Chapitre 150 : L’île fantôme
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Chapitre 150 : L’île fantôme
Partie 1
[Point de vue de Shanteya]
Il ne me restait plus rien à faire sur le continent de Sorone, et bien que je ressente le faible désir de rejoindre ma famille dans le royaume de Mondravia, j’avais eu l’impression que ce n’était pas le moment pour des retrouvailles aussi incertaines.
La dernière fois que mes parents m’avaient vue, c’était quand je n’étais qu’une petite fille de dix ans. Dans leur esprit, j’étais morte à cette époque, et d’une certaine manière, on peut dire que ce n’était pas loin de la vérité. L’enfant innocente qui aimait jouer dans les jardins et courir après les papillons ou écouter sa mère lire ses histoires dans la chaleur de l’après-midi n’était plus nulle part. En ce moment, j’étais une femme mûre, une mère et la représentante d’une nation différente. Rien d’autre que mon nom ne me reliait à Mondravia, mais rien que cela et les quelques souvenirs qu’il me restait de ma famille bien-aimée étaient suffisant pour que j’envisage de leur rendre visite à un moment plus opportun.
« Peut-être quand Anette et Bachus seront adolescents ? » m’étais-je demandé à voix haute, en jetant un regard fugitif sur la ville de ma naissance située au loin.
Je me dirigeais actuellement vers le port de Gastreza, d’où je devais prendre un bateau pour me rendre sur l’île cachée de la Guilde de la rage fantomatique. Pendant tout ce temps, je n’avais jamais cessé de me reposer dans les auberges ou les tavernes qui me promettaient un bon lit et un repas décent. J’avais fait du camping dans la nature sauvage, utilisant la nourriture de Tamara pour les repas et la maison portable d’Illsy pour m’abriter. Il n’était pas nécessaire de faire connaître ma présence dans ce royaume, du moins, pas encore.
En arrivant à destination, je n’avais pas passé les points de contrôle habituels et je m’étais simplement faufilée à l’intérieur de la ville en sautant par-dessus le mur alors qu’aucun des gardes ne regardait. Je n’avais pas non plus eu besoin d’attendre trop longtemps, car ils ne s’attendaient pas à ce que quelqu’un exploite cette faiblesse dans leur défense.
Une fois de l’autre côté, je m’étais dirigée vers le port et j’avais cherché l’auberge sombre isolée qui était ma cible. C’était un petit bâtiment tout au bord du port, près des bidonvilles, mais pas à l’intérieur de ceux-ci. Il était isolé et ne semblait pas très bien entretenu, mais en y regardant de plus près, on pouvait remarquer les nombreux enchantements qui recouvraient l’endroit. Ils n’avaient qu’un seul but, celui d’aider le bâtiment à paraître ancien tout en lui offrant la meilleure défense parmi toutes les structures de cette ville.
Il y avait de fortes chances qu’il ait une alarme contre les intrus, j’avais donc pris mon temps pour analyser les enchantements placés sur ce bâtiment. À un moment donné, l’un des assassins cachés de la guilde avait remarqué que j’agissais de façon suspecte et avait essayé de m’approcher. Comme nous étions assez loin de tout regard indiscret, je lui avais tranquillement tranché la gorge et j’avais ensuite jeté son corps dans un baril de poissons à proximité.
Après avoir découvert où était placé le bon enchantement, j’avais sorti mon épée et je l’avais poignardée en plein centre de sa formation. Il y avait eu un petit bourdonnement, puis cela s’était brisé comme un morceau de verre fin lâché sur une surface de marbre.
Avec mon épée de retour dans mon cristal de stockage, je m’étais approchée de l’entrée et j’avais ouvert la porte.
« Qu… Qui ? » un garde à moitié endormi avait sursauté, mais avant qu’il ne fasse un autre bruit, j’avais attrapé un bloc de bois voisin et je l’avais enfoncé dans sa gorge.
L’homme s’était tortillé pendant un moment, jusqu’à ce que je le poignarde en plein cœur avec son propre poignard.
Le chemin vers le sous-sol se trouvait derrière une petite trappe cachée sous un vieux tapis. Je l’avais poussée hors du chemin et j’avais ensuite sauté en bas.
