Chapitre 2 : Devenir déterminé
Partie 1
L’aube approchait, mais malgré sa fatigue, Diablo ne parvenait pas à s’endormir. Il avait vu trop de morts. S’allonger dans sa chambre ne faisait que mettre ses nerfs à rude épreuve.
Il y a déjà de la lumière dehors…
Dans ce monde, les rideaux et les fenêtres en verre étaient des objets de luxe. Le sanctuaire intérieur était réparé et entretenu grâce aux dons des croyants, mais la plupart de ses bâtiments étaient construits de manière frugale. Ainsi, les fenêtres étaient le plus souvent fermées par des planches lorsqu’elles devaient l’être. La lumière entrait par l’espace entre les planches.
« … C’est déjà le matin. »
Dans son ancien monde, Diablo restait souvent debout toute la nuit à jouer, ne se couchant que lorsque le ciel commençait à s’éclairer.
Les pensées de Diablo avaient été perturbées par un coup frappé à la porte.
« Hm ? Qui est-ce ? » demanda-t-il de sa voix de Seigneur-Démon.
« Bonjour, Seigneur Diablo. C’est moi, Lumachina. »
Qu’est-ce que la Grande Prêtresse elle-même faisait ici, seule, si tôt le matin ? Diablo trouvait cela inhabituel, mais là encore, il était techniquement le Capitaine des Paladins. Ce n’était probablement pas si surprenant que ça.
« Entre, je te le permets. »
Mais dès que Diablo l’avait dit, il avait réalisé qu’il était nu à partir de la taille. La cité de Sept Murs avait un climat chaud, donc les femmes dormaient souvent dans de fines robes de chambre et les hommes dormaient à moitié nus. Lumachina, bien sûr, n’était pas entrée dans la chambre en chemise de nuit. Elle était vêtue d’une tenue de femme sainte, et semblait sortir d’un tableau.
« Pardonne-moi de t’approcher si tôt, Seigneur Diablo. »
« Ça ne me dérange pas. Qu’est-ce qu’il y a ? » dit Diablo en se levant.
Il ouvrit la fenêtre et laissa entrer un peu d’air frais dans la pièce. Lumachina s’avança à côté de lui. La fenêtre offrait une vue sur les rues où, bien que ce soit un temps de guerre, les croyants de l’Église se déplaçaient déjà avec diligence dans les rues. Les petits déjeuners étaient préparés, les armes étaient entretenues et les lieux étaient même nettoyés.
Diablo avait déplacé son regard plus loin. De l’autre côté de la rivière se trouvait le Château Grandiose, qui était actuellement occupé par l’armée impériale de Gelmed. Lumachina avait également fixé son regard sur le château.
« Les scouts rapportent que l’Empire a déplacé sa force principale dans le château, » dit-elle.
« Je m’en doutais. »
« Nous avons supposé qu’ils pourraient attaquer à l’aube, mais il n’y a encore aucun signe de mouvement de leur côté. »
« Hm. »
Il leur fallait tant de temps pour récupérer, ou ils attendaient quelque chose ? Diablo ne pouvait pas le dire. Peut-être que s’il aimait les histoires de guerre ou s’il jouait à des jeux de simulation de guerre, ou encore s’il était obsédé par un maître stratège comme Zhuge Liang, il serait capable de trouver rapidement la réponse.
Mais malheureusement, Diablo était plutôt le joueur solitaire par excellence. Son expertise consistait à vaincre les ennemis alignés devant lui, et il n’était pas doué pour déplacer des soldats ou prédire ce que pourrait faire une armée ennemie. Il ne pouvait même pas diriger un groupe de six hommes, alors encore moins une armée.
Il y avait, cependant, des choses qu’il savait.
« J’imagine que le commandant de l’armée ennemie est assis sur le trône et se prend pour le roi du château, » dit Diablo.
« Le crois-tu, Seigneur Diablo ? »
« C’est à ça que ressemblent les gens au pouvoir. »
« Agir de la sorte après que tant de gens aient péri…, » murmura Lumachina, apparemment incapable d’y croire complètement.
Mais Diablo en était convaincu.
Celui qui mène une armée dans le château ennemi sera certainement assis sur le trône ! Le faire serait génial, après tout. Et puisqu’il est le genre d’ordure qui prend des otages, place de la magie d’asservissement sur les gens et force ces filles à se battre pour lui, il ferait certainement quelque chose comme ça.
