Chapitre 1 : Émotions Dispersées
Partie 4
« Fuuuu… Mais je n’avancerais pas du tout si je ne fais rien, n’est-ce pas !? » déclara-t-il pour lui-même.
Il ne pouvait pas faire entièrement confiance à Lilicia, mais ses tripes lui avaient dit que quelque chose se préparait, quelque chose qui pourrait engloutir tout le continent. Pour quelqu’un qui ne pouvait même pas sauver son propre pays, penser qu’il pouvait assumer le destin du monde serait tout simplement impudent, mais il faisait tout ce qui était en son pouvoir pour repousser les dangers cachés dans l’ombre.
« Je ne veux pas faire de choses obscènes avec elles, mais je dois m’assurer que Lilicia dise la vérité…, » déclara-t-il.
« Quoi, tu fais déjà une pause ? Ne fais pas le malin, » une voix aiguë répondit à son excuse. C’était Sharon.
« H-Hey, Sharon. C’est rare de te voir si tôt…, » déclara-t-il.
« Oui, il se trouve que je me suis réveillée tôt aujourd’hui, » répondit Sharon.
Les deux individus se saluèrent timidement l’un et l’autre, chacun tenant son arme de prédilection. Cela faisait quelques jours qu’ils avaient fait le Surtension Céleste, mais l’atmosphère entre les deux ne s’était pas améliorée du tout. Ils savaient tous les deux qu’ils réagissaient de façon excessive, mais ils ne pouvaient rien y faire.
« Al, t’es-tu habitué à la faux ? Je pourrais t’aider si tu veux…, » déclara Sharon.
Ils savaient peut-être qu’ils avaient tort, mais les sentiments d’une personne ne changeaient pas si facilement. Malgré cela, Sharon était visiblement heureuse de lui offrir son aide. Au moins, à en juger par la moitié de son visage qu’elle ne cachait pas en raison de l’embarras.
« U-Umm… Pourrais-tu le faire ? » répondit Al, affichant un regard sérieux.
« OK, dans ce cas… prépare-toi ! » déclara Sharon.
Elle avait raffermi sa prise sur son épée. Son expression timide précédente avait presque disparu. Pas étonnant qu’on l’appelait la Diva de l’Épée, sa position ne laissait rien à désirer.
« S’il te plaît, sois douce, » demanda Al.
Al avait aussi saisi la poignée de sa faux et se mit en position de combat.
« … »
Leur intense combat acharné s’était terminé brusquement alors qu’ils détournaient tous les deux leur regard.
Qu’est-ce que je fous !? Comment suis-je censé m’entraîner en regardant le sol ?
Il s’était dit que son cœur battant trop fort était peut-être dû à son entraînement intense il y a quelques instants, mais Sharon regardait aussi le sol avec les joues roses.
« Ce n’est… pas moi ! »
Elle fixait Al, apparemment bouleversée.
« Al, je ne me retiens pas. Prépare-toi ! » déclara Sharon.
Sharon avait saisi son épée et se prépara à attaquer.
« Haaaaaaaaaaaaaa ! »
Il ne restait plus que de la poussière dansante pour indiquer la position de Sharon alors qu’elle semblait disparaître dans le néant avec sa charge.
« Qu’est-ce… !? Gh, rghhhh ! » s’écria Al.
Un instant plus tard, elle réapparut devant Al, prête à frapper. Grand bruit ! Al se rassura en se disant qu’il avait réussi d’une manière ou d’une autre à empêcher la lame de le décapiter à quelques millimètres près.
« Qu’est-ce que tu fous ? Es-tu sérieuse…, » s’écria Al
« Tais-toi et bats-toi ! » cria Sharon.
Rougissante, elle avait effectué un autre attaque.
« Attends ! N’est-ce pas ton plan d’assassinat encore une fois !? » demanda Al.
« Non, je ne peux pas penser clairement si je ne fais pas d’exercice, » déclara Sharon.
« Bon sang, à quel point peux-tu être difficile !? » s’écria Al.
Tout en fermant les yeux sur sa propre contribution à la situation actuelle, il avait inséré son propre petit commentaire tout en repoussant les attaques acharnées de Sharon. Bien sûr, il savait qu’elle se retenait, il aurait goûté la terre depuis longtemps si elle ne le faisait pas.
