Bienvenue au Japon, Mademoiselle l’Elfe – Tome 8 – Chapitre 3 – Partie 3

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Chapitre 3 : L’elfe, la dragonne et la maquette en plastique

Partie 3

Il marmonna qu’un non-Japonais ne le saurait peut-être pas, puis prit une boîte qui se trouvait à proximité. Après l’avoir posée sur la table, les yeux mauve pâle et obsidienne du duo l’examinèrent. La boîte s’ouvrit lentement pour révéler des objets inexplicables à l’intérieur.

« Qu’est-ce que c’est ? » demanda Marie. « Des planches avec beaucoup de trous ? »

« Ils sont très détaillés et leur conception est régulière », nota Wridra. « On a l’impression qu’il s’agit de pièces détachées, mais elles sont toutes reliées par des morceaux de plastique. »

Le vieil homme gloussa d’amusement tandis que les deux femmes le regardaient avec grand intérêt. Il sourit ensuite et se leva en grognant.

« Je vais faire du thé pendant que vous essayez de trouver ce que c’est. Je pense que ce sera plus amusant que de vous donner la réponse. »

Elles lui dirent que le thé ne serait pas nécessaire, mais son sourire ne fit que grandir lorsqu’il leur dit : « Vous n’avez toujours pas résolu le mystère. » Wridra semblait s’amuser avec désinvolture tout à l’heure, mais elle avait maintenant un mystère à résoudre. Son orgueil d’Arkdragon serait mis à mal si elle n’était pas capable de répondre à une question posée par un humain.

« Hmm… Il y a six de ces dalles pleines de trous. Elles sont toutes de couleur différente », observa Wridra. Elle fronça les sourcils, puis ramassa l’un des morceaux de plastique.

Les humains avaient créé de nombreux objets étranges, et ils avaient parfois fabriqué des choses qui dépassaient de loin les attentes de la jeune femme. La cuisine en était le meilleur exemple, mais cet objet n’avait ni odeur ni goût. Le vieil homme avait un air étrange, et elle se demanda s’il n’utilisait pas une sorte d’illusion.

Soudain, Marie se tourna vers elle, les yeux écarquillés. Elle avait l’air de faire une grande découverte et tourna une boîte dans la direction de Wridra. Il s’agissait d’une vieille photo de ce qui semblait être une sorte de véhicule.

« Je crois que c’est ce qu’il faut faire ! » s’exclama Marie.

Wridra fronça les sourcils en fixant à nouveau le morceau de plastique. Elle ne le voyait pas, il ne ressemblait pas du tout à la photo. Marie lui montra alors chaque pièce comme si elle enseignait à un élève qui tardait à comprendre.

« Tu vois ? Cette partie ronde est exactement comme l’image ici. Si tu relies ici et ici… Tu le vois maintenant ? »

« Hm ! Oui, je le vois ! »

Le vieil homme revint au moment où elles découvraient l’indice vital. La porte coulissante s’ouvrit avec un petit bruit et il leur tendit un plateau de thé.

« Vous êtes vraiment intelligentes, mesdames. C’est ce qu’on appelle des maquettes en plastique. Celui-ci n’a pas encore été assemblé, mais avec un peu de temps et d’effort… il finira par ressembler à ceci. »

Sur ce, il posa le modèle terminé sur la table : une sorte de gros véhicule étranger à deux roues. Ils l’avaient reconnu lors d’une précédente balade en voiture et ne purent s’empêcher de pousser un cri de surprise devant ce modèle aux pneus en caoutchouc, aux roues précises et au design charmant qui suscitait l’émerveillement des enfants.

Elles n’arrivaient pas à croire qu’un jouet aussi exquis ait été créé en assemblant les pièces comme une sorte de puzzle tridimensionnel. Ce n’étaient que des morceaux de plastique, mais un peu de peinture et de limage leur avaient donné vie, les faisant ressembler à des objets réels.

« Ah, c’est magnifique ! J’ai toujours pensé que les grosses motos étaient esthétiques », s’étonna Wridra.

« Les motos italiennes sont à la fois masculines et élégantes. On voit beaucoup de motos de nos jours, mais je pense qu’il y a quelque chose qui les rend spéciales. »

Le vieil homme s’arrêta pour boire une gorgée de thé.