Le passage se trouvait à au moins dix mètres sous terre et menait à un point situé en dehors des limites de la ville. J’avais soigneusement suivi le chemin, sans allumer de torche ni activer de sort de lumière, mon sort de vision nocturne était plus que suffisant pour ce genre d’endroit. Il y avait beaucoup de pièges ici, mais aussi plusieurs gardes de l’autre côté, prêts à donner l’alarme au cas où ils apercevraient un intrus.
Avec mes pas légers, ma vitesse et mon agilité suprême, j’avais pu éviter tous les déclencheurs disposés dans ce couloir. De l’autre côté, il y avait trois hommes qui m’attendaient en jouant aux cartes. J’étais entrée dans la lumière, leur révélant ma présence.
« Bonsoir, messieurs, » leur avais-je dis avec un sourire, le dernier qu’ils verraient dans cette vie, car dans la seconde qui avait suivi, leurs têtes avaient roulé sur le sol.
On pouvait encore voir la surprise et l’émerveillement sur leurs expressions figées.
Dans cette pièce se trouvait un autre passage caché derrière une autre porte. Il ne m’avait pas fallu longtemps pour le découvrir. La porte était un mur de pierre qui glissait sur le côté, semblable à ceux créés par un donjon. Comme je connaissais très bien ce genre de gadgets, je savais ce qu’il fallait chercher, et où frapper. Déconnecter le cristal de puissance avait donc été un jeu d’enfant pour moi.
Ma mignonne petite fille pourrait probablement faire quelque chose de bien mieux que cette chose minable, mais j’avais été impressionnée qu’ils aient pris le temps et l’effort d’apporter ce mécanisme de porte ici. Seule une guilde d’assassins verrait l’utilité d’une telle chose.
J’étais entrée dans le deuxième couloir, qui m’avait conduite sur un chemin à peine éclairé par une ou deux torches, et plus de pièges qu’il n’en fallait pour paver tout le chemin. Comme ce chemin était utilisé par des membres expérimentés de la Guilde de la rage fantomatique, plutôt que de faire désarmer et réarmer tous ces pièges, il était préférable d’avoir un chemin sûr menant à travers chacun d’entre eux, les « marchepieds de l’Oeil de la tempête ». Il fallait donc que je trouve ces endroits et que je me dirige ensuite vers l’autre côté.
Si j’avais tenté cela il y a plusieurs années, alors que j’étais encore dans cette maudite guilde, je n’aurais probablement même pas réussi à passer le premier couloir. Même si je savais quoi faire, si je n’avais pas les compétences nécessaires, alors j’aurais été comme morte. Quant à cet endroit, même s’il était incroyablement facile pour moi de passer maintenant, cela aurait été un vrai cauchemar à l’époque.
Je suppose que le fait qu’Illsy ait construit toutes sortes de pièges pour que je puisse exercer mes compétences ait été une bonne chose. Au moins, ces choses n’ont pas de ces capteurs de chaleur gênante ou de ces faisceaux AGLMC invisibles qui tirent partout… Je me souviens encore de la surprise, de l’agacement et du choc terrible que j’ai ressentis la première fois que j’ai tenté de suivre un cours personnalisé qu’il avait baptisé « Difficulté Facile ». Les plus difficiles étaient… enfin… même maintenant, j’aurais du mal à les franchir sans être égratignée. J’avais réfléchi et j’avais poussé un soupir.
En repensant aux pièges non déclenchés, j’étais reconnaissante dans mon cœur que les assassins n’aient pas encore découvert comment fabriquer des capteurs de chaleur et d’autres dispositifs gênants de ce genre.
« Maintenant… il devrait y avoir 34, non… 36 cibles devant, » m’étais-je dit, en prenant un simple couteau de cuisine dans mon cristal de stockage.
Cette petite arme avait été fabriquée par Illsy, elle avait donc été enchantée de façon assez ridicule. Si je devais la perdre quelque part sur Sorone et la faire retrouver par une personne quelconque, ce couteau de cuisine finirait très certainement comme un trésor national.
J’avais eu un sourire ironique en me souvenant de mon idiot de mari qui ne connaissait pas le sens des mots « se retenir » lorsqu’il s’agissait de ses propres créations. Puis je m’étais souvenue du moment où je l’avais rencontré pour la première fois. À l’époque, Illsy avait encore peur de beaucoup de choses. Il s’inquiétait de tout et quand il me tenait dans ses bras, il essayait de me protéger inconsciemment même s’il n’y avait rien pour me faire du mal.
