Chapitre 1 : La Magnifique Fille et l’Ivrogne
Le Royaume d’Albein était situé dans la partie nord du continent d’Exrea et il possède deux mille ans d’histoire.
Cinquante mille habitants sur dix millions étaient citoyens d’Alvinas, la capitale du Royaume.
Les nobles, qui vivent sous le Roi, comptaient plusieurs centaines d’individus, d’autant plus si l’on comptait également leurs familles.
L’autorité de Cody, qui devint le général de l’armée, valait autant que celle d’un prince.
Le garçon qui était un aventurier avant ça n’avait pas baissé la tête face à la noblesse et dès le départ, cela avait causé des problèmes. Même si cela n’était pas dû à son statut de héros.
Les nobles ne savaient pas qu’un seul aventurier de Rang-SSS pouvait entièrement anéantir une nation... Je pense que Cody se retenait admirablement et sans relâche face à ceux qui le tourmentaient.
Au moment où il avait eu seize ans, l’âge où il pouvait commencer légalement à boire, il avait commencé à me rendre visite. C’était arrivé au point ou il n’était plus nécessaire de poser des questions sur sa commande.
« J’ai des problèmes à négocier avec les nobles, » disait-il fréquemment.
Chaque fois, j’avais toujours répondu que les plus hauts dirigeants devaient supporter ce genre de fardeau.
« Être un Maître de Guilde est un travail fantastique, » disait-il souvent.
« Je passe juste mes journées à boire, » répondis-je.
Mais je pouvais me le permettre parce que j’avais créé un système sans faille.
Il y avait onze autres guildes dans la capitale à part la mienne, la « Verseau d’Argent », mais nous étions affiliés à la septième, la meilleure guilde le « Mouton Blanc ».
Le système d’affiliation était basé sur l’aide mutuelle entre nos membres.
En fait, je n’en faisais pas partie.
Quelqu’un d’autre s’était occupé d’eux, mais j’avais aidé à préserver ce secret.
Je devais m’organiser à l’avance pour pouvoir réaliser ça. Donc, avant tout, je m’étais assuré que certaines guildes quittent la vieille alliance qui les unissait toutes. Cela avait permis à ma guilde de ne pas s’être démarquée comme étant la seule qui soit autosuffisante.
Après avoir accordé plus de secrets à ma guilde, j’avais répandu la rumeur qu’une « guilde sur la 12e rue acceptait des demandes que tout le monde refusait. ».
Bien sûr, ce n’était pas comme si tout le monde s’était précipité après avoir entendu une telle rumeur. En fait, si quelqu’un souhaitait se joindre ou s’il voulait soumettre une demande, il devait connaître le « mot de passe ».
Laissez-moi vous donner un exemple.
***
Cette histoire date de quelques jours après avoir eu dix-huit ans.
Comme toujours, peu après midi, j’étais au comptoir du bar, buvant de l’alcool pour mouiller ma gorge asséchée.
« Maître, et à propos de celui-là ? C’est un vin fruité de première classe produit à Borgognia avec le meilleur cépage blanc de la saison, » déclara l’elfe.
Derrière le comptoir se trouvait une elfe habillée en femme de chambre... Qu’il y ait ou non des clients, elle m’appelait toujours comme ça quand personne ne pouvait l’entendre.
Je lui avais toujours dit d’arrêter ça, mais elle ne m’écoutait jamais et c’était peine perdue de la corriger à chaque fois.
Après qu’elle avait effectué l’ouverture à dix heures du matin, les voisins étaient venus acheter de la nourriture, mais même si nous étions restés ouverts, personne n’était venu à cette heure si matinale. Ainsi, nous étions uniquement tous les deux. Toutefois, une guilde s’attendait toujours à avoir des clients ou de nouveaux membres. Tôt ou tard, quelqu’un devrait venir, alors j’avais passé mon temps à boire jusqu’à ce que cela se produise.
Bien que je devais rester en permanence en alerte vis-à-vis de cette elfe.
« Appelle-moi “monsieur”, et non pas “maître”. Je ne te répondrai pas autrement, » dis-je.
« M-Mais... Dans cas, quand tu seras ivre, puis-je t’appeler l’“homme sublime avec des yeux magnétiques” ? » déclara-t-elle
« Combien de fois dois-tu me féliciter avant de te sentir satisfaite... ? » demandai-je. « Et qu’est-ce qu’il y a avec ces yeux magnétiques ? Eh bien ! La prochaine fois que tu m’appelleras ainsi, tu verras bien. »
« Gh ! O-Oui ! S-S’il te plaît ! Montre-le d’une manière appropriée à cette sale chienne que je suis... ! » déclara-t-elle.
