Bienvenue au Japon, Mademoiselle l’Elfe – Tome 8 – Chapitre 2

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Chapitre 2 : Bienvenue, Équipe Diamant

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Chapitre 2 : Bienvenue, Équipe Diamant

Partie 1

Voilà qui est rafraîchissant.

Lorsque je m’étais réveillé, j’avais vu des portes shoji éclairées par le soleil qui donnaient l’impression que le monde était devenu blanc.

En tant que Japonais, je ne pouvais m’empêcher de me sentir chez moi avec les tatamis et les futons disposés dans la chambre de style japonais. Même si je n’avais jamais vécu dans ce type de chambre, j’avais l’impression que je m’y sentirais bien.

L’Arkdragon avait vraiment le sens de la forme. Même dans mon hébétude matinale, j’étais très impressionné par le fait qu’elle ait atteint une telle compréhension de l’harmonie en si peu de temps.

J’avais entendu un adorable bâillement et je m’étais retourné pour voir Mariabelle, en pyjama, qui s’étirait les bras et les jambes. Elle s’était frotté les yeux, puis remarqua les portes shoji comme je l’avais fait.

Nous nous étions couchés exceptionnellement tard hier soir, ce qui expliquait sans doute pourquoi elle avait encore l’air endormit. Ses vêtements étaient légèrement décousus et ses clavicules lisses étaient attirantes à regarder. Marie cligna des yeux plusieurs fois, puis réalisa enfin que nous étions dans le hall du deuxième étage et se redressa lentement.

« Bonjour… Je suppose qu’il est vrai que l’automne est la saison de la lecture. Je me suis complètement endormie », dit-elle.

« Ça ne fait pas de mal de faire la grasse matinée de temps en temps. Ce sera aussi drôle d’entendre Doula traiter quelqu’un comme toi de dormeur », avais-je répondu.

Elle s’était plainte qu’elle ne voulait pas d’un tel surnom pendant que nous rangions la literie. Nous avions plié le futon en trois, l’avions mis dans le placard, y avions placé les oreillers et avions ouvert la porte shoji. L’air frais qui soufflait vers nous nous avait immédiatement réveillés.

« Oh, tu attendais qu’on se réveille, Wridra ? » demanda Marie.

Je m’étais retourné et j’avais vu un chat noir qui se pelotonnait au soleil sur un coussin bien placé dans la véranda. Il y avait aussi un petit lac, et cela semblait être l’endroit idéal pour se détendre.

Le chat se retourna en réaction à la voix de Marie et miaula quelque peu en grognant. Il n’y avait pas de chats dans ce monde, et malgré les apparences, ce n’était pas vraiment un chat. C’était un familier de l’Arkdragon, mais Marie et moi étions à peu près les seuls à connaître sa véritable nature.

Il semblerait que le familier n’attendait pas que nous nous réveillions, mais qu’il monopolisait la véranda pour que nous ne prenions pas notre temps ici. En effet, lorsque Marie s’était approchée pour ramasser la créature, celle-ci s’était dérobée à ses mains et s’était rapidement dirigée vers le jardin. Puis il avait miaulé à nouveau, comme pour dire : « Dépêchez-vous de rejoindre le bâtiment principal. »

« Peut-être que l’équipe Diamant est arrivée bien avant nous. Nous devrions y aller », avais-je suggéré.

« Oui, nous devrions », acquiesça Marie. « J’ai hâte de marcher jusqu’au bâtiment principal. J’adore le paysage ici. »

Notre chambre était un peu éloignée du bâtiment principal. Wridra avait eu la délicatesse de nous y installer pour que nous puissions nous reposer sans être dérangés, ce que j’avais beaucoup apprécié. Cela faisait un certain temps que nous n’avions pas eu à nous soucier d’être vus lorsque nous allions au Japon et en revenions.

J’avais enlevé mes sandales en cuir et j’avais marché dans le jardin bien entretenu, où j’avais entendu un clapotis provenant de l’étang, qui aurait pu être le poisson qui avait cru par erreur que c’était l’heure de se nourrir. J’avais regardé et j’avais vu un reflet de moi à peu près de la même taille que Marie. Les traits de mon visage semblaient beaucoup plus jeunes que d’habitude, mais ce n’était pas un effet de la lumière.

Au lieu de cela, je vieillissais beaucoup plus lentement dans ce monde et j’avais l’air d’avoir une quinzaine d’années. Je ne comprenais toujours pas comment cela fonctionnait, mais je devinais que je ne vieillissais ici que lorsque j’étais physiquement dans ce monde.

Lorsque j’avais jeté un coup d’œil sur le côté, Marie était beaucoup plus proche de moi que d’habitude. Le simple fait de voir ces yeux qui ressemblaient à des cristaux violets clignoter de si près me donnait l’impression d’avoir de la chance. Elle avait souri, peut-être dans le même état d’esprit. Ou peut-être y avait-il une pointe d’espièglerie dans ses yeux, avec l’anticipation de ce qui allait suivre.

« Héhé, c’est aujourd’hui que ça se passe », dit-elle. « C’est l’heure de l’opération : Recrutement de l’équipe Diamant. »

« Oui. Nous manquons cruellement de personnel, et il s’agit d’un groupe de professionnels qui portent régulièrement des tenues de femme de chambre. J’aimerais beaucoup qu’elles travaillent pour nous. »

Kartina et les hommes-lézards s’étaient étonnamment bien occupés du jardin. Mais l’intérieur du manoir n’avait pas été correctement géré en raison de sa taille. La nourriture était également un problème. Heureusement, nous avions accès à d’excellents ingrédients, mais le temps et les efforts nécessaires pour les cuisiner à l’avenir m’inquiétaient.

Une femme aux cheveux noirs qui nous attendait au bout du chemin ramassa le chat noir qui trottait devant nous. C’était Wridra : le maître du familier, celui qui avait créé la majeure partie de ce manoir, et le légendaire Arkdragon. Ses sourcils étaient quelque peu froncés de mécontentement, mais je ne savais pas exactement pourquoi.