« Hé, pas de relâchement ! Défends également ton dos ! » s’écria Sharon.
Mais le fait de se retenir ne l’avait pas dépouillée de toute sa puissance. Un faux pas et le tranchant de sa lame lui avaient frotté la joue. Il savait qu’il ne pourrait jamais l’atteindre, mais son corps s’était raidi quand il avait vu la longue épée osciller rapidement.
« Ne sois pas tendu ! Il faut être plus flexible quand on prend un coup ! » Elle lui avait adressé de sévères critiques. « Tu n’auras pas le temps de t’entraîner pendant une bataille ! »
Il trébuchait de temps en temps, mais il arrivait à encaisser les coups de Sharon. Puis, après s’être habitué aux schémas d’attaque de Sharon, il avait commencé le début de sa contre-attaque.
« Maintenant ! Whoaaaaa ! » s’écria Al.
« C’est une ouverture ! » répliqua Sharon.
Blam !
Mais il avait encaissé un coup percutant avant de pouvoir faire quoi que ce soit.
« Gahhhh ! »
Bien sûr, la lame n’avait pas vraiment atteint son corps, mais la pression de la frappe elle-même avait suffi à le faire rouler dans le terrain comme une balle. Après avoir confirmé qu’Al était à terre pour de bon, Sharon avait relâché un cri de fiertés et avait fait un sourire suffisant.
« Tu as encore du chemin à parcourir, » déclara Sharon.
Mais quand elle s’était approchée d’Al, son sourire avait disparu. C’était rare pour elle d’afficher une expression sérieuse, mais c’était l’une de ces fois.
« Bref, qu’en penses-tu ? » Elle demanda ça au jeune roi, qui essayait de se relever du sol.
« Hein ? À propos de quoi ? » demanda Al.
Sharon demandait quelque chose de complètement non prévisible, laissant Al sans voix. C’était devenu une sorte de situation burlesque entre les deux. Et comme d’habitude, il avait incliné la tête dans la confusion.
« Tu sais… à propos de moi, euh… je parle du fait que j’ai été esclave ! » déclara Sharon.
Elle ferma les yeux et se tint fermement comme si elle s’était décidée sur quelque chose.
« Hein ? » demanda Al.
Je n’ai rien compris de tout ça… De quoi diable parle-t-elle !?
« Vas-y, dis quelque chose ! » déclara Sharon.
Sharon s’en était pris à Al, qui avait renoncé à essayer de comprendre le sens de ses mots énigmatiques.
« Je suis une Diva, mais j’ai été esclave ! C’est, euh… Ce ne serait pas étrange si tu me jetais en prison et me réduisais à nouveau en esclavage ! » déclara Sharon.
Une certaine douleur était projetée sur son visage. Elle avait raison, Al aurait un atout diplomatique contre Freiya s’il les surprenait à mentir en envoyant un esclave au lieu d’une princesse comme ils l’avaient promis. Mais Sharon serait méprisée par les deux pays, alors il avait déjà sa réponse.
« Je ne ferais jamais ça. Bien que tu m’aies causé de sacrés ennuis, tu m’as aussi beaucoup aidé… et jeter un ancien esclave en prison irait à l’encontre de tout ce que je défends, » il avait gonflé sa poitrine après avoir dit ce qui lui paraissait évident.
« Euh… Hm, je vois…, » déclara Sharon.
Elle devait s’y attendre, car elle n’était pas très surprise. Non seulement ça, mais elle avait rajouté une nouvelle question.
« Al... Es-tu heureux quand tu libères des esclaves ? » demanda Sharon.
Il avait déjà entendu cette question. C’était un imbécile à l’époque, un roi naïf qui ne savait rien du monde. C’était peut-être encore le cas, mais Al voulait croire qu’il s’en était remis,
Il avait alors donné son avis honnête sur la question. « Je ne sais pas ce qui est juste, ou si ça me rendrait heureux. Ce qui est important, c’est que je veux le faire. »
« Ce que tu veux faire, hein… ? » Sharon le regarda, perplexe.