Cependant, ce n’est qu’après être devenue sa femme que j’ai réalisé ce petit fait… Jusqu’alors, je n’avais jamais pensé que c’était quelque chose de bizarre ou de contre nature… il me prenait dans ses bras, mais la façon dont il le faisait n’était certainement pas celle de quelqu’un qui se sentait en sécurité et détendu. J’avais réfléchi à cela et j’avais poussé un doux soupir.
En regardant ce couteau de cuisine, je m’étais alors demandé si je devais vraiment tacher sa lame avec le sang de ces criminels ?
Non, peut-être que je ne devrais pas… J’avais réfléchi et j’avais secoué la tête.
Finalement, j’avais remis le couteau dans mon Cristal de stockage et j’avais décidé de continuer à utiliser des sorts magiques qui peuvent couper mes ennemis en dés avec facilité, comme la [faux du vent]. Le premier malheureux à croiser mon chemin s’était avéré être un El’Doraw à moitié ivre qui sortait pour faire ses besoins.
Je m’étais faufilée derrière lui et d’un geste rapide, je lui avais brisé le cou. Son corps était tombé au sol. Comme il portait sur lui une épée courte et un poignard de chasse, je les avais ramassés. Ils étaient de qualité pitoyable, mais s’ils étaient utilisés correctement, je pourrais les utiliser correctement.
Avec mon énergie magique qui coulait dans ces armes, pour renforcer un peu leur durabilité et leur tranchant, j’étais entrée dans cet antre de meurtriers et j’avais commencé ma danse des lames qui avait provoqué une pluie de sang. Ils avaient essayé de se défendre, de s’accrocher à ce dernier fil de leur vie, mais ils les avaient déjà vendus à l’Enfer au moment où j’étais entrée dans leur cachette. Seuls les rares individus qui étaient en mission avaient pu survivre au massacre de ce soir.
Comme prévu, mon épée courte et mon poignard avaient fini par se briser après mon sixième meurtre. Ils n’étaient pas très bons pour les décapitations, mais pour être honnête, cela ne m’avait pas vraiment dérangée. Il y avait un tas d’autres de ces armes pathétiques sur le terrain et équipées sur les idiots sans défense qui avaient décidé de se tenir devant moi dans leur repaire clos.
Si j’avais mis les pieds dans cet endroit à l’époque où je n’étais encore qu’une humble servante à Fellyore, être violée aurait été le cadet de mes soucis… mais maintenant, j’étais leur Déesse de la mort.
Après la mort du dernier assassin, j’avais procédé au pillage de leur trésor, de tout l’or qu’ils y avaient stocké, puis je m’étais rendu à l’arrière, où un autre passage reliait cet endroit à une grotte souterraine cachée qui possédait une ouverture sur l’océan.
Là, j’avais trouvé cinq autres assassins, qui portaient tous des armes et des armures bien meilleures que celles de ceux à l’intérieur de la cachette. Je pense que ces hommes étaient des élites ou peut-être même des fantômes au sein de la Guilde de la rage fantomatique. J’avais donc brandi mon propre poignard cette fois-ci et j’avais donné à ces hommes l’honneur de mourir par une lame de lumière.
Comme prévu, leurs compétences n’étaient pas à sous-estimer, mais… ils étaient lents et faibles par rapport à moi. Le premier était mort quand je l’avais coupé en deux, épée et tout. Le second s’était fait voler son propre poignard, puis il avait été poignardé dans la tempe. Le troisième avait été coupé verticalement du haut de sa tête, divisant son corps en deux moitiés. Le quatrième s’était fait arracher la main droite et avait été poignardé avec sa propre épée dans la bouche. J’avais frappé le pommeau, en enfonçant la lame plus loin dans ses entrailles et je m’étais propulsé vers le dernier individu qui avait essayé de jeter un sort. Sa tête avait été coupée en deux au niveau du nez.
Tous morts, je m’étais allongée sur les quais, attendant que ce mystérieux passeur vienne à minuit pour me transporter sur l’île fantôme.
En attendant, j’avais revu mon plan. Cette mission n’était pas une mission de négociations pacifiques comme celle d’Ayuseya ou une visite à la maison de ma famille comme celle de Nanya. Non, j’étais en quête de sang, à la recherche de celui qui régnait dans l’ombre, le seul individu de mon passé qui n’hésiterait pas à mettre une prime sur mes propres enfants, le seul et unique Roi de tous les Assassins… le Maître.