« Imbéciles, nous avons passé tant de temps à élaborer méticuleusement notre plan, et vous perdez votre temps à lire. Si vous aviez au moins regardé un anime ou un film, j’aurais aussi pu en profiter », se plaignit-elle.

Wridra serra les dents de frustration, mais je trouvai le geste charmant. Lors de notre première rencontre, elle n’avait pas beaucoup d’expérience sous sa forme draconienne et n’avait pas l’habitude d’exprimer ses émotions. Je trouvais qu’elle avait développé un charme féminin depuis le temps que nous vivions ensemble.

« Désolé pour l’attente », avais-je dit. « Tout se passe-t-il comme prévu jusqu’à présent ? »

« Bien sûr… J’aimerais bien le croire, mais ils se désintéresseront vite de nous si nous ne leur proposons que des bains et des massages. Nous devons préparer la nourriture tout de suite », répondit Wridra.

Ses longs cheveux noirs sur les côtés du visage couvraient ses oreilles, mais l’arrière était attaché avec une ficelle, ce qui faisait ressortir sa nuque pâle. Le kimono lui allait bien, même avec ses traits uniques et bien définis.

Marie lui tendit la main, et Wridra réajusta son bras pour tenir le chat noir d’une seule main, tandis qu’elle tenait la main de l’elfe avec celle qu’elle avait ouverte. Avec le temps, elles étaient devenues très proches et étaient maintenant comme des sœurs. Curieusement, si quelqu’un voulait savoir qui ressemblait à la sœur aînée, ma réponse changeait selon le moment où la question était posée.

« Je n’arrive pas à croire que vous vous êtes permis de veiller tard », grommela Wridra.

« Je suis désolée, Wridra. Je suis sûre que tu comprendras, mais l’automne est parfait pour s’absorber dans les livres parce que c’est si tranquille. On se croirait presque dans une bibliothèque… »

Wridra s’apprêtait à dire quelque chose lorsque Marie parla de l’attrait de se coucher tard, mais elle finit par refermer la bouche. Ses yeux d’obsidienne rencontrèrent alors les miens, et elle me lança un regard qui disait : « Tu feras attention à partir de maintenant. » J’avais acquiescé, bien sûr, mais cela allait dépendre de l’humeur de Marie, donc ma réponse n’était pas digne de confiance.

Le problème auquel nous étions confrontés était que nous avions besoin de plus de travailleurs pour faire fonctionner le manoir.

Si nous pouvions recruter l’équipe Diamant, nous pourrions non seulement faire fonctionner le manoir, mais aussi améliorer considérablement les services offerts. Le problème, c’est qu’ils sont plus riches que nous et que nous ne pourrons donc pas les séduire avec de l’argent. Nous devions donc les séduire par le confort, l’habitabilité et la nourriture délicieuse. Nous devions leur donner envie de vivre ici en leur montrant à quel point cet endroit était formidable.

« Alors, comment s’en sortent-elles jusqu’à présent ? » avais-je demandé.

« Hm, je vais vous le montrer », dit Wridra.

Sur ce, elle lâcha la main de Marie et pointa le doigt vers le haut. Nous avions entendu un étrange bourdonnement, puis une image visuelle était apparue dans les airs.

Cette magie de visualisation était l’atout de notre manche. Elle nous avait permis d’écouter leurs conversations et d’obtenir un retour d’information direct sur les installations. Nous n’avions pas à craindre d’être remarqués et nous avions un avantage écrasant grâce aux informations dont nous disposions. Mais l’image qui était apparue montrait les femmes en train de prendre un bain, et Marie avait utilisé ses mains pour couvrir mes yeux de la quantité choquante de peau exposée dans l’image.

« Mon Dieu ! » s’écria Marie. « Te rends-tu compte que le voyeurisme est un crime ? »

« Je suis désolé ! Wridra, plus de projections d’images s’il te plaît ! » dis-je.

« Hm, très bien. Dans ce cas, je me contenterai de l’audio », dit Wridra. « Mais je dois dire que cela va nuire à l’immersion. »

Elle avait grommelé, mais il n’était pas question que nous regardions secrètement ces gens se baigner. Mes yeux s’étaient alors écarquillés lorsque j’avais entendu le son.

« Ahh, c’est si bon ! Ce massage est incroyable… Là, mm-hmm, plus fort ! »

Nous avions entendu ce qui ressemblait à la voix érotique d’Eve et nous avions paniqué. Marie s’était empressée de se boucher les oreilles, mais dans sa précipitation, j’avais senti quelque chose se presser contre mon dos. Je n’avais pas pu m’empêcher de sentir mon cœur battre plus vite à cause de la sensation douce contre mon dos et de la voix qui se faisait entendre. Marie, bien sûr, n’était pas amusée.

« Arrête ! Plus d’audio non plus ! Tu dois faire preuve de plus de bon sens ! », gronda-t-elle.

Quelques instants après le début de notre mission, tous nos atouts étaient devenus inutilisables. Nous n’avions obtenu aucune information et nous avions douloureusement pris conscience de l’ampleur de notre tâche.

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Partie 2

Je coupais quelques légumes verts sur la planche à découper.

La cuisine était bien plus spacieuse que celle que j’avais chez moi, mais il y avait quelques différences dans ce monde. Par exemple, un esprit de lézard de feu se trouvait à l’emplacement du brûleur à gaz et me regardait avec ses yeux de fouine, comme pour me dire : « Es-tu prêt ? »

Ces derniers temps, ils avaient été convoqués uniquement pour cuisiner, alors ils semblaient y être habitués. Lorsqu’il avait été invoqué, son visage disait : « Ouais, ouais… Pour la marmite, c’est ça ? » Les lézards de feu ne pouvaient pas parler, mais c’était ce que je pensais.

Le problème, c’est que nous avions dû rassembler une tonne de nourriture, ce qui nous avait obligés à faire plusieurs voyages pour remplir le réfrigérateur. Le réfrigérateur était également étrange, et il utilisait une sorte de technique pour empêcher la nourriture de se gâter sans refroidir l’air à l’intérieur. Je n’aurais pas compris comment cela fonctionnait même si je l’avais demandé, alors je n’y avais pas vraiment réfléchi.

