaptés ! »
Un des opérateurs sur le pont l’avait informé qu’ils approchaient de la planète de la Maison Banfield.
« Nous recevons une communication de la Maison Banfield, Général. »
« Passez-les-moi. »
Le général avait une piètre opinion des armées privées des nobles, et il déplorait le fait qu’il allait maintenant appartenir à l’une d’entre elles. Cependant, en tant qu’homme ayant passé de nombreuses années dans l’armée, il ne connaissait pas d’autre façon de vivre. Il ne pouvait pas choisir une autre voie à ce stade de sa vie.
Une bande d’inadaptés, moi y compris. Je me demande comment sera ce noble qui nous a achetés.
Quel genre de choses seraient-ils obligés de faire pour la Maison Banfield ? Beaucoup de ses soldats s’inquiétaient de la réponse à cette question, et en tant qu’homme à leur tête, le général de brigade bombait le torse, bien décidé à faire une forte impression.
☆☆☆
J’avais maintenant une quarantaine d’années. Me serais-je considéré comme vieux à ce stade de ma vie passée ? Peut-être pas tout à fait. Dans ce monde, j’approchais tout juste de l’âge adulte. Quant à ma vie, c’était toujours la même. Je surveillais toujours mon domaine, j’étudiais et j’entraînais mon corps. Pourquoi ? Appelez ça la phase de préparation de mes actions maléfiques. En fait, j’avais l’impression de m’en sortir plutôt bien, alors je ne voyais pas d’inconvénient à continuer ainsi.
Alors que je finissais de travailler dans mon bureau, Amagi était arrivée avec un rapport. « Maître, la lieutenante ingénieur Nias Carlin de la septième usine d’armement demande à vous rencontrer. Elle souhaite s’enquérir de l’état de l’Avid. »
« Nias ? » Alors cette belle lieutenante ingénieur est finalement revenue sur mon territoire. « Elle est venue jusqu’ici juste pour voir l’Avid ? »
« Vérifier le statut de l’Avid n’est probablement qu’un prétexte. Je crois que sa véritable intention est de colporter les marchandises de la Septième Usine d’armement. »
L’Empire avait beaucoup d’aspérités, ce qui était compréhensible pour une organisation intergalactique. Son immense échelle signifiait que d’innombrables problèmes finissaient par être traités comme des questions insignifiantes. Par exemple, n’importe quel vieux noble pouvait acheter des armes dans une usine d’armement gérée par l’Empire. Il y avait des conditions pour acheter et vendre de telles choses, mais elles étaient laxistes, d’où le fait que le représentant de l’usine qui était venu ici agissait comme un vendeur de porte-à-porte.
« Elle doit penser que nos finances sont assez bonnes pour qu’on puisse s’offrir ses produits. Les cuirassés tout neufs vont être chers, hein ? »
Je suppose que ce serait comparable à l’achat d’une voiture d’occasion par rapport à une voiture neuve. La plupart des vaisseaux militaires actuels de la Maison Banfield étaient vieux d’une génération. Afin de réduire les coûts, notre force principale était loin d’être de premier ordre, mais je considérais que nos vaisseaux étaient largement suffisants. Pour l’instant, je n’avais aucun reproche à faire.
« Elle devrait offrir ses affaires à l’armée impériale ou à des nobles plus riches, au lieu d’essayer de me les vendre. »
« J’ai pris la liberté de me renseigner sur la réputation de la Septième usine d’armes, et s’ils semblent être reconnut pour leur fabrication de hautes qualités, ils sont également connus pour leur conception de qualité inférieure. La qualité constante rend également leurs prix élevés. Tout bien considéré, leur réputation au sein de l’Empire est moyenne. La troisième fabrique d’armes est beaucoup plus réputée et excelle à la fois dans la qualité et le design. »
L’usine de Nias étant la septième, cela signifiait qu’il y avait évidemment plus d’usines d’armes dans l’Empire. J’imaginais que les choses étaient difficiles pour elle avec une telle concurrence, mais cela n’avait rien à voir avec moi, donc je ne pouvais pas dire que cela m’intéressait beaucoup d’une façon ou d’une autre.
J’avais répondu à Amagi par l’affirmative concernant la demande de Nias, puis je m’étais dirigé vers ma salle de réception.
merci pour le chapitre