Chapitre 6 : Piège à miel
Table des matières
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Chapitre 6 : Piège à miel
Partie 1
Malgré la gratitude que Liam lui envoyait, le Guide réfléchissait à la manière de le remplir de haine, de ressentiment et de dégoût.
« Je dois le rendre malheureux, mais les seules personnes qu’il a dans sa vie sont le vieux majordome et la poupée. Il n’y a aucun moyen pour moi de lui faire subir des dommages émotionnels. S’il y avait une femme humaine dans le tableau, je pourrais faire remonter certains des traumatismes de son ancienne vie, mais… »
Il pensait que quelqu’un qui travaillait pour Liam pourrait causer des problèmes, mais tous les officiels du gouvernement qui auraient pu faire des bêtises avaient été exécutés, donc c’était hors de question. Il avait besoin de trouver une sorte de pion…
S’il le fallait, il pourrait en créer un, mais cela gâcherait le plaisir en intervenant aussi directement. Ce n’était pas à son goût de tout orchestrer lui-même. La stratégie habituelle du Guide consistait à donner une petite impulsion et à regarder comment les événements se déroulaient ensuite. En même temps, il voulait régler rapidement l’affaire Liam, aussi avait-il du mal à se décider.
« Je pensais qu’il aurait des dizaines de femmes à son service et qu’il ferait tout ce qu’il désire, mais il a été étonnamment diligent. »
Liam avait soi-disant prévu de devenir un seigneur maléfique, mais il gouvernait son peuple comme un souverain bienveillant. A-t-il oublié son propre but, ou quoi ? se demanda le Guide.
Quand Liam était seul dans son bureau, il s’était finalement étiré et avait souri.
« Oh ? » Quand le Guide avait lu ses pensées, il avait découvert que Liam avait ses propres idées sur la façon d’être un seigneur du mal.
Mon domaine est florissant maintenant, et mon peuple a plus de liberté économique. C’est vraiment une bonne chose que je les ai aidés à atteindre une certaine richesse avant de les presser à sec. Je veux dire, qu’est-ce que j’étais censé faire avec leurs déchets ?
Le Guide était heureux de constater que Liam n’avait après tout pas oublié son but. S’il avait changé d’avis, le Guide aurait pu l’écraser entre ses doigts à cet instant précis.
« Je vois — tout comme moi, il a l’intention de les élever avant de les abattre. Ce n’est certainement pas une mauvaise idée. Cela signifie que je peux m’attendre à des développements intéressants à l’avenir. »
Liam avait réfléchi à ses futurs plans. Devrais-je commencer par rassembler un beau harem ? Vu la population de mon domaine, il doit y avoir au moins une ou deux beautés incomparables par ici.
Le Guide s’étourdit en écoutant Liam envisager de rassembler des femmes contre leur gré. « Merveilleux. Maintenant, je peux voir à quel point tu es vulgaire et étroit d’esprit. Que tu les kidnappes ou que tu les achètes, leur cœur ne t’appartiendra jamais. Oh, ça me touche chaque fois. Ahh, mais peut-être que je vais les laisser te murmurer des mots doux, puis présenter un autre homme pour qu’elle lui soit volée. Je suis sûr que Liam adorerait ça ! »
C’est alors qu’Amagi entra dans la pièce pour gâcher le plaisir du Guide. Il fit claquer sa langue et observa l’échange avec rancœur.
« Tu veux transférer du personnel de l’armée ? »
« Oui. Nous prendrions des soldats de réserve et ceux proches de la retraite. Je me suis renseignée sur l’achat de surplus inutilisés de l’armée, et ils ont demandé si nous désirions aussi du personnel. »
Le Guide décida qu’il pouvait utiliser la suggestion de l’armée impériale. « Hmm. L’armée veut probablement se débarrasser de certains de ses membres problématiques. »
L’armée semblait vouloir rétrograder certains de ses soldats et les balayer dans la nature, les laissant à la charge de ce seigneur des bas-fonds. Comme le Guide, Liam s’en rendit compte et fronça les sourcils. « Ils vont juste nous envoyer des gens inutiles, n’est-ce pas ? »
« Ils nous enverront des soldats impériaux, dont certains seront peut-être diplômés de l’Académie militaire impériale. Ils seront bien éduqués et formés professionnellement, avec une expérience du combat réel. Je pense que ce personnel est nécessaire pour renforcer notre armada privée. »
Les mots d’Amagi étaient persuasifs, et Liam avait été obligé d’accepter.