Cette forêt était riche en terre et en eau, avec des légumes et du poisson en abondance. J’attribuais cela à l’ancien maître d’étage, Shirley, qui faisait circuler les âmes ici. La forêt était devenue encore plus stable ces derniers temps, si bien qu’ils avaient commencé à chasser les cerfs et les sangliers qui se faisaient de plus en plus nombreux. D’après Wridra, leur viande était de très bonne qualité, car elle n’avait pas été contaminée par la matière démoniaque. Le sol avait été souillé lors d’une ancienne bataille, ce qui expliquait pourquoi la nourriture avait si mauvais goût dans ce monde. La nourriture de cet endroit se vendrait probablement à un prix élevé si elle était exportée, mais il y aurait aussi des problèmes si d’autres marchands s’en apercevaient, c’est pourquoi nous voulions réserver les produits à la consommation locale.

C’est pourquoi nous n’avions heureusement pas à nous soucier d’acheter de la nourriture au deuxième étage. Si nous avions besoin de quoi que ce soit, il nous suffisait de nous rendre quelque part avec Wridra et de l’acheter.

Il y avait des ingrédients simples, comme de la viande de sanglier, des légumes sauvages, quelques légumes verts et des champignons. Je n’avais apporté du Japon que du miso, des œufs, des flocons de bonite et des oignons verts, ce qui était beaucoup plus rentable que d’apporter des plats en boîte — en termes de dépenses au Japon, bien sûr.

« Je me demande si nous allons finir par faire des siestes pour manger dans ce monde », avais-je dit.

« Non, merci. Je veux manger japonais quand je serai là-bas. La cuisine n’est pas encore très variée ici. Mais le poisson est bon, bien sûr. »

Sur ce, Marie commença à nettoyer la terre des légumes à côté de moi. Le lézard de feu qu’elle avait invoqué prouvait que son niveau de compétence en tant qu’assistante culinaire était bien plus élevé dans le monde imaginaire. Mais la jeune fille elfe, vêtue d’une blouse kappogi et d’un foulard triangulaire sur la tête, était trop mignonne pour être qualifiée de fantastique.

J’étais d’accord avec Marie pour dire que le poisson avait bon goût. Les fruits de mer n’étaient pas seulement une question de saveur, la fraîcheur était également essentielle. Les crustacés perdaient particulièrement leur douceur naturelle et acquièraient une saveur particulière au fil du temps, bien qu’il n’y ait pas de mer pour les trouver dans les environs.

« De toute façon, le sanglier, c’est pénible à cuisiner, hein ? Je ne savais pas qu’il y avait autant d’étapes de préparation », avais-je dit.

« Oui, ce n’est pas facile. Il faut choisir un sanglier femelle à la bonne période de l’année pour qu’il soit de bonne qualité, l’éviscérer, le saigner, enlever la peau et faire durcir la viande avant de pouvoir la cuisiner complètement. On ne se rend pas compte du travail que cela représente si on achète toujours de la viande au supermarché », expliqua Marie.

En tant qu’elfe ayant grandi dans une forêt, Marie était bien mieux informée qu’une personne des temps modernes comme moi. Les hommes-lézards avaient déjà effectué toutes les opérations décrites par Marie. J’étais soulagé de n’avoir qu’à les regarder s’occuper de ça.

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L’automne était certainement bien choisi, car nous avions obtenu une viande de haute qualité avec beaucoup de graisse. De plus, j’avais appris à la bibliothèque des techniques telles que le vieillissement à froid. Cela ne faisait pas de mal de savoir, mais je ne m’attendais pas à ce que ces informations soient utiles alors que je n’étais pas chasseur.

Il ne me restait plus qu’à découper la viande de sanglier en fines tranches et à les disposer sur une assiette comme je l’avais déjà vu faire. J’avais appris à connaître ce type de plats en regardant des vidéos pendant les pauses au travail, car c’était un bon moyen de tuer le temps. L’utilisation de viande fraîchement coupée rendait les choses un peu plus compliquées que la préparation d’un hot pot à la maison, mais j’avais hâte d’en découvrir le goût.

J’avais pris la poignée et j’avais transporté la marmite avec le Lézard de Feu qui s’était endormi. Il serait probablement surpris de voir l’équipe Diamant l’entourer lorsqu’il se réveillerait.

Les femmes ne devraient pas tarder à sortir de la zone de baignade. Alors que nous disposions les assiettes sur la longue table et que nous mettions les flocons de bonite dans la marmite, l’équipe Diamant revint bruyamment.

L’écran coulissant s’était ouvert avec fracas et les femmes que nous connaissions dans le labyrinthe se tenaient là, vêtues de yukata aux couleurs vives. Eve expliquait avec passion à quel point son massage était merveilleux, jusqu’à ce que ses yeux bleus s’écarquillent en nous voyant.

« Bienvenue à tous. Avez-vous apprécié votre bain ? »

« Oh, c’est Kazu et Marie ! Quoiiiiiiiii, est-ce qu’on va vraiment manger de la nourriture japonaise après notre bain ? Oh, oh, vous avez de la bière ? » Eve était de très bonne humeur dès qu’elle vit la nourriture.

Elle avait passé ses bras autour des épaules de Marie et des miennes dans un geste négligé, mais ce n’était pas une bonne idée de distraire quelqu’un pendant qu’il cuisinait. Il y avait de la bière, bien sûr, des bières spéciales de la ville portuaire d’Ozloi. Dès que je le lui avais dit, Eve avait fait une petite gigue et s’était écriée : « Oui ! »

Tous les autres regardaient avec des expressions vides, mais Marie et moi souriions, complotant pour leur faire passer le meilleur moment de leur vie. Grâce à ce dîner, ils connaîtraient les charmes de ce manoir, et nous pourrions même les recruter pour travailler ici si cela les intéressait.