« Vis ta vie comme bon te semble. Si les gens sont toujours prêts à te suivre, alors tu as l’étoffe d’un grand leader, » il y a très longtemps, le défunt roi lui avait dit ces mots.
« Je continuerai à libérer les esclaves, mais j’ai dit adieu à mes manières imprudentes. Je veux leur montrer comment mener une vie heureuse et épanouissante et faire de mon pays un endroit où chacun peut avoir une chance d’être libre. Nous sommes encore loin d’y parvenir, mais un jour, je ferai de ce pays un havre de paix pour les malheureux, » déclara Al.
Il s’était complètement ouvert à Sharon.
« Ne reste pas bloqué sur des détails insignifiants, fais ce en quoi tu crois. Tu n’as pas à t’inquiéter, je serai là pour porter ce fardeau avec toi si jamais tu es coincé, » déclara Sharon.
« Hehe, comme c’est généreux de ta part, » déclara Al.
Elle répondit à Al avec un doux sourire. « Ouais. Tu sais, mon père disait toujours : “Si on te frappe, frappe deux fois plus fort, mais si quelqu’un te fait une faveur, rends-lui dix fois plus”. »
Alors, Al, emporté par la situation, déclara. « Vraiment ? Alors tu me dois vingt faveurs au total, n’est-ce pas ? »
« Hé, pourquoi en as-tu ajouté une autre !? Hein ? Est-ce que ça va ? » demanda Sharon.
Il voulait faire une réplique drôle, mais le sourire de Sharon avait soudainement disparu de son visage.
« Al. Savais-tu que j’avais une autre raison de venir ici à part t’assassiner ? » demanda Sharon.
Son changement de ton soudain et ses yeux puissants laissaient n’importe qui figé sur place.
« Tu as dit vouloir utiliser ma position avant ça, » répondit Al.
« Ouais. Je veux utiliser ton pays pour écraser cet imbécile assis sur le trône de Freiyan et sauver mes amis qui sont tombés en esclavage ! » déclara Sharon.
Al n’avait pas pu s’empêcher de laisser échapper un petit rire après avoir entendu cette déclaration ridicule. Il savait très bien qu’ils n’avaient aucune chance contre cette superpuissance. Mais les yeux inébranlables de Sharon ne permettraient pas un tel manque de respect, et Al le savait. Tandis qu’il se tenait là, complètement abasourdi, Sharon lui fit un sourire doux.
« Bien que ton pays devrait devenir plus fort avant que nous puissions faire quoi que ce soit à ce sujet. Et si tu trouves que mon plan va à l’encontre de tout ce que tu défends, n’hésite pas à me jeter en prison ! » déclara Sharon.
Elle avait défié ses idéaux tout en gardant le même sourire doux. Al essaya de choisir ses mots avec soin, mais il avait abandonné. Il n’y avait pas besoin de marcher sur la pointe des pieds avec quelqu’un qui partageait ses sentiments les plus profonds.
« J’ai déjà dit que je porterai ce fardeau avec toi, et je ne vais pas te jeter en prison, » déclara Al.
« C’est quoi cette réponse à la con !? Dis-moi au moins que tu sacrifierais ta vie pour mon rêve ! » Elle répondit par une remarque grossière, qui n’était pas inconnue d’Al. Mais Al savait que Sharon plaisantait, alors qu’il jetait un coup d’œil sur son visage.
« Je pense que tu devrais continuer à faire ce que tu fais, » continua-t-il. « Mais si tu continues à manger autant, tu n’entreras pas dans nos cellules…, » déclara Al en la taquinant.
Blam !
« Gahh ! »
Sharon avait l’air agitée, mais les remarques grossières d’Al n’en étaient pas moins accueillies d’un plein coup du plat de sa lame.
« Tu ne sais jamais quand la fermer, n’est-ce pas… ? Mais merci, » déclara Sharon.
Ses derniers mots n’arrivèrent pas aux oreilles d’Al, qui se retrouva une fois de plus en train de tomber sur le sol.
« Puis-je rester au château ? » Elle le regardait attentivement, cherchant une confirmation.