Les lèvres du Guide se tordirent en un sourire. « J’ai l’idée parfaite pour semer quelques graines pour l’avenir. Je vais m’assurer qu’il obtienne un bon contingent de guerriers sérieux qui ne supporteraient jamais un seigneur maléfique, puis j’attendrai qu’ils se rebellent contre lui. Cela semble après tout être assez amusant. »
Liam avait travaillé dur pour s’assurer qu’il pourrait tourmenter son peuple comme un seigneur maléfique à un stade ultérieur. Il n’apprécierait sûrement pas les soldats de bonne moralité qui se tiendraient aux côtés du peuple lorsqu’il organiserait un soulèvement et pendrait Liam. Une chaleur se répandit dans le Guide alors qu’il imaginait les hommes de Liam en train de l’exécuter.
« Je vais m’assurer que les hommes qui lui sont envoyés soient bons et honnêtes. Je ne ménage pas mes efforts lorsqu’il s’agit de faire des suivis, n’est-ce pas ? Parfois, je pense même que je travaille trop ! »
Le Guide claqua des doigts et une fumée noire s’échappa de son corps, se dispersant dans l’air autour de lui. Il inclina son chapeau vers le bas et franchit la porte entre les mondes.
« Mais vraiment, il n’y a rien de plus écœurant que la gratitude. Je me sens malade rien qu’en étant ici. Il vaut mieux passer du temps ailleurs pour un moment. S’il te plaît, amuse-moi la prochaine fois que je viendrai, petit Liam. »
☆☆☆
Une flotte de cuirassés à l’ancienne était arrivée dans le domaine de la maison Banfield. À leur tête se trouvait un général de brigade de l’armée impériale, une élite qui avait obtenu les meilleures notes à l’académie militaire et qui n’avait cessé de monter en grade. Cependant, son ascension avait pris fin lorsqu’il avait révélé les méfaits du noble qui était son officier supérieur. Alors que ses contemporains poursuivaient leur carrière, lui seul restait général de brigade, relégué dans une flotte qui ne faisait que patrouiller dans une région éloignée. La flotte était connue pour être composée des indésirables de l’armée, et pour croiser dans une zone qui ne verra jamais de combat avec une force ennemie.
Il y avait en fait plusieurs flottes de ce type, et en raison des caprices d’un supérieur ou d’un autre, il avait été décidé que certaines d’entre elles devaient être éliminées. Ils avaient trouvé un noble qui voulait acquérir les vieux cuirassés, et les personnes qui les pilotaient faisaient partie du lot.
« Alors l’armée vend aussi des gens maintenant. C’est pourri jusqu’à la moelle, » marmonna le général de brigade sur son pont, mais personne autour de lui n’écoutait. Le personnel qu’on lui avait confié pour cette réaffectation était une collection de trublions au caractère bien trempé qui avaient eu maille à partir avec leurs supérieurs, et dont un bon nombre avait été rétrogradé pour avoir défié un noble.
« Quelle bande d’inadaptés ! »
Un des opérateurs sur le pont l’avait informé qu’ils approchaient de la planète de la Maison Banfield.
« Nous recevons une communication de la Maison Banfield, Général. »
« Passez-les-moi. »
Le général avait une piètre opinion des armées privées des nobles, et il déplorait le fait qu’il allait maintenant appartenir à l’une d’entre elles. Cependant, en tant qu’homme ayant passé de nombreuses années dans l’armée, il ne connaissait pas d’autre façon de vivre. Il ne pouvait pas choisir une autre voie à ce stade de sa vie.
Une bande d’inadaptés, moi y compris. Je me demande comment sera ce noble qui nous a achetés.
Quel genre de choses seraient-ils obligés de faire pour la Maison Banfield ? Beaucoup de ses soldats s’inquiétaient de la réponse à cette question, et en tant qu’homme à leur tête, le général de brigade bombait le torse, bien décidé à faire une forte impression.