Cependant, leur chef Puseri trouvait toute cette hospitalité inquiétante et s’agenouilla sur le tatami tout en redressant son col.

« Je ne peux m’empêcher de me sentir mal à l’aise lorsque tu cuisines pour nous alors que nous faisons partie de la même équipe de raid », déclara-t-elle.

« Non, non, ne t’inquiète pas. Tu nous as offert l’hospitalité au manoir des roses noires. Nous serions heureux que tu apprécies ton séjour ici », répondis-je. N’hésite pas à vivre ici si tu le souhaites, heh heh… Cependant, je cachais mes pensées intérieures derrière une façade épaisse, comme l’employé de bureau que j’étais. Il semblerait que l’expérience de la société soit parfois utile.

Une douce atmosphère avait empli la pièce tandis que je préparais la marmite avec du miso, du saké et du mirin. Il était facile de préparer une marmite, mais l’arôme si intense était inhabituel pour elles. Elles s’étaient assises autour de la table de style horigotatsu, leur regard collectif étant fixé sur les marmites contenant des produits étranges.

Nous avions besoin d’environ trois marmites pour servir les huit femmes, alors Marie et moi avions rapidement apporté les ingrédients et ajusté le feu. En nous voyant travailler si activement, Puseri avait murmuré : « Vous êtes tous les deux adorables dans vos tenues assorties. Vous avez l’air d’un petit couple de mari et femme. Tu as dit que ces blouses s’appelaient kappogi ? »

« Regarde, elle devient rouge. Ne me dis pas que vous voulez vous marier ou quelque chose comme ça. Ah ha ha, maintenant ils sont tous les deux rouges. Comme c’est mignon ! »

Eve n’avait vraiment pas mâché ses mots. J’avais regardé de mon côté et j’avais vu que Marie était devenue rouge vif jusqu’à ses longues oreilles. Elle s’était caché la bouche avec le plateau qu’elle tenait et m’avait jeté un coup d’œil… et j’étais trop gêné pour croiser son regard. Nous étions censées divertir les invitées ce soir, mais j’avais l’impression qu’elles étaient déjà sur le point de m’épuiser avec leur énergie. Je fis une expression maladroite, et tout le monde se mit à rire d’un air amusé.

« Je suis stupéfaite par l’exotisme de toutes les parties de ce manoir. Le paysage et la qualité de l’eau du bain étaient tous deux exquis », déclara Puseri.

« Oui, c’était fou. Mais la vue est tellement dégagée que je m’inquiète de savoir si quelqu’un peut nous voir. Ce n’est pas que ça me dérange, mais je me sentirais mal pour les petites », répondit Eve.

« En y repensant, tu te souviens quand Charbydis a commencé à faire des siennes ? Il a peut-être surpris quelqu’un en train de nous espionner. Si c’est le cas, ils ont probablement goûté à ses tentacules. »

 

 

« Pas question ! Ha ha ha ! »

J’avais ri avec elles et j’avais rejeté cette idée ridicule, mais plusieurs membres d’élite masculins de l’équipe de raid avaient respiré bruyamment dans la forêt à ce moment-là. Ils étaient à moitié nus dans leurs vêtements trempés et en lambeaux après avoir été complètement vaincus dans une bataille féroce.

Mais ils se tenaient bras dessus bras dessous et se promettaient de triompher un jour, leur esprit combatif brûlant. Charybde était une ennemie puissante avec sa capacité Indestructible et ne pouvait être vaincue par des moyens normaux. Cependant, le feu dans leurs yeux montrait clairement qu’ils n’avaient pas abandonné. Après tout, ils étaient de vrais pervers… ou plutôt des guerriers.

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Partie 3

Aujourd’hui était un jour de repos pour la divertissante équipe Diamant. Mais ces hommes étaient pleins d’énergie et n’avaient pas le temps de se reposer. Leur grand groupe de dix-huit membres s’était réuni pour répondre à un appel à un entraînement aussi intense qu’un vrai combat. La mission s’était avérée bien plus rigoureuse que prévu, et leur fatigue était plus grande qu’à l’accoutumée. Sans compter qu’ils n’avaient eu aucun succès jusqu’à présent. Pourtant, leur volonté n’avait pas diminué. Ils s’étaient battus en partant du principe qu’aucun rêve n’était inaccessible, mais tout ce que je pouvais penser, c’était qu’ils étaient stupides.

Au-delà de la vitre se trouvait un jardin japonais verdoyant. Les femmes de l’équipe Diamant discutaient joyeusement de ce spectacle inhabituel et du yukata coloré qu’elles portaient pour la première fois.

Finalement, leurs conversations s’étaient tues, car la vedette du spectacle était arrivée sur un grand plateau.

De fines tranches de viande de sanglier de haute qualité étaient disposées comme des pétales de fleurs sur l’assiette. La présentation du plat n’était pas tout à fait parfaite puisqu’il s’agissait d’un amateur, mais le groupe avait applaudi dès qu’il l’avait vue. Nous avions jeté la viande dans les marmites une par une, mais la viande de sanglier était très différente de celle du porc ou du bœuf. Bien qu’elle soit moelleuse et très robuste, son goût s’améliorait au fur et à mesure que nous la faisions cuire dans le bouillon.

Nous avions ajouté de la racine de bardane pour atténuer l’odeur, puis nous avions ajouté des légumes verts, des champignons et un bouquet d’oignons verts au bout d’un certain temps. C’est alors que l’odeur appétissante du miso s’était répandue dans l’air. Après avoir transpiré et dépensé de l’énergie dans le bain, elles n’avaient pu s’empêcher de déglutir devant le festin qui s’offrait à elles.

« Argh, ça sent tellement bon… Je commence à avoir faim ! »

Nous étions heureux d’entendre le désespoir dans leurs voix.

Le hot pot de sanglier est un plat très apprécié depuis l’antiquité. On disait qu’il existait depuis la période Jomon et que quiconque le mange avec de la viande de qualité supérieure est sûr d’être accro à sa saveur profonde. Heureusement, la viande utilisée aujourd’hui était de première qualité.

