Chapitre 4 : Mettre fin à une guerre
Partie 1
Le lendemain, année 165 du calendrier lyférien, premier mois, 22e jour —
Diablo et son groupe étaient allés visiter le domaine du gouverneur. En Lyferia, les gouverneurs étaient également des commandants militaires, et les gouverneurs de Faltra et de la Tour de Zircon, Galford et Laminitus, étaient tous deux compétents au combat.
Le gouverneur de Caliture, cependant, était une otarie.
Cela ne veut pas dire qu’il faisait partie d’une race qui avait des caractéristiques d’otarie. C’était juste un humain très gros et rond. Sa grande table était remplie d’un repas luxueux, bien que ce ne soit que le petit-déjeuner.
« Oh ! Vous êtes ces aventuriers envoyés par le palais. Bien bien ! Venez, venez, asseyez-vous. C’est bientôt l’heure du second petit-déjeuner. »
« … Second petit-déjeuner ? » Rem inclina la tête.
« Nous avons déjà pris le petit-déjeuner, » dit Shera en souriant ironiquement.
Les petits-déjeuners du clan Gadou étaient somptueux en soi. Ils servaient de la viande, de la viande et encore de la viande… Rien qu’en regardant ça, Diablo et Shera avaient des brûlures d’estomac, mais Rem mangeait comme si c’était naturel.
« Vous n’avez pas besoin de petit-déjeuner ? » Le gouverneur de Caliture semblait vraiment surpris. « Vous ne vous sentez pas bien ? Vous devriez certainement faire attention à votre santé. Je vous recommande cette tisane. Elle fait des merveilles pour le manque d’appétit ! »
Rem s’était inclinée et avait fait avancer la conversation.
« … Je m’appelle Rem, je suis une aventurière… Je suis une invocatrice. »
Elle a intentionnellement omis son nom de famille, Galleu, et a souligné qu’elle était une invocatrice.
« Un sorcier ? » Le gouverneur pencha la tête avec curiosité. « Pas un bagarreur ? »
« … Oui. »
Il l’avait regardée avec surprise. Les Panthériens aux poils noirs étaient probablement associés au clan Gadou dans cette ville.
« … C’est Diablo. Vous pouvez le considérer comme un sorcier. » Rem avait continué les présentations.
« Je vois, je vois. »
« … Et voici Shera. C’est une arche — . »
« Invocatrice ! » Shera avait coupé les mots de Rem, en pressant une main contre sa poitrine volumineuse.
Rem avait poussé son épaule contre elle et avait chuchoté,
« … Tu peux seulement invoquer la Dinde Tireuse. Tu es une archère de niveau 80, et comme tu as étudié sous la direction du maître épéiste, tu pourrais aussi être un guerrier de niveau 80. »
« Alors tu es un bagarreur. Solami a dit que tu avais le talent pour ça. »
« … Contrairement à toi, je n’ai pas négligé mes études de sorcier. J’ai peut-être déjà atteint le niveau 80. »
« Allons voir à la Guilde des Aventuriers ! Peut-être que je suis déjà plus haute que toi ! »
« Impossible. »
Alors que leur dispute s’intensifiait, Diablo avait toussé sèchement, ce qui avait fait taire les deux filles. Le gouverneur de Caliture commença son second petit-déjeuner, ouvrant la bouche pour parler alors qu’il se gavait de bacon.
« Je suis sûr que vous avez entendu parler de moi par Sa Majesté, mais je suis le Lieutenant Général Hyde Ray Matis. »
C’est la première fois que j’entends parler de toi.
Diablo et les autres avaient détourné le regard en s’esquivant. On leur avait parlé des bêtes et du spriggan, mais on ne leur avait rien dit du gouverneur de Caliture ni de la garnison. Le roi et le ministre n’accordaient pas vraiment d’importance à cette affaire.
Alors, comment je le lui demande… ?
Il avait fait une promesse aux Kobolds, et Boldboss lui avait fait confiance. Il voulait aussi garder Fennely en sécurité. Il devait faire en sorte que Matis, le gouverneur de Caliture, reconnaisse leur droit de vivre dans la montagne.
Alors que Diablo sombrait dans la réflexion, Rem était allée droit au but.