Les gens abandonnaient des choses comme les motos, les voitures et même les articles de luxe en général. Ce n’était pas seulement que les moyens de transport s’étaient améliorés depuis l’époque, mais il semblerait que les gens soient passés à d’autres formes de divertissement. Le vieil homme ne se lamenta pas pour autant. Tout sourire, il posa une assiette dans laquelle se trouvait ce qui ressemblait à des noix carbonisées. Il fit signe aux filles de manger.

Les noix de ginkgo faisaient partie de la tradition automnale. Mariabelle fit une drôle de tête en entendant leur odeur si particulière. Les singes et même les souris ne mangeaient pas de ginkgo à cause de son odeur sulfureuse. Toujours sceptique, elle goûta l’objet lisse et vert qui ressemblait à un haricot et fut surprise par la profondeur de sa saveur. L’elfe et le dragon échangèrent des regards éberlués. Le vieil homme rit à nouveau, amusé par leurs réactions.

« Vous souvenez-vous qu’il y a un ginkgo biloba à proximité ? Voilà une friandise qui ne se perdra pas dans les sables du temps. »

Il semblerait que les deux femmes aient trouvé une autre allusion au manoir. Certaines choses disparaissaient tandis que d’autres vieillissaient avec grâce, et la différence résidait dans le lien qu’elles entretenaient avec les gens. Cet indice serait certainement utile lorsque viendrait le temps de nommer leur manoir ou les événements qui s’y dérouleraient.

Le sourire du vieil homme avait quelque chose de réconfortant qui leur rappelait Kitase.

+++

La porte coulissante s’ouvrit avec bruit, et la jeune fille elfe tenait quelque chose qu’elle n’avait jamais eu auparavant. La boîte carrée était illustrée d’un grand char d’assaut, et elle la tenait à deux mains comme si elle avait découvert un trésor.

« Ahh, quel bel achat ! J’espère que nous n’avons pas trop dépensé », déclara Marie.

« Certainement pas, » dit Wridra. « Il nous a fait une belle remise. C’est également gentil de sa part de nous prêter des outils. »

« C’est ça ! Maintenant, allons construire ce tank ensemble ! »

L’elfe aux joues roses était tout à fait adorable aux yeux du vieil homme. Les modèles en plastique à l’ancienne étaient oubliés avec le temps, mais le vieil homme ne pouvait s’empêcher de sourire en regardant les filles. Il restait un homme d’affaires dans l’âme, semblant avoir jeté une crevette et pêché une baleine.

§

« Je suis rentré à la maison… Hein ? »

J’avais regardé autour de moi, mais il n’y avait personne. Non, j’entendais un bavardage joyeux provenant de la salle de bain, donc elles étaient probablement là ensemble. J’avais essayé de les appeler et j’avais entendu un énergique « Bienvenue à la maison ! » comme prévu. Je pouvais dire qu’elles avaient passé une bonne journée rien qu’au ton de leur voix.

J’avais desserré ma cravate et enlevé ma veste, puis j’avais remarqué quelque chose d’inhabituel : un tas de noix de ginkgo sur la table et une maquette de char d’assaut en plastique finement fabriqué.

« Hm… ? Ginkgo et char d’assaut ? » m’étais-je dit.

J’avais pris chacun d’entre eux, puis mon cerveau s’était arrêté de fonctionner. Les souvenirs que les deux femmes avaient ramenés à la maison étaient complètement différents de ce à quoi je m’attendais.

Il semblerait qu’elles aient vécu une autre aventure inhabituelle. J’avais hâte d’en entendre parler une fois qu’elles auraient pris leur bain. J’avais donc ramassé une noix de ginkgo et j’avais savouré son parfum automnal.

Du riz cuit avec des légumes sauvages et des noix de ginkgo semblait être un bon dîner. Il y aurait aussi de la bière, bien sûr. Après tout, il serait impoli de ne pas servir quelques rafraîchissements aux dames du monde imaginaire.

J’avais donc accroché mon costume sur un cintre, attendant avec impatience ce que ce soir allait nous apporter.