L’arôme du miso mélangé au jus de viande et à la douceur des légumes nous mettait en appétit. L’odeur des aliments était très importante et influençait en partie notre sens du goût. Elle permettait au cerveau de savoir quand la nourriture serait savoureuse et à la langue de se préparer automatiquement à manger.

J’entendais d’autres personnes déglutir de manière audible.

Comme nous l’avions dit, la viande de sanglier devient plus tendre et plus savoureuse au fur et à mesure qu’elle est cuite. Une odeur délicieuse s’échappait de la marmite bouillonnante, et tout le monde avait cessé de parler pour attendre la nourriture avec impatience.

Enfin, Marie commença à sortir les bouteilles de bière, et il était enfin temps de dévoiler le somptueux repas. J’avais enlevé le couvercle d’une des marmites et de la viande de sanglier bien grasse recouvrait la surface du ragoût.

« Oui, ça a l’air prêt », avais-je confirmé. « Je vous en prie, mangez tous. Aujourd’hui, c’est pour les femmes, alors pourquoi ne pas en prendre aussi, Marie ? »

« Oh ! Je peux ? Ça sent tellement bon… Je ne pense pas pouvoir dire non ! » déclara Marie.

Je fis signe à tout le monde de commencer à manger, car j’avais encore la mission de recrutement à faire. Tout le monde s’était rassemblé autour des marmites. Marie et moi avions mis de la nourriture dans de petites assiettes pour les plus jeunes, et elles avaient commencé immédiatement à mordre dans la viande de sanglier.

La viande de sanglier semblait très grasse, mais sa teneur en graisse était en fait très différente de celle des autres viandes. Par exemple, elle ressemblait à de la cire dure lorsque je la coupais avec un couteau de cuisine. Mais une fois cuite, elle était devenue extrêmement onctueuse et tendre, avec une texture ferme facile à mâcher grâce à son long temps de cuisson. Les yeux des femmes s’étaient illuminés grâce à la saveur du miso et à l’arrière-goût sucré.

« Hmmm !! »

Le goût donnait l’eau à la bouche au point de faire mal, et l’on avait du mal à formuler des mots. Le jus de la viande et des légumes s’échappait à chaque bouchée. Étrangement, la nourriture ne semblait pas trop grasse. Chaque bouchée était délicieusement sucrée, mais laissait un arrière-goût rustique de noisette. À en juger par leurs expressions, il semblait vrai que la graisse de sanglier ne pesait pas lourd dans l’estomac, quelle que soit la quantité consommée.

La viande rouge était incroyablement tendre, car elle se détachait facilement, et il faut répéter à quel point elle était sucrée. Sur le plan gustatif, elle se situait quelque part entre le porc et le bœuf. Il y avait encore un peu de piquant, mais le goût était doux sur la langue.

La chambre d’amis éclairée par le soleil s’était animée au son des rires. Je savais que c’était le moment idéal pour recommander une bière glacée.

Même les vétérans de l’équipe Diamant n’avaient aucune chance de résister à une boisson fraîche accompagnée d’une délicieuse nourriture grasse, surtout après un bain chaud. Elles engloutirent les bières aux bulles rafraîchissantes et poussèrent un soupir de satisfaction, comme lorsqu’elles s’étaient plongées dans l’eau du bain.

« Qu’est-ce que c’est ? C’est trop bon ! Je veux vivre au Japon si vous avez des trucs comme ça ! »

Eve secoua la tête en signe d’incrédulité, mais le hot pot à la viande de sanglier n’était pas courant, même au Japon. C’était assez cher dans un restaurant de qualité, et j’aurais aimé qu’elle arrête de dire « Japon » alors que nos voyages entre les mondes étaient censés être secrets.

Je lui avais offert une autre bière pour la faire taire. Son verre s’était mis à tinter lorsque la bouteille l’avait touché et l’avait rempli du breuvage doré.

Le corps de chacun recherche la bonne nourriture. On peut manger plus que d’habitude quand la bonne nourriture est là, et le corps en redemande même quand l’estomac est plein.

Une fois que tout le monde avait mangé à sa faim, il y avait un joli jardin japonais à contempler pendant que l’on se frottait la panse. L’espace harmonieux qui s’offrait à eux offrait un luxe différent de celui d’un dîner alors que le soleil s’éclipsait lentement.

« Le luxe », c’est ainsi que l’on pourrait le qualifier. Même après avoir comblé tous leurs désirs, la chambre d’hôtes leur offrait encore plus. Elles mangèrent et burent à satiété. Le repas était remarquablement simple, mais il leur donnait une vitalité qui ne pouvait venir que de la viande sauvage.

Le groupe transpirait à cause de la marmite fumante et leurs vêtements s’étaient défaits au fil du temps, à force de boire. Je devais m’abstenir de regarder, car les femmes du monde imaginaire étaient trop séduisantes. Leurs cuisses se frottaient l’une contre l’autre sous l’effet de la chaleur et, dans leur état d’esprit, leurs yukata étaient plus ouverts au niveau de la poitrine. Je m’étais détourné, car il semblait qu’elles n’étaient pas sur leurs gardes puisque j’avais l’air d’un enfant.

Plusieurs femmes étaient allongées sur le tatami, et l’une d’entre elles marmonnait : « Ahh, il n’y a aucune chance que je défaille de ce côté… » Je n’ai pas compris de quoi elle parlait, alors j’ai simplement penché la tête en signe de confusion.

Il n’avait pas fallu longtemps pour que les marmites soient vides et que de nombreuses personnes soient à terre, mais l’événement principal n’avait pas encore commencé. Nous avions mis du riz lavé dans chaque marmite pour faire de la bouillie. Le riz avait commencé à absorber la saveur et le bouillon de la viande et des légumes dès que nous l’avions ajouté. C’était absolument délicieux. À la télévision, un invité s’écriait toujours : « Délicieux ! » Le moment aurait été bien choisi pour le faire.

