
Chapitre 10 : Combat contre le maître du troisième étage
Partie 1
« Je ramasse les assiettes. Posez-les ici si vous avez fini de manger ! » cria Eve pendant que les autres se reposaient. Ses collègues de l’équipe Diamant l’aidaient également à nettoyer, mais elles portaient leur équipement de combat au lieu de leurs tenues de domestiques habituelles.
Une centaine de personnes étaient rassemblées dans le hall et l’odeur alléchante de la bonne cuisine flottait encore dans l’air. Si quelqu’un était entré par hasard, il aurait probablement cru qu’il s’agissait d’une grande salle à manger. Pourtant, cette partie de l’ancien labyrinthe restait inexplorée et la présence menaçante des monstres était palpable derrière la porte close.
Ils venaient de terminer un repas léger et de se reposer en prévision du combat contre le maître de l’étage. Avant, les rations militaires sèches et immangeables étaient la norme, mais tout le monde avait changé d’avis après avoir passé autant de temps au deuxième étage. La mission ne durerait pas quelques jours, mais des mois, voire des années, alors je trouvais cela bien. Les rations étaient immangeables, personne ne devrait manger ça tous les jours. Pas question.
J’avais l’impression que la personne la plus satisfaite de ce changement dans nos habitudes alimentaires n’était pas l’un des guerriers d’Arilai, mais la jeune elfe qui se frottait le ventre à côté de moi.
« Oh, c’était tellement bon ! Rien de tel que des sushis inari sucrés pour se régaler. Heureusement qu’on a préparé notre déjeuner bien avant ça », déclara Marie en elfique, souriant triomphalement en regardant autour d’elle. Elle tourna ensuite son joli visage vers moi. « Tu ne trouves pas ? »
Son attitude était un peu condescendante envers ceux qui nous entouraient, et j’eus du mal à trouver une réponse. Les elfes étaient considérés comme des êtres mystiques, mais elle pouvait parfois se montrer… mondaine, pour ainsi dire. Elle aussi avait autrefois rêvé de richesse.
Marie était une magicienne, comme le montrait clairement le grand bâton posé à côté d’elle, et elle savait même contrôler les esprits. Les lumières qui éclairaient les lieux, semblables à des lustres, étaient des groupes d’esprits de lumière qu’elle avait invoqués. Lorsque je l’avais rencontrée, j’avais senti qu’elle privilégiait l’efficacité avant tout. Maintenant, elle se donnait beaucoup de mal pour que tout le monde passe un bon moment.
« Eve a tellement d’endurance. Elle s’est battue jusqu’à être trempée de sueur tout à l’heure. Je n’arrive pas à croire qu’elle ne soit pas épuisée », dis-je sans réfléchir.
« Ouais », acquiesça Marie. Elle s’essuya la bouche avec un mouchoir, but une gorgée de thé, puis ses yeux violets croisèrent les miens. « Je me demande si j’aurais plus d’endurance si j’étais moi aussi une elfe noire. »
« Hmm, c’est peut-être juste moi, mais même si tu étais une elfe noire, je ne pense pas que tu serais très en forme si tu ne faisais que lire des livres toute la journée, » répondis-je.
« Tu crois ? » demanda-t-elle en penchant la tête sur le côté.
« Probablement », répondis-je en hochant la tête.
Marie cligna des yeux; ses grands yeux ronds exprimaient son manque de conviction. À première vue, elle aurait été mignonne, petite et mince, même en elfe noire.
À en juger par la façon dont elle se frottait les mollets, elle devait être assez fatiguée. « On a beaucoup marché aujourd’hui. Veux-tu un massage ? » lui proposai-je en m’approchant d’elle.
« Hein ? — Oh non, ça va, » répondit-elle, embarrassée, en agitant les mains de gauche à droite. « Tu es fatigué, toi aussi, non ? » dit-elle, embarrassée, en agitant les mains de gauche à droite. Mais mon offre semblait la tenter, car elle hésita un instant. Elle hésitait probablement parce qu’elle s’inquiétait de ce que les autres pourraient penser, d’autant qu’il y avait beaucoup plus de monde que d’habitude.
