Chapitre 3 : L’elfe, la dragonne et la maquette en plastique
Partie 2
À l’heure où je devais aller travailler, Marie avait revêtu une tenue de dame chic. Elle avait une pochette glissée sous le bras, un chemisier à manches longues avec un ruban autour du cou et une robe de couleur chic avec des chaussettes à hauteur des genoux, correspondant au style de Wridra.
« Vous avez l’air bien habillées pour votre rendez-vous. Je vais y aller maintenant, alors assurez-vous de ne pas perdre la clé », avais-je dit.
« Bonne journée ! J’aimerai bien faire le tour du quartier avec Wridra », répondit Marie.
Elle m’avait fait signe d’approcher avec son doigt, et j’avais légèrement paniqué. Je ne pensais pas qu’elle voudrait faire cela devant Wridra, mais Marie avait pincé ses lèvres et je n’avais pas pu discuter. Je m’étais accroupi et elle m’avait donné un baiser d’adieu sur la joue.
J’avais cru voir Wridra prononcer le mot « meurt » avec un sourire, mais j’espère que je l’avais juste imaginé. Il semblerait qu’elle considérait cela comme pardonnable, car elle avait salué Marie avant que je ne parte au travail.
L’idée que ces deux-là sortent ensemble m’avait déjà inquiété, mais je savais qu’elles se débrouilleraient bien maintenant. J’avais hâte de découvrir les découvertes qu’elles feraient ensemble dans ce quartier tranquille.
Je m’étais dirigé vers l’ascenseur, en espérant qu’elles auraient des histoires à me raconter à mon retour.
Dès qu’il ferait plus chaud, elles fermeraient la porte à clé et sortiraient se promener. J’avais resserré ma cravate, impatient de rentrer à la maison le plus tôt possible.
§
L’elfe et le dragon semblaient former un couple étrange à première vue, mais leur relation était tout à fait naturelle. Elles se considéraient comme des sœurs et pouvaient se réjouir ensemble des choses les plus insignifiantes. Le dragon semblait même un peu — non, beaucoup — amusé lorsqu’elle appuyait simplement sur le bouton de l’ascenseur.
« Ah… je ne peux pas appuyer sur ce bouton en tant que chat, alors c’est assez satisfaisant », déclara-t-elle.
« Mais tu peux appuyer sur le bouton de la télécommande. Tu sais, je n’ai jamais entendu parler d’un chat qui regarde des séries japonaises à tout bout de champ », répondit Marie.
« Ils sont vraiment remarquables. On peut juger des compétences du réalisateur à travers les combats d’épée, et il y a un sens du wabi-sabi dans ces combats. Ah, voilà. »
La porte de l’ascenseur s’ouvrit, elles entrèrent et descendirent à l’étage inférieur. Wridra continua à expliquer pourquoi les drames d’époque sont si géniaux, mais ne parvint pas à piquer l’intérêt de Marie.
Lorsque la porte s’ouvrit, un ciel d’automne les attendait. Le soleil brillait haut, mais le vent était frais sur la peau. Toutes deux regardèrent les nuages dans le ciel comme des panaches de fumée, puis elles expirèrent à l’unisson.
« L’air est si pur, et le ciel semble plus vaste que d’habitude. C’est la saison des récoltes à cette époque de l’année, n’est-ce pas ? Nous pourrions peut-être organiser une sorte de festival de célébration au deuxième étage », suggéra Marie.
« Hm, j’imagine déjà les hommes-lézards devenir fous d’excitation », déclara Wridra.
Un festival, ça a l’air alléchant. Wridra s’était dit qu’il serait très agréable de passer une journée avec des stands de nourriture odorante, à boire et à danser.
« Je vais l’examiner attentivement. Il est bon de changer les choses de temps en temps. Je sais que de telles célébrations peuvent enrichir notre vie quotidienne. »
C’était une suggestion spontanée, mais Wridra semblait très enthousiaste à l’idée de le faire.
Chaque monde a ses événements annuels. Cette année, il s’agirait de célébrer le franchissement d’une nouvelle étape et de rendre grâce pour une récolte abondante. Les deux femmes convinrent que ce serait une bonne occasion de faire le bilan de l’année écoulée et se saluèrent mutuellement d’un signe de tête. Elles marchèrent le long d’une rue vide, profitant d’une conversation quelque peu productive.
