Bienvenue au Japon, Mademoiselle l’Elfe – Tome 6 – Arc Été – Chapitre 5

Bannière de Bienvenue au Japon, Mademoiselle l’Elfe ***

Chapitre 5 : Bienvenue au Japon, Mademoiselle la Maître d’Étage

***

Chapitre 5 : Bienvenue au Japon, Mademoiselle la Maître d’Étage

Partie 1

Je m’étais étiré en continuant à marcher. C’était un étirement plutôt langoureux, car mon corps se semblait vraiment lourd.

« Hm… Je pense que je vais après tout prendre un jour de congé. Mais j’ai l’impression que les gens n’aimeront pas que je prenne un congé maladie le lundi. Ils vont probablement penser que j’ai fait la grasse matinée après avoir trop fait la fête le week-end. »

Je m’inquiétais toujours de ce genre de choses, car j’étais tellement habitué à travailler dans une entreprise. C’est pourquoi j’évitais d’appeler juste après mes jours de congé et je n’utilisais presque jamais mes congés payés. Cela me permettait d’éviter les regards désobligeants de mes supérieurs, mais je ne pouvais m’empêcher de m’inquiéter de ces petites choses en tant que membre actif de la société.

J’avais l’impression d’avoir changé récemment. Mes collègues m’avaient dit que j’étais plus gai et plus facile à aborder ces derniers temps. J’avais toujours travaillé par nécessité et dans le seul but de gagner ma vie, et je n’étais pas vraiment du genre à faire la causette. Mais à travers mes interactions avec Marie, Wridra, et les Ichijos, il semblait que je changeais petit à petit. Cependant, ce n’était pas une mauvaise chose.

Je n’avais pas beaucoup de fièvre, et j’avais encore les documents que j’avais préparés pendant que Marie prenait son bain l’autre soir. Je pouvais m’en sortir avec suffisamment d’efforts, alors j’avais décidé de me préparer et de me rendre au travail. Si je ne me sentais toujours pas bien plus tard, je pourrais prendre une demi-journée de congé. Arrivé à cette conclusion, j’avais commencé à me laver le visage.

C’est peut-être parce que je m’étais lavé à l’eau tiède, mais je ne m’étais pas senti trop rafraîchi.

C’est étrange, car je n’avais pas l’air si malade. J’avais regardé mon visage dans le miroir, et cet habituel visage endormi m’avait regardé en retour. Juste derrière moi se tenait Shirley, qui me regardait avec une expression hébétée. Elle était semi-transparente comme d’habitude, mais avait une expression fiévreuse sur le visage. Nos regards s’étaient croisés dans le reflet, mais ses yeux avaient du mal à se concentrer.

En y réfléchissant, j’étais un adulte de vingt-cinq ans ici au Japon. De son point de vue, je devais avoir l’air d’avoir soudainement vieilli de dix ans. Je parlais de manière calme et mature dans l’autre monde aussi, et c’était la première fois qu’elle me voyait… comme…

« Hmmm !? »

Attends un peu.

Attends une minute. Je dois d’abord me calmer.

La brosse à dents et le lavabo étaient devant moi, ce qui signifie que j’étais dans mon appartement au Japon. Cette partie était sûre. Mais il semblait également vrai que la femme fantôme était dans ma maison avec moi.

« Hein ? Qu… ? Qu’est-ce qui se passe ? »

Voyant ma confusion, la femme inclina sa tête dans le miroir. Elle tenait mes épaules avec ses doigts, sa bouche cachée derrière moi alors qu’elle me fixait. Mais ce n’est pas possible… C’était impossible. J’avais senti ma vision se brouiller.

Oui, c’était bien un fantôme. Et elle était là, dans ma chambre.

Je m’étais demandé ce que penseraient les gens qui ne croient pas aux fantômes. J’avais l’impression que le Père Noël était arrivé et avait dit « Bonjour ».

Calme-toi. Respire, Kazuhiho. Essaie de comprendre pourquoi Shirley est ici.

J’avais tenu ma tête dans mes mains, puis je m’étais soudainement souvenu de quelque chose. Alors que je m’endormais dans le monde des rêves, j’avais perdu connaissance avec ma tête sur ses genoux.

« M’as-tu suivie ici quand je me suis endormi ? »

Shirley hocha la tête avec hésitation. Je m’étais lentement retourné pour découvrir ses yeux bleu ciel qui m’attendaient, et elle cligna des yeux comme une sorte de petit animal. Peut-être avait-elle l’impression d’avoir fait quelque chose de mal, car l’extrémité de ses sourcils s’était affaissée de plus en plus pour former une expression triste.

« Oh, hum, c’est ma faute pour ne pas t’avoir prévenue. C’était juste tellement réconfortant d’être près de toi, c’est tout. »

Je ne disais pas ça juste pour qu’elle se sente mieux. Ma capacité à voyager entre le Japon et le monde des rêves était censée être un secret, mais j’avais complètement baissé ma garde devant Shirley. Nous avions passé du temps ensemble en tant qu’amis, alors je ne m’attendais pas à ce qu’elle aille parler de ma capacité à tout le monde, mais j’étais encore bien trop négligent.

Shirley poussa un soupir de soulagement, et je pris une décision. Je prendrais un jour de congé après tout.

Mon corps s’était senti si lourd tout à l’heure parce que j’étais hanté par Shirley, pas parce que j’avais pris froid. J’avais souhaité avoir tort, mais c’était probablement le cas. Si je me présentais au travail dans cet état, cela ne ferait que semer le chaos. Dans ce cas, je n’avais pas le choix. J’avais décidé d’utiliser une partie du congé que j’avais accumulé au fil du temps. Je devais d’abord expliquer les choses à Marie et à Wridra, mais… à en juger par la façon dont Wridra se comportait plus tôt, elle devait déjà être au courant.

J’avais essuyé mon visage avec une serviette et je m’étais dirigé vers le salon.

« Oui, je suis vraiment désolé. Je ne me sens pas bien aujourd’hui… Oui, oui… » Je m’étais incliné profondément, puis j’avais raccroché le téléphone. Heureusement, je n’avais pas d’affaires urgentes à régler, et le directeur en chef avait approuvé mon congé sans problème. J’avais l’air assez déprimé au téléphone, donc il m’avait probablement cru. Il avait dit que c’était bon tant que je rendais les documents demain, ce qui était un soulagement.

Je m’étais retourné, et Marie débordait d’excitation, tandis que Wridra était toujours allongée dans le lit. Ensuite, j’avais regardé dans la pièce, mais Shirley flottait toujours sur mon dos.

Marie avait semblé réaliser ce qui se passait, et elle avait timidement ouvert la bouche pour parler.

« Alors, est-ce que tu peux prendre un jour de congé ? »

« Ce n’est pas génial, mais je n’ai pas vraiment le choix pour aujourd’hui. Je ne peux pas provoquer un phénomène paranormal sur le lieu de travail. Eh bien, nous avons un jour de congé. Alors, tout le monde, fêtons ça avec un repas. »

Sur ce, je leur avais fait signe de passer à table. J’avais encore des restes de tempura de légumes d’hier soir, alors j’avais ajouté un bol d’arôme de style tempura et j’avais placé les ingrédients dans des assiettes. J’avais ensuite ajouté quelques onsen-tamago, ou œufs à la coque dont les blancs étaient à moitié cuits, ainsi que des algues séchées et de la soupe miso.

Marie poussa un cri de joie, se leva, puis elle s’approcha à pas légers et me serra contre elle. Son corps était chaud contre moi, et ses yeux violets regardaient Shirley dans mon dos.

« Bienvenue dans notre chambre, Shirley. Aujourd’hui sera une belle journée grâce à toi. »

Shirley leva les yeux au plafond, l’air perplexe, puis sourit doucement. Elle ne comprenait peut-être pas ce que les mots voulaient dire, mais elle semblait apprécier l’air excité de Marie. J’étais aussi content que Marie semble être heureuse de mon jour de congé.

J’avais sorti quelques chaises, et tout le monde s’était assis. Wridra m’avait regardé fixement en s’asseyant elle aussi.

« Tu dois savoir que tu es considéré comme hanté dans cet état actuel. Cela ne te fera pas beaucoup de mal, mais ta vitalité sera épuisée plus rapidement que d’habitude, alors assure-toi de te nourrir souvent. »

« Hein, je ne savais pas ça. Mais je n’ai jamais été hanté avant, alors je ne comprends pas vraiment. » Cependant, il y avait certaines choses dont j’avais pris conscience par expérience. Je me fatiguais plus facilement comme Wridra l’avait dit, mon corps était plus lourd, et aussi…

On s’était dit bonjour avant le repas, puis j’avais mangé mon tempura de légumes parfumé à la sauce sucrée. Puis, j’avais remarqué que le goût était étonnamment fade.

« Hein, il n’y a pas beaucoup de saveur. Est-ce que je me suis trompé ? »

« Vraiment ? Je pense que c’est parfait. C’est très savoureux, » répondit Marie. Elle continua à mâcher, les joues pleines de nourriture, apparemment satisfaite de son repas. Le mélange de mirin, de sauce soja et de sucre rehaussait le goût de la panure, et les autres mangeaient leur repas avec appétit.

« Mmf, le riz blanc est incroyable ! » dit Wridra en mangeant sa nourriture.

Hein, elles semblaient bien avec ça. Peut-être que quelque chose n’allait pas avec mes papilles gustatives ? J’avais pris une autre bouchée, puis j’avais réalisé quelque chose. Le rythme régulier ressemblait aux battements de cœur d’un petit oiseau, et un sentiment d’allégresse s’était répandu dans ma poitrine.

« Hm ? Ne me dis pas… »

« En effet, tu partages également ton sens du goût. Si Shirley goûte quelque chose, ton sens du goût sera d’autant plus émoussé. Mais manger la nourrira, et ton corps se sentira moins fatigué. » Wridra me désignait avec ses baguettes, faisant fi des bonnes manières à table.

C’est logique. Ce n’était pas étonnant que je ne puisse pas goûter grand-chose. Au lieu de cela, je pouvais sentir Shirley penser, « C’est délicieux. » J’avais jeté un coup d’œil en arrière, et elle avait sa bouche cachée derrière mon épaule, ses yeux me regardant. Elle avait l’air de s’excuser, ce qui m’avait fait me demander si elle n’appréhendait pas de me déranger.

« Non, non, maintenant que tu es ici au Japon, je veux que tu en profites à ma place. Très bien, continuons à manger, d’accord ? » Son expression s’était éclaircie. Bien qu’elle ne puisse pas parler ma langue, elle était très expressive avec ses émotions, il était donc facile de savoir ce qu’elle pensait.

Je pouvais sentir un sentiment d’appréciation et de joie jaillir en moi chaque fois que je prenais une nouvelle bouchée, et je prenais soin de bien mâcher et de savourer chaque grain de riz. Elle semblait aimer la texture collante et la douceur de mon repas.

Lorsque j’avais pris une bouchée d’un morceau de tempura jaune, ses joues avaient rougi d’extase et l’extrémité de ses sourcils s’était affaissée en forme de V inversé. La texture à la fois croustillante et moelleuse, la douceur subtile propre aux légumes et l’arôme traditionnel japonais semblaient lui plaire.

