Chapitre 4 : La menace cendrée
Partie 7
5 — L’origine des guildes et son secret
Nous avions décidé de garder le silence pendant un certain temps et de rapporter ce qui s’était passé au Bélier Blanc aux fonctionnaires un autre jour.
Les chevaliers, accompagnés par les fonctionnaires du conseil, avaient enquêté sur le Scorpion violet et le Cancer virulent, et avaient confirmé que leurs actes étaient contraires à la loi du royaume. Le maître de la guilde et ses membres avaient tous été appréhendés. Chacun d’entre eux devait être interrogé et recevoir une punition appropriée.
Le maître de la guilde du Bélier blanc, Etna Veldor, ne s’était pas soumis à la Professeur en raison des effets du collier, mais volontairement.
Etna Veldor m’avait expliqué la signification du titre de la Professeur, le Bouffon Cendré.
Il y a longtemps, le système des guildes n’existait pas à Albein. Les aventuriers acceptaient les demandes individuellement. Certains étaient même partis à l’aventure pour se faire un nom ou trouver un trésor au hasard, sans accepter de demandes.
Mais il y a 100 ans, lorsque le premier aventurier de Rang SSS était apparu dans la capitale — la Professeur —, les guildes d’aventuriers avaient commencé à se former.
La Professeur avait nommé sa guilde Ophiuchus [1], et elle avait rassemblé d’excellents aventuriers, répondant aux nombreuses demandes des citoyens et des nobles du royaume, ce qui lui avait permis de devenir aussi aimée que le roi lui-même. Comme il n’y avait qu’une seule guilde à l’époque, sa guilde n’avait pas de couleur attitrée. « Incolore », pour ainsi dire.
Je n’aurais jamais imaginé que la Professeur venait de la capitale.
Dix ans après avoir formé sa guilde, la Professeur avait soudainement disparu sans laisser de traces. Les aventuriers, abandonnés, étaient dans la tourmente.
Leur chef charismatique étant parti, les quatre Rangs SS et les huit Rangs S qui restaient avaient formé leurs propres guildes, comme l’avait fait la Professeur.
Comme les aventuriers abandonnés se sentaient trompés, certains d’entre eux avaient commencé à traiter la Professeur de bouffonne, car elle avait brusquement abandonné le groupe qu’elle avait elle-même créé, apparemment sur un coup de tête, en d’autres termes, une fraude.
On lui avait donné la couleur « cendre » parce que les maîtres de la guilde avaient perçu la couleur cendre comme étant peu propices, dissuadant quiconque de la choisir. C’est ainsi qu’était né son titre, le Bouffon Cendré. Et oui, même les maîtres de la guilde n’avaient jamais su quel était le nom de la Professeur.
Même alors, sans que les autres guildes s’en rendent compte, le maître de la guilde du Bélier blanc adorait toujours la Professeur. Il ne sourcillait pas, même lorsque la Professeur avait pris le contrôle de sa guilde, et continuait à la tenir en respect.
La Professeur n’avait même pas fait quelque chose pour l’influencer afin de maintenir cette croyance. Le maître de la guilde du Bélier blanc avait une foi inébranlable dans le fait que la Professeur pouvait prendre le contrôle des douze guildes et de tous leurs aventuriers quand elle le voulait.
Le Bélier blanc s’était fermement accroché à la première place pour offrir ce grand siège à son seul vrai leader, la Professeur.
Sans connaître ce complot, j’avais fait sortir trois guildes de leur alliance. J’étais dans leur collimateur depuis que j’avais fait cela.
Mais après avoir découvert ma véritable identité, le Bélier Blanc n’avait pas essayé d’écraser ma guilde, au contraire, ils avaient renforcé leur emprise sur les guildes qu’ils contrôlaient encore.
Cependant, les temps avaient changé. Depuis que nous avions subjugué le Seigneur-Démon, le nombre de monstres avait clairement diminué, faisant perdre leur source de revenus aux aventuriers qui chassaient principalement pour gagner leur vie.
Par conséquent, le Scorpion Violet et le Sagittaire Azure s’étaient sali les mains avec des tâches sales. Le Cancer virulent n’avait pas pu se maintenir à flot, et avait volontairement accepté l’aide du Bélier Blanc, et avait été entièrement pris en charge.
Ce que la professeur avait dit était juste : il n’y avait plus besoin de 12 guildes.
Celui qui avait besoin du collier d’esclave était le maître de guilde du Bélier Blanc. Il voulait préserver son influence. La Professeur avait accédé à sa demande et l’avait faite — d’où la raison pour laquelle la professeur n’était pas exempte de toute faute. Elle avait mis ces colliers à tous les membres de la guilde du Bélier Blanc et leur avait fait exécuter un ordre qui allait brûler leurs vies.