J’avais mélangé quelques œufs dans la casserole et j’avais testé le goût, et je n’avais pas pu m’empêcher de sourire. Une grande quantité d’umami était concentrée dans le riz, ce qui était la manière parfaite de terminer le dîner.

Tout le monde était déjà rassasié, mais après une bouchée, leur corps en réclamait davantage, les laissant dans une lutte entre les gémissements de satiété et la saveur délectable. Il semblerait que les invitées aient beaucoup apprécié leur séjour. Lorsque nous avions nettoyé et quitté la pièce, elles étaient toutes allongées sur les tatamis, le sourire aux lèvres. Nous étions peut-être allés un peu trop loin, mais ce n’était pas de ma faute. Si quelqu’un avait des plaintes à formuler, il devrait les adresser à Wridra et Shirley pour avoir préparé des ingrédients de si grande qualité.

C’est ainsi que j’avais quitté la chambre d’hôte de l’équipe Diamant avec Marie, dont le ventre avait été rempli à ras bord de nourriture.

+++

J’avais décidé de me promener avec Marie le soir, après avoir fait la vaisselle. Les insectes chantèrent en un rien de temps et il y avait dans l’air une impression d’automne que l’on ne pouvait pas vraiment ressentir en ville.

Nous avions marché le long d’un petit sentier jusqu’à ce que la vue se dégage et révèle un vaste lac. Nos pieds s’étaient arrêtés involontairement, les feuilles bruissant autour de nous.

« Ah, c’est tellement beau », déclara Marie. « Je n’arrive pas à croire que nous avons participé à la création de cet endroit. »

« Oui, je pense que personne ne nous croirait même si on leur disait. Je veux dire, c’est censé être un ancien labyrinthe. Oh, il y a une aire de repos là-bas, alors allons-y et regardons le coucher de soleil ensemble », avais-je répondu.

Marie s’était réjouie. Son yukata léger, aux couleurs de fleur de cerisier, était orné d’un motif de papillon qui voltigeait. Lorsque je lui avais tendu la main, elle ne s’était pas envolée comme un vrai papillon, mais ses doigts s’étaient enroulés autour des miens. Nous avions ensuite marché ensemble, ses pas étant vifs et joyeux.

Pourtant, je n’avais pas pu m’empêcher de penser au recrutement de l’équipe Diamant.

« Je doute que nous puissions les faire travailler pour nous tout de suite, alors peut-être devrions-nous attendre quelques jours, puis parler à Puseri. Je ne sais pas cependant si elle sera prête à accepter quand elle aura sa mission », avais-je dit.

Pour une raison que j’ignore, Marie pencha la tête. Elle m’avait alors demandé de quoi je parlais, et je m’étais demandé si elle n’avait pas oublié nos projets pendant le dîner.

« Tu sais, à propos de l’intégration d’un plus grand nombre de personnes dans le manoir », avais-je dit.

« Hm ? Oh, c’est vrai », répondit Marie. « Je n’ai pas oublié, bien sûr. Oui, nous aurons peut-être besoin d’un peu plus de temps. »

« Ils ont un grand manoir dans leur pays, ce qui pourrait être difficile à gérer. Je suppose que nous ne le saurons jamais tant que nous n’aurons pas posé la question. »

Nous n’étions pas pressés, j’avais donc décidé d’être patient. Il y avait beaucoup d’options, même si cela ne fonctionnait pas. Nous pouvions engager quelqu’un d’autre, mais il était peu probable que nous trouvions quelqu’un de plus fiable que l’équipe Diamant.

***

Partie 4

« Oui, nous pouvons essayer autre chose si elles refusent. Plus important encore, nous devons nous asseoir sur cette aire de repos confortable et profiter du bruit des insectes qui gazouillent et de la vue sur le lac au coucher du soleil. Allons-y », dit Marie.

Elle avait raison, bien sûr. Je l’avais laissée me prendre par la main et j’avais marché avec elle.

Marie avait l’air de rayonner dans la lumière tamisée, en partie à cause de la clarté de sa peau. Il y a un an, je n’aurais jamais imaginé que nous marcherions main dans la main sur un chemin entouré de plantes et de fleurs. Il n’était pas exagéré de dire que toute ma vie avait changé depuis. Elle s’était tournée vers moi en souriant et m’avait dit : « Allons-y, Kazuhiro-san. » C’était tout ce dont j’avais besoin pour me sentir satisfait.

Elle m’avait donné ce que j’avais eu pendant si longtemps en tant qu’enfant. C’était difficile à croire, et la chaleur au bout de mes doigts ressemblait à un salut.

Alors que nous marchions dans ce paysage étrangement nostalgique, un souvenir m’était venu à l’esprit : lorsque j’étais enfant, une femme que je souhaitais voir me sauver m’avait tenu la main alors que je la tendais désespérément.

Ne te souviens pas. Ne laisse pas la chaleur de sa main te rappeler ta mère.

C’est ce que je me disais depuis tout ce temps, mais le soleil couchant m’avait rappelé mon enfance.

Je trouvais ma mère très belle. Elle avait des yeux noirs et de longs cheveux noirs, et quelque chose en elle donnait l’impression qu’elle était à l’écart du reste du monde. Même si je me souvenais de l’impression qu’elle me donnait, je ne me souvenais pas d’un mot qu’elle m’avait dit. Je ne connaissais ni sa voix ni sa chaleur.

Tout ce dont je me souvenais, c’est d’avoir été menée par la main, comme je l’étais maintenant, et d’avoir été enlacée contre sa poitrine. Ces souvenirs étaient encore clairs pour moi, et j’avais désiré cela plus que tout pendant si longtemps. Je ne voulais pas seulement être tenu dans les bras comme les autres enfants, mais j’attendais le moment où elle me reconnaîtrait et me parlerait.

C’est pourquoi j’étais si fier, car tout semblait briller lorsqu’elle me tenait dans ses bras. Le rideau agité par le vent me caressait la joue, me chatouillait. Si ma vie était un film, ce serait la fin idéale.