« Oh, on appelle ça des citrouilles. C’est l’un des légumes cultivés au Japon, et Marie et moi avons parlé d’en cultiver ensemble. »

« Oui, c’est vrai. Ces citrouilles ne sont-elles pas douces et savoureuses ? Nous espérions pouvoir en planter dans ta forêt, Shirley. Pourrais-tu nous laisser faire une ferme au deuxième étage ? »

Si ça marchait, elle pourrait manger toutes les citrouilles et tous autres légumes qu’elle voulait. Peut-être Shirley s’imaginait-elle une récolte abondante dans sa tête, car une expression rêveuse était clairement visible sur son visage. Elle avait ensuite serré ses mains en poings et hoché la tête avec enthousiasme. Étrangement, la façon dont elle s’excitait comme une enfant et dont ses joues devenaient roses lorsqu’il s’agit de bonne nourriture semblait être une caractéristique universelle chez les filles.

Maintenant que nous avions obtenu l’approbation officielle du maître de la forêt, le visage de Marie s’était illuminé de joie. Je l’avais regardée lever les deux mains en signe de joie et laisser échapper un « Super ! » dans un geste adorable. Elle balança ses pieds d’un air joyeux, puis tendit ses paumes vers moi. J’avais levé mes mains pour rencontrer les siennes, et nos mains s’étaient frappées ensemble dans un double high-five.

Notre repas terminé, il était temps pour nous d’expérimenter et de satisfaire notre curiosité.

Marie tourna autour de moi dans ses pantoufles, me regardant attentivement. Cela semblait plutôt stupide de sa part alors qu’elle m’observait sous différents angles, mais elle ne faisait pas que s’amuser.

« Wôw, je ne peux pas du tout voir Shirley ! »

« Hein, donc elle ne peut pas être vue quand elle fusionne complètement avec mon corps, » avais-je dit.

« On dirait bien. Ça doit être comme ça qu’elle est arrivée au Japon depuis le monde des rêves. Merci, Shirley. Tu peux sortir maintenant. » Shirley était sortie de mon corps et elle était réapparue dans le salon, et Marie l’avait regardée avec curiosité. Bien qu’elle ne pouvait pas vraiment la toucher, étant un fantôme et tout ça.

***

Partie 2

De toute façon, nous avions maintenant la possibilité de sortir, maintenant que nous savions comment cacher Shirley. Et donc, nous avions décidé de déterminer notre destination. Il y avait de nombreuses formes de divertissement au Japon, mais le premier candidat était le jardin japonais qui semblait tant intéresser Shirley.

« Maintenant que j’y pense, vous aviez prévu d’aller au jardin, n’est-ce pas ? Nous pourrions aussi visiter des jardins de style occidental. Vous préférez ça, ou un jardin japonais ? » avais-je demandé.

« J’ai déjà vu ce genre de jardins à la télévision. J’ai entendu dire que le printemps et l’automne étaient les meilleures saisons pour les visiter, donc je pense que nous avons raté notre fenêtre. »

Shirley jeta un coup d’œil d’un intervenant à l’autre pendant que nous conversions, l’excitation montant lentement en elle. Elle qui était si étroitement associée aux éléments de la nature comme les arbres et les fleurs, un jardin pouvait lui ouvrir un tout nouveau monde. C’était la première fois qu’elle visitait le Japon. Je devais m’assurer qu’elle en profiterait au maximum.

« Alors, pourquoi ne pas prendre le juste milieu et visiter un manoir qui est un mélange de styles japonais et occidentaux ? »

« Une excellente idée ! Les Japonais aiment bien mélanger les cultures, semble-t-il, » avait fait remarquer Wridra, et je ne pouvais pas le nier. Les Japonais aimaient vraiment suivre les tendances. Il était courant de mélanger des éléments des cultures japonaise et occidentale, et je trouvais intéressant de voir comment cela aboutissait à une nouvelle sorte de culture en soi. Cela s’appliquait à la nourriture, et modifier la mode occidentale pour la rendre populaire à l’étranger était un phénomène quasi quotidien.

J’avais bu un peu de thé japonais, et j’avais apprécié sa saveur subtile, mais savoureuse. Wridra avait raison, mon corps se sentait beaucoup plus léger après avoir pris un repas. On pourrait dire que j’avais pris un congé de maladie sans être réellement malade, mais j’avais décidé de ne pas trop y penser.

« Bon, on se change et on se prépare à partir. Puisque Shirley est là pour nous rendre visite, prenons la voiture pour ne pas avoir à nous presser. »

« Oui, bonne idée. On pourra acheter du jus de fruits à l’épicerie et écouter de la musique en chemin. Hee hee, ce n’est même pas le week-end, mais ça va être tellement amusant ! » Marie avait exactement exprimé mes sentiments. Si je pouvais passer beaucoup de temps à jouer avec les filles comme ça, peut-être que ce n’était pas si mal de faire semblant d’être malade… Non, non, je m’étais vraiment senti malade tout à l’heure, alors je ne voulais pas considérer que je faisais semblant.

Nous avions commencé à nous préparer afin de profiter au maximum de notre journée de congé. Mais je m’étais demandé une chose : comment allais-je faire pour aller aux toilettes tout en étant hanté par un fantôme ?

J’avais tourné le volant et j’étais sorti lentement du parking.

Puis, étrangement, j’avais senti une sensation de peur se répandre en moi. Bien sûr, j’étais habitué à conduire, donc il n’y avait rien d’effrayant à conduire une voiture. Cela signifiait que l’émotion n’était pas la mienne, mais provenait plutôt de celle qui partageait mon corps. J’étais hanté par une jolie fantôme aujourd’hui, après tout.

« Il n’y a pas de raison d’avoir peur, Shirley. Ça s’appelle une voiture, et c’est comme un cheval dans l’autre monde. »

« Oui. Kazuhiro-san a des manières douces, alors il conduit lentement. Sa conduite est si sûre qu’elle te fera bâiller. Maintenant, quelle chanson dois-je mettre… ? » C’est étrange, je me souvenais que Marie s’était accrochée à mon bras et avait crié au début. Il semblerait que cette expérience ait été effacée de sa mémoire, et elle s’était concentrée sur le choix du CD à jouer.

Une fois qu’elle avait finalement fait son choix, un disque avait été introduit dans le lecteur de CD. L’horloge indiquait neuf heures, et un ciel bleu et clair ainsi qu’un soleil éclatant pouvaient être vus par la fenêtre. La musique qui sortait des haut-parleurs était celle d’un film que j’avais déjà regardé avec les filles. La batterie rythmique et le piano mélodique me donnaient envie de taper du pied en même temps que la chanson. Pourtant, j’étais resté concentré sur une conduite sécuritaire.

« Oh, c’est la chanson de ce film d’animation que nous avons regardé avant, n’est-ce pas ? Vous l’aimez ? »

« Bien sûr. Je suis une grande fan de ce réalisateur. Je peux aussi utiliser la magie, mais je me demande pourquoi je ne peux pas voler… » Sur ce, Marie avait gonflé ses joues et s’était adossée au siège du passager. J’avais pensé qu’elle plaisantait, mais la façon dont elle avait posé son menton dans sa main et regardé par la fenêtre m’avait dit qu’elle était sérieuse. Marie pouvait non seulement utiliser la sorcellerie, mais aussi contrôler les esprits, alors je trouvais étrange qu’elle veuille tant voler.

« Mais nous avons une pierre magique volante maintenant, » lui avais-je rappelé.

« Oui, c’était merveilleux de voler sur Roon. Mais j’aimerais voler avec ma propre magie. Je suis sûre que ce serait tellement amusant de s’élever dans le ciel. »

Wridra l’Arkdragon était assise sur le siège arrière et avait jeté un coup d’œil sur nous en réaction au commentaire de Marie. Cela faisait un moment qu’elle n’avait pas visité le Japon, et elle observait le paysage avec beaucoup d’intérêt depuis que l’été était officiellement arrivé.

« Hah, hah, si tu souhaites voler, je peux te l’apprendre. Il te suffit de créer une barrière multicouche pour ne pas être écrasé sous la pression, puis de voler dans le ciel comme un vent rapide. »

« Nooon, c’est trop réaliste. Je veux quelque chose de plus fantaisiste. » Je voulais souligner que Marie était déjà dans le domaine de la fantaisie par sa nature d’elfe.

La conversation était légère, comme la musique, et on pouvait entendre des rires dans la voiture pendant tout le trajet. Il semblerait que Shirley n’ait plus peur grâce à l’ambiance joyeuse.

« Eh bien, nous passons notre temps comme ça au Japon depuis un moment maintenant, mais je suis sûr que les choses seront aussi les mêmes dans l’autre monde. Tu vas t’amuser avec nous, Shirley, alors tu ferais mieux de te préparer, » avais-je dit. J’avais remarqué que ses cheveux semi-transparents flottaient dans l’air, puis j’avais jeté un coup d’œil dans le miroir arrière pour la trouver là. Elle se tenait toujours doucement sur mes épaules, mais son expression était plutôt joyeuse. Shirley hocha la tête, et j’avais compris qu’elle était impatiente.

Nous avions continué à nous frayer un chemin à travers la gare de Kinshicho, puis nous avions roulé tout droit dans les rues de la ville. Il y avait beaucoup de camions dehors en plein jour de semaine, et la digue de la rivière Edo était en vue alors que le groupe prenait les boissons et les glaces achetées à la supérette.

Marie m’avait fait signe d’ouvrir la bouche, et le soft-service qu’elle m’avait donné était… Non, je ne sentais toujours pas le goût. Shirley avait eu l’air d’apprécier le goût, alors ça m’avait convenu. Je pouvais sentir qu’elle était émue par le fait que c’était incroyablement délicieux, et j’avais l’impression qu’elle voulait sauter de joie, donc c’était plutôt amusant de mon côté.

Shirley avait l’habitude de surgir lorsque ses émotions étaient exacerbées, et elle se retrouvait avec les mains tremblantes et les lèvres pincées, comme si elle disait « Hmm ! » Les autres filles avaient ri joyeusement de son geste enfantin.

« Tu sais, Shirley, c’est fait avec du lait de vache. On le fait en ajoutant du sucre et en le mélangeant tout en le refroidissant. Son grand-père a ses propres vaches, » expliqua fièrement Marie. Elle commençait à devenir une sorte d’experte du Japon. Cependant, la crème glacée était un produit qui avait été importé de l’Ouest. Shirley m’avait regardé avec admiration, mais je n’avais rien fait. Peut-être que j’avais l’air impressionnant par association dans l’ordre suivant : « La crème glacée est incroyable, » « Le lait de vache est incroyable, » « Ton grand-père est génial parce qu’il possède des vaches » et « Tu es incroyable ». Cependant, mon grand-père était certainement bien au-dessus de moi dans ce sens.

« Il y a aussi des animaux dans la forêt de Shirley, n’est-ce pas ? On pourrait peut-être leur demander du lait ? » suggéra Marie.

« Hm, cette forêt n’a pas du tout été souillée. Cela peut fonctionner, mais le deuxième étage n’est pas encore complètement stabilisé. Nous devons éviter de tuer autant que possible. » Nous avions cligné des yeux au commentaire de Wridra.