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Partie 2
Lorsque l’horloge avait sonné minuit, le passeur était arrivé, poussant un petit bateau qui semblait usé par les intempéries et fragile comme une petite brindille séchée. Derrière lui, un sinistre brouillard blanc le suivait, le cachant des yeux curieux des spectateurs.
Le bateau s’était arrêté au quai, le bruit du bois qui frappait contre le bois était comme un sinistre salut qui faisait savoir à tout le monde qu’il était arrivé. Sans retirer le capuchon de sa longue cape sale et déchirée, le passeur abaissa son bâton dans l’eau et s’appuya contre lui, bien qu’il eût dû être impossible pour quiconque de le faire. Quand j’avais jeté un coup d’œil en bas, je ne voyais pas du tout le fond, mais son bâton ne faisait pas plus de cinq mètres de long au maximum.
« Allez-vous me porter jusqu’à l’île fantôme ? » avais-je demandé.
« 200 000 goldiettes…, » dit le passeur sans me regarder.
Le prix était ridicule, mais ce n’était pas comme si je payais avec mon propre argent. Toutes les pièces que j’avais lâchées dans son bateau avaient été prises dans les nombreuses cachettes que j’avais « visitées » en cours de route. Le nombre total de pièces s’élevait à 247 051 pièces. Il me restait une somme décente, suffisante pour m’acheter un titre de noblesse dans n’importe quel pays.
« Celui-ci a reçu son paiement. Celui-ci emmène le client à destination, » dit-il, puis il agita la main, m’invitant à avancer.
J’étais montée sur son petit bateau et je m’étais assise sur le siège en bois qui grinça. Mon regard s’était posé sur cet étrange individu, mais ce que j’avais vu m’avait donné un frisson dans le dos. Ses yeux étaient une paire de flammes bleues, sa chair avait disparu depuis longtemps, ne laissant derrière elle qu’un squelette blanc griffé et battu par le temps qui passait. C’était un mort-vivant doté d’une volonté, mais l’aura qu’il dégageait n’était pas si simple.
Est-ce une Liche ? Ou peut-être quelque chose de plus élevé ? Je doute qu’il soit plus puissant qu’un squelette créé par Illsyore, mais il est vraiment unique. J’avais pensé cela alors que je pouvais sentir une lueur d’intelligence dans ce sac d’os.
« Avez-vous été maudit ? » avais-je demandé.
Il s’était arrêté de bouger et m’avait regardée avec ses yeux sinistres.
« Vous êtes le premier à deviner correctement…, » dit-il, puis il continua à pousser le bateau.
« Un nécromancien ou un dieu ? » demandai-je.
« Dieu…, » répondit-il.
Je n’avais pas poussé plus loin mes questions et j’étais plutôt restée silencieuse, écoutant les douces vagues qui éclaboussaient la coque de ce petit bateau.
Environ trois heures plus tard, le passeur avait déclaré. « Nous sommes arrivés à l’île fantôme. »
Lorsque je m’étais retournée pour regarder ma destination, j’avais vu le brouillard se dissiper sur les côtés, me permettant de voir cet endroit dans toute sa grandeur. Au loin, trois pics montagneux se dressaient fièrement et fermement au sommet d’un terrain rocheux et aride. Il n’y avait ni arbres ni herbe où que vous regardiez, ce qui donnait l’impression d’un territoire abandonné marqué par la mort et la désolation.
Tout autour de l’île, des rochers pointus dirigés vers l’extérieur formaient une barrière infranchissable que ni le navire ni le monstre ne pouvaient traverser. Seul un petit et long quai osait faire passer une ligne à travers ces dents dentelées, une ligne de sécurité pour tous ceux qui voulaient mettre un pied sur l’île, mais elles étaient si bien cachées parmi tous ces rochers, que sans le passeur, même moi, j’aurais eu beaucoup de mal à le trouver.
Cet endroit me donnait l’impression qu’aucun être vivant n’osait poser le pied sur ce sol maudit, et encore moins y vivre pendant d’innombrables années.
Le choc du bateau contre le bloc de la jetée avait annoncé qu’il était temps pour moi de descendre.
Une fois que j’avais mis le pied sur la jetée, le passeur avait incliné la tête et avait repoussé le bateau, retournant dans le brouillard dense. Il n’était qu’une âme solitaire maudite pour amener les voyageurs d’un endroit à l’autre. Je ne connaissais même pas son histoire, mais je n’avais pas envie de la découvrir.
