Chapitre 1 : Dîner de gala
Partie 2
La poigne d’Eve, qui était si serrée qu’elle aurait pu écraser des crânes dans sa main, avait relâché son anneau lorsqu’elle avait remarqué l’aspect inhabituel du visage de Puseri. On suppose que Zarish avait déjà remboursé sa dette lorsqu’il avait acquis le manoir et Puseri avec lui. Alors pourquoi avait-elle l’air si sombre ?
Eve avait alors réalisé quelque chose.
Bien que son clan entier ait été assassiné, même sa volonté de se venger lui avait été enlevée par la domination de l’anneau. Maintenant qu’elle était libre, il devait être absolument humiliant d’obtenir l’aumône de celui qui était responsable de ce qu’elle avait vécu.
C’est pourquoi Puseri était comme une tempête enragée depuis quelques jours, mais elle s’était progressivement mise à réfléchir à ce qu’elle allait faire à partir de maintenant. Aux yeux d’Eve, il semblait que la jeune femme devait faire face aux restes détestables de sa dette afin de dépasser son éducation protégée.
L’elfe noire hocha la tête, puis elle se précipita vers Puseri.
« Puseri, je sais que c’est assez soudain, mais pourquoi ne pas être le chef et diriger tout le monde ? Tu es responsable, gentille et forte, donc tout le monde comptera probablement sur toi. En fait, j’en suis sûre. » Eve sourit et prit les mains de Puseri dans les siennes, et les yeux de Puseri s’élargirent de surprise en la trouvant si proche. Ses joues devinrent progressivement rouges, et elle serra les mains d’Eve avec hésitation.
« Merci. J’étais en fait en train de débattre de la question de savoir si je devais ou non évoquer cette idée. L’équipe Diamant est sur le point de s’effondrer sans chef, et je suis bien consciente des préoccupations de chacun. »
« Oui, tout le monde avait l’air très inquiet. On n’a pas encore décidé de ce qui va arriver à l’équipe, donc je pense que c’est une bonne idée. Si tu ressens la même chose, je pense que tu devrais te porter volontaire. Alors nous pourrons toutes vivre ensemble heureuses ! » Puseri était tellement négative il y a quelques minutes, mais elle pouvait maintenant sentir le bonheur se répandre dans son cœur. C’était surprenant de voir à quel point quelques mots pouvaient changer les choses. Le sourire amical d’Eve n’avait pas faibli, peu importe le nombre de fois où Puseri avait cligné des yeux.
Elle s’était alors éclairci la gorge, puis elle avait serré les bras d’Eve qui avait été bien entraînée par le sabre. Puis, les joues encore rouges, elle avait écarté les lèvres pour parler.
« Que je puisse ou non devenir le chef de l’équipe Diamant dépend de vous toutes. J’aurai la volonté d’en parler au cours du dîner de ce soir. »
« Oui, tu devrais le faire. Le clan de la Rose Noire a aussi l’habitude de diriger Arilai. Je suis sûre que tout le monde sera ravi, et ça me rendrait vraiment heureuse. » Puseri ne pouvait pas s’empêcher de se racler la gorge à nouveau. Elle était surprise de voir un sourire si amical de si près qu’elle sentait ses joues rougir à nouveau. Elle éloigna doucement Eve d’un pas en lui disant qu’elle se tenait trop près, puis elle toussa légèrement.
« Nous devrons donc faire des préparatifs, » déclara-t-elle.
« Hm ? Pour quoi faire ? » demanda Eve.
« Pourquoi ? Cela devrait être évident. Achetons des meubles Briman pour célébrer la réforme de l’équipe Diamant. J’ai toujours trouvé le mobilier de cet endroit trop masculin à mon goût, et il ne correspond pas à l’image de l’équipe Diamant. »
Eve n’avait aucune idée de ce que Puseri voulait dire et avait penché sa tête dans la confusion. Cependant, Puseri supposa qu’Eve l’avait comprise, et elle ria à sa façon. Il était clair, à la vue de son visage, qu’elle croyait dire quelque chose de tout à fait raisonnable, ce qui rendait l’elfe noire nerveuse.
« Quoi ? Pourquoi essaies-tu de dépenser de l’argent maintenant ? Tu vas déjà te mettre sur la voie de la faillite ! » Puseri ferma son éventail pliant… et la seule chose à laquelle Eve pouvait penser était l’achat de cet élégant et brillant éventail noir. Pour une raison inconnue, l’elfe noire sentit la sueur se répandre sur son front.