☆☆☆
J’avais maintenant une quarantaine d’années. Me serais-je considéré comme vieux à ce stade de ma vie passée ? Peut-être pas tout à fait. Dans ce monde, j’approchais tout juste de l’âge adulte. Quant à ma vie, c’était toujours la même. Je surveillais toujours mon domaine, j’étudiais et j’entraînais mon corps. Pourquoi ? Appelez ça la phase de préparation de mes actions maléfiques. En fait, j’avais l’impression de m’en sortir plutôt bien, alors je ne voyais pas d’inconvénient à continuer ainsi.
Alors que je finissais de travailler dans mon bureau, Amagi était arrivée avec un rapport. « Maître, la lieutenante ingénieur Nias Carlin de la septième usine d’armement demande à vous rencontrer. Elle souhaite s’enquérir de l’état de l’Avid. »
« Nias ? » Alors cette belle lieutenante ingénieur est finalement revenue sur mon territoire. « Elle est venue jusqu’ici juste pour voir l’Avid ? »
« Vérifier le statut de l’Avid n’est probablement qu’un prétexte. Je crois que sa véritable intention est de colporter les marchandises de la Septième Usine d’armement. »
L’Empire avait beaucoup d’aspérités, ce qui était compréhensible pour une organisation intergalactique. Son immense échelle signifiait que d’innombrables problèmes finissaient par être traités comme des questions insignifiantes. Par exemple, n’importe quel vieux noble pouvait acheter des armes dans une usine d’armement gérée par l’Empire. Il y avait des conditions pour acheter et vendre de telles choses, mais elles étaient laxistes, d’où le fait que le représentant de l’usine qui était venu ici agissait comme un vendeur de porte-à-porte.
« Elle doit penser que nos finances sont assez bonnes pour qu’on puisse s’offrir ses produits. Les cuirassés tout neufs vont être chers, hein ? »
Je suppose que ce serait comparable à l’achat d’une voiture d’occasion par rapport à une voiture neuve. La plupart des vaisseaux militaires actuels de la Maison Banfield étaient vieux d’une génération. Afin de réduire les coûts, notre force principale était loin d’être de premier ordre, mais je considérais que nos vaisseaux étaient largement suffisants. Pour l’instant, je n’avais aucun reproche à faire.
« Elle devrait offrir ses affaires à l’armée impériale ou à des nobles plus riches, au lieu d’essayer de me les vendre. »
« J’ai pris la liberté de me renseigner sur la réputation de la Septième usine d’armes, et s’ils semblent être reconnut pour leur fabrication de hautes qualités, ils sont également connus pour leur conception de qualité inférieure. La qualité constante rend également leurs prix élevés. Tout bien considéré, leur réputation au sein de l’Empire est moyenne. La troisième fabrique d’armes est beaucoup plus réputée et excelle à la fois dans la qualité et le design. »
L’usine de Nias étant la septième, cela signifiait qu’il y avait évidemment plus d’usines d’armes dans l’Empire. J’imaginais que les choses étaient difficiles pour elle avec une telle concurrence, mais cela n’avait rien à voir avec moi, donc je ne pouvais pas dire que cela m’intéressait beaucoup d’une façon ou d’une autre.
J’avais répondu à Amagi par l’affirmative concernant la demande de Nias, puis je m’étais dirigé vers ma salle de réception.
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Partie 2
À mon arrivée dans la salle de réception, j’avais trouvé Nias qui m’attendait. Elle portait son uniforme militaire aujourd’hui au lieu de ses vêtements de travail, bien que la jupe serrée qu’elle portait me paraissait terriblement courte. Remarquant mon regard, Amagi m’avait murmuré : « Cet uniforme enfreint le règlement de l’armée impériale. »
Quand je m’étais assis sur le canapé, j’avais compris ce qu’elle voulait dire. Nias avait des sous-vêtements assez osés.
Après s’être saluée, Nias avait tenté de faire la conversation plutôt que de se lancer dans son discours de vente. « Vous avez beaucoup grandi, monseigneur. Je vous ai à peine reconnu. »
« Bien. Alors qu’est-ce que vous vouliez me dire ? » Elle voulait probablement me complimenter, mais je n’avais pas l’impression d’avoir beaucoup grandi. Pour moi, c’était juste des paroles en l’air, une phrase qu’on dirait à un enfant.