Marie s’était retournée depuis le siège du passager, puis avait demandé à son amie et mentor : « Attends, qu’est-ce que tu veux dire par “souillé” ? »

« Il n’y a pas de mot qui signifie exactement la même chose dans votre langue, mais c’est proche de ce que vous pouvez appeler “panne élémentaire”. Pendant la grande guerre, le monde construit par la magie s’est effondré. Les éléments magiques du monde étaient devenus beaucoup trop denses. C’est pourquoi l’ancien monde construit a été brisé, et ses vestiges entourent toujours le monde actuel. Je suis certaine que vous vous souvenez avoir mangé de la viande et des légumes horriblement rances là-bas. »

Nous étions stupéfaits d’entendre la vérité du monde antique se dévoiler de façon si inattendue. C’était d’un grand intérêt pour moi, qui voulais profiter de tout ce que le monde avait à offrir, et pour Marie, qui voulait apprendre tout ce qu’il y avait à savoir à son sujet.

Marie et moi nous étions regardées en clignant des yeux, puis elle avait demandé à l’Arkdragon ce qu’elle avait en tête. « Wridra, peux-tu nous dire quelque chose ? Qu’est-il arrivé à ce monde… ? »

« Hm. Je peux, mais ses archives sont également laissées dans l’ancien labyrinthe. Il sera sûrement plus agréable pour vous de lire les textes de vos propres yeux. »

On ne pouvait pas dire le contraire. L’ancien labyrinthe endormi était encore entouré de mystère. Une fois que nous aurions conquis ces terres inconnues, ses anciens secrets nous seraient révélés. Nous serions les seuls à connaître l’histoire que personne d’autre dans ce monde ne connaissait.

Les ancêtres de Mewi le Neko vivaient autrefois dans cette oasis du désert. Comment l’ancien labyrinthe rempli de pierres magiques est-il apparu, si loin sous la surface ? Et pourquoi ses portes étaient-elles ouvertes maintenant ?

Lorsque j’avais vu pour la première fois le trou massif dans le sol qui semblait mener à l’abîme, j’étais sûr de sentir le souffle des anciens dans ses profondeurs. Je mourais d’envie de connaître l’histoire de ce qui s’était passé il y a si longtemps. L’âge de la magie, et l’âge de la nuit… Je voulais apprendre les événements qui avaient eu lieu dans l’histoire. J’avais jeté un coup d’œil à Marie, et la détermination émanait de son corps. Peut-être avais-je la même expression sur mon propre visage. Elle posa sa petite main sur moi, et sa peau était moite, peut-être à cause de l’humidité de l’été.

« Conquérons ensemble l’ancien labyrinthe, » avait-elle dit.

« Oui, allons-y. J’allais le faire même avant que Wridra nous parle de ça, mais maintenant, je meurs d’envie de découvrir ses secrets. »

Nous avions serré nos mains l’une contre l’autre, et j’avais trouvé que sa prise était étonnamment forte. Mais ce n’était pas étonnant, étant donné qu’elle était une femme qui avait appris tant de magie par des études indépendantes, et qui avait appris sous la tutelle de l’Arkdragon. Aucun partenaire n’aurait pu être plus fiable qu’elle, et je savais que traverser le labyrinthe avec elle était tout à fait possible tant que nous étions ensemble.

Pendant ce temps, Shirley nous regardait avec une expression étrangement désespérée. Elle était assez proche pour nous tendre la main, mais c’était comme si elle était dans un monde séparé et distant.

Ce n’est que plus tard qu’elle découvrira pourquoi.

***

Partie 3

J’avais fermé la porte de la voiture et j’avais commencé à marcher dans le parking avec les autres.

C’était encore tôt le matin, mais l’asphalte était chaud à force de cuire au soleil, et les rayons ultraviolets ressemblaient à des aiguilles contre ma peau. Marie marchait sur la route à pas légers, vêtue d’une robe blanche et du chapeau de paille qu’elle avait acheté parce que c’était « l’été ».

« Ah, quelle chaleur ! La chaleur du Japon est tellement humide, » dit-elle.

« En effet. Arilai est plus chaud, mais la chaleur sèche ne me dérange pas autant. Bien que, en tant que chat, ma température corporelle soit anormalement élevée. C’est beaucoup plus facile à gérer en comparaison. » Wridra était légèrement vêtue d’un simple débardeur, d’un pantalon chaud et de bottes qui lui montaient jusqu’aux genoux. La sueur scintillait sur sa peau sous la lumière du soleil.

L’air était lourd de chaleur et d’humidité, et le chant des cigales tout autour de nous donnait l’image même de l’été. Nous nous étions tous plaints de la chaleur alors que nous montions la pente douce. Nous étions sur un parking au bord du lit de la rivière Edo, et un chemin où l’on pouvait promener son chien ou se promener nous attendait devant nous.

Les arbres plantés tout au long du sentier nous procuraient de l’ombre en chemin, et alors que nous continuions à avancer, la rivière Edo, qui coulait sereinement, était apparue. En la voyant scintiller au soleil, Marie avait rétréci ses yeux violets en un sourire.

« Ah, une rivière ! Il y a aussi tellement de verdure par ici. » Il faisait toujours aussi chaud, mais on avait l’impression d’être un peu plus au frais avec l’eau devant nous. Peut-être que Shirley n’était pas habituée à voir une terre aussi bien entretenue, car je pouvais sentir son cœur battre plus fort.

« Je sais qu’il fait chaud, mais nous arriverons à destination si nous continuons à marcher un peu plus loin, » avais-je dit.

« Cette chaleur est appropriée pour l’été. Je l’aime bien. Vous, les enfants, devriez sortir plus souvent au soleil, plutôt que de rester enfermés dans votre chambre ou vos labyrinthes souterrains. »

Sur ce, Wridra étira ses membres, semblant apprécier la lumière du soleil. Pourtant, elle vivait elle-même sous terre, et ce n’était pas très convaincant quand on voit à quel point sa peau était pâle.

À ce moment-là, Marie était revenue de sa visite des lieux et m’avait serré la main comme elle le faisait habituellement. Nos doigts étaient légèrement en sueur lorsqu’ils s’enroulaient l’un autour de l’autre, et nous avions commencé à marcher côte à côte. Sa robe blanche brillait dans la lumière du soleil, et elle ne couvrait pas beaucoup sa peau pâle. Elle posa une main sur son chapeau de paille, et une expression de plaisir se lisait sur son visage lorsqu’elle leva les yeux vers moi.

« Alors, où allons-nous maintenant ? » demanda-t-elle.

« Eh bien, il y a plusieurs jardins japonais dans les environs, mais nous allons dans un endroit où nous pouvons ressentir le plus le romantisme de Taisho. C’est un bâtiment qui a été construit à une époque de ce pays appelée la période Taisho. » Avec cela, j’avais montré un panneau qui indiquait le chemin menant à « Yamamoto-tei ». C’était un bien culturel matériel enregistré de Katsushika Ward, et il était empli de l’atmosphère distinctive de la période Taisho. C’était aussi la première fois que je le visitais, et j’avais hâte de le découvrir avec Marie et Wridra.

Alors que nous marchions le long de la route, un mur de briques à l’ancienne était apparu. La courbe douce délimitait l’extérieur des locaux, soulignant la taille de la propriété du Yamamoto-tei. Le chant des cigales n’avait fait que rendre la chaleur plus perceptible au début, mais la vue du bâtiment avait rendu le son quelque peu nostalgique.

Nous avions continué à marcher en silence, puis le mot japonais « semishigure », qui faisait référence à un chœur de cigales chantant comme une averse, m’était venu à l’esprit. J’avais fermé les yeux et écouté le son des innombrables cigales. J’avais senti la chaleur de l’été s’évanouir dans mes pensées. Je l’avais mentionné à voix haute puisque nous avions encore du temps avant d’atteindre notre destination. Wridra avait fermé les yeux un instant, puis s’était tournée vers moi avec assurance, comme si elle avait tout compris.

« Hm, je vois. »

« Oh ? As-tu trouvé quelque chose, Wridra ? Je n’en suis pas encore là. » Elle avait à peu près la même taille que moi, et toute la longueur de ses longues jambes fines était visible dans son pantalon chaud. La draconienne avait la silhouette d’un top model, et mes yeux étaient naturellement attirés par elle, l’ayant vue pour la première fois depuis un moment. Ses cheveux lisses et brillants se balançaient lorsqu’elle tournait la tête et me souriait de manière séduisante.

« En effet, c’est un type d’autohypnose. Tu peux tromper tes propres sens en les remplaçant par une compétence. Hah, hah, ce n’est qu’un jeu d’enfant pour moi. »

Ouaip, elle était complètement à côté de la plaque. J’avais renoncé à expliquer et je lui avais simplement rendu son sourire. Le sens de l’élégance japonaise connu sous le nom de « wabi-sabi » était difficile à décrire avec des mots, j’avais donc choisi de leur faire vivre l’expérience en personne.

Nous avions tourné le coin, et Yamamoto-tei était enfin apparu. L’entrée était aussi grande qu’un entrepôt, et les pins qui dépassaient des murs et les divers éléments de conception avaient certainement une touche de beauté japonaise.

« Wôw, le toit en tuiles est très japonais ! C’est le manoir d’un aristocrate ou quoi ? »

« Quelque chose comme ça. Ces portes sont conçues comme celles des résidences traditionnelles des samouraïs. Elles ont été fabriquées pendant la période Taisho, à l’époque de la civilisation et des lumières, donc il y a aussi des éléments d’architecture occidentale mélangés. »

Le groupe fit collectivement un bruit comme si elles étaient impressionnées, regardant tout autour d’elles lorsque nous avions franchi la porte. La lumière du soleil s’était adoucie lorsque nous entrions dans l’ombre, et je laissais échapper un soupir de soulagement d’être hors de la chaleur. J’avais visité plusieurs manoirs nobles dans l’autre monde, mais c’était la première fois que j’en voyais un au Japon.

Dès que nous étions entrés, un jardin de style japonais nous attendait. Des pins et des azalées étaient plantés en une légère courbe, et chacun d’entre eux était taillé en une jolie forme ronde. Au-delà se trouvait le bâtiment principal, qui débordait positivement de romantisme Taisei avec sa fusion de design japonais et occidental. Le bruit des cigales semblait lointain alors que nous étions immergés dans cette atmosphère de pure élégance de bon goût, et nous avions tous élevé la voix en même temps.

« Wôw, incroyable ! Il y a tellement d’arbres ici, mais le paysage est si paisible ! »

« Contrairement aux conceptions occidentales, ils utilisent les arbres et la terre comme murs. Je pense que c’est pour ça que les maisons et les plantes se mélangent si naturellement. Oui, j’aime vraiment cet endroit. » Je pouvais sentir mon cœur battre plus fort alors même que je parlais.

Shirley voyait la même chose que moi à travers mon corps. Marie s’était approchée de moi et m’avait exhorté à me dépêcher en tirant sur ma main, et la douceur de sa peau avait fait grimper mon cœur encore plus haut.

Je m’étais rendu compte que Shirley, qui n’avait pas de corps physique et qui était attachée au deuxième étage depuis si longtemps, n’avait jamais eu d’ami pour lui tirer la main comme ça. Je pouvais sentir mes sens se concentrer sur le bout de mes doigts, et l’odeur envahissante de la verdure rendait Shirley encore plus exaltée.

J’avais posé une main sur mon cœur qui battait la chamade et j’avais pensé : je suis heureux pour toi.

Puis, j’avais eu l’impression qu’elle m’avait répondu par un signe de tête.

Marie, qui avait déjà une bonne appréciation de l’élégance japonaise, était emplie d’excitation alors qu’elle nous conduisait vers le bâtiment principal.