Elle riait alors. Je me souvenais avoir été surpris parce que je n’avais jamais vu cette expression chez elle depuis ma naissance. Mais je l’avais vue regarder par la fenêtre et j’avais suivi son regard jusqu’à un coucher de soleil rouge sang. C’était si terrifiant…

Puis, j’avais entendu la voix d’un inconnu.

Je ne m’en souviens pas. Je ne me souviens pas de ce qui s’est passé ensuite.

+++

Marie et moi avions serré nos mains l’une contre l’autre, puis nous les avions relâchées alors que j’oubliais de respirer pendant un certain temps.

Elle m’avait regardé, confuse, et j’avais serré ma main contre ma poitrine, espérant qu’elle ne remarquerait pas les sueurs froides qui me coulaient dessus. Même lorsqu’elle me demanda ce qui n’allait pas, je lui avais dit que ce n’était rien.

Ce n’était rien. Cette relation ordinaire et naturelle qui était la nôtre m’était plus précieuse que tout au monde. Les gens disent qu’il est facile de devenir sentimental à l’automne. J’étais persuadé que c’était la saison qui me donnait l’impression d’être sur le point de m’effondrer. J’avais pris mon courage à deux mains et j’avais réussi à me donner l’allure que j’avais toujours eue.

« Désolé, j’ai trébuché. Nous devrions nous dépêcher avant que le soleil ne se couche », avais-je dit.

« Bien sûr », dit-elle avec une pause au début.

Contrairement à la normale, je n’avais pas du tout pu dire ce que Marie pensait.

+++

Nous avions continué à marcher main dans la main, puis nous avions remarqué que quelqu’un était déjà assis dans l’aire de repos face au lac. Le ciel s’assombrissait lentement, tout comme ses cheveux couleur crépuscule.

Il y avait un toit au-dessus de la tête et plusieurs canapés, ce qui en faisait un endroit agréable pour observer le lac et se détendre. Il était également possible d’y pêcher, si on le souhaitait. Mais aucune des deux femmes ne semblait intéressée.

« Qu’est-ce que tu fais ici toute seule ? » demandai-je à Puseri.

Elle leva les yeux au son de ma voix. Ses yeux rencontrèrent les miens, crépusculaires comme ses cheveux, et elle cligna plusieurs fois des yeux comme si elle sortait d’un rêve.

« Oh, bonjour. Vous êtes proches, comme toujours. Mais vous ne devriez pas le montrer autant et vous devriez savoir que les femmes sont des créatures envieuses », déclara Puseri.

J’avais été légèrement surpris par le calme de sa voix par rapport à son attitude habituelle. Elle était d’humeur pensive et son expression était quelque peu sombre. Se demandant ce qui s’était passé, Marie et moi avions échangé un regard, puis nous nous étions assis sur le canapé.

« Quelque chose te tracasse ? Est-ce à cause de la nourriture ? » avais-je demandé.

« Non, ce n’est pas ça », répondit Puseri. « Je n’ai jamais eu autant de plaisir auparavant, et aujourd’hui était plein de surprises. »

Je poussai un soupir de soulagement que le vent emporta. J’attendis qu’elle continue, puis ses lèvres rugueuses s’écartèrent à nouveau pour parler.

« Que pensez-vous des démons ? »

La question était sortie tout droit de nulle part. Elle semblait calme, mais ses yeux n’étaient pas ravis, car je voyais bien qu’il s’agissait d’une question très importante. Cependant, il était difficile de répondre à cette question pour nous. Ce n’était pas comme si nous pouvions lui dire que nous étions déjà amis avec un Arkdragon ou que Shirley était un ancien maître d’étage. Nous n’avions pas d’opinion sur les démons, mais serait-ce mal de lui dire cela ? Alors que je réfléchissais à ma réponse, Marie prit la parole avant moi.

« Je pense que cela dépendrait de qui il s’agit. Je ne pourrais pas m’entendre avec les bandits qui rôdaient dans le labyrinthe. Mais nous vivons ici avec Kartina. »

« Oui, c’est vrai », avais-je convenu. « Nous n’avons pas de préjugés sur ce genre de choses. Cela vient de quelqu’un qui connaît beaucoup de langues de monstres différentes, alors il n’y a pas d’erreur. »

Puseri acquiesça. Elle acquiesça encore plusieurs fois, comme si elle réfléchissait intérieurement, et ouvrit ses yeux humides dans la faible lumière.

« Il y a un démon dans mon équipe. Personne n’a de préjugés contre elle aujourd’hui, mais les gens la verront différemment lorsque la guerre commencera. Cela me fait mal de les voir vivre dans le manoir des roses noires quand cela arrivera. »

Les larmes qui coulaient sur son visage nous avaient choqués. Nous avions finalement compris que Puseri s’inquiétait pour ses amies et leur avenir. Avant même de nous en rendre compte, nous avions tous doucement posé une main sur ses bras, de chaque côté. Nous avions l’impression que si nous ne le faisions pas, elle porterait le poids de tout cela toute seule.

Ses larmes continuèrent de couler et l’aire de repos s’assombrit. Puseri toucha nos mains avec les siennes, puis parla, la voix pleine de haine.

« Je suis sûre… que vous n’êtes pas au courant de ce qui s’est passé lorsque nous avons traversé le deuxième étage de l’ancien labyrinthe. La famille royale a emmené tous ceux qui étaient soupçonnés d’avoir des liens avec l’ennemi. Nous n’étions pas vraiment sans lien de parenté avec cet homme, Zarish ! »

Nous avions vu l’animosité brûler dans ses yeux, ce qui nous avait franchement effrayés.

Chaque fois que la colère de Puseri montait, elle avait un air semblable à celui qu’elle avait lorsqu’elle s’était déchaînée dans l’ancien labyrinthe. La fureur s’emparait d’elle et on la sentait trembler.

Je l’avais oublié, mais la situation était grave. Le candidat héros Zarish, qui avait tenté de passer au pays ennemi, était toujours en captivité. La nouvelle n’avait pas encore été rendue publique, probablement parce qu’elle nuirait également au gouvernement.