Pourtant, je ne l’avais pas immédiatement amenée au conseil.
J’avais quelque chose à lui dire, même s’il était peut-être beaucoup trop tard pour cela maintenant. Je l’avais ramenée à la bâtisse de ma guilde.
Comme je ne pouvais pas demander à Verlaine de prêter son lit à la Professeur, je l’avais laissée dormir sur le mien après avoir changé les draps.
Cela faisait environ deux heures que la bataille était terminée, mais elle n’avait toujours pas ouvert les yeux. C’était normal, après tout, elle avait utilisé son pouvoir magique pour se défendre contre mes attaques. Je pouvais lui fournir une partie des miens, mais je ne pouvais pas le faire sans tenir compte de ses sentiments.
Si la Professeur acceptait que je lui donne mon pouvoir magique, je le ferais.
Ce qui faisait que maintenant, j’attendais juste qu’elle se remette naturellement, sans rien faire.
Je l’avais portée ici sur mon dos — avec hésitation — ce qui signifiait que j’avais encore un certain respect pour elle.
Bien sûr que je le ferais, car elle m’avait appris ma façon de vivre. Elle m’avait dit de « faire ce que je voulais », quand j’étais parti pour soumettre le Seigneur-Démon.
Maintenant, j’avais découvert exactement pourquoi elle m’avait dit cela. Parce qu’elle croyait fermement que je finirais par revenir vers elle.
Parce que je ne pouvais pas lui faire accepter que je ne voulais vraiment pas, du fond du cœur, la tuer.
« Maître, j’ai apporté des rafraîchissements. Veux-tu que je prenne la relève ? » demanda Verlaine.
« Non merci. Elle peut se téléporter à tout moment. Elle pourrait disparaître si je ne la surveille pas. Mais merci, » répondis-je.
« Tes rares mots d’appréciation m’ont prise au dépourvu. Il semble que le maître qui fait preuve d’une telle faiblesse ait aussi ses propres charmes, » déclara Verlaine.
Passant à son ton de Seigneur-Démon, Verlaine avait posé les boissons sur la table à côté du lit. Elles étaient brassées avec des herbes de Mishika et avaient un effet calmant.
En une seule gorgée, la sensation lourde dans ma poitrine s’était dissipée. Verlaine sourit et échangea la compresse sur le front de la professeur contre une autre.
« Verlaine, avant ça, tu as agi comme si tu savais qui est vraiment la Professeur. Elle n’est pas un elfe, et je ne connais aucune autre race demi-humaine qui pourrait vivre aussi longtemps qu’elle. Mais qu’est-ce qu’elle… ? » demandai-je.
« Il y a l’histoire d’une certaine race qui s’est transmise entre nous les démons, ils possèdent un talent écrasant en magie, des connaissances de toutes choses, et la jeunesse éternelle. Ils apportent des bénédictions s’ils sont vénérés, et de la malchance s’ils sont contrariés, » répondit Verlaine.
J’en savais déjà beaucoup — mais je ne savais pas comment ils s’appelaient, ni d’où ils venaient, ni quel était leur but. Verlaine semblait connaître la réponse à ces questions. En regardant la Professeur allongée sur le lit, elle avait poursuivi son histoire.
« Elle est probablement l’un des individus du peuple nommé “les oubliés”. Le peuple créé par les Dieux lorsqu’ils étaient encore sur cette terre, créé comme le portrait craché des Dieux. Elle doit être l’un des rares individus de cette race encore en vie aujourd’hui. »
Lorsque j’avais vu pour la première fois toute l’étendue de ses capacités, j’avais eu une idée.
Pour moi, à l’époque, elle était à peu près une existence divine. Elle savait tout, et pouvait tout faire.
Le visage que la Professeur avait fait quand je lui avais dit cela avait refait surface dans mon esprit.
Elle avait dit, avec un regard extrêmement solitaire, « Pour te dire la vérité, il y a une chose, juste une chose que je ne peux pas faire moi-même. »
« … Je ne suis pas surpris de voir à quel point elle est excentrique. Mais “les oubliés”, quelle est leur durée de vie ? » demandai-je.
« Je suppose qu’ils ont au moins vécu depuis que les premiers humains sont nés dans ce monde, » répondit Verlaine.
Chaque fois que la Professeur me demandait de la tuer, je ne comprenais pas pourquoi, me prenant dans ses bras et me nourrissant juste pour que je la tue. Jusqu’à aujourd’hui.