« J’ai pensé venir voir comment se porte l’Avid. Comment ça s’est passé dernièrement ? »
Je laissais mon regard glisser jusqu’à l’espace entre ses cuisses, scrutant l’intérieur de sa jupe. « Ce n’est pas pour ça que vous êtes là. Vous avez quelque chose à me vendre, n’est-ce pas ? »
Mon domaine était beaucoup plus développé maintenant, et je générais beaucoup plus de recettes fiscales. Lorsqu’ils avaient eu vent de l’amélioration de ma situation financière, toutes sortes de gens s’étaient présentés pour me vendre des choses. Nias était l’un d’entre eux.
Elle avait sorti une tablette et l’avait manipulée, affichant des images en 3D qui étaient apparues devant moi. « Vous allez droit au but, hein ? J’apprécie cela. Voulez-vous acheter l’un des vaisseaux ou l’une des armes de la Septième Usine ? »
Les images qui flottaient devant moi étaient petites, mais elles avaient un impact considérable. Les hologrammes étaient incroyablement réalistes, presque comme des miniatures élaborées flottant autour de moi, et sous chaque image se trouvaient un chiffre absurde — le prix.
Ouais, les nouvelles voitures — je veux dire, les nouveaux navires sont chers.
« Ils sont beaucoup plus chers que les vaisseaux que nous utilisons. »
« Eh bien, les vaisseaux comme celui-ci ont des qualités, vous voyez. Ils coûteront beaucoup plus cher que les vaisseaux dotés du strict minimum de capacités. »
Pour le prix d’un cuirassé neuf et puissant, je pourrais acheter trois vaisseaux usagés de moindre qualité.
Amagi parcourut les images et ajouta quelques informations que Nias n’avait pas fournies. « Vous devrez également payer des taxes sur tout ce que vous achetez dans une usine d’armement appartenant à l’Empire. Ces prix sont hors taxes. »
J’avais jeté un coup d’œil à Nias pour la trouver détournant son regard, un sourire nerveux. « Je peux cependant garantir un haut niveau de performance ! Les derniers modèles ont de multiples améliorations, dépassant de loin les navires précédents dans plusieurs domaines ! Prenez ce croiseur, par exemple — il peut accueillir beaucoup plus de chevaliers mobiles que les modèles précédents. Il est également bien plus performant en tant que navire de combat ! »
En d’autres termes, ils ont apporté quelques améliorations mineures aux modèles précédents, alors elle est là pour me les imposer. Bien sûr, ils ont de superbes fonctionnalités, mais que voulez-vous que je fasse avec ?
« Vendez-les à l’armée impériale. »
L’air sombre, Nias s’était couvert le visage des deux mains. « Ils n’ont pas été pris dans les sélections préliminaires. »
L’Empire avait tendance à faire les choses dans les grandes lignes, ainsi chaque flotte de l’armée impériale pouvait choisir l’usine à laquelle elle achetait ses vaisseaux. Pour cette raison, des essais étaient constamment organisés. Nias venait de révéler que la Septième Usine d’armement n’avait vendu aucun de ses vaisseaux suite à leurs essais.
Amagi avait froidement présenté les résultats de son analyse. « Dans ce cas, le problème ne réside pas dans la performance. »
Nias s’était excusée, on aurait presque dit qu’elle était sur le point de pleurer. « Nos navires étaient supérieurs à bien des égards, mais ils n’arrêtaient pas de dire des choses comme “Ils sont plus petits que les modèles précédents”, “Je n’aime pas le design” ou “L’intérieur a l’air bon marché” ! »
Pour des raisons de statut, les nobles privilégiaient l’apparence de l’extérieur et la décoration intérieure. Il y avait bien quelques roturiers qui avaient atteint les hautes sphères de l’armée, mais les nobles représentaient une écrasante majorité. S’il n’y avait pas une grande différence entre les spécifications de deux vaisseaux, ils choisissaient évidemment le modèle le plus impressionnant. À leur place, je choisirais moi-même le modèle le mieux conçu.