Maintenant, le bâtiment appartenant à une maison noble de la période Taisho était plein de surprises. Il y avait un pousse-pousse à l’entrée, et au-delà, une pièce en tatami avec un impressionnant dessin sur le paravent.

« Ah, une photo d’hanashobu ! Regarde, Wridra, tu te souviens qu’elles fleurissaient tout autour du jardin que nous avons visité ? »

« Oho, c’est très bien fait. Une si belle utilisation du violet et du blanc. Il semble que les Japonais favorisent un type distinct de coup de pinceau. De très bon goût. Je l’aime bien. » J’étais d’accord avec l’évaluation de Wridra. Ce n’était pas aussi voyant que les styles occidentaux, mais l’utilisation de couleurs vives était assez agréable dans l’art japonais. Les coups de pinceau semblaient un peu plats à première vue, mais on pouvait les interpréter comme la direction de la beauté artistique utilisée dans l’art de cette époque.

« Comment mettre cela… ? Ça vous frappe de la même manière que lorsque vous regardez une vraie fleur. »

« Peut-être que des images saisissantes comme celles-ci étaient populaires. Le Japon a une culture unique en tant que pays insulaire, et même des peintres célèbres à l’étranger ont appris des techniques d’ici. Mais je suis sûr que l’inverse est beaucoup plus fréquent. » C’est peut-être pour cela que c’était si intéressant. Si le Japon avait fait partie d’un plus grand continent pendant tout ce temps, sa culture serait probablement devenue la même que celle des autres pays en un rien de temps.

Nous n’avions pas pu la voir de près à cause de la clôture qui faisait obstacle, mais j’avais pris des photos de Marie et Wridra faisant joyeusement des signes de paix. L’obturateur s’était déclenché en un clin d’œil, et la combinaison du fond japonais traditionnel, d’une fille aussi jolie qu’une fée et de la beauté aux cheveux noirs avait attiré beaucoup d’attention, et les autres visiteurs prenaient également des photos pour une raison inconnue. Cela me rendait heureux de les voir si ravis. Je voulais aussi prendre une photo de Shirley, mais cela aurait probablement posé des problèmes si un fantôme apparaissait sur la photo.

Marie était revenue à pas légers et avait naturellement entouré l’un de mes bras de ses bras, puis avait levé vers moi ses yeux brillants.

« Dis, ces maisons japonaises sont si merveilleuses, mais pourquoi y a-t-il si peu de bâtiments ? Elles sont si paisibles et agréables à vivre. C’est vraiment dommage. »

« En raison de la diffusion de l’architecture occidentale, et parce qu’ils ont commencé à concevoir les bâtiments de manière à pouvoir accueillir plus de personnes sur un terrain limité. Cependant, il y a des gens qui reconstruisent de vieilles maisons et y vivent. » Il y avait des fois où des gens étaient venus de l’étranger, avaient réalisé l’attrait du Japon et avaient aussi fini par y vivre. J’avais expliqué cela à Marie, mais elle avait fait la grimace comme si elle ne comprenait pas vraiment.

Je m’étais dit qu’il serait plus facile d’entrer et de lui faire vivre l’expérience plutôt que de l’expliquer avec des mots. Nous avions donc décidé d’entrer ensemble dans le bâtiment. Mais nous avions tous reculé lorsque nous avions vu le prix de l’entrée à la réception.

« Pas question ! 100 yens !? »

« Quel relâchement ! Tout comme le visage endormi de Kazuhiro, » dit Wridra.

Attends… ça veut dire que mon visage ne vaut que 100 yens ? Je pouvais sentir Shirley ricaner en moi, mais j’avais pointé le menu sans me laisser décourager.

« Prenons du thé pendant que nous regardons le jardin. Pouvez-vous choisir un en-cas et quelque chose à boire ? » J’avais entendu dire que les femmes aimaient les sucreries, et il semble qu’il y ait une part de vérité dans cette affirmation. Wridra et Marie avaient immédiatement approché leur visage du menu pour savoir lequel elles voulaient. Ouaip, il semblait que ma copine avait complètement oublié son régime.

Marie avait tiré sur ma main et avait montré une photo de matcha.

***

Partie 4

« Hé, c’est quoi ce truc vert ? La couleur est si jolie. »

« Ah, c’est le thé matcha. Il possède une douceur naturelle et une saveur distincte et prononcée. Puisque nous sommes ici, pourquoi ne pas l’essayer avec des confiseries japonaises ? » avais-je répondu.

Les yeux de Marie s’illuminèrent d’excitation et elle tapota le sol plusieurs fois avec ses pieds avant de dire : « Je vais prendre le matcha, s’il vous plaît, » d’un air déterminé. La personne qui avait pris la commande avait semblé un peu surprise par le japonais courant venant de quelqu’un avec ce genre de traits de visage. La femme âgée rougit, mais secoua la tête et reprit son visage de service à la clientèle.

« Oui, un set de thé matcha et de confiseries. Que voulez-vous commander tous les deux ? »

« Hm, Zenzai avec Shiratama… Intéressant. Ah, je sais. Kazuhiro, ça te dirait de déguster la moitié de ce dessert avec moi ? Hah, hah, c’est une idée brillante, non ? » L’Arkdragon souriait joyeusement en faisant sa suggestion, mais je ne pouvais que l’imaginer en train de manger complètement nos deux portions. Une perle de sueur roula le long de ma tête. J’étais un peu troublé par la sensation de la présence de Shirley qui hochait la tête en moi, mais j’y avais réfléchi un instant et j’avais décidé d’accepter l’offre. C’est triste à dire, mais mon raisonnement pour l’accepter était que je pensais que Wridra ne ferait rien de trop méchant à notre invitée qui nous rendait visite pour la première fois.

« D’accord, faisons ça. Ensuite, je vais prendre une autre commande de l’ensemble matcha et confiseries, et un zenzai avec shiratama pour elle. »

« Merci. Veuillez vous asseoir où vous le souhaitez. » La préposée avait un air satisfait, comme si elle avait été témoin d’un régal, et nous avait guidés vers une salle à l’arrière, avec des pas enjoués. Et ainsi, nous nous étions rendus dans un endroit merveilleux où nous pouvions avoir une bonne vue sur le jardin de la période Taisho.

Dès que nous étions arrivés dans la chambre d’hôtes avec vue sur le jardin, nous étions restés figés sur place.

On pouvait voir le jardin de l’autre côté du couloir à travers les portes grandes ouvertes, et on avait l’impression d’être en plein milieu de la véritable essence du Japon. Devant nous se trouvaient des azalées taillées en rond, des rochers lisses et arrondis, et des couches de verdure près de l’eau.

C’était disposé de manière à ce que les plantes les plus basses soient placées à l’avant, en pente graduelle vers le haut, avec les arbres les plus grands à l’arrière. Je pouvais apercevoir faiblement quelques lanternes en pierre, qui semblaient représenter l’harmonie entre l’homme et la nature. Les filles avaient oublié de respirer en regardant avec admiration le monde fantastique qui s’offrait à elles.

« Ah… ! Ah ! Cette verdure est comme une peinture qui prend vie ! C’est le sens même du mot “fantastique” ! Les jardins japonais sont vraiment fantastiques ! » s’exclama Marie.

« En effet, c’est splendide. C’est donc le lieu de détente qui apporte toute l’harmonie dans le monde. Quand je pense que je m’en rends compte seulement en arrivant ici… » Honnêtement, je ne pensais même pas qu’elle exagérait. Je pouvais sentir l’émotion brute et l’exaltation déborder de Shirley.

J’avais le sentiment que c’était la première fois que ces dames voyaient un arrangement aussi harmonieux de verdure. La verdure gérée par les humains avait généralement tendance à avoir un vague sentiment de solitude. Mais il y avait une telle beauté dans la vue qui s’offrait à nous que nous pouvions presque sentir les plantes respirer. Ce n’était pas étonnant que cette architecture existe depuis la période Taisho. Même un amateur comme moi pouvait sentir que les gens de cette époque avaient une vision différente du monde.

« Maintenant, prenons un siège et prenons notre temps pour profiter de la vue. Oh, le tatami sent bon. » J’avais passé ma main sur les tatamis, et ils m’avaient donné un sentiment de nostalgie. J’avais croisé mes jambes et m’étais assis à côté de la table, en prenant une profonde inspiration. L’air frais entrait par la fenêtre ouverte. Heureusement, il n’y avait pas trop de monde autour de nous, et nous avions l’impression d’être dans un pays rural quelque part.

La femme aux cheveux noirs, assise à quatre pattes en face de moi, avait le regard vide lorsqu’elle ouvrit la bouche pour parler.

« Hm, hm, c’est bien, en effet. Ce qu’il y a de bien avec ces endroits, c’est qu’on peut vraiment déployer ses ailes en toute tranquillité. »

« C’est si merveilleux. Je pourrais le contempler toute la journée. La chaleur m’a même complètement échappé. » Marie affichait une expression rêveuse alors qu’elle s’asseyait aussi. Je pouvais comprendre pourquoi elles étaient si impressionnées. Même moi, je commençais à rêvasser à ce que ce serait si je vivais dans une maison comme celle-ci. Se réveiller le matin et prendre son petit-déjeuner avec cette vue, qui changeait sûrement du tout au tout lorsque le temps passait à la pluie, au vent ou à la neige. Une telle vie était quelque chose dont la plupart des gens modernes ne pouvaient que rêver.

 

 

Les battements de cœur que je ressentais ne semblaient pas du tout se calmer. Je me demandais quelle était l’expression de Shirley, maintenant qu’elle réalisait qu’il existait un tout nouveau monde qu’elle n’avait jamais connu. Pour une raison inconnue, je mourais d’envie de voir le visage de la femme qui gérait et entretenait la nature avec tant d’amour.

« C’est étrange. Le manoir de Zera et Puseri est beaucoup plus spacieux, mais ce jardin semble tout aussi abondant. En termes d’atmosphère, cet endroit semble beaucoup plus profond, si cela a un sens, » dit Marie.

« Oui, je suis d’accord. Ce jardin entier a été préparé spécifiquement pour ce lieu de repos. La façon dont ils utilisent l’espace ici me semble incroyablement luxueuse, » répondit Wridra. Alors qu’elles poursuivaient leur conversation, quelque chose de tout aussi luxueux était apparu devant nous. Une femme vêtue d’une tenue de style japonais traversa le couloir avec un plateau à la main, s’inclina, puis commença à distribuer le thé et les collations.

Le bruit du plateau à quatre pattes posé sur la table sortit les filles de leur rêverie, et elles furent alors surprises par les en-cas colorés et le thé placés devant elles. Mais la jeune serveuse était probablement tout aussi surprise. Mes compagnes à l’allure étrangère l’avaient poliment saluée et remerciée dans un japonais fluide, je ne pouvais donc pas lui reprocher de les regarder bouche bée.

« Aha ha, je suis désolée. J’ai vraiment supposé que vous étiez des touristes. »

La jeune fille aux cheveux attachés en arrière affichait un sourire insouciant. Elle était assez jeune pour être une étudiante qui travaillait à temps partiel pendant les vacances d’été.

« Profitez-en. N’hésitez pas à m’appeler si vous avez besoin de quelque chose. » Elle avait timidement caché sa bouche avec le plateau et s’était empressée de partir, et Marie et moi n’avions pas pu nous empêcher de rire. Voir une telle énergie juvénile me rendait joyeux… Attendez, je commençais à ressembler à un vieil homme.