« Que devons-nous faire ? Les plus courantes sont les fêtes des récoltes et le Nouvel An… Oh, il serait logique de fêter la création de la salle du deuxième étage », suggéra Marie.
« Ce serait en effet le plus pertinent pour nous. Hm, cela vient de me rappeler qu’il manque quelque chose de crucial dans notre manoir. »
Marie cligna des yeux. Elles avaient commencé à marcher vers le quartier commerçant sans s’en rendre compte, et elles avaient vu plusieurs boutiques ouvrir leurs volets.
Le quartier commerçant gardait un air de centre-ville, et il y aura probablement des chats qui traîneront ici dès qu’il fera plus chaud. Il fallait faire attention en se promenant avec un dango à la main, car on risquait de se faire encercler par une foule de chats affamés.
« Quelque chose de crucial ? Hmm, qu’est-ce que cela pourrait être… ? Le bâtiment est déjà terminé, et le site du lac est en train d’être préparé en ce moment même. Le jardin japonais est pratiquement terminé, alors je ne vois pas ce qu’il manque d’autre », réfléchit Marie à voix haute.
« C’est quelque chose de beaucoup plus simple », répondit Wridra. « En fait, on peut le voir partout dans ce quartier commerçant. »
Marie avait gémi et elle pencha la tête en réfléchissant. Qu’est-ce que cela pouvait bien être ? Il y avait des magasins de vêtements, des cafés et des boutiques pour enfants en enfilade. Elle pensait que Wridra parlait d’une sorte de magasin de bonbons, mais il n’y en avait pas « partout » dans le quartier commerçant comme l’avait dit l’Arkdragon.
« Hmm… Pouvons-nous le voir maintenant ? » demanda-t-elle.
« Bien sûr. Il y en a tellement, en fait, qu’on ne pourrait pas tous les compter. On pourrait même dire que c’est une chose à laquelle les magasins tiennent par-dessus tout. Maintenant, tu as dix secondes pour le découvrir. »
Marie poussa un cri de panique, puis réfléchit sérieusement à la question. Cependant, le manoir et le quartier commerçant étaient si différents qu’elle ne trouva pas de similitudes. Au lieu de cela, elle se concentra sur le fait qu’il s’agissait d’une chose à laquelle les magasins accordaient une grande importance. Alors qu’elle fixait une vieille boutique, une chose lui sauta aux yeux.
« L’enseigne… avec le nom de la boutique… Je sais, il nous manque un nom pour notre manoir ! »
« Haha, haha, c’est exact. Sans nom pour le manoir, nous célébrerions une étape sans nom. Nous aurons bien sûr besoin de la présence de Shirley et de Kitase lorsque nous en choisirons un. »
Sur ce, Wridra lui indique un magasin. Marie leva les yeux et découvrit les mots « Tajima Model Shop » en lettres noires sur du plastique jaune.
« Le manoir de l’équipe Diamant s’appelle le manoir des roses noires, n’est-ce pas ? Les noms distinctifs comme celui-là sont faciles à retenir », dit-elle.
Elle pensait que Wridra serait d’accord avec « Exactement », mais l’Arkdragon resta silencieux. Curieuse, Marie se tourna vers elle, puis remarqua qu’elle fixait intensément quelque chose dans la boutique devant elle.
C’était comme un distributeur automatique, mais en beaucoup plus petit. Il y avait une fente pour insérer des pièces de cent yens, avec une poignée sur le devant que l’on pouvait faire tourner. Des boules transparentes, appelées jouets-capsules, étaient placées dans la machine, ce qui avait suscité l’intérêt de l’Arkdragon. Wridra fit signe qu’elle voulait l’essayer une fois, ce que Marie refusa, et elle prit une expression boudeuse qui gâcha son joli visage.
Marie était chargée de gérer l’argent dans ce monde. Même si Wridra n’avait pas le pouvoir d’annuler son jugement, elle n’était pas prête à faire marche arrière.
« Considère-le comme une partie des études sociales… », avait-elle déclaré.