Si les paroles de Verlaine étaient des faits, cela signifiait que la raison pour laquelle elle avait créé sa guilde dans la capitale il y a 100 ans était pour trouver quelqu’un qui pourrait la tuer. Mais elle avait ensuite jugé que les chances de le faire étaient peu probables, et était partie sans laisser de trace.
Puis, 80 ans plus tard, elle m’avait trouvé dans ce même royaume, Albein. Mais pourquoi est-elle revenue dans le royaume qu’elle avait abandonné ? Je suppose qu’elle s’était peut-être déjà aventurée dans le monde entier pendant ces 80 ans. Mais quoi qu’il en soit, c’était une question que je devais poser à la personne en question pour le découvrir.
Mais maintenant, tout s’était mis en place. Je savais enfin pourquoi elle voulait que je mette fin à sa vie.
Parce qu’elle avait vécu bien trop longtemps. Et si la seule chose qu’elle ne pouvait pas faire était de s’enlever la vie, alors tout cela avait un sens.
« Mais je ne peux pas exaucer son souhait. Je le lui dirai dès qu’elle se réveillera, » déclarai-je.
« C’est dur. Cependant, on pourrait dire que le devoir d’un disciple est de ramener son professeur sur le droit chemin si jamais il s’en écarte, » déclara Verlaine.
« … Tu peux tout à faire dire que je suis qu’une pauvre excuse de disciple. Je lui ai menti. Et j’ai continué à lui mentir jusqu’à aujourd’hui, » déclarai-je.
Je vais vous apprendre tout ce dont vous avez besoin pour survivre. En échange, assurez-vous de me tuer une fois que je vous aurai tout appris.
Cela peut vous sembler absurde, mais c’est un souhait sincère de ma part.
Une fois cette promesse tenue, vous pouvez être libre. D’ici là, nous sommes tous deux liés l’un à l’autre.
« Depuis le début, je n’ai jamais pensé à tenir cette promesse. Après m’être séparé d’elle pour soumettre le Seigneur-Démon, je… n’ai jamais eu l’intention de revenir, » déclarai-je.
Je pressais le verre froid avec assez de force pour le faire craquer.
J’avais toujours détourné le regard de cette trahison, de l’ampleur de celle que j’avais commise contre la Professeur. Je ne vais pas te laisser mourir, je ne vais pas suivre ton souhait illogique, pensai-je
J’avais vécu avec tant insouciance, en pensant que je faisais le bon choix, sans même savoir qui ou ce qu’elle était vraiment ni pourquoi elle voulait que je le fasse ? J’avais continué avec la mentalité de faire tout ce que je jugeais intéressant, et j’avais vécu ma vie comme je le voulais, en ne pensant qu’à mon propre bonheur.
Même si tout ce que j’avais, le savoir, la magie, à l’expertise de combat, était tout ce que j’avais reçu de la Professeur.
« … Pas besoin de te blâmer comme ça, » déclara Verlaine.
Verlaine avait mis sa main sur la mienne qui tenait encore le verre brisé.
Puis, elle m’avait serré dans ses bras par-derrière, alors que j’étais encore assis. Une goutte de larme coulait sur mes joues, même si je savais que je n’avais pas le droit d’avoir pitié d’elle.
« Je vois que tu la chéris beaucoup, Maître. Et si c’est le cas, tu n’as qu’à reprendre les choses à partir de la première étape. Bien que ce qu’elle a fait puisse être considéré comme un crime, il doit y avoir un moyen pour elle de les expier, » déclara Verlaine.
« … C’est moi qui l’ai poussée à faire ça, » déclarai-je.
« Nous, tes amies et moi-même ne te laisserons pas prendre cette responsabilité par toi-même. Après tout, je sais à quel point tu es sincère, car nous le voyons tous les jours. C’est pourquoi je n’ai pas l’intention de me taire et de te laisser seul. De plus, si cette femme qui se trouve devant nous devait te pousser à bout, te faisant porter une blessure irréversible sur le cœur, nous ne pourrions pas rester les bras croisés. »
Bien qu’elle semble dire cela en plaisantant, elle était sérieuse.
Ses bras qui s’enroulaient autour de moi étaient fins, mais ils donnaient l’impression qu’ils ne me lâcheraient jamais. Ils étaient remplis d’intentions aussi fortes.
« Si tu as décidé de ce qu’il faut faire, nous y consentirons. Bien qu’elle doive supporter une partie du crime pour la capture et la vente d’animaux-humains que Galumdoor a promulgué, le cas de Bélier Blanc violant la loi sera traité comme s’il avait violé la loi par lui-même. Après tout, ils espéraient qu’elle reviendrait pour les aider dans leurs plans, corrects… ? » déclara Verlaine.