+++

La salle de bains interdite aux hommes s’ouvrit avec fracas.

Wridra était sortie avec une serviette accrochée à son épaule. De l’intérieur, j’avais entendu : « Ne fais pas l’enfant en te séchant les cheveux », ce qui m’avait indiqué qu’elle avait fui le sèche-cheveux. Je n’étais pas sûr pour les dragons, mais les chats détestaient le bruit qu’ils faisaient. Je m’étais retourné et mes yeux avaient croisé ceux de Wridra qui s’enfuyait en courant devant Marie.

Elle portait la chemise imprimée de pattes de chat que Marie avait choisie, et ses cheveux étaient encore humides. Elle semblait peu différente de ce qu’elle était lorsqu’elle était un chat, avec sa façon de faire de longues enjambées et de s’asseoir sur la table.

« Bonjour, Wridra. Comment s’est passé ton premier retour au Japon depuis longtemps ? » avais-je demandé.

« C’est très confortable ici », avait-elle répondu. « Non seulement il n’y a pas d’ennemis étrangers à penser, mais il y a quelque chose de spécial dans cet endroit. Je crois que c’est lié à l’air qu’il y a ici. »

Elle avait replié une jambe en parlant, et je lui avais montré un verre transparent de l’endroit où je me trouvais dans la cuisine. De l’autre main, je lui avais montré une canette de bière, et son expression s’était illuminée.

« Ha, oui ! Je ne suis pas un chat aujourd’hui, ce qui signifie que je peux profiter d’une bière après le bain ! Dépêche-toi de l’apporter ici. J’ai été absente pendant un long moment. Je décrète donc que j’ai le droit d’être un peu gâtée ! »

« Oui, oui, bienvenue au Japon, Mme Wridra. Je ne manquerai pas de te gâter ce soir. Commençons par ce poisson grillé. Il devrait accompagner ta boisson », dis-je.

C’était une bonne occasion de la faire goûter à Marie. J’avais déjà cuisiné du poisson, mais ces plats n’étaient pas très populaires. Elle était contente que je l’aie préparé pour elle, mais elle avait déjà mangé beaucoup de poisson dans le monde des rêves.

J’avais sorti une bouteille de bière et des verres, et Wridra avait été ravie. Ses cheveux encore humides avaient un éclat qui me rappelait les plumes d’un corbeau. Peut-être était-ce parce qu’elle venait de prendre un bain, mais sa peau nue et son sourire étaient radieux.

« Hah, hah, quel luxe… ! De l’alcool et de la nourriture de première qualité me sont servis pendant que je suis assise ici. C’est très satisfaisant de voir que l’on s’occupe de tout pour moi », déclara-t-elle.

« Tu vis aussi comme ça dans l’autre monde », avais-je fait remarquer. « Le manoir prend vraiment forme. Maintenant que tu t’es habituée au luxe, je me demande ce que l’Arkdragon voudra ensuite. »

Wridra semblait vouloir dire quelque chose, mais les mots lui manquaient. Ses yeux d’obsidienne furent attirés par le saury fraîchement grillé qui se trouvait dans l’assiette posée devant elle. Le nom japonais du saury, « sanma », contient le caractère pour « katana », auquel le poisson ressemblait par sa forme et sa couleur. Bien qu’ils soient un peu chers, je voulais qu’elle apprécie le poisson de saison, surtout pour qu’elle puisse le goûter pleinement.

« Hm, il a l’air presque brun doré lorsqu’il est cuit. Dois-je le recouvrir de cette chose blanche à côté ? » demanda Wridra.

« Oui, ajoute le radis daikon râpé et la sauce soja et essaie de goûter. Je n’ai pas enlevé les tripes, ce qui peut ne pas être à ton goût. »

L’expression de Wridra s’assombrit légèrement à la mention des viscères de poisson. Normalement, les viscères étaient enlevés avant que le poisson ne soit servi. Les gens pensaient qu’elles étaient amères, qu’elles avaient un drôle de goût et qu’elles diminuaient la saveur du poisson. Elle m’avait jeté un regard accusateur, comme pour me demander pourquoi je ne les avais pas enlevées, mais elle s’était vite ravisée.

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Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

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