En bref, l’homme qui était censé sauver le pays conspirait secrètement avec l’ennemi et essayait de faire tomber l’équipe du raid. L’équipe de Puseri vivait en paix, car cette information n’avait pas été divulguée, mais tout pouvait changer d’une minute à l’autre.

Je m’étais alors souvenu de notre objectif initial. Si nous voulions invité l’équipe Diamant au manoir, c’était pour qu’elle nous aide à le gérer. C’était complètement égoïste, mais les choses étaient différentes maintenant que nous connaissions sa situation.

« Puseri, que diriez-vous de toutes vivre ici ? » avais-je demandé.

Ma voix était sortie plus douce que prévu, surprenant non seulement Puseri, mais aussi moi-même. Enhardi par la main de Marie qui tenait la mienne, j’avais continué.

« À vrai dire, nous avons besoin de plus de monde. Nous promettons une vie paisible ici, et ce sera un lieu de répit pendant les raids du labyrinthe. Je ne sais pas comment la guerre va se dérouler, mais ne penses-tu pas que les gens seront heureux lorsque nous aurons réussi à nous débarrasser du labyrinthe ? »

Puseri avait sursauté. Je lui avais offert quelque chose qu’elle avait tellement désiré que cela avait fait pleurer une femme aussi fière qu’elle. On aurait dit qu’elle avait du mal à y croire.

Ses lèvres s’agitaient sans mot dire, mais il y avait une lumière dans ses yeux couleur de crépuscule. Elle s’était accrochée à nous, accablée et incapable de trouver les mots. Pourtant, son corps semblait beaucoup plus délicat que je ne l’avais imaginé lorsqu’elle pleurait.

Ses larmes chaudes avaient taché mes épaules. C’étaient des larmes de bonté, dues au fait qu’elle avait agonisé toute seule face à son dilemme. Elle s’était accrochée à nous, et nous avions pu voir qu’elle se souciait beaucoup de ses amies, maintenant que le contrôle mental du candidat héros n’avait plus d’emprise sur elle.

Puseri avait continué à pleurer jusqu’à ce que le soleil se couche complètement.

§

Le lendemain matin, je passais le balai devant l’entrée. C’est-à-dire que je m’étais endormi, j’étais allé au travail, j’étais parti à l’heure, j’avais pris un bon repas, j’avais lu un livre et je m’étais endormi avant d’arriver ici.

Je trouvais un peu étrange de travailler à nouveau dans ce monde, même si je ne faisais jamais d’heures supplémentaires. Je me demandais combien d’heures je travaillais par jour lorsque j’avais entendu des pas bruyants venant de derrière moi.

Une femme à la peau sombre s’était arrêtée en dérapant, éparpillant dans les airs les feuilles que je venais de balayer. Je levai la tête, me demandant pourquoi elle me harcelait, et je vis une elfe noire en tenue de servante qui se tenait debout dans une position de défi.

« Oh ? Pourquoi es-tu habillée comme ça, Eve ? » avais-je demandé.

« Héhé, j’ai été embauchée. Puseri a passé un accord avec Wridra, et je vais pouvoir vivre ici à partir de maintenant. Ahh… Peu importe combien j’ai travaillé, avant, tout ce que j’ai eu, c’est du pain sec, mais tout va changer maintenant », dit Eve d’un air rêveur.

J’avais fait semblant d’être surpris, puis j’avais jeté un coup d’œil vers le hall pour voir les membres de l’équipe Diamant habillées de la même façon. Nous avions passé beaucoup de temps à élaborer un plan, mais cela s’était déroulé d’une manière tout à fait inattendue. Je suppose qu’on ne peut jamais vraiment prévoir comment les gens se connectent.

Eve avait l’air de mourir d’envie de montrer à quel point elle était compétente. Elle m’avait bloqué la tête pour une raison inconnue, et ses lèvres brillantes m’avaient parlé de près.

« Je n’en ai peut-être pas l’air, mais j’ai réussi à gérer ce gigantesque manoir de roses noires toute seule. Tu te souviens quand j’étais au Japon, la dernière fois ? J’ai entendu dire que tout le monde n’avait aucune idée de comment s’occuper du jardin pendant mon absence. C’est drôle, non ? »

« C’est vrai ? C’est impressionnant », avais-je dit. « Je pense que le travail ici en vaut la peine. Même si tu es fatiguée à la fin de la journée, un bain chaud et un massage t’attendent. »

Eve avait hoché la tête à plusieurs reprises. Puis quelqu’un l’avait appelée et elle était partie en un clin d’œil.

Elle était tellement pleine d’énergie qu’elle me faisait tourner la tête, mais sa vitalité allait être un atout puisque ce hall faisait plusieurs kilomètres d’un bout à l’autre. Eve s’était retournée et avait dit : « Ça va être très amusant de vivre avec toi ! » Sa gaieté me fit sourire, et je me demandai si toute cette énergie provenait de la viande de sanglier qu’elle avait mangée hier soir.

Je m’étais souvenu des paroles de Puseri hier soir. En tant qu’elfe noir, les préjugés avaient dû affecter Eve plus que n’importe lequel d’entre nous. Mais le fait de la voir s’amuser avec ses amies et ne pas montrer de signes d’un tel combat me donnait un peu d’espoir. Peut-être que les femmes sont bien plus coriaces que les hommes, pensai-je.

J’avais l’impression qu’à ce rythme, nous n’allions pas tarder à franchir le troisième étage du labyrinthe.

La préouverture du hall du deuxième étage s’était achevée avec de bons résultats pour les invités et pour nous.

J’avais appris plus tard que les femmes avaient été émues par la propreté des toilettes. Qui aurait pu deviner qu’elles l’évalueraient davantage que les sources thermales, le lac, le jardin ou les bâtiments soigneusement conçus qui mêlent les styles japonais et occidental ?

C’est ainsi que j’avais découvert que les habitants du monde imaginaire avaient des valeurs un peu particulières.

 

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