« Ah, ce vert est aussi si beau. Et les confiseries roses sont si mignonnes. » Marie avait pris du thé matcha, ce qui était inhabituel pour elle.

Juste à ce moment-là, j’avais entendu le son d’un carillon éolien venant de quelque part. Cela rappelait un peu le terme « semishigure » qui m’était venu à l’esprit plus tôt. Avant même de m’en rendre compte, la chaleur de l’été était devenue une partie intégrante de l’atmosphère, et il me semblait que Marie commençait à comprendre comment profiter du moment présent.

Elle fixa le verre dans sa main. Le matcha était d’un vert vif, et elle savait que c’était une odeur inconnue après la première bouffée. Elle posa alors ses lèvres dessus et prit une gorgée. L’amertume rafraîchissante la prise par surprise, et ses yeux s’écarquillèrent devant la légère douceur qui suivit.

« Le parfum passe ensuite dans mon nez… Hmm, ça sent bon. C’est une saveur mature et raffinée. Les feuilles de thé fraîches laissent un arrière-goût distinct. » Marie fronça les sourcils et se tordit un peu. La saveur douce, mais robuste, des feuilles de thé n’était pas quelque chose que l’on pouvait facilement reproduire à la maison. Ou peut-être que j’avais simplement tendance à ne pas en acheter, mais elles étaient normalement vendues dans les supermarchés.

« Le Matcha est également très populaire à l’étranger. Vous comprendrez peut-être pourquoi en goûtant à l’une de ces confiseries. » En entendant mon conseil, Marie avait jeté un coup d’œil à la confiserie rose sur la petite assiette devant elle. Elle prit le petit couteau et coupa les bonbons en petits morceaux, puis les mangea. La douceur veloutée la frappa en premier, puis elle prit une gorgée de matcha comme recommandé…

« Hmm, si élégant ! Attends, la douceur se fond dans le thé ! Ah, quelle extravagance… C’est délicieux. Je pourrais certainement m’y habituer. » Les elfes avaient un fort sens du goût et de l’odorat. Elle pouvait non seulement apprécier la douceur, mais aussi le parfum qui passait par son nez, ce qui lui donnait une expérience culinaire assez somptueuse. Marie s’était appuyée sur mon épaule comme si elle allait fondre à côté de moi. J’avais alors murmuré les mots de la tentation dans son oreille.

« Il est populaire en tant que dessert, car il se marie bien avec les sucreries. Je sais que tu aimes la glace, Marie, mais je ne pense pas que tu l’aies déjà essayée avec du matcha. »

« Quoi ? Est-ce un truc au Japon !? Non, c’est impossible. Je suis sûre qu’une telle opulence est interdite dans les glaces. Nous n’avons pas d’autre choix que d’en acheter plus tard pour que je puisse voir par moi-même ! » Les yeux de Marie s’étaient agrandis et elle avait parlé d’un ton si agité que j’avais éclaté de rire.

Son visage était vraiment proche. Elle était adorable, et elle prit mon petit doigt de son propre chef, me forçant à lui promettre que nous irions effectivement manger une glace au matcha plus tard. Ce n’était vraiment pas juste, et ça avait confirmé dans mon esprit à quel point les filles pouvaient être mignonnes.

« C’est dangereux. Après avoir goûté ça, je commence à m’inquiéter de savoir si je pourrai encore apprécier le thé à Arilai, qui était mon seul et unique plaisir là-bas. »

« Je pense que tu devrais apprécier toutes sortes de thés différents. Oh, je devrais aussi essayer le mien. » Je sentais que Shirley était impatiente de goûter, alors je m’étais empressé de prendre mon propre verre. J’avais l’habitude de prendre les choses lentement pour pouvoir apprécier les réactions de Marie.

Mes lèvres s’étaient pressées contre le verre froid, et j’avais pris une gorgée de thé. Je n’avais pas vraiment goûté grand-chose, mais Shirley avait dû apprécier la texture lisse et le goût prononcé du thé, suivi de sa douceur discrète. Je n’avais pas pu bouger pendant un certain temps, car sa réaction émotionnelle à ce goût délicieux était un peu écrasante.

La saveur du thé matcha, apparemment sain, était devenue encore plus forte après être passée dans la gorge. On sentait même un soupçon de parfum dans l’haleine de Marie lorsqu’elle expirait, et nous avions apprécié ce moment en prenant des gorgées et en expirant en silence. J’avais jeté un coup d’œil rêveur à l’extérieur pour découvrir la vue paisible du jardin japonais. C’était presque trop beau pour être vrai. Je me sentais un peu coupable de prendre des vacances, mais j’avais presque complètement oublié cette culpabilité en m’immergeant dans la vue.

C’était plutôt agréable. Je sentais que je commençais à prendre goût quant au fait de passer du temps dans la paix et la tranquillité comme ça. J’avais toujours pensé que c’était un passe-temps pour les personnes âgées, mais je commençais à sentir que je pouvais en faire une habitude.

***

Partie 5

« Mmf, les desserts japonais sont d’une classe supérieure aux autres, » dit Wridra, en appréciant visiblement la douceur de son shiratama zenzai, une friandise consistant en une soupe à base de haricots azuki avec à l’intérieur des boulettes de farine de riz. La cuillère pendait de sa bouche tandis qu’elle savourait la douceur des haricots azuki, un sourire heureux se répandant sur son visage.

Elle avalait souvent sa nourriture avec vigueur, mais avait tendance à prendre son temps lorsqu’il s’agissait du dessert. Elle ferma les yeux de bonheur, et des sillons se formèrent entre ses sourcils bien dessinés. Ses lèvres s’étaient ouvertes et elle avait expiré de manière séduisante. Il y avait un certain sex-appeal dans les gestes les plus simples lorsqu’il s’agissait de cette femme.

Elle s’attaqua lentement à son précieux dessert, puis ses yeux d’obsidienne se tournèrent vers moi. Le zenzai était poussé vers moi, ce qui signifiait qu’elle voulait faire un échange.

Je me sentais un peu gêné d’utiliser la cuillère qui était juste dans sa bouche… Mais je sentais que Shirley avait envie de l’essayer, alors je n’avais pas le choix. Je l’avais pris timidement, puis j’avais senti qu’on tirait sur ma chemise. Je pensais que j’allais me faire gronder, mais Marie avait timidement placé un doigt sur sa bouche et leva les yeux vers moi.

« Dis, Kazuhiro-san. Crois-tu que je pourrais goûter à ça quand tu auras fini ? »

« Bien sûr, bien sûr. Donne-moi juste une minute. » J’avais pris un peu de zenzai et l’avais immédiatement mis dans ma bouche. La texture moelleuse et la douceur subtile étaient tout à fait satisfaisantes… mais c’est Shirley qui en avait fait l’expérience. Wridra buvait du thé et prenait une bouchée de sucreries, complètement imperturbable, alors il semblait qu’il n’y avait aucune raison pour que je sois gêné. Nous étions des amis proches, après tout.

« Voilà, Marie. Je pense que ça ira aussi bien avec le thé. »

« Oui, merci… tu…, » Marie s’était figée en prenant le bol dans sa main. Je l’avais regardée, confus, puis elle avait fixé la cuillère, son visage devenant progressivement rose.

Le changement était assez perceptible étant donné son teint normalement pâle. Elle avait ensuite jeté plusieurs coups d’œil à mon visage et à mon dos… et je devais admettre que je commençais à m’en sentir conscient, moi aussi. C’est étrange, avais-je pensé, étant donné que nous étions déjà dans une relation et que nous nous étions déjà embrassés plusieurs fois.

« Hah, hah, quel est le problème, Mariabelle ? Ton visage semble être rouge, » avait fait remarquer Wridra.

« Ce n’est rien… ! Il n’y a rien d’inhabituel du tout ! Hey, si tu pouvais arrêter de me fixer et te détourner…, » eh bien, c’est embarrassant. La façon dont ses sourcils étaient levés en signe de frustration, avec son visage rouge vif, c’était presque trop. Elle m’avait pincé sous l’aisselle, et j’avais réussi à détourner le regard. Le cœur de Shirley battait aussi avec force, ce qui ne faisait qu’empirer les choses.

J’étais douloureusement conscient que sa cuillère s’entrechoquait maladroitement… Pourquoi se faisait-on transpirer comme ça en plein été… ?

J’avais senti le pied de Wridra frapper avec force ma cuisse sous la table. Oh, Wridra, pourquoi ton visage est-il si peu émotif en ce moment… ?

Maintenant, il était temps de passer à autre chose et de recommencer à apprécier le charme de la période Taisho. Bien que, pour être honnête, je voulais surtout m’éloigner de cette situation.

L’une des caractéristiques de ce bâtiment était que l’on pouvait y apprécier non seulement le jardin japonais, mais aussi les éléments architecturaux occidentaux. Après avoir vu l’essence de la beauté japonaise, nous avions descendu un peu le couloir jusqu’à une salle occidentale classique. Je m’étais souvenu que ce coin avait des murs extérieurs de style occidental lorsque je l’avais vu de l’extérieur. Les yeux de tout le monde s’étaient écarquillés à la vue du poêle tranquille et des canapés marron à motifs autour de la table.

« Oh, c’est une petite pièce si exiguë, mais elle est si lumineuse et si belle. Peut-être parce qu’il y a tant de fenêtres ? »

« C’est assez serein ici. J’aimerais bien montrer cet endroit à des aristocrates qui aiment le gaspillage de grands espaces pleins de décorations criardes. » Les sols en mosaïque et le plafond en plâtre de chaux blanc, assez rare pour l’époque, avaient un air distinct de la période Taisho. Le groupe avait regardé, médusé, la pièce dont la conception était confortable et souvent appréciée des Japonais. Cependant, il y avait une acuité inhabituelle dans les yeux de Wridra. Elle observait son environnement avec un regard perspicace, comme si elle essayait de tout mémoriser, des vitraux aux motifs des murs.

Se pourrait-il qu’elle complote quelque chose ? Maintenant que j’y pense, Wridra avait mentionné qu’elle aidait au deuxième étage, alors peut-être que c’était lié. Alors que je réfléchissais à cette idée, Marie, qui regardait toujours la pièce, s’était tournée vers moi.

« Hé, ne penses-tu pas que ce serait bien de lire tranquillement des livres ici ? Je n’étais pas vraiment intéressé par les meubles avant, mais je pense que j’ai une nouvelle appréciation pour ça maintenant. »

« Oh, c’est vrai. Je me disais que ce serait bien d’avoir un canapé. Si tu les aimes aussi, nous devrions visiter un magasin de meubles un jour prochain. » Un sourire s’était répandu sur le visage de Marie comme une fleur qui s’épanouissait sous mes yeux. Elle était probablement capable de visualiser notre nouvel espace de vie grâce au fait d’avoir vu l’aménagement ici en personne. Mais il y avait une limite à mon bonus, je devais donc considérer mon budget pour notre voyage à la mer.

Il m’était venu à l’esprit que c’était lundi et que Kaoruko, la femme qui vivait dans le même immeuble que moi ne travaillait pas aujourd’hui. Peut-être que je la contacterai plus tard pour parler du voyage si elle est libre. Préoccupé par cette pensée, j’avais complètement oublié de demander à Wridra à propos de son comportement étrange de tout à l’heure.

Marie et Wridra avaient étiré leurs membres quand nous étions partis.