Alors que nous nous demandions quoi faire, la grande femme nommée Kartina nous fixait ouvertement. Le blanc et le noir de ses yeux étaient inversés et ses cheveux courts bougeaient chaque fois qu’elle mâchait. J’avais remarqué que son épaisse armure traînait jusqu’au sol derrière elle. La partie supérieure de son corps était découverte, à l’exception du torse, ce qui me rappelait une cigale en pleine mue. Elle portait une armure spéciale appelée « bras de démon ». En raison de sa nature semi-organique, elle l’enlevait pendant les repas. Kartina avala le dernier morceau de sushi inari avant de nous parler.
« C’est bizarre. Les hommes s’occupent-ils des femmes à Arilai ? Comme pour la nourriture. »
« Je ne trouve pas ça si bizarre », répondis-je. Je suis habitué à voyager et je pense qu’il est préférable de s’entraider quand on le peut.
Comme Marie était concentrée sur Kartina, j’en avais profité pour poser ses jambes sur mes genoux. Marie sembla surprise et poussa un petit cri. Je commençai à lui masser les mollets, qui étaient très raides. Lorsque je les pressai à travers le tissu de sa robe, je constatai qu’ils étaient tellement enflés qu’ils repoussaient mes doigts. Cela allait être difficile de continuer à marcher ainsi. Pendant que je massais ses mollets, elle laissa échapper un gémissement étouffé.
Marie poussa un nouveau cri, probablement parce que Kartina s’était jointe à moi. Kartina passa ses bras derrière Marie et lui massait les épaules avec des mains expertes.
« Hum, tu es maigre. Je sais que tu es une lanceuse de sorts, mais tu devrais te mettre en forme. C’est un peu problématique que tu te fatigues plus vite que nous quand on monte Roon. »
« C’est vrai, mais je n’étais pas sur Roon tout le temps. Avant, j’ai dû marcher beaucoup plus vite parce que j’étais pressée. J’admets que je ne fais pas assez d’exercice, mais j’ai mon propre rythme. — Oh, là, c’est bon, » dit Marie en fermant les yeux.
Kartina et moi avions souri. Marie vivait dans son village depuis cent ans, avait grandi en tant que sorcière spirituelle et s’apprêtait à défier le maître du donjon dans l’ancien labyrinthe. Elle était suffisamment puissante pour être notre bouée de sauvetage lors de la bataille à venir. Et pourtant, elle était là, adorable comme un chaton.
On disait que marcher trop rendait les jambes « raides comme un piquet ». C’était à cause de l’accumulation d’acide lactique et ce massage était censé favoriser la circulation sanguine et assouplir les muscles raides. Je massai ses talons, ses mollets, puis l’arrière de ses genoux, comme pour pousser l’accumulation vers le centre de son corps. Avant que je m’en rende compte, Marie se pencha en arrière contre Kartina, complètement détendue.
« Oh, c’est agréable… », murmura-t-elle d’un air rêveur.
Cette remarque attira l’attention de quelqu’un. Une femme s’approcha de Marie, ses talons claquant sur le sol et ses cheveux roux flottant à chaque pas. « Qu’est-ce que fait la petite dormeuse ? Ah, je vois. Tu veux que cette elfe ait le visage endormi comme le tien. »
Marie avait l’air heureuse il y a quelques instants, mais pour une raison que j’ignore, cette simple remarque la fit pâlir. Elle tendit la main vers son bâton, puis tenta de rassembler ses forces pour se redresser.
« Je ne laisserai jamais ça arriver ! » déclara-t-elle.
« Pourquoi pas ? On dit que les couples mariés finissent par se ressembler, et vous êtes toujours ensemble », déclara Doula.