« … Gouverneur, puis-je vous demander quelque chose ? »
« Hm ? Tu veux du bacon, chérie ? »
« … Non, ce n’est pas à propos de la nourriture. C’est à propos des Kobolds. »
La laisser s’occuper des négociations serait judicieux, semble-t-il. Diablo le mettrait en colère ou l’effraierait, ce serait donc la manière la plus douce d’aborder la question.
« Des kobolds ? » Matis avait arrêté de bouger sa fourchette. « Qu’est-ce que c’est ? »
« … Ce sont les Therianthropes. »
« Oh, je vois. Eh bien, je me soucie peu de la façon dont vous distinguez ces monstres. Caliture exploite l’argent de la montagne du nord. Ou plutôt, nous voulons l’exploiter, mais ces créatures continuent d’attaquer les mineurs, qui ne peuvent pas travailler en paix. »
« … L’argent ? C’est la première fois que nous en entendons parler. »
« Je ne pense pas que Sa Majesté se soucie beaucoup de cette question. Dans tout le pays, quand les monstres attaquent les Races, il les fait soumettre. »
Les Kobolds n’en ont pas non plus dit un mot. Ils ne se sont probablement pas souciés de savoir pourquoi les Races sont venues sur leur montagne, et même s’ils l’avaient su, cela n’aurait rien changé.
« … Et si les Kobolds promettaient de ne plus attaquer les mineurs ? » demanda Rem.
« Qu’est-ce que vous sous-entendez ? »
« … Reconnaissez-vous leur droit de vivre dans la montagne ? »
Matis avait ri aux éclats, tenant son ventre rond à deux mains.
« Je dois dire que les aventuriers de la capitale sont vraiment quelque chose. Même vos blagues sont de premier ordre. Ils ne comprennent pas le langage des Races. Ils ne font que hurler et aboyer. Quelles promesses peuvent-ils faire ? »
C’était simplement la façon dont les Races voyaient les Therianthropes. Rem n’avait pas reculé pour autant.
« Ce n’est pas vrai. Il y a quelqu’un qui peut converser avec eux. »
« Vraiment ? » dit Matis, le visage strié de surprise.
« Oui. »
« Alors, amenez-les. Je suis sûr qu’ils feront un beau spectacle. »
« Quoi ? »
« Ne le prenez pas mal. J’apprécie la philanthropie qui s’étend même à la faune sauvage, mais vous ne pouvez pas en faire une politique militaire. Certaines personnes sont inquiètes de vivre aux côtés des Demis, alors pouvez-vous espérer qu’elles fassent confiance aux Therianthropes ? Mon travail consiste à éliminer les monstres qui gênent l’exploitation de la mine d’argent. »
« … Mais les Kobolds ne veulent pas non plus se battre contre vous. »
« Hésitez-vous à arracher les mauvaises herbes lorsque vous labourez un champ ? Avez-vous pitié d’un chevreuil lorsque vous partez à la chasse ? Je suis d’accord pour dire que la vie est précieuse, mais pas au point de mettre la vie de la population en danger. C’est mon devoir évident en tant que gouverneur, non ? »
« … Je… suppose que c’est vrai. »
Son raisonnement était solide. Aussi rebutante que soit son apparence, il n’en reste pas moins un fonctionnaire en charge du territoire.
« Nous ne pouvions pas nous opposer au spriggan avec notre équipement. » Matis avait haussé les épaules. « À cause de cela, nous avons perdu quatre citadelles, mais il paraît que vous êtes capables d’y faire face. Dans quelques jours, des renforts devraient arriver de la capitale. Dix mille hommes, accompagnés par les Chevaliers du Palais. Nous avons préparé d’autres forces — ne vous inquiétez pas, lors de notre prochaine sortie, nous serons en mesure d’exterminer les bêtes ! Et puisque nous pouvons gagner, nous n’avons aucune raison de reculer. Je suis du genre à vider toute assiette placée devant moi. »
« … Je vois. » Rem avait baissé sa tête d’un air vexé.
Cela n’avait pas marché. Le gouverneur Matis ne voyait les Kobolds que comme « des bêtes qui détruisent les mines d’argent ». Et en effet, il n’y avait aucune raison de faire des compromis quand on était sûr de pouvoir gagner sans trop d’efforts.
Arrêter une guerre n’est pas si facile, n’est-ce pas ? Mais qu’est-ce que je peux faire ? Comment puis-je sauver les Kobolds ?