« Je suis enfin là…, » avais-je dit. Puis, j’avais poussé un soupir.
Cette île possédait une étrange présence dominatrice qui me donnait des frissons, presque comme si elle déclarait que je n’étais rien d’autre qu’un petit insecte qu’elle pouvait écraser d’un simple coup de poignet. Les vents hurlaient à travers les rochers déchiquetés, me criant de m’enfuir. Les vagues de l’océan s’écrasaient contre cette jetée en bois comme un monstre affamé essayant de dévorer un morceau juteux.
Il semblait stérile et sans signe de vie, inamical comme un diable né pour déchiqueter les vivants et ensuite rire alors que leurs âmes gémissaient de désespoir. Les vents étaient sa voix et ils me menaçaient de mort, ils m’avertissaient de la douleur, et ils se moquaient de moi comme si j’étais l’être vivant le plus faible du monde.
« Peu importe combien vous hurlez ou rugissez, vous ne pouvez pas me faire tomber, » avais-je dit alors qu’un sourire moqueur s’était formé sur mes lèvres.
Avec une confiance inébranlable, je m’étais avancée et j’avais marché le long du chemin vers l’île, ignorant les vents qui fouettaient ma peau et les vagues qui essayaient de me faire tomber du quai. Les monstres cachés sous les eaux noires avaient remarqué ma présence, mais ils avaient aussi senti qu’ils n’étaient pas de taille face à moi. Même s’ils se rassemblaient tous et m’attaquaient en même temps, ils ne pourraient même pas égratigner mon Armure magique.
En faisant un pas sur le rivage, j’avais regardé le ciel nuageux, puis de nouveau les vents hurlants et la mer tonitruante. La barrière naturelle érigée autour de cette île aurait empêché la plupart des gens d’y débarquer. L’épais brouillard qui l’entourait aurait également rendu très difficile pour les autres de la repérer.
« Pas étonnant qu’ils l’appellent l’île fantôme, personne n’oserait faire un pas ici, mais avant de pouvoir le faire, il faudrait d’abord la trouver, » avais-je dit en me moquant.
En tournant mon regard vers le vaste terrain vague qui s’étendait devant moi, j’avais commencé à concentrer mon énergie au cœur de mon corps, me préparant à jeter un sort non seulement puissant, mais aussi très complexe. Quand j’étais une simple Poupée Brisée, je n’aurais jamais pu imaginer qu’un jour je serais capable de faire quelque chose comme ça. C’était un sort unique, conçu avec l’aide de mon mari et personnalisé spécialement pour moi.
Je n’étais pas du genre à me concentrer sur ma force ou ma vitesse, je ne me souciais même pas de ma propre endurance, mais ce qui m’importait, c’était la furtivité. Bien que mes parents aient donné naissance à une fille noble et qu’ils aient souhaité que je grandisse en tant que telle, après 27 ans d’entraînement et de travail comme assassin, mes compétences et mon tempérament avaient déjà été sculptés par eux.
Ainsi, mon choix de compétences avait favorisé les tactiques de frappe puis de fuite, l’espionnage et les assassinats rapides.
« [Par-dessus les clones]. » avais-je murmuré et en même temps j’avais libéré la quantité massive d’énergie magique stockée en moi.
Avec ces quelques mots, j’avais activé ma compétence suprême. Bien qu’elle n’ait pas la puissance de feu effrayante que possédait Ayuseya [La colère des dieux sans âge], le sort avait créé un certain nombre de copies exactes de moi-même. Jusqu’au dernier détail, mes clones ne pouvaient pas être distingués de l’original. Ils pouvaient respirer et gémir, ils pouvaient manger et dormir, ils pouvaient se briser les os et même saigner. Même Illsy avait du mal à distinguer l’un de mes clones de moi-même, et pourtant nous n’avions tous qu’un seul esprit, le mien. Ce qu’ils avaient vu, je l’avais vu. Ce qu’ils avaient ressenti, je l’avais ressenti. Ce que j’avais ordonné, ils avaient obéi.