« Ow, ow, ow, ow... Bien sûr que tu peux ! Plus important encore, est-ce que frapper quelqu’un avec une épée longue est ta façon de montrer ta gratitude ? » demanda Al.
« Hehehehe, ouais, ça l’est, alors ne m’appelle pas “Ow”, » déclara Sharon.
« Qu’est-ce que ça veut dire !? » demanda Al.
Sharon avait complètement ignoré le roi enragé et s’était approchée de lui avec nonchalance.
« Oh mon Dieu, tu es couvert de boue ! » déclara Sharon.
« À qui la faute !? » s’écria Al.
Sharon avait laissé échapper un rire chaleureux.
« Va te laver avant le petit-déjeuner ! Tu ne survivras pas à notre prochaine séance d’entraînement si tu oses laisser couler de la boue sur mon délicieux repas, compris !? » répliqua Sharon.
Pourquoi la personne qui m’a fait plonger dans la boue me réprimande-t-elle maintenant ?
« Et…, » continua Sharon.
Oh, super, elle n’a pas encore fini.
« Maintenant qu’on en est là, que les choses soient claires ! À l’époque, je… Umm... Ce qui s’est passé ne veut pas dire que je t’aime ! Tu pleurais, donc je n’avais pas le choix, j’étais coincée dans un coin. Je voulais te consoler et c’était un service spécial de ma part ! Ne nous vois pas comme des amoureux ou des amants ! » déclara Sharon.
Elle avait tout dit d’un seul coup. Al avait fait un sourire ironique, se sentant un peu mal pour Sharon.
« Ne t’inquiète pas, je le sais. Je suis vraiment reconnaissant que tu m’aies aidé à protéger mon peuple et c’est tout. Le baiser n’a pas compté, et nous ne sommes pas amants. Sommes-nous sur la même longueur d’onde ? » demanda Al.
« Non, je veux dire, tu n’avais pas à le nier comme si tu étais faussement accusé de meurtre…, » répliqua Sharon.
Mais tu as fait la même chose, n’est-ce pas ? Pourquoi as-tu l’air si triste tout d’un coup ? Qu’est-ce que j’aurais dû dire !?
Il s’était peut-être plaint à l’intérieur, mais il voulait mettre un sourire sur le visage de la fille, alors il avait essayé de s’en sortir en parlant.
« Ne t’inquiète pas… considère cela comme quelque chose de banal, comme confondre le sel et le sucre, et oublie cela. Je l’effacerai aussi de ma mémoire, » déclara Al.
Son corps se souvenait encore faiblement de ce sentiment extatique, mais il croyait qu’il s’agissait d’un effet secondaire de la Surtension Céleste. Al était certain que Sharon était du même avis et qu’elle accepterait sa proposition.
« Espèce… d’idiot ! » répliqua Sharon.
Elle ne pouvait même pas produire un cri, réprimandant Al d’une voix fine et aiguë. Mais même ainsi, ses paroles avaient transpercé son âme.
« Hé, pourquoi t’énerves-tu ? Tu devrais —, » demanda Al.
« Ta gueule, gros nigaud ! Va prendre un bain, tu pues ! » répliqua Sharon.
Il avait essayé de combattre la douleur dans son âme en parlant à Sharon, mais elle l’avait poussé vers la porte, lui coupant la parole.
« D’accord, je vais prendre un bain si c’est ce que tu veux ! Bon sang…, » déclara Al.
Ils ne pourraient pas avoir une discussion paisible comme celle-ci, alors il avait fait ce qu’elle lui avait demandé.
« Je… ne l’oublierai jamais, » fixant le dos d’Al, Sharon se murmura ça à elle-même.
« Hm ? As-tu dit quelque chose ? » demanda Al.
« Rien, imbécile ! » répondit Sharon.
Al avait demandé en réponse, mais il avait été immédiatement rejeté.
Elle était rouge comme une betterave, et elle devait être furieuse.
Al ne voulait plus la mettre en colère, alors il était entré à contrecœur dans le château malgré le sentiment qu’il manquait quelque chose. Leur échange s’était terminé là, sans qu’aucun d’eux remarque la présence de la fille aux cheveux bleus qui veille sur eux…