« Hmhm, s’il te plaît, ne me confond pas avec tout nouveau riche typique. En tant que membre du clan de la Rose Noire, je n’accepterai rien de moins qu’une qualité haut de gamme. »
« Qu’est-ce… !? »
Puseri lança un regard de grande confiance, et Eve sentit ses genoux s’affaiblir. Puis, cela l’avait frappée. Eve avait réalisé que Puseri avait peut-être l’air capable, mais qu’elle était une de ces filles riches et inutiles. Elle cria intérieurement et se tint la tête alors que la sueur continuait à couler à flots.
Ce n’est pas bon… C’est une aristocrate tête en l’air jusqu’au bout des ongles… !
Elle utilisait l’argent comme de l’eau, bien qu’elle n’en ait pas. De telles folies auraient pu être possibles si elle avait hypothéqué le manoir, mais cela aurait quand même signifié qu’elle se serait dirigée tout droit vers le bord de la falaise. Pour éviter de s’écraser au sol, Eve s’était agrippée aux épaules de Zarish, qui se tenait à proximité.
« Alors, combien de tes fonds te reste-t-il, Zarie ? » demanda Eve.
« Ne vous inquiétez pas, Eve. Il serait impossible d’épuiser toutes mes économies. J’ai investi tout ce temps en pensant à l’avenir. »
Dans… l’avenir ? Eve n’était pas familière avec de tels concepts de la culture humaine, alors le terme était entré dans une oreille et sorti tout droit de l’autre. Malgré tout, elle comprenait que la situation était désastreuse et pouvait instinctivement dire que cela allait grandement affecter leur avenir, alors elle s’était renseignée davantage, la voix tremblante. Elle n’aurait vraiment pas du tout dû demander.
« P-Par exemple, dans quoi investis-tu ? »
« Cela pourrait vous surprendre. Tout d’abord, il y a les exploitations de pétrole et les mines prometteurs du pays voisin, Gedovar… » Les sourcils d’Eve s’étaient plissés, alors que Zarish l’avait expliqué avec une expression confiante.
Gedovar était un lieu de rassemblement de demi-démons, qui faisaient souvent la guerre aux nations voisines. Cela lui avait rappelé qu’il avait jadis prévu de faire défection à Gedovar. Mais maintenant que ces plans avaient été abandonnés, qu’allait-il advenir de ses investissements ? La réponse était évidente…
C’était vraiment surprenant ! Eve avait encore poussé un cri intérieur.
Ses yeux allaient dans tous les sens alors qu’elle essayait désespérément de trouver une solution malgré son manque de connaissances en matière de finances et d’investissements, et elle avait fini par se cogner les mains contre la table. Les deux autres individus avaient été vraiment surpris.
« NON ! DETTES ! Absolument pas ! Nous allons faire un travail honnête, puis acheter des choses avec ce qui reste après avoir payé les frais de subsistance ! C’est comme ça qu’on est censé le faire ! » Eve claqua à nouveau la table en prononçant ses mots, mais Puseri… n’avait pas l’air impressionnée. Elle avait regardé Eve avec une expression confiante, puis avait ri comme pour réprimander quelqu’un qui ne savait pas gérer son argent.
« Hmhm, que nous payions maintenant ou plus tard ne fait aucune différence. Alors, pourquoi ne pas acquérir ce que je veux quand je le veux ? C’est une question de bon sens. » La jeune femme était si horriblement déconnectée de la réalité qu’Eve pouvait presque sentir sa vision se déformer. Elle était désespérée.
C’est ce qu’aurait déclaré quelqu’un qui avait plongé la tête la première dans l’autodestruction, et qui aurait fini par dire. « Ce n’était pas censé être comme ça. » Le choc était trop fort, même pour Eve. Elle se glissa sur le sol et s’assit avec les jambes repliées sous elle.
« Alors, Eve, maintenant que nous sommes d’accord, j’aimerais que tu m’apportes ton soutien au dîner de ce soir. S’il te plaît, fais savoir à tout le monde que je suis celle qui est digne d’être la chef du Clan de la Rose Noire, et que je nous mènerai tous au bonheur. »
Eve avait été complètement abasourdie par la confiance absolue de Puseri. Non seulement elle ne parviendrait pas à rendre tout le monde heureux, mais elle leur apporterait à tous la misère. Elle ne pouvait donc que répliquer d’une voix tremblante.