« C’est… Je n’en suis toujours pas sûr. Je le lui demanderai après son réveil, » déclarai-je.
J’imagine qu’il faudra encore un certain temps pour la laisser se rétablir naturellement, mais je n’avais pas d’autre choix que d’attendre.
Même si elle préférait que je mette fin à sa vie maintenant, je ne pourrais pas le faire. Maintenant, je n’avais plus la volonté de la blesser encore plus que je ne l’avais déjà fait — pourtant, si ce dernier sort que j’avais utilisé contre elle l’avait tuée, je l’aurais sûrement regretté toute ma vie.
« Bien que cela soit peu probable, si par hasard le Maître choisit de mettre fin à sa vie, alors je ferai tout mon possible pour m’opposer à toi. Nous avons quelques plaintes à lui transmettre, après tout. Par exemple, “ne faites plus jamais un coup comme ça au Maître” et ainsi de suite. »
« … Veillez à ne pas aller trop loin. Ça va être chiant si vous vous battez, les filles, » déclarai-je.
« … Hm ? Je remarque qu’il semble y avoir des traces de tes pleurs, Maître. S’il te plaît, cesse d’agir de façon si fragile. Il me faut déjà tout pour te serrer dans mes bras comme ça, tu sais ? » déclara Verlaine.
Rougissant, Verlaine avait sorti un mouchoir et m’avait frotté les joues avec.
Si elle se réveillait — je m’inquiétais. Mais bien sûr, ce n’était pas nécessaire, car la Professeur restait inconsciente. Au lieu de cela, j’avais senti quelque chose d’étrange dans les murs derrière moi, ce qui m’avait incité à me retourner lentement.
« … Hé, ce n’est pas bon d’espionner les autres comme ça, vous savez ? » déclarai-je.
Mylarka, Yuma, Aileen et une Cody cachée avaient remarqué que je savais qu’elles étaient là et s’étaient révélées.
« Nous étions inquiètes de savoir si nous devions venir ici ou non… mais si nous avions su que vous auriez ce genre de conversation importante, alors je pense que nous n’aurions pas dû venir, » déclara Mylarka.
« Hic… guh, Queue, tu as eu la vie dure, n’est-ce pas ? Une personne si importante pour toi, souhaitant que tu la tues… En plus de le garder pour toi tout ce temps… Hic, » déclara Yuma.
« Comment dire, je pense qu’elle n’a pas été honnête… je suppose que c’est ça. Je sais que je ne devrais pas dire des choses comme ça, mais je pense que j’ai raison. Mais tu l’as vaincue, Queue. Donc elle devrait pouvoir dire ses sentiments honnêtes maintenant… Oh, désolée, ne pleure pas, okay ? » déclara Aileen,
« … Tes inquiétudes sont beaucoup plus profondes que les nôtres. Tu me gênes en me faisant m’inquiéter pour quelque chose de si petit comme mon sexe… Ne penses-tu pas que tu es un peu injuste ? »
Cody avait dit cela, mais je ne pouvais pas le leur dire exactement parce qu’elles étaient mes amies.
J’avais prévu de le garder moi-même jusqu’au jour de ma mort. Mais dans ce cas, cela voudrait dire que je n’avais jamais vraiment ouvert mon cœur à mes amis.
Mais maintenant qu’elles ont tout entendu…
Bien sûr, même si j’agissais tout le temps comme si mes émotions étaient « limitées », je savais que mon visage était en train de rougir en ce moment.
« … Oublie ce que tu viens de voir, je ne pleurais pas. Mes yeux ont soudain commencé à me faire mal pour une raison inconnue, » déclarai-je.
Bien sûr, les cinq filles n’avaient pas cru à cette excuse fallacieuse. C’était évident, en regardant leurs visages.
Même maintenant, j’avais envie de rire à gorge déployée, mais les quatre personnes à l’extérieur étaient entrées dans la pièce, comme si elles allaient pleurer à tout moment en raison de mon histoire triste.
Verlaine avait mis sa tête à côté de mon épaule alors qu’elle continuait à me serrer dans ses bras avec un sourire satisfait, comme si elle disait : « Il est à moi. »
Note
-
1Ophiuchus est une grande constellation à cheval sur l’équateur céleste, communément représentée avec un homme saisissant un serpent.
Merci pour le chapitre.
Yes un nouveau chapitre je me lasse pas de cette histoire
merci pour le chapitre