Bien qu’elles aient l’air complètement différentes, leur comportement et leurs expressions étaient si semblables qu’elles ressemblaient à des sœurs pour moi. Si ce n’était pas le Japon, Shirley se serait aussi probablement bien intégrée à elles. Vu comment une Arkdragon et une elfe pouvaient s’entendre si bien, la présence d’un ancien maître d’étage parmi elles n’aurait pas fait de différence.

Après avoir profité pleinement de notre séjour à Yamamoto-tei, nous avions dit au revoir à la jeune préposée de tout à l’heure et étions sortis. Un ciel bleu et lumineux nous attendait, et c’était d’autant plus satisfaisant maintenant que la saison des pluies était passée. La chaleur s’était un peu calmée et nous avions ressenti un sentiment de rafraîchissement différent de celui que nous avions ressenti en arrivant à Yamamoto-tei.

« Ohh, c’était si beau ! J’aimerais visiter d’autres vieux bâtiments comme celui-ci de temps en temps, » déclara Marie.

« Oui, j’ai ressenti l’essence même de l’élégance dans cette visite incroyablement fructueuse. Mais, quand je pense que le prix d’entrée n’était que de 100 yens. J’ai l’impression que cela pourrait perturber mon sens de la valeur monétaire. » Les biens culturels protégés de la région avaient tendance à être comme ça. Je m’étais dit que leur prix était si bas pour encourager les gens à les visiter autant de fois qu’ils le souhaitaient. Ils avaient fait de grosses réparations récemment, alors peut-être que c’était là qu’ils avaient placé tous leurs revenus.

« Très bien, prenons une photo. Comment évaluez-vous le Yamamoto-tei ? »

« Hee hee, 100 points pour 100 yens ! » Je ne m’attendais pas à ce que Marie fasse une blague comme ça.

Il y avait eu un moment de silence. Wridra s’était serré les cotes en éclatant de rire devant l’absurdité de la situation. Marie était devenue toute rouge, et j’avais immortalisé ce moment sur une photo. Même Shirley n’avait pas pu retenir son rire, et on aurait dit qu’elles conspiraient toutes pour me faire faire un grand sourire.

J’avais été heureux de voir que tout le monde semblait être pleinement satisfait de notre petit voyage à la découverte de l’élégance des jardins japonais.

§

Nous étions entrés dans une ruelle à travers la rue principale, et la chaleur s’était légèrement adoucie à mesure que nous nous éloignions de la lumière du soleil.

Il y avait peu de gens qui se promenaient, peut-être parce que c’était la mi-journée un lundi, et la plupart des gens dans les rues semblaient être des personnes âgées.

La femme qui marchait juste devant moi avait des cheveux noirs ondulants qui descendaient jusqu’aux hanches, le tissu de ses vêtements collant à sa peau pâle à cause de la sueur. Les os de ses épaules étaient visibles, et son pantalon sexy semblait accentuer ses longues jambes fines et son derrière qui rebondissait à chaque pas.

« Il semble que l’ambiance commence à changer. Je sens une odeur qui est distincte de l’Asie. »

« Il y a beaucoup de temples par ici. Je crois avoir entendu dire que leur histoire remonte au début de la période Edo, » avais-je répondu, et Wridra avait souri de manière envoûtante. Elle était vraiment une femme étrangement jeune et attirante. Rien qu’en la regardant marcher, les mains derrière le dos, en fredonnant gaiement, je m’étais dit que j’avais de la chance d’être ici.

Wridra était un Arkdragon : un être capable de contrôler la magie au-delà de la compréhension humaine. Mais lors de nos raids dans l’ancien labyrinthe, elle jouait le rôle de tank pour notre groupe. Pour être plus précis, elle était plutôt la garde du corps de Marie. Je ne pouvais même pas imaginer la destruction qu’elle pouvait faire subir à ses adversaires si elle le voulait vraiment. Pour être honnête, je n’osais même pas imaginer ce que cela donnerait si un être monstrueux de plus de 1 000 niveaux se déchaînait. Cependant, j’avais entendu dire que ce n’était qu’un de ses sept noyaux, donc son niveau avait été grandement réduit pendant qu’elle était avec nous sous cette forme.

Wridra avait raison de dire que l’ambiance autour de nous commençait à changer. C’était la première fois que je me promenais dans la rue de Shibamata Taishakuten dans le quartier de Katsushika, mais je pouvais sentir l’air de raffinement distinct, même en tant que Japonais.

Un enclos de pierre indiquant l’enceinte du temple se trouvait à notre droite, et j’avais vu quelqu’un regarder autour de lui avec une grande curiosité. C’était Mariabelle, ses beaux yeux brillaient d’émerveillement et son sourire était aussi adorable que celui d’un enfant. Elle entoura mon coude de ses bras, me regarda de ses yeux d’améthyste en entrouvrant ses lèvres pour parler.

« J’aime sa présence simple, mais imposante. C’est comme un arbre géant. Ils aiment mettre des ornements clinquants en or et en argent dans les Églises de l’autre monde, mais je pense que celui-ci est bien plus élégant. »

« Je suis d’accord. Je ne visite pas beaucoup les Églises, mais elles semblent être très prospères, » avais-je répondu.

« C’est parce qu’ils exploitent les gens pour obtenir beaucoup d’argent. Je préfère de loin l’alternative plus tranquille. » Je n’avais pas pu me résoudre à lui dire qu’ils gagnaient aussi beaucoup d’argent dans ce monde. Plus important encore, elle insista pour que je sois d’accord, et je n’avais pas pu m’empêcher d’être conscient de ses petits monticules qui poussaient contre moi.

« Cessez de flirter et ouvrez la voie. Je ne peux pas me concentrer avec cette délicieuse odeur qui vient d’on ne sait où. »

***

Partie 6

« Je pense que tu devrais être capable de le trouver avec ton seul odorat, Wridra. Nous y sommes presque, » avais-je répondu, mais je me sentais honnêtement un peu anxieux. L’émotion ne venait pas vraiment de moi, mais de Shirley, le maître du deuxième étage qui hantait mon corps. Son cœur battait comme une sonnette d’alarme, et je ressentais sa peur chaque fois que le temple apparaissait. C’est pourquoi j’avais essayé de marcher le plus possible le long de la rue, mais…

« Au fait, Wridra, les fantômes ont-ils par hasard peur des temples ? »

« Hm ? Ah, tu es inquiet pour Shirley. Je ne suis pas très familier avec les coutumes de ce pays, mais comme on dit, quand on est à Rome, on fait comme les Romains. Maintenant qu’elle est entrée dans ce pays, elle doit suivre les règles de ce monde. Même moi, je ne peux pas normalement prendre ma forme de dragon. »

« Normalement » ? Cela signifie-t-il qu’elle pourrait se transformer en dragon ici à Tokyo dans des circonstances anormales ? Je n’avais pas vraiment envie d’y penser, et il y avait des moments où je ne pouvais pas lire Wridra au moyen de ce que les humains considéraient comme du bon sens.

En tout cas, il semblait que Wridra essayait de me dire que Shirley avait peur des temples parce qu’elle suivait les règles de ce monde. Elle était un fantôme, après tout, et elle ne voulait certainement pas être envoyée dans l’au-delà.

« Oh, mon dieu, c’est inquiétant. Alors peut-être devrions-nous rentrer à la maison pour la journée ? » dit Marie.

« Non, cela ne devrait pas l’affecter tant qu’elle ne pénètre pas dans les locaux. Et même si elle le craint, je doute que cela l’envoie vraiment dans l’au-delà. » Je m’étais demandé ce que Wridra voulait dire par là. Marie et moi avions incliné la tête en signe de confusion, et Wridra nous avait regardées comme si elle s’adressait à ses élèves. Ses cheveux noirs soyeux dansaient dans le vent, et elle appuya un doigt d’index sur ma poitrine.

« Même si son âme repose ici, son vrai moi n’existe pas ici. Je pense qu’elle retournera simplement dans le hall du deuxième étage du labyrinthe, d’où elle est venue. »

« Oh, j’ai compris. Hmm, cela signifie-t-il que Shirley ne peut pas mourir, un peu comme moi lorsque je suis dans le monde des rêves ? » Je pouvais sentir la perplexité émanant de Shirley. Je ne pouvais pas la voir visiblement alors qu’elle me hantait, mais elle me fixait probablement de ses yeux bleus ciel. Je pouvais visualiser son expression vide et innocente, et je sentais la tension se relâcher de mes épaules. Elle n’en avait peut-être pas l’air, mais elle était autrefois le terrifiant maître du deuxième étage, et je ne pouvais m’empêcher de penser au chaos qui s’ensuivrait si elle libérait toute sa puissance au Japon. Mais il était inutile d’y penser trop profondément, et en premier lieu, nous ne nous dirigions même pas vers le temple.

« Oh, c’est là. J’ai entendu dire que c’était à quelques pas de Yamamoto-tei, mais c’est vraiment proche. »

Nous étions arrivés à l’entrée du Shibamata Taishakuten, et il y avait devant nous un quartier commerçant animé. Les magasins avaient un style démodé, comme s’ils faisaient partie d’un décor de film, et je pouvais entendre des « Ah ! » et des « Oh ! » surpris venant des autres. Nous venions de découvrir les merveilles de la période Taisho, mais il était temps pour nous de voir le quartier commercial dont l’histoire remonte au début de la période Showa. Des vestiges de l’ancien Japon étaient encore visibles dans l’approche, donnant une ambiance rétro qui contrastait avec les touristes en visite.

Le jeune elfe et la beauté aux cheveux noirs avaient cligné des yeux.

« Ah ! Un quartier commerçant si élégant ! Oh, cet arôme appétissant… Oui, oui, tu nous as guidés vers un bon endroit, en effet ! Je te félicite, Kitase ! »

Wridra devait vraiment aimer le quartier commerçant, vu qu’elle m’avait attiré à ma grande surprise pour me tenir dans ses bras et me tapoter la tête. Mais ses seins se pressaient contre moi et j’avais eu besoin qu’elle s’éloigne pour mon bien.

« Oh, oh, j’adore ce parfum aigre-doux ! » s’exclama Wridra.

« Ils doivent être en train de faire des crackers de riz senbei. C’est aussi la première fois que je viens ici, mais c’est tellement animé avec tous ces vendeurs de nourriture partout. C’est presque l’heure du déjeuner, alors j’ai pensé que ce serait bien de nous arrêter ici. » J’avais jeté un coup d’œil à l’horloge, et il était un peu plus tard que l’heure à laquelle nous aurions normalement déjeuné. Il semblait que nous avions perdu la notion du temps en prenant notre temps pour faire du tourisme. Personne ne s’était opposé à ma suggestion, bien sûr. En fait, elles s’étaient tournées vers moi, pleines d’impatience pour le prochain repas.

« Maintenant, est-ce que vous pouvez décider où nous devrions manger ? » avais-je demandé, et elles avaient joyeusement crié « Oui ! » à l’unisson, le poing levé. Marie et Wridra étaient toujours si amusantes et énergiques ensemble, et cela me rendait encore plus joyeux rien qu’en les regardant.

Nous avions donc fait le tour des vendeurs pittoresques en nous frayant un chemin à travers la foule des visiteurs. Des kuzumochi aux dango, en passant par les dorayaki de style occidental, toutes sortes de boutiques attrayantes avaient séduit les filles qui venaient d’apprendre le goût subtil, mais délicieux des confiseries japonaises.