« Écoute, il y a toutes sortes de dépenses que nous devons payer pour l’entretien du manoir, et tu es sûre le point d’être complètement ruiné si Zarie et moi quittons cet endroit. Alors, s’il te plaît, si tu veux être le chef ici, ne gaspille pas d’argent pour des meubles de luxe. »
« Tu vas laisser toutes tes économies ici, n’est-ce pas, Zarish ? »
« Oui, bien sûr. »
« Bien sûr que non ! » Eve avait frappé son bien-aimé Zarish avec un coup de tête furieux alors qu’elle se levait. Habitué à la violence, Zarish avait fait un étrange « Hvuah ! » alors que le coup l’avait touché.
§§§
Ce soir-là, alors qu’Eve n’avait malheureusement pas réussi à mettre fin à l’habitude de Puseri de dépenser à l’excès… les femmes avaient commencé à se réunir une par une à la table du dîner aux chandelles.
Chacune d’entre elles était d’une belle apparence, allant de la jeune fille à la femme mûre. Ce n’était pas une surprise, étant donné que le talent exceptionnel et la beauté qui rivalisent avec l’éclat d’un diamant étaient en premier lieu les conditions pour rejoindre l’équipe.
En tout cas, les femmes étaient assez fortes. Malgré leur terrible passé, les dames étaient pleines de joie, attirées par l’odeur appétissante. Maintenant que leurs jours d’esclavage étaient derrière elles, il était réconfortant de les voir se tenir la main dans la joie.
Elles s’étaient rassemblées devant la propriétaire du manoir, chacune tournant sur place pour montrer leurs robes assorties. En voyant cela, Puseri ne pouvait s’empêcher d’afficher un large sourire.
« Comme c’est charmant. Ces robes vous vont parfaitement. Maintenant, tout le monde, s’il vous plaît, prenez le siège de votre choix. Il est temps de commencer le dîner. » Il n’y avait pas de sièges désignés, et les femmes n’étaient pas obligées de toujours être à la même place et elles pouvaient porter ce qu’elle voulait, pas nécessairement une robe. La devise ici était de s’amuser et d’être insouciante tout en respectant les manières qui étaient en train de devenir celles d’une dame. La bienséance exigeait qu’elles suivent un code vestimentaire en tant que résidentes d’une famille noble, mais c’était une façon de se distancier des longues journées restrictives qu’elles avaient passées en tant qu’esclaves.
Les huit femmes étaient illuminées par d’innombrables bougies. Chacune d’entre elles semblait apprécier son repas, et de plus en plus de plats étaient apportés pour les satisfaire.
Elles avaient attendu longtemps ce dîner. Cependant, elles avaient chacune une expression assez complexe présente sur leur visage. En effet, Zarish souriait en laissant les plats sur la table. Bien qu’il porte une tenue de domestique, beaucoup de femmes le craignaient encore comme leur ancien oppresseur.
« Hé, Zarish. Efface ce sourire stupide de ton visage. On dirait que tu essaies de nous faire des avances. C’est dégoûtant. »
« Je suis tout à fait d’accord. Ça me rend malade rien que de le regarder. »
Il semblerait qu’elles ne le craignaient pas, elles étaient simplement révoltées. Cependant, il était bien plus blessant pour un homme de se faire dire qu’il était dégoûtant plutôt que d’être craint. Les épaules de Zarish s’affaissèrent, mais il continua à distribuer les plats.
Il n’est pas étonnant que les femmes aient été plutôt déconcertées. Elles ne s’étaient jamais réunies autour de la table comme cela et c’est elles qui apportaient à la place les plats pour Zarish. Il était difficile de croire que celui qui avait apporté ce changement était un garçon aussi jeune.
L’ancien système de gouvernance était arrivé à son terme.
Mais cela ne signifiait pas que tous leurs problèmes avaient été résolus.
Zarish était simplement sous contrôle grâce à l’anneau d’Eve, et il était comme une bombe à retardement. Elles ne savaient pas s’il allait revenir à son état antérieur, ni quand, et elles avaient l’impression d’avoir enfermé temporairement un démon.
Il y avait une autre chose surprenante sur la table.
merci pour le chapitre
L’argent ne fait pas le bonheur, mais ça aide 🤣