Lumachina avait changé de sujet. Apparemment, ce n’était pas la raison de sa visite.
« … Alicia n’est pas revenue de la bataille d’hier. »
« Quoi ? »
« J’ai pensé qu’elle avait pu être blessée, alors j’ai vérifié toutes les tentes de premiers soins… ainsi que les morgues. »
Diablo avait senti un froid glacial descendre le long de sa colonne vertébrale. Il avait entendu dire qu’Alicia sortait pour se battre, et avait défié un Magimatic Sol au combat afin de permettre à Rem de s’échapper.
« Je ne peux pas imaginer qu’elle soit morte si facilement, » déclara Diablo.
Il voulait le croire.
« Je suis d’accord. » Lumachina acquiesça. « Mais il y a eu un autre rapport selon lequel une personne correspondant à la description d’Alicia a été faite prisonnière par l’Empire. »
Diablo avait fait claquer sa langue en signe de frustration.
Elle a été faite prisonnière…
Alicia était un Chevalier Impérial, et était habillée différemment des autres personnes combattant. L’ennemi avait probablement supposé qu’elle avait plus de valeur en tant que prisonnière par rapport aux autres soldats.
« Hmph… Si elle n’est pas morte, nous n’avons qu’à la ramener. »
« Oui. » Lumachina avait hoché la tête.
Mais son visage était alors devenu encore plus sévère. Apparemment, elle n’était pas venue que pour ça. Elle avait baissé sa tête et avait commencé à parler.
« Et il semble qu’une sorte de malédiction ait été placée sur Mlle Rem. »
« Quoi !? » Diablo s’était exclamé, sa voix étant plus agressive que prévu.
Les gardes du corps de Lumachina avaient sursauté et s’étaient tenus prêts à intervenir. Lumachina avait levé une main pour les calmer.
« … C’est probablement une malédiction qui trace constamment sa position. Elle ne lui fait aucun mal. Mais son effet étant si faible, il est d’autant plus difficile à dissiper. »
« Ne peux-tu pas la dissiper ? »
« Cela prendra du temps. Sinon, le lanceur de sorts devra lever la malédiction lui-même. »
« Ou je les vaincs d’abord. »
« … Oui. »
Diablo avait réfléchi à ce qu’il devait faire.
« Il y a quelque chose que j’ai réalisé — l’Empire n’est pas capable d’employer la magie de téléportation, oui ? »
« Ah. C’est vrai, ils ne le font probablement pas. »
S’ils pouvaient se téléporter à volonté, ils auraient atteint la capitale depuis longtemps. Surtout qu’ils savaient où se trouvait Rem en ce moment.
« Et encore une chose. S’ils ne se pressent pas pour nous attaquer, c’est à cause de la malédiction. »
« Oh… »
« Un Magimatic Sol peut se déplacer plus vite qu’un cheval. Ils pensent probablement que même s’ils prennent leur temps, Rem ne pourra pas s’échapper. »
Diablo avait remarqué que le jeu Girls’ Arms n’offrait aucune possibilité de téléportation. Il s’était alors dit que, puisque le sort de « téléportation » n’existait pas dans ce jeu, l’Empire de Gelmed n’était pas au courant de son existence — et ne s’en méfiait donc pas.
« Cela pourrait être une information utile. »
« Que veux-tu dire, Seigneur Diablo ? »
« Non… »
Il devait encore y réfléchir attentivement. Mourir dans ce monde signifiait une mort réelle, effective — il n’y avait pas de respawns ou de secondes chances. Il n’était pas possible d’essayer et de compter sur un retour s’il échouait.
La paladine Tria était entrée dans la chambre de Diablo et s’était agenouillée devant Lumachina.
« C’est l’heure, Grande Prêtresse. »
« J’arrive tout de suite. »
L’heure pour quoi ?
Sentant peut-être la question de Diablo, Lumachina avait penché sa tête et avait chuchoté.
« Funérailles pour ceux qui sont décédés hier, et prières de bonne fortune et de succès martial pour ceux qui sont encore en vie. »
« Oh. Hmm… » Diablo prononça, puis demanda à Lumachina, qui avait baissé la tête « … Combien sont morts ? »
Elle avait baissé son regard.