Marie m’avait tiré par le bras, et j’avais été conduit devant une boutique de dango établie de longue date. L’arôme du riz mochi en train de cuire sur des plaques de métal, spécialement conçues pour ces boulettes japonaises, semblait avoir attiré l’odorat aiguisé de la jeune elfe. Un vieil homme ridé nous attendait, et il avait largement souri à notre arrivée.

« Hé là, pourquoi n’essaieriez-vous pas d’en faire profiter cette adorable étrangère à la table là-bas ? »

Je devais admettre que j’avais une certaine appréhension à manger des sucreries avant le déjeuner. Au moment où j’allais discuter de ce que les dames voulaient faire… j’avais remarqué qu’elles marchaient vers le vieil homme comme si elles étaient hypnotisées. Nous n’avions fait que quelques pas dans le quartier commerçant, et elles avaient déjà cédé à la tentation.

N’ayant pas le choix, je m’étais glissé derrière Marie et je lui avais chuchoté.

« Tu pourrais être un peu trop rassasiée si tu manges des sucreries avant le déjeuner, ne crois-tu pas ? »

« Argh, je ne peux pas avoir ça. Mais ça sent si bon… Peut-être juste un peu ? » Elle avait serré ma chemise et avait levé les yeux vers moi avec tristesse. Avec ces yeux implorants et larmoyants dirigés vers moi, je ne pouvais m’empêcher de ressentir une forte envie de lui donner ce qu’elle voulait. Et ce n’est pas tout, je pouvais aussi sentir la supplication mentale de Shirley, et c’était comme si je regardais un chiot faire des bruits tristes et gémissants. C’était trop mignon pour être supporté. J’avais presque envie de me mettre en boule à ce moment précis.

« Oui, je vais commander du dango. Lequel a le meilleur goût ? » dit Wridra.

« Hé, attends ! J’en veux aussi ! »

Je n’avais pas pu m’empêcher de m’exclamer « Quoi !? » devant la trahison soudaine et désinvolte de Wridra. En plus de cela, Marie s’était immédiatement éloignée de moi pour prendre sa part, ce qui m’avait rendu incroyablement triste.

« Ceux qui sont parfumés à l’armoise sont vraiment bons. Ne vous inquiétez pas. Comme vous pouvez le voir, il y a des magasins de dango partout dans cet endroit, donc ils sont petits, ce qui vous permet de vous promener et d’essayer un tas de sortes différentes. » Le vieil homme avait souri gentiment, et j’avais ouvert mon portefeuille à contrecœur.

Je n’avais pas le choix cette fois. Mais vu que nous étions sur le point de déjeuner… Non, l’estomac de Wridra était virtuellement sans limites, alors je devais juste m’assurer d’empêcher Marie d’être aspirée par son rythme.

J’avais silencieusement fixé ma résolution de ne pas perdre à chacun de ces échanges. Il semblait que le chemin vers notre déjeuner serait long et semé d’embûches.

J’avais découvert que le simple fait de regarder les filles mâcher joyeusement du dango était plutôt divertissant. Nous nous étions assis sur de longues chaises à l’ombre près du magasin de dango, Marie et Wridra ayant les joues pleines de ces boulettes japonaises au goût d’armoise.

Peut-être que ce sentiment d’appréciation que j’avais ressenti était dû au quartier commerçant lui-même. Les pavés en pierre, les enseignes démodées écrites en kanji et les rangées de vendeurs animés… Au-delà de tout cela, il y avait le Shibamata Taishakuten de deux étages dans toute sa gloire.

« Hm, c’est fantastique. Tout ce qu’ils ont fait, c’est assembler du bois, mais ça a fini par avoir une apparence si digne… C’est assez attirant, en effet. » Wridra avait observé la vue en retirant son dernier morceau de dango de sa brochette.

De nombreux touristes marchaient devant nous, mais le proverbe japonais « dango over flowers » (dango sur les fleurs) nous était revenu à l’esprit alors que Marie continuait à savourer le goût sucré de sa friandise avec un large sourire sur le visage.

« Hm, délicieux ! Que pensez-vous de cette saveur rafraîchissante ? »

« C’est probablement le yomogi, ou armoise du Japon. Ils les appellent dango à l’armoise, après tout. » Marie mâcha le dango spongieux à la pâte de haricot rouge et sourit béatement. Mais Shirley me pressait de me dépêcher de manger le mien, alors j’avais décidé de m’attaquer moi-même au dango à l’armoise.

J’avais remarqué une ombre qui se profilait, et j’avais regardé pour trouver le vieil homme de l’échoppe qui nous souriait. Il semblait qu’il n’y avait pas beaucoup de clients à cette heure de la journée.

« Que dites-vous de cette chaleur, hein ? Voici quelques boissons gratuites pour vous. Rafraîchissez-vous ici aussi longtemps que vous le souhaitez. »

« Oh, merci ! » Des glaçons s’entrechoquèrent dans les tasses en verre alors qu’elles étaient remplies de thé vert. Les habitantes du monde des rêves semblaient à présent s’être habituées au thé japonais. Marie posa son chapeau de paille à côté d’elle et accepta volontiers un verre.

« Monsieur, ces dango sont délicieux. »

« Aha ha, vous me faites rougir là. Et l’autre jeune femme là-bas, buvez un peu de ceci et prenez votre temps pour apprécier la nourriture. J’en ai encore beaucoup si vous en voulez d’autres. » Les cheveux noirs de Wridra se balançaient tandis qu’elle souriait en réponse à l’invitation du vieil homme. Peut-être savait-elle elle-même qu’elle était plus jolie quand elle ne disait rien. Elle replia ses jambes exposées à l’air libre et accepta son verre avec un sourire envoûtant, et le visage ridé du vieil homme devint rose. Il se moqua de son embarras et s’essuya le visage avec une serviette en retournant à son étal.

« Haha, haha, “jeune fille”, dit-il. Il me donne en effet l’impression d’être à nouveau jeune. » Wridra était clairement de bonne humeur et souriait largement en posant ses lèvres sur son verre. Les glaçons s’entrechoquèrent dans son verre tandis que le thé vert rafraîchissant passa dans sa gorge. Elle leva les yeux pour découvrir la vaste étendue du ciel bleu estival au-dessus d’elle. Le vent s’était quelque peu levé, ce qui aidait à refroidir la chaleur de son corps. Ses yeux s’étaient rétrécis joyeusement, ce qui m’avait rappelé un certain chat noir qui était toujours dans les parages.

Wridra s’était retournée avec une expression calme.

« Hm. J’ai l’impression d’avoir enfin compris l’été au Japon. »

« Moi aussi ! C’est paisible, mais il y a un certain charme à ça. Même la chaleur fait partie du plaisir. »

On aurait dit que Shirley s’amusait à regarder ces deux-là s’enthousiasmer, car je pouvais sentir sa joie en tant qu’hôte.

***

Partie 7

Mais je m’étais demandé une chose. Nous avions passé toute la journée ensemble jusqu’ici, mais je sentais quelque chose qui rappelait un léger sentiment de solitude chez elle. C’était comme quelqu’un qui pleurait doucement, comme un enfant perdu qu’on laissait derrière soi.

C’est bon.

J’avais frotté mon propre bras et lui avais exprimé ces mots simples. Ne t’inquiète pas. Je voulais qu’elle sache qu’il n’y avait rien à craindre. Peut-être parce que j’étais son hôte… Non, c’était quelque chose que moi seul comprenait.

« Parce que je suis comme toi. » J’avais prononcé ces mots à voix basse pour que personne ne puisse les entendre. Une émotion de surprise avait irradié des profondeurs de mon corps, comme le son d’une cloche.

Shirley avait été attachée au deuxième étage, toute seule, pendant très longtemps. Il n’y avait qu’une seule chose dont elle pouvait avoir peur maintenant : la peur d’être à nouveau seule. Encore plus quand on considère le fait qu’elle était immortelle.

C’est pourquoi je peux comprendre ce que tu ressens. Quand j’étais enfant, j’étais tout seul dans un endroit où il n’y avait personne d’autre. Sans personne à qui parler, les clôtures ressemblaient à mes yeux à une cellule de prison. Je me souvenais que mon souffle était d’un blanc pur lorsque j’expirais et que je frottais constamment mes mains l’une contre l’autre pour qu’elles ne s’engourdissent pas. Sachant ce que cela faisait d’être seul pendant si longtemps, j’avais vraiment peur que mon mode de vie actuel disparaisse un jour. J’avais toujours pensé : « Et si je revenais à la façon dont les choses étaient à l’époque ? »

C’est pourquoi j’avais voulu lui dire encore une fois, « C’est bon. »

Je n’allais pas disparaître, et la jeune femme qui souriait et demandait : « N’est-ce pas délicieux ? » était incroyablement gentille. Wridra, qui était assise juste à côté d’elle, était en fait très attentionnée, et elle s’occupait souvent de nous pour s’assurer que nous allions bien. Et nous allons bientôt faire des cultures ensemble, n’est-ce pas ?

Son cœur avait battu avec force une fois en réponse, et j’avais cru l’entendre dire doucement : « Oui. » Les battements de son cœur avaient augmenté régulièrement en intensité, une émotion autre que la peur que j’avais ressentie plus tôt prenant le dessus. C’était comme si elle attendait avec excitation le jour d’un voyage scolaire, et je pouvais l’imaginer se couvrant les lèvres pour cacher son souffle accéléré.

Malheureusement, c’était tout ce que je pouvais lui dire pour le moment. Un jour, je voulais l’aider pour qu’elle se sente vraiment soulagée du fond du cœur. Mais pour l’instant, elle devait prendre son temps et profiter des moments que nous avions maintenant. Et donc, j’avais pris une bouchée du dernier morceau de dango à l’armoise. Le dango garni de pâte de haricot rouge était si doux qu’il s’étirait lorsque mes dents s’enfonçaient et tiraient.

Tout ce que j’avais pu apprécier, c’est la texture quand j’avais mâché et que ça avait effleuré ma langue. Je ne pouvais pas sentir sa saveur ou son odeur avec Shirley qui me hantait, mais ce n’était pas si mal, sachant qu’elle s’amusait.

Nous nous étions tous rapprochés les uns des autres.

Wridra avait exigé que je m’approche encore plus. Elle m’avait tiré par la taille, et j’avais failli trébucher.

« Tu es timide, c’est ça ? Comme c’est adorable, » avait-elle dit, et j’étais encore plus troublé par son visage si proche du mien. Je veux dire, j’étais un homme, après tout.

Le vieil homme qui tenait un smartphone souriait chaleureusement en nous regardant.

« D’accord, dites “cheese” ! » avait-il dit. J’avais fait maladroitement un signe de paix, et j’avais entendu le bruit de l’obturateur qui claquait. Wridra, qui se tenait au centre comme le personnage principal d’une histoire, s’était dirigée vers le vieil homme, toujours accrochée à ma taille. Elle avait retourné le smartphone pour y trouver notre photo commémorative, et l’Arkdragon avait fixé l’écran.

« Kitase, est-ce que tu fermes les yeux ? On dirait que tu es sur le point de disparaître comme un fantôme. »

« Non, ils sont ouverts. C’est juste l’aspect de mon visage. »

J’avais presque envie de pleurer. C’était la cruelle réalité des photos. J’étais obligé de faire face à la différence dramatique entre moi et les belles dames avec qui j’étais. Oui, j’étais devenu douloureusement conscient du fait que, s’il y avait de la lumière dans ce monde, il y avait aussi de l’obscurité. Soudain, Wridra sembla remarquer quelque chose et elle se mit à feuilleter d’autres photos, s’arrêtant un instant avant de parler.