« Diablo…, » Shera, qui avait gardé le silence jusqu’à présent, semblait au bord des larmes.
« Hmph… Laisse-moi faire. »
Mais Diablo n’avait pas d’idées.
†
La pluie s’était à nouveau mise à tomber. Le temps ne s’était éclairci que quatre jours plus tard, et tôt ce matin-là, ils avaient été immédiatement informés de leur déploiement et avaient reçu l’ordre d’exterminer les bêtes. Malgré ses objections, Diablo n’était pas en mesure d’argumenter.
Laissant les forces en garnison de Caliture dans la ville, le gouverneur s’était mis en route avec quelques troupes choisies et le groupe de Diablo. Ils avaient ensuite passé la nuit dans une auberge de la ville.
Le lendemain, ils s’étaient regroupés avec les dix mille hommes qui étaient arrivés de la capitale. Les commandants des forces avaient salué, ce à quoi Matis avait répondu.
« Bon travail. »
D’ailleurs, aucun cheval ne pouvait supporter le poids de Matis, il était donc transporté dans une voiture modifiée pour avoir de très grandes portes. Il se reposait sur un grand siège qui était plus un lit qu’une chaise, prenant l’espace de trois personnes.
Un homme s’était avancé de la formation, portant une cape sur laquelle figurait un emblème familier.
« Vous n’êtes pas vraiment mon type. Oh bien, je suppose que je devrais me mettre au travail. C’est un plaisir de vous rencontrer, gouverneur de Caliture. »
L’Ordre des Chevaliers du Palais. Et l’homme était lui aussi un visage familier. Ses cheveux étaient longs, ses lèvres étaient épaisses, et son corps musclé était revêtu d’une armure cramoisie.
« Gewalt !? » Les yeux de Rem s’étaient agrandis.
« Oh… On se rencontre à nouveau, ma petite. » Il avait fait un clin d’œil à Rem.
C’était quelqu’un qu’ils avaient combattu une fois, alors Shera avait crié en courant pour s’abriter dans le dos de Diablo. S’il s’en souvient, c’est l’ancien paladin qui avait attaqué Lumachina. Diablo l’avait terrassé, mais il s’était obstiné, pour les attaquer à nouveau dans le Labyrinthe du Seigneur-Démon…
À cause de lui, Horn était tombée dans un cours d’eau et Diablo avait perdu plusieurs pièces précieuses d’équipement de rareté EX pour la sauver. Et d’après ce que Rem avait dit, il avait trahi l’église (ou plutôt, l’autorité cardinale) et avait fait défection à l’Ordre des Chevaliers du Palais.
« Hmph… » Diablo s’était moqué de lui. « J’ai entendu dire que tu rôdais, mais maintenant tu es le laquais de ce macho à quatre yeux ? »
« Oui, je… Je suis tombé amoureux. »
La définition même de trop d’informations.
« Oh, vous vous connaissez ? » Matis avait interrompu la conversation. « Nous allons combattre ensemble à l’avenir, alors entendez-vous bien. Je m’excuse de précipiter les choses après que vous soyez venus de loin, mais la date limite de Sa Majesté pour l’extermination approche rapidement. De plus, c’est actuellement la saison des pluies ici à la frontière sud, et je préférerais de loin terminer cette chasse dans les montagnes pendant qu’il fait encore beau. »
Ils travailleraient selon un calendrier serré, mais apparemment ils devaient partir dès qu’ils seraient regroupés.
Rem avait étalé une petite carte.
« … La ville est par ici. C’est notre piste… et c’est la mine. »
Le village des Kobolds était dans la montagne où se trouvait la mine d’argent.
« Il nous suffit de trouver les bêtes et de les tuer, non ? Avons-nous vraiment besoin de dix mille hommes pour quelque chose d’aussi simple ? »
« Les bougres ont une façon d’apparaître quand on s’y attend le moins. » Matis soupira. « On peut essayer de frapper leurs repaires, mais si on en tue quelques-uns, d’autres apparaissent. Les tuer dans l’œuf n’est pas aussi simple qu’il y paraît. Et, » ajouta Matis avec grandeur, « nous ne devons pas oublier le spriggan ! »
À ces mots, Gewalt avait éclaté de rire.
merci pour le chapitre