J’avais observé son corps bien développé se courber comme une branche pleine de fruits.
Le port de jupes très courtes était une hérésie dans la capitale, mais elle ne s’habillait ainsi que pour attirer mon attention.
Son corps n’avait nullement changé depuis la dernière fois que je l’avais vue, et cela même après que la couleur de sa peau soit devenue identique à celle d’une elfe normale.
Si une elfe noire devait entrer dans la capitale, le chaos s’étendrait partout. Alors elle avait décidé de respecter mon ordre à sa manière. Avant de me rencontrer à nouveau, elle s’était déjà « transformée » en une elfe commune.
« Je voudrais te rappeler que plus tu poursuis les hommes, plus vite ils courent, » dis-je. « Si tu ne peux pas pousser, alors pourquoi ne pas essayer de tirer, non ? »
« Pouah..., » répondit-elle.
Elle avait l’air découragée. Cracher un « pouah » à son propre maître était assez grossier.
Pourtant, c’était compréhensible.
Elle ressemblait à une femme de ménage, mais elle n’en était pas vraiment une.
Elle prit une profonde inspiration, comme chaque fois qu’elle allait changer de ton.
« Même si tu me dis ça, j’ai attendu cinq ans ! » s’exclama-t-elle. « Tu m’as dit de venir ici pour le talisman ! Et me voici, t’appelant Maître et te respectant, alors de quoi es-tu insatisfait ? »
Son ton était tout sauf celui d’une servante.
Oui, elle était réellement le Seigneur des Démons ayant pris l’apparence d’une femme de chambre.
Elle était venue vivre dans ma guilde le mois dernier. Je me demandais comment elle m’avait trouvé et où elle avait eu cette robe. Mais dans tous les cas, elle avait commencé à travailler au bar. Elle avait rapidement appris comment faire les différents mélanges pour les boissons et comment préparer les collations associées, au point qu’elle était déjà une experte.
Le Seigneur des Démons à la peau sombre et aux cheveux violets, avait maintenant la peau claire et les cheveux argentés comme les graines de lin. Elle les avait modifiés avec de la magie.
« Si tu t’inquiètes pour mes terres, je les ai confiées à mon petit frère, » dit-elle. « C’est un bon garçon et il m’écoute toujours. »
« S’il te plaît. Même s’il était gouverné par un horrible démon, notre royaume est doux comme un agneau..., » dis-je.
« Il y a encore un groupe qui continue d’attaquer les habitants, » dit-elle. « Nous ne pouvons rien faire contre les extrémistes, mais ils ne sont pas aussi agressifs que par le passé... Je veux dire, les installations de chasse, d’agriculture et d’instructions ont été beaucoup améliorées depuis ta visite. Ne devrais-tu pas me féliciter un peu pour ça ? »
« Eh bien non. Qui t’a demandé de faire cela ? Cependant, c’est pas mal, » dis-je.
« Quel genre de réponse est-ce ? » demanda-t-elle. « J’ai eu beaucoup de problèmes pour faire ça ! Un véritable héros ne devrait-il pas me féliciter pour cela ? Tu pourrais au moins apprécier mes efforts ! »
Je n’étais pas cynique. C’était juste que je me sentais terriblement mal à l’aise quand je lui disais quelque chose de gentil. Alors j’essayais honnêtement de ne pas aller dans le sens de, « Wôw ! Comment as-tu pu persuader les démons d’arrêter d’attaquer les humains ? C’est vraiment fantastique ! »
« Je ne suis pas un héros, » répliquai-je. « Je jure que si tu m’appelles encore ici, je demanderai à Aileen de te pourchasser. »
« Pourquoi demanderais-tu ça à cette diablesse !? » demanda-t-elle. « Après cinq ans, tu bois toujours avec tes copains et je la vois toujours faire des vas et viens. Merde ! Profitez de mon Maître ivre pour le faire, c’est... scandaleux. »
« Ça n’a pas vraiment d’importance, n’est-ce pas ? Quoi qu’il en soit, surveille ton langage, un client pourrait venir à tout moment, » dis-je.
Après avoir fait un bruit agacé et s’être éclairci la gorge, elle obéit à mon ordre et retourna en mode femme de ménage.