« C’est peut-être mon imagination, mais j’ai l’impression que l’effort que tu fournis pour ces photos varie beaucoup. Seule une moitié de moi apparaît sur ces photos. Regarde, on ne voit que mon signe de paix sur celle-ci, » avait-elle fait remarquer.

« Hm ? Oui, ça arrive parfois. Probablement parce que je ne suis pas encore trop habitué à prendre des photos. Ce n’est que récemment que j’ai commencé à partir en voyage et à faire du tourisme. » J’avais répondu en riant, mais le regard de Wridra s’était aiguisé. Je voyais bien qu’elle n’avait pas du tout confiance en mes paroles, et elle me faisait penser à un chat intimidant son adversaire, ce qui m’effrayait un peu.

« Oho, alors je me demande bien pourquoi toutes les photos de Marie sont prises si parfaitement ! C’est une véritable énigme, tout comme ton visage endormi ! Celle où je suis le chat noir est particulièrement horrible. La photo n’est même pas nette ! C’est plus flou que ton visage ! Regarde ! »

« Ça ne peut pas… Tu as raison. Je me demande pourquoi ça a l’air si mauvais… » La prise de conscience m’avait frappé au moment où j’avais répondu, et Wridra m’avait regardé fixement comme si elle ne me croyait pas le moins du monde. Oui, si un monstre pouvait se transformer en une paire d’yeux éblouissants, les siens étaient probablement ce à quoi il aurait ressemblé.

« T-Toi… Ne penses-tu pas que ce favoritisme est beaucoup trop fort ? En voyant à quel point c’est flagrant, je m’inquiète réellement pour ton avenir. Comprends-tu vraiment ce qui se passe ici ? » Les épaules de Wridra tremblaient en parlant. Mais je n’avais vraiment aucune mauvaise intention, alors je ne savais pas quoi dire.

Wridra avait réagi de façon excessive. Je n’étais tout simplement pas doué pour prendre des photos. Je m’étais retourné pour chercher le soutien de Marie, mais elle se couvrait le visage de ses deux mains, et je ne pouvais même pas voir son expression. Alors que je me demandais ce qui n’allait pas chez elle, j’avais entendu le rire du vieil homme tout près.

« Vous, mesdames, êtes certainement pleines de vie. Je suis heureux de voir que vous semblez toutes vous amuser à faire du tourisme. » Il avait ri gentiment, et j’avais incliné la tête en vitesse. Je m’étais excusé d’être si bruyant, mais il m’avait tapoté l’épaule, complètement indifférent.

« Jeune homme, il fait chaud aujourd’hui, alors assurez-vous de rester hydraté. »

« La nourriture était délicieuse. Merci. »

« Oui, revenez nous voir ! » Nous avions fait un signe d’adieu au vieil homme et avions finalement repris notre promenade dans le quartier commerçant. Et pourtant, je ne pouvais pas me retourner, car je sentais encore Wridra me lancer un regard noir.

Nous étions venus pour prendre un petit-déjeuner, et nous avions cédé à la tentation du dango dès le départ. Alors que cette pensée me venait à l’esprit, j’avais entendu quelque chose que je ne pouvais pas croire.

« Hmm, quelle friandise déguster ensuite… ? »

Quoi… !?

J’avais été choqué par les mots qui étaient sortis de la bouche de Wridra. Je pouvais voir qu’elle ne plaisantait pas en regardant autour d’elle, ses cheveux noirs se balançant. Elle était sérieuse. Elle avait sérieusement oublié de trouver un endroit pour déjeuner. Il était rare que je perde mon calme, mais ma voix tremblait légèrement lorsque je parlais.

« Wridra ? N’aurais-tu pas par hasard oublié notre mission de choisir un endroit pour manger ? »

« Hm ? Non, bien sûr que non. Je suis le grand Arkdragon, après tout. Cependant… hm, je sens quelque chose de sucré… » Elle avait reniflé les alentours avec son nez fin, mais nous n’étions qu’à quelques mètres de la dernière échoppe… Même le vieil homme de tout à l’heure nous regardait bizarrement.

Oh, je sais. Marie devrait me soutenir ici.

La capacité de son estomac était différente de celle de Wridra, et elle aurait sûrement voulu éviter d’être trop pleine pour déjeuner. Vu son intelligence, elle aurait sûrement compris.

Je m’étais tourné vers Marie, empli d’espoir, mais je n’avais pas su trouver les mots quand je l’avais trouvée en train de fixer passionnément une boutique de souvenirs. J’avais suivi son regard jusqu’aux rangées de pièces de tissu teintées en indigo qui semblaient porter des armoiries familiales de tout le Japon.

« Dis, quels sont ces symboles démodés ? »

« Viens, Marie. Wridra s’en va toute seule, » lui avais-je dit d’un ton agité alors que je commençais à perdre la beauté aux cheveux noirs dans la foule. Il semblerait que Shirley était la seule de mon côté ici, car je pouvais sentir une panique similaire chez elle. Cependant, elle hantait mon corps, donc elle était complètement impuissante en tant qu’alliée.

Puis, je m’étais finalement souvenu. Wridra se baladait toute seule, mais elle n’avait pas de porte-monnaie. Cela signifiait qu’elle devrait revenir même si je ne la poursuivais pas, et que nous n’aurions pas à manger de sucreries. C’est dans cet esprit que j’avais décidé de répondre à la question de Marie.

« C’est un blason familial. Ce sont des emblèmes qui représentent votre lignée ou votre foyer. Il y en a aussi sur ces drapeaux là-bas. »Les yeux de Marie s’étaient illuminés à ma réponse.

Apparemment, les armoiries familiales étaient un concept extrêmement attrayant pour les habitants du monde imaginaire. Ils présentaient des dessins géométriques avec des fleurs, des plantes et même des dango comme motifs. Marie avait été complètement séduite par leur charme.

Pendant que je donnais mon explication, j’avais senti une tape sur mon épaule. Je m’étais retourné pour découvrir que Wridra était réapparue, mais mes yeux s’étaient agrandis lorsque j’avais remarqué ce qu’elle tenait dans ses mains.

Quoi, du dorayaki !? Comment a-t-elle pu avoir ça sans argent ?

« Je l’ai regardé fixement pendant un certain temps, puis je l’ai reçu gratuitement. Voilà, nous allons le partager entre nous. »

« Oh, c’est si joliment bruni ! Hm, une odeur si douce et invitante ! »

Attends, ne me dis pas qu’elle…

Je m’étais tourné vers l’étalage que Wridra désignait, et j’avais été de nouveau surpris de trouver un vendeur debout, le cœur dans les yeux. Les belles femmes avaient de la chance. Si j’avais fait la même chose, j’aurais probablement été traité comme une nuisance et mis à la porte.

En regardant les deux autres manger, j’avais senti une sueur froide couler dans mon dos. Je commençais à m’inquiéter pour l’estomac de Marie.

Comment est-ce arrivé ? Je croyais qu’on parlait de régime il n’y a pas si longtemps…

Puis, la chose qui m’inquiétait s’était réalisée.

Il était impossible pour les filles d’endurer au milieu d’un quartier commerçant plein d’arômes alléchants. Dorayaki à la crème, patates douces, et yokan aux pommes de terre rôties… Les dango en particulier avaient toutes sortes de saveurs, comme le sésame et le mitarashi, alors c’était impressionnant de voir combien on pouvait en manger sans se lasser. L’estomac de Marie était devenu complètement plein et elle avait continué à grignoter tout au long de notre promenade dans le quartier commerçant.

Puis, elle l’avait trouvé. C’était un restaurant traditionnel de tempura qui sentait la pâte à frire fraîche et avait une apparence de style Showa. Les passants s’arrêtaient même dans la rue pour faire demi-tour en remarquant l’odeur invitante de l’huile de sésame. Marie se tenait au milieu de la foule et ne savait plus quoi dire.

La brochette de dango qu’elle tenait était tombée sur le sol.

« Ah… » À en juger par l’expression de son visage, il semblait qu’elle venait de se souvenir de notre mission de trouver un endroit pour déjeuner. Elle s’était frotté le ventre, puis s’était lentement tournée vers moi. Des larmes avaient perlé dans ses yeux, et elle semblait sur le point de pleurer, mais la sauce sur ses lèvres lui donnait un air encore plus triste.

« A-Ahh… »

« Reprends-toi, Marie. Tu ne devrais pas te forcer à manger si tu es pleine. » J’avais essuyé ses lèvres avec un mouchoir et elle m’avait entouré de ses bras. En temps normal, j’aurais été troublé par la douce sensation de ses lèvres, mais tout ce que j’avais pu dire dans ce cas, c’est : « Qu’est-ce que je t’ai dit ? »

Marie tremblait de frustration, sa voix se brisait d’émotion.

« Quelle terrible ruse imaginée contre moi... J’aime tellement les tempuras ! Les crevettes ont l’air si délicieuses, mais je suis si pleine que mon estomac pourrait éclater ! Ah, je suis si triste que je pourrais pleurer ! » J’avais frotté son dos pour la consoler, mais c’était un moment un peu surréaliste avec le bruit de la friture des tempuras en arrière-plan. L’employé du restaurant nous regardait aussi d’un air confus.

J’avais continué à tapoter le dos de Marie, puis j’avais remarqué que Wridra essayait d’attirer mon attention.

« Je peux encore manger en abondance, » fit-elle d’un geste, mais tout ce que je pouvais faire était de secouer la tête pour refuser. Wridra avait l’air choquée, mais nous avions échoué notre mission, donc il n’y aurait évidemment pas de récompense.

Mais je me serais senti mal si ça s’était terminé sur une note aussi triste. Nous avions fait tout notre possible pour profiter des paysages du Japon, et Shirley s’était retenue tout ce temps.

« Pourquoi ne pas manger des bols de tempura pour le dîner ? Ils ne seront peut-être pas aussi bons que ceux qui sont servis ici, mais est-ce que ça te convient, Marie ? » Je l’avais murmuré à son oreille, et elle s’était immédiatement redressée.

Ses yeux colorés et violets étaient grands de bonheur, et elle avait jeté ses bras autour de mon cou avec amour. Elle frotta sa douce joue contre moi, puis murmura : « C’est pour ça que je t’aime bien, » et j’avais senti ma température monter un peu. Mais il était difficile de dire si c’était moi qu’elle aimait vraiment, ou les bols de tempura.

« Regarde, il y a des desserts faits avec de la glace râpée là-bas. Il semble que ça s’appelle, “glace pilée”. »

« Alors c’est ça que tu veux pour le dîner, hein, Wridra ? » Je le lui avais demandé en souriant, et elle avait vigoureusement secoué la tête d’un côté à l’autre.

En tout cas…

Ah… elle ne pouvait pas résister aux sucreries après tout…

Telles étaient mes pensées alors que je prenais Marie par la main et que nous rentrions à la maison.

***

Si vous avez trouvé une faute d’orthographe, informez-nous en sélectionnant le texte en question et en appuyant sur Ctrl + Entrée s’il vous plaît. Il est conseillé de se connecter sur un compte avant de le faire.

Laisser un commentaire