Il y a des gens qui privilégient la fonctionnalité, mais quand on compare deux vaisseaux militaires du même type, il n’y a pas une grande différence. Si j’avais raison et que l’usine de Nias n’avait apporté que des améliorations mineures à leurs modèles précédents, résultant en un design et un rapport qualité-prix décevants, il n’y avait aucune incitation à acheter leurs nouveaux modèles.
« Qu… qu’en dites-vous, monseigneur ? Que diriez-vous de seulement deux cents navires ? Non, plutôt cent ! Vous n’aurez même pas à les payer tous d’avance ! Pourriez-vous y réfléchir ? »
Je m’étais dit que la Septième Fabrique d’armement n’avait pas prévu que leurs essais se passent si mal. Ils n’étaient probablement venus me voir qu’à cause de leur montagne de surstocks.
« Amagi, peux-tu afficher des navires d’autres usines ? »
« Bien sûr. »
De petites images 3D de cuirassés provenant d’autres usines d’armement étaient apparues autour d’Amagi. Lorsque j’avais regardé les autres vaisseaux, j’avais réalisé que ceux de la Septième Usine avaient une certaine rudesse. Peut-être même que le terme « brutalité » était un euphémisme. Ils étaient tous fonctionnels, sans forme, et criaient presque « Nous sommes des armes ! ». Je n’arrivais pas à m’y faire. Les vaisseaux d’autres usines ayant la même structure de base avaient des designs beaucoup plus raffinés. Je comprenais pourquoi les vaisseaux de la Septième Usine n’avaient pas de succès. Il n’y avait aucun moyen pour eux de rivaliser.
Quand j’avais comparé les différents vaisseaux qu’Amagi avait présentés en avant-première, ceux de la troisième usine d’armes avaient l’air particulièrement cool. Ceux-là se vendraient à coup sûr.
« Celui-là est bien, n’est-ce pas, Amagi ? Faisons de celui-ci mon porte-drapeau. »
« Il vous faudrait la permission de l’Empire pour acheter un vaisseau de la classe des vaisseaux amiraux, Maître. Je crains qu’elle ne soit pas accordée à la Maison Banfield. »
On dirait que je ne peux rien acheter de plus de 2000 mètres. Je vais devoir m’en tenir aux vaisseaux de mille mètres. Mais est-ce qu’un millier de mètres est considéré comme petit ? Comment puis-je en juger ?
« Ah oui ? C’est dommage. »
Il s’est avéré que la raison pour laquelle je ne pouvais pas acheter un tel vaisseau était que jusqu’à récemment, la Maison Banfield était en retard sur les taxes qu’elle devait à l’Empire. Les paiements avaient finalement été effectués, mais le mal était fait, et l’Empire me traitait toujours aussi froidement. J’avais supposé que si je leur demandais la permission d’acquérir un vaisseau amiral, ils exigeraient que je mette d’abord à jour tous les arriérés d’impôts de la maison Banfield. Je ne pensais pas qu’il était logique pour un seigneur maléfique comme moi de payer consciencieusement des impôts, mais rien de bon n’arriverait si je tenais tête à mes supérieurs. Si tu ne peux pas les battre, paie-les. Faire le mal sur mon propre terrain et lécher les bottes de l’Empire… Je suis un méchant à deux balles. Eh bien, c’est ce que c’est.
« Alors, je suppose que je vais me contenter de ce type. De toute façon, il a l’air plus cool que ce que j’ai en ce moment. » J’avais indiqué un vaisseau de huit cents mètres, bien qu’il soit un peu petit.
« Alors, je vais contacter la troisième usine d’armement. »
Nous avions cette conversation juste devant Nias, et elle nous avait interrompus. « Attendez une seconde ! On a vraiment un problème ici ! »
J’avais réalisé ça, mais ce n’était pas comme si c’était ma faute. « Eh bien, vos designs sont nuls. »
« Mais la fonctionnalité n’est-elle pas plus importante ? On ne peut pas voir l’extérieur d’un vaisseau quand on est dedans ! »
« Si les spécifications ne sont pas si différentes, alors vous devez choisir en fonction du design, n’est-ce pas ? Mais l’intérieur est aussi un problème. Ça n’a pas l’air bon marché. Quand il y a si peu d’effort investi, on a l’impression que vous le faites par dépit. »
J’avais ouvert l’intérieur d’un des hologrammes de la Septième Usine. Les passages étaient si étroits que l’on aurait dit que le concepteur avait fait exprès d’incommoder l’acheteur. Il ne semblait même pas qu’ils aient pris en compte l’équipage. Il y avait une limite à ce que l’on pouvait faire pour réduire le gaspillage.