« Tout le monde n’est pas encore comptabilisé, mais environ trois mille personnes de l’Église, » répondit Tria à la place de Lumachina. « L’armée du royaume rapporte qu’elle a perdu entre cinq et dix mille hommes, et on ne sait pas combien de civils ont péri. Nous ne pouvons qu’espérer que ceux qui ont fui la capitale se soient mis à l’abri. »
Diablo était sans voix. Tant de gens.
« Que les âmes des défunts trouvent leur chemin vers le paradis…, » dit Lumachina, les yeux brillants de larmes. « Tout ce que je peux faire, cependant, c’est simplement prier… »
« H-Hm…, » dit Diablo.
« Si tu pars, Seigneur Diablo, reste sain et sauf. »
« N’aie aucune crainte. Personne ne peut me menacer. »
Tria fit signe à Lumachina d’y aller, et les deux femmes quittèrent la chambre de Diablo. Même si la Grande Prêtresse elle-même priait pour lui, l’« Anneau du Seigneur-Démon » le refléterait. Mais même en sachant cela, une partie de Diablo souhaitait pouvoir bénéficier de la protection de Dieu aujourd’hui.
Ses sentiments se solidifient lentement.
†
Si cette guerre ne prenait pas fin, d’innombrables personnes mourraient à nouveau. Et ces filles, forcées de se battre contre leur gré, devraient se battre à nouveau. Diablo devait l’arrêter.
Après le départ de Lumachina, Diablo regarda par la fenêtre, le regard fixé sur le Château Grandiose. Il y avait un homme et un seul qu’il devait vaincre.
« Le commandant de l’armée d’invasion… Doriadanph. »
Diablo avait sorti le « Bâton de Tenma » de sa pochette.
« … Penses-tu y aller tout seul ? » avait lancé une voix derrière lui.
C’était Rem. Elle était entrée dans la pièce à un moment donné. Elle avait peut-être même entendu son échange avec Lumachina.
« Que veux-tu dire ? »
« … Je le sais, Diablo. Combien de temps penses-tu que nous avons passé ensemble ? Je peux deviner ce que tu penses. »
Aussi inapproprié que cela puisse être dans la situation, les mots de Rem avaient fait palpiter son cœur avec une sorte d’émotion embarrassante et légèrement chatouilleuse.
« Hmph ! » Il durcit son expression, qui faillit se transformer en un léger sourire.
« … Je viens avec toi. »
« Idiote. C’est toi que l’ennemi poursuit. »
« … Dans ce cas, l’endroit le plus sûr où je pourrais être est à tes côtés. Tu ne perdras jamais contre ton adversaire, après tout. »
« Err, uhm... Non, je, enfin, je n’ai pas l’intention de perdre bien sûr, mais… »
« Et je crois que je suis devenue assez compétente pour ne pas être un fardeau. »
Dois-je emmener Rem ? Serait-elle plus en sécurité si je la laissais avec Sylvie, comme hier ?
L’Empire était maintenant constamment au courant de la position de Rem, et ils étaient apparemment très obsédés par elle. Et s’ils envoyaient tous leurs Sols Magimatiques pour attaquer le sanctuaire intérieur ? Dans quelle mesure Diablo pourrait-il la protéger dans cette situation ? De plus, bien qu’étant une aventurière de très haut niveau, Rem n’avait pas réussi à se débarrasser d’eux la dernière fois.
« Je pourrais te téléporter seul jusqu’à Faltra…, » commença à parler Diablo.
« Tu me dis de m’enfuir toute seule !? » dit Rem, ses yeux s’écarquillant de colère.
« Hm, » Diablo était décontenancé.
C’était peut-être la première fois qu’il la voyait diriger autant de colère contre lui. Il avait feint de garder son calme, mais il était en fait assez paniqué à l’intérieur.
« … Peux-tu vraiment dire avec certitude que l’Empire ne peut pas utiliser la téléportation ? » dit alors Rem, son expression vacillante.
« Quoi ? »
« … Si je suis celle qu’ils recherchent, ils pourraient attendre que je m’échappe pour avoir une chance de m’enlever. »
« Dis-tu que c’est un piège ? »
C’était plausible. Alors qu’ils étaient actuellement assez acculés dans un couloir, les troupes de l’Église constituaient une force considérable, et Diablo avait bien détruit deux Sols Magimatiques. Il ne savait pas combien d’unités il leur restait, mais ça ne devait pas être beaucoup.
merci pour le chapitre