Cette compétence, combinée à ma compétence de rang divin pour créer des objets à partir d’énergie magique pure, m’avait permis d’avoir ma propre armée équipée jusqu’aux dents et prête à combattre d’une manière qui ferait réfléchir n’importe quel ennemi à deux fois avant d’attaquer. Nanya pouvait augmenter notre force, Ayuseya pouvait causer des dommages au-delà de toute mesure, Zoreya pouvait nous défendre tous, et Tamara était un éclair. Elles avaient toutes un pouvoir individuel, tandis que moi, j’avais une armée…
« Il est temps de chasser, » nous avions toutes les seize déclaré cela en même temps.
Le sourire aux lèvres, nous nous étions séparés et avions couru dans différentes directions. L’original, moi, était équipée de la puissante armure et de la dague d’Illsyore. Ces équipements futuristes dépassaient de loin l’imagination de tout artisan. Même maintenant, je me souvenais de mon étonnement lorsqu’il nous les avait révélées. Bien que Nanya et Ayuseya les aient pris comme acquis, probablement que seules moi et Zoreya pouvions dire à quel point ces outils changeaient la donne.
Si l’on pouvait mettre la main sur eux et parvenir d’une manière ou d’une autre à recréer leur technologie, ils seraient en mesure de dominer le monde. Je n’avais même pas le moindre doute à ce sujet.
En même temps, l’armure et l’arme d’Illsyore étaient la seule façon de me distinguer, moi l’original, du reste de mes clones. Cette compétence était aussi bonne quand je le voulais… ahem, afin d’épuiser Illsy, mais ils avaient malheureusement un gros défaut.
Tous mes Clones Supérieurs étaient des copies exactes de moi-même, mais cela ne signifiait pas qu’ils pouvaient copier ma réserve d’énergie magique originale. Celle-ci avait donc été divisée en conséquence. Ainsi, à l’heure actuelle, je n’avais que le seizième de ma réserve originale, mais elle me suffisait pour lancer quelques sorts Suprêmes réguliers et me renforcer avec un boost et une puissante Armure Magique.
Mais j’étais censée utiliser cette compétence pour repérer et exploiter la faiblesse de mon ennemi. Je n’avais aucun désir d’affronter un ennemi puissant face à face. Si besoin était, je pouvais le jeter à Nanya. Elle n’aurait jamais hésité à se procurer un nouveau sac de sable.
Avant que moi, l’original ne m’enfonce plus profondément dans l’île, j’avais pris un moment pour sortir le petit appareil qu’Illsy m’avait donné quand j’aurais ressenti le besoin de l’appeler. Je l’avais regardé et je l’avais pesé dans ma paume. Il était si fragile que je devais m’assurer de ne pas le casser accidentellement.
Il m’a dit de l’appeler si jamais j’avais besoin de lui… J’avais réfléchi et puis j’avais fermé les yeux. Ai-je besoin de lui maintenant ? Je me l’étais demandé et à travers les yeux de mon huitième clone, j’avais vu comment je m’étais faufilée derrière un garde de patrouille. Je m’étais glissée derrière lui et je lui avais tranché la gorge avec mon poignard. Son corps était tombé dans mes bras, puis je l’avais traîné hors de vue. Le sixième clone avait rencontré une paire d’assassins balbutiant à moitié saouls. Je ne leur avais accordé aucune pitié et je leur avais tranché la gorge avant qu’ils n’aient eu la chance de crier.
J’avais ouvert les yeux et j’avais regardé l’appareil dans ma main. Alors que mes seize clones étaient en train de tuer chacun des individus qu’ils rencontraient, j’avais décidé d’appuyer sur le petit bouton de ce truc et de l’appeler.
Je ne pense pas que j’ai besoin de son aide, mais peut-être… Je peux lui demander de prendre tout le butin de cette île comme il l’a fait pour l’île des pirates, avais-je pensé et ensuite j’avais placé l’appareil dans mon cristal de stockage.
Il n’y avait pas d’urgence pour moi, l’original. Je m’étais dirigée vers le cœur de l’île, marchant d’un pas lent tandis que les Super Clones tuaient dans un silence absolu chaque assassin de cette île, quels que soient son espèce, son âge ou son sexe. Ce n’était pas comme s’il y avait des innocents ici… Ceux qui, comme moi, n’avaient jamais mis un pied dans cet endroit. Alors que ceux qui étaient nés dans les rangs des assassins avaient été conditionnés comme tels dès le moment où ils pouvaient parler, avaient subi un lavage de cerveau pour adorer leur maître, avaient été entraînés à tuer et n’avaient jamais montré leurs propres émotions.