« Notre productivité et notre facilité d’entretien sont d’un autre niveau que celles des autres usines ! »
« Ce n’est pas le problème. »
« Alors… » Refusant de reculer, Nias avait rapidement enlevé sa veste. À travers son chemisier blanc, je pouvais distinguer un soutien-gorge assez voyant. Est-ce le genre de chose qu’on porte quand on veut se faire remarquer ? En la regardant rapprocher ses seins d’une manière séduisante, je m’étais souvenu d’une chose de ma vie passée : la quantité de sous-vêtements voyants que je n’avais jamais vus auparavant et qui se multipliaient dans le tiroir de la commode de ma femme.
Pendant ce temps, ignorant mes pensées, Nias se débattait, essayant de se forcer à prendre diverses poses sexy. Je commençais à me sentir mal pour elle en la regardant.
« Monseigneur… », elle chantonna.
C’est juste pitoyable. J’avais laissé mes épaules s’affaisser, et des larmes avaient coulé dans les yeux de Nias.
« Pourquoi avez-vous l’air déçu ? Vous ne pouviez pas vous empêcher de regarder ma poitrine avant ! »
« C’est vrai, mais je ne suis pas d’humeur en ce moment. » Mon humeur était devenue pourrie, en fait, en me rappelant ma vie passée. La nuit, ma femme ne voulait pas être intime avec moi, pourtant elle continuait à acheter toute cette lingerie. C’est la première chose qui m’avait fait soupçonner qu’elle pouvait avoir une liaison, mais j’avais décidé de croire en elle et j’avais évité de la questionner à ce sujet.
Semblant penser qu’elle devait redoubler d’efforts, Nias avait défait quelques boutons de son chemisier et avait ouvert ses jambes suffisamment pour que sa culotte soit visible. Elle avait tenté de m’amadouer avec des poses qu’elle n’avait manifestement pas l’habitude de faire, si embarrassée par ses propres efforts qu’elle en était devenue toute rouge.
« Vous ne voulez pas acheter des navires de guerre, mon seigneur ? » Elle affichait un sourire, mais tremblait légèrement à cause de son effort.
Cette vision ne m’avait rien fait. Voir une beauté compétente et cool mendier comme ça, quelque chose qu’elle n’aurait normalement jamais fait, aurait dû m’exciter, non ? Mais tout ce que je ressentais pour Nias à ce moment-là, c’était de la pitié. Elle avait fini par susciter une réaction de ma part après tout, mais ce qu’elle avait stimulé était ma compassion au lieu de ma libido.
« Assez. Ça fait mal de regarder ça, alors je vais maintenant en acheter. C’était deux cents, n’est-ce pas ? »
« Oh, j’aimerais bien que vous puissiez en acheter trois cents ! »
Alors maintenant, c’est trois cents ! Elle est bien trop déterminée. Et sa séduction n’a même pas fonctionné.
« Amagi, avons-nous les moyens d’acheter 300 vaisseaux ? » avais-je demandé, et Amagi avait immédiatement fait les calculs et m’avait donné la réponse.
« Si nous achetons moins de navires que ce que nous avions envisagé au départ, oui. D’un point de vue à long terme, je pense qu’il n’y aura aucun inconvénient à acheter ces navires à l’heure actuelle. »
Je m’étais retourné vers Nias pour la trouver en train de joindre ses mains, les yeux brillants.
« Merci beaucoup ! Je vais les faire livrer immédiatement. »
« Attendez. Je vais les acheter, mais… faites quelque chose pour l’extérieur, sérieusement. Je me fiche de savoir si c’est juste pour le spectacle, mettez une sorte de couverture sur l’extérieur. Vous pouvez penser à quelque chose, n’est-ce pas ? Je vous paierai aussi pour que vous fassiez quelque chose pour les intérieurs — ils sont juste trop bon marché. »
Alors que nous discutions de l’accord, Nias s’était tapoté la poitrine en signe de soulagement et avait remonté ses lunettes, les remettant en place. Tu peux essayer d’avoir l’air professionnel maintenant, mais je n’oublierai pas le spectacle désolant auquel je viens d’assister.