En parlant d’Aileen, après qu’elle soit restée ici quelques jours après notre voyage, elle était allée à la rencontre de ses parents. Elle avait apporté les nouvelles de notre succès à son père, le chef du village situé sur une zone montagneuse à l’ouest du Royaume d’Albein.
Elle n’avait partagé que la moitié de sa Liqueur Divine avec ses parents et avait gardé le reste pour elle-même.
Dès lors, Aileen avait commencé à travailler. Ainsi, au fil du temps, elle avait pu se permettre d’avoir une maison dans la ville et elle était passée acheter de la nourriture plus ou moins tous les jours. Dans son village, on pouvait légalement boire à l’âge de dix ans, mais pour une raison inconnue, elle avait décidé d’attendre son seizième anniversaire, conformément à la loi de notre royaume.
Maintenant, nous avions tous deux développé une certaine résistance à l’alcool, mais la première fois que nous avions bu ensemble, nous nous étions évidemment saoulés et avions même fini par parler de choses obscènes... eh bien ! Dès lors, rien d’autre ne s’était produit entre nous. Notre relation avait atteint le point où il était difficile de se voir comme un membre du sexe opposé...
Alors que je pensais à cette situation désespérée, un client s’était approché de la porte d’entrée. Le Seigneur des Démons et moi-même avions échangé un regard attentif et nous étions redevenus à notre attitude normale pour ainsi être un client et la barmaid.
*Dling Dlong~*
Après que la sonnette de la porte eut sonné, un humanoïde entra avec un long pardessus gris cendré et une capuche dissimulant son visage.
À en juger par le bruit de ses pas sur le plancher, il s’agissait d’une femme.
Elle s’était alors assise sur un tabouret, à quatre places de moi.
J’avais apporté le verre de vin blanc à mes lèvres et je l’ai apprécié avec délice. C’était tout ce que je devais faire pour l’instant.
J’avais tout de suite su qu’elle n’était pas une habituée.
Mais je devais suivre la procédure, sinon je ne pourrais pas entendre sa demande.
Le client avait commencé à parler à la barmaid alors que j’avais feint l’ignorance.
« ... Puis-je avoir du lait ? Autrement, s’il en a déjà plus, je voudrais ce que je peux boire uniquement ici, » déclara la femme.
« Certainement, » déclara la barmaid. « Le mélange spécial de la maison est-il correct pour vous ? »
« Oui, merci beaucoup. S’il vous plaît, faites le juste pour moi, » répondit la cliente.
Elle avait dit tous les mots-clés. À ce stade, j’avais pu confirmer qu’elle était ici pour une demande.
Elle portait la bonne couleur pour la journée. Maintenant, elle n’avait plus qu’à dire une dernière chose. Quelque chose du genre « J’ai une demande que personne n’accepterait, la feriez-vous ? » ou « Je suis un intermédiaire pour quelqu’un que je connais. »
De cette façon, ses intentions auraient été claires.
Pourtant, même si j’avais compris qu’elle voulait quelque chose, j’étais resté spectateur. J’avais prétendu être un client ordinaire qui avait été témoin de leur conversation.
Après avoir fini mon vin, j’avais continué à regarder le verre vide se trouvant devant moi sans lui faire face. Je faisais ça afin qu’elle ne devienne pas méfiante.
« ... Pouvons-nous parler ? » demanda la cliente.
« Bien sûr. J’ai déjà compris que vous êtes un client important pour nous, » répondit la barmaid.
La fille laissa échapper un soupir.
« Je me demande si vous pouvez répondre à ma demande. J’ai peur que personne d’autre ne puisse la faire, » alors qu’elle disait ça, elle enleva son capuchon, libérant ses cheveux bruns.
Elle était mignonne... non, comparée aux filles de la ville, sa beauté était presque inégalée. Elle devait avoir mon âge, ou peut-être un peu plus jeune.
Elle avait l’air sérieuse et son comportement me rappelait quelqu’un.
J’avais l’impression de l’avoir déjà vue quelque part... Est-ce juste un déjà vu... ?
« Je serai franche, » commença-t-elle. « Je voudrais que vous rompiez les fiançailles entre le Prince de Vinceburg et notre Princesse Manarina. »
« Briser leurs fiançailles... ? Puis-je vous demander quand à la raison ? » demanda la barmaid.