« Mais nous ne sommes pas mariées ! » protesta Marie. « On vit juste ensemble, on cuisine à tour de rôle et on se partage les tâches ménagères… »
Doula regarda l’elfe compter ses doigts pendant qu’elle énumérait ses arguments, puis pencha la tête sur le côté, comme pour dire que Marie n’allait pas dans le bon sens avec ses arguments.
Pendant ce temps, Kartina acquiesçait d’un air entendu. « Oui, c’est exactement comme ça quand on a un compagnon d’armes. On est toujours ensemble, même au combat. Même des partenaires entraînés ressentent du stress quand ils cohabitent, mais vous deux, vous êtes tellement naturels l’un avec l’autre. Vous semblez parfaitement assortis, alors elle a raison. Tu semblais très fatiguée tout à l’heure. »
Marie fit une grimace à cette dernière remarque. Je ne savais pas trop quoi penser, mais Marie me jeta un regard comme pour me demander si nous nous ressemblions vraiment. Alors que je réfléchissais à ma réponse, je remarquai que les soldats se préparaient à partir.
« Oh, il est temps de partir. On devrait aussi se préparer », dis-je.
« On a encore un peu de temps. Je suis venue ici pour revoir nos plans tant qu’il est encore temps », dit Doula, puis elle se tourna vers son futur mari. « Zera, viens ici toi aussi. »
Doula, la superviseuse de l’opération, et Zera, l’homme qui allait mener le raid, s’assirent à proximité. Les servantes, ou plutôt l’équipe Diamant, le remarquèrent également. Après un moment, tout le monde se rassembla autour d’eux, les assiettes en bois s’entrechoquant. Le groupe d’hommes et de femmes armés, assis en cercle, donnait l’impression qu’on était là pour écouter un caïd nous faire un cours sur les tactiques de combat. Même si Marie et moi avions l’air d’enfants, nous avions gagné notre place ici après avoir passé tant de temps dans le labyrinthe. Bien sûr, nous ne pouvions pas continuer notre massage dans ces conditions, alors Marie retira discrètement ses jambes et redressa l’ourlet de sa robe.
Les yeux argentés de Doula se tournèrent vers Marie. « Marie, je suis désolée de te faire travailler juste après ton repas, mais pourrais-tu projeter le hall du troisième étage ? »
Avant de faire notre pause, Mariabelle avait déployé son Gardien vigilant devant le hall où le gardien de l’étage nous attendait. Cette compétence nous permettait d’avoir une vision de ce qui se passait dans sa portée. Nous n’étions pas sûrs que cela fonctionnerait au début, car il y avait déjà eu des interférences magiques, mais cela avait fonctionné sans problème. Une lumière apparut, indiquant ce qui semblait être le maître des lieux.
Seul le nom « Adom Zweihander » apparut. Le Gardien vigilant était censé révéler les caractéristiques et le niveau de la cible, mais aucune autre information n’était disponible.
Doula tapota l’écran qui était apparu grâce à l’outil magique. « Regardez. À en juger par l’aspect de cette lumière, il y en a certainement plus d’un. Mais pour une raison inconnue, nous ne pouvons pas voir les niveaux ni les noms des monstres qui nous entourent. »
Zera se frotta le menton barbu et ajouta : « C’est étrange. Les critères pour afficher ou non leur nom sont tellement vagues. Même si certains monstres cachent leur niveau, il est inhabituel que les informations sur tout l’étage, à l’exception du maître d’étage, restent cachées. Je ne sais pas ce qui se passe, mais nous avons probablement affaire à un ennemi coriace ici. » Le grand homme partageait souvent ses pensées directes, basées sur son instinct plutôt que sur la logique ou la raison. Pourtant, cet instinct était aussi aigu que celui d’un animal sauvage et Doula lui faisait beaucoup confiance.
Si vous avez trouvé une faute d’orthographe, informez-nous en sélectionnant le texte en question et en appuyant sur Ctrl + Entrée s’il vous plaît. Il est conseillé de se connecter sur un compte avant de le faire.