« Ne pouvez-vous pas comprendre la beauté de nos conceptions fonctionnelles ? »
« Écoutez ! Vous devez comprendre ce que ressentent vos clients potentiels, et pourquoi vous perdez des essais. »
Nias, qui était assise au sommet d’une table sur laquelle elle avait sauté pendant son spectacle maladroit, s’était affaissée et avait serré ses genoux contre sa poitrine.
« Je sais, et ça me dérange vraiment. J’ai honnêtement essayé de parler de tout ça à mes patrons, mais ils ne veulent rien entendre. »
Tu sais que je peux toujours voir tes sous-vêtements, n’est-ce pas ? Peut-être que tu ne devrais pas t’asseoir sur une table.
Amagi n’avait jamais vraiment montré beaucoup d’émotion, mais il y avait presque de l’exaspération inscrite sur son visage. « Il semble que son travail soit le seul domaine dans lequel elle excelle, » remarqua-t-elle.
Et elle est aussi si jolie. Un gaspillage de beauté, voilà ce qu’elle est.
Laissant à Amagi et Nias le soin de discuter des détails de l’affaire, j’étais sorti de la salle de réception, épuisé.
☆☆☆
Brian se promenait dans les couloirs du manoir.
« C’est bien que nous recevions autant de visiteurs ces jours-ci. »
Avant, personne ne voulait visiter le manoir à cause de la mauvaise opinion de la noblesse sur la Maison Banfield. Le fait qu’ils recevaient des visiteurs maintenant signifiait que les gens commençaient à avoir une bonne opinion de Liam, et cette pensée réjouissait Brian.
Dans cette bonne humeur, il tourna un coin de rue et surprit la voix d’une femme. « Hm ? »
C’est notre invitée, Mlle Nias ? Il savait que c’était impoli, mais il s’était caché et avait écouté discrètement sa conversation.
« Eh bien, j’ai réussi à en vendre trois cents ! »
Elle semblait s’adresser à l’un de ses collègues de la Septième Usine d’armement. De son point d’observation, Brian pouvait également voir l’écran flottant auquel Nias parlait.
« Mais c’est à la condition de changer les designs. Les patrons ne vont pas aimer ça. »
« Eh bien, qu’est-ce que j’étais censée faire ? Il ne les aurait pas achetés sinon ! Nous devons juste les embellir un peu ! » Nias semblait mécontente de la réponse de son collègue. « À ton avis, à quel point ai-je dû travailler pour arriver à ce résultat ? Pense à ce que j’ai dû endurer ! »
« Honnêtement, je n’arrive pas à croire qu’une personne aussi droite que toi ait réussi à mettre en place une stratégie de séduction, entre autres choses. Jusqu’où as-tu dû aller ? »
« En tout cas, pas aussi loin que tu le penses. Mais crois-moi, le comte est fou de moi. Il n’a pas arrêté de me regarder aujourd’hui, vraiment. »
« Vraiment ? »
« Eh bien, probablement. Je pense. » La voix de Nias devenait de plus en plus silencieuse à mesure qu’elle perdait confiance.
« Tu devrais peut-être viser à devenir comtesse tant que tu y es. »
« Je ne vais pas aller aussi loin. En tout cas, tu devrais me montrer plus de respect ! Mes ruses nous ont fait après tout gagner ce marché ! »
« Ce n’est que trois cents vaisseaux, quand même, non ? On doit en vendre beaucoup plus que ça. »
« C’est un début, n’est-ce pas ? Ne peux-tu pas juste dire “merci” ? »
D’après la conversation, Brian avait supposé que la Maison Banfield allait acheter trois cents cuirassés à la Septième Usine d’armement. Bien que Brian n’ait eu d’autre choix que d’obéir aux ordres de son maître, il y avait une chose dans cette décision qu’il ne pouvait pas accepter : le fait que Nias avait manifestement séduit Liam pour qu’il achète ces navires.
Maître Liam est-il tombé dans un piège à miel ?
Brian était rempli d’anxiété quant à l’avenir de Liam.