« Si tu achètes un jouet, cela va diminuer ton budget goûter. Est-ce que c’est correct ? » demanda Marie.
Le silence.
Il semblerait qu’il n’y ait pas de négociation possible avec la fille elfe. C’est dommage, mais quand il s’agissait de choisir entre des bonbons et des jouets à capsules au contenu inconnu, la réponse était évidente.
« Hm, alors je suppose que je devrais m’en tenir aux sucreries », concéda Wridra. « Alors, que vend-on dans ce magasin ? Il semblerait y avoir beaucoup de boîtes en carton à l’intérieur. »
« Je n’en suis pas sûre. Kazuhiro-san n’a jamais visité un tel endroit », répondit Marie.
Elle jeta un coup d’œil à l’intérieur du bâtiment, faiblement éclairé, et vit des boîtes carrées empilées jusqu’au plafond. Après avoir vécu au Japon pendant six mois, Marie pouvait généralement déterminer le type de marchandises vendues dans les magasins, mais elle avait du mal à savoir ce qu’il y avait dans celui-ci, même en plissant les yeux à travers la vitre.
Il y régnait une ambiance vieillotte propre à l’atmosphère du centre-ville, qui contrastait fortement avec les boîtes colorées, ce qui attisa la curiosité du duo. Le dragon et l’elfe ouvrirent la porte vitrée comme si elles étaient attirées par elle.
« Excusez-moi… Wôw, tant de boîtes ! »
Les murs et les étagères étaient couverts de boîtes de toutes tailles. L’intérieur sentait un léger mélange de plastique et de poussière. Des navires inconnus, des avions de chasse et des robots trapus étaient illustrés sur les boîtes, laissant les deux femmes dans un état de confusion sans mot dire.
« Eh bien… venez. » Un vieil homme aux cheveux blancs les accueillit, mais lorsqu’il ouvrit les yeux, il se dirigea vers le fond de la boutique comme s’il venait de se souvenir de quelque chose. Marie et Wridra échangèrent un regard et attendirent. Le vieil homme mit ses lunettes, puis revint avec un vieux livre à la main.
« Ah… I canto speeku… », déclara-t-il dans un anglais approximatif.
« Bonjour, que vendez-vous ici ? » demanda Marie en japonais.
Le vieil homme cligna des yeux, puis reposa son livre devenu inutile. Sur la couverture, on pouvait lire : « Conversations en anglais que tout le monde peut faire ». Mais à en juger par sa première tentative, il ne semblait pas très efficace.
« Oh, vous m’avez surpris. Vous parlez si bien le japonais. Est-ce que votre amie peut aussi le parler ? » demanda l’homme.
« Bien sûr que je le peux. Je vis au Japon depuis six mois maintenant », répondit Wridra.
Les yeux ridés de l’homme s’écarquillent, impressionnés. Il apporta alors des chaises pliantes et il leur fit signe de s’asseoir. Il y avait un espace libre au fond du magasin, qui pouvait servir à discuter avec les clients. Les deux s’assirent comme on le leur demandait et Marie admira l’atmosphère calme de la pièce.
L’homme gloussa, satisfait de ses invitées inattendues.
« En y réfléchissant, j’ai entendu parler d’une fille aussi mignonne qu’une fée qui se promenait par ici. Ils ont dû parler de vous, mademoiselle… »
« Je m’appelle Mariabelle, monsieur. Et voici mon amie, Wridra. »
Wridra sourit, bien que son attention se porta sur la chaise pliante à l’aspect peu fiable. Le vieil homme avait un air accueillant.
« Il y a quelque chose de très spécial chez vous, jeunes femmes, comme si vous sortiez tout droit de la couverture d’un livre d’images. Je suis heureux que vous ayez décidé de visiter mon vieux magasin. »
Wridra gloussa et parut amusée que l’homme l’ait qualifiée de « jeune femme ». Elle ne pouvait pas lui en vouloir, car personne n’aurait pu deviner qu’elle vivait depuis un millier d’années.
Le vieil homme regarda le plafond comme s’il venait de se souvenir de quelque chose.
« Ah, vous vouliez savoir ce que je vends ici. »
merci pour le chapitre