Cette année, la Manarina mentionnée ci-dessus allait avoir seize ans. Selon les lois du Royaume, cela signifiait qu’elle atteindrait l’âge adulte. Et donc. Son père choisirait son mari.
Il s’agissait d’une vieille coutume de la famille royale qui visait à créer des liens avec des aristocrates influents afin d’augmenter leur propre pouvoir politique.
Vinceburg avait eu un sénat formé par les aristocrates qui avaient beaucoup aidé la monarchie.
Être engagé avec la princesse signifiait qu’il devait avoir une haute fonction politique... mais celui qui l’avait eu avait la cinquantaine. C’était un assez grand écart d’âge.
« Je-je suis... euh... L-la dame d’honneur de la princesse. Son Altesse ne veut pas se marier avec lui. Il s’agit d’un choix fait par Sa Majesté, mais si cela se met réellement en place, la Princesse a prévu de s’ôter la vie, » déclara la jeune femme.
« Quoi... ? » s’exclama la barmaid.
Une princesse naissait en étant obligée d’épouser les puissants qui aidaient et soutenait le royaume... mais le Seigneur des Démons ne répondit pas comme tout le monde l’aurait fait.
« Si elle est contre, elle devrait s’opposer de toutes ses forces à la décision du roi. Je crois que l’acceptation de votre demande est la bonne chose à faire, » déclara le Seigneur des Démons.
La fille avait retenu son souffle.
« V-Vraiment !? » s’exclama-t-elle. « Pouvez-vous faire quelque chose pour mon... euh, pour éviter le mariage de Son Altesse avec cet homme dégoûtant !? »
La dame d’honneur autoproclamée s’était rapprochée du Seigneur des Démons.
L’heure des jeux était déjà finie...
Je pouvais dire que le fait de savoir que mon réseau avait déjà atteint la famille royale m’avait laissé totalement abasourdi.
Je voulais rester à distance de la noblesse et de l’aristocratie, mais puisque le fait de connaître les secrets des gens puissants rendait ma vie dans ce royaume plus facile, je continuais toujours à rassembler des informations.
Jean Vinceburg était l’exemple parfait d’un magnifique homme d’âge moyen (50 ans).
Il était marié jusqu’à cette année. Mais couraient après une douzaine d’autres femmes entre les épouses et les filles d’autres aristocrates. Il était en effet un play-boy dégoûtant.
Pourtant, il était charismatique comme tout bon aristocrate et avait montré sa loyauté envers le Roi.
Si on y réfléchissait bien, c’était assez évident de voir pourquoi il avait préféré changer de femme. Épouser la Princesse l’aurait ainsi rendu plus influent.
C’était compréhensible, mais ce n’était clairement pas bien pour elle.
J’avais alors fait ma commande habituelle au Seigneur des Démons et elle m’avait apporté une chope de bière froide.
« ... Quel est son problème ? Nous parlons d’affaires sérieuses et il continue à boire, » déclara la cliente.
« Madame, ne faites pas attention à moi. Je suis juste un ivrogne, » dis-je.
« Boire à cette heure est... méprisable. Si vous ne surveillez pas votre santé, les personnes autour de vous seront inquiètes, » déclara-t-elle.
« Gh...! Qui serait ainsi ? Je n’ai pas de personne comme ça dans ma vie. Être célibataire et boire sont mes seules libertés, » dis-je.
Entendre son doux commentaire m’avait fait cracher ces mots. C’était le genre de gentillesse dont je rêvais... Je pensais qu’elle était vraiment adorable.
D’un autre côté, le Seigneur des Démons n’était pas très sympathique.
« Mmm... bien. C’est ton corps, donc c’est juste à toi de faire ce que tu veux avec ton corps, » déclara le Seigneur des Démons. « Pour en revenir à notre précédente conversation, tu m’aideras, n’est-ce pas ? »
« Oui. Il n’y a aucune chance que nous échouions. Mais comme à chaque fois que nous acceptons une demande, nous devons avoir d’autres clarifications, » dis-je.
« Demande-moi ce que vous voulez ! Tant que cela vous fait l’accepter, je répondrai à toutes vos questions ! » déclara la jeune femme.
Le visage de dame d’honneur autoproclamée s’illumina immédiatement.
Parce qu’elle ne savait pas si sa demande serait acceptée, au début, elle était plutôt nerveuse, mais ce nouveau regard lui convenait bien mieux.
Merci pour le chapitre.
P.S : Pauvre Cody, il a compris beaucoup trop tard.