Chapitre 95
« Il semble que cette affaire ait pris une tournure ridicule. »
L’empereur de l’empire d’Asgard, Heimdall, piquait l’accoudoir de son siège avec son doigt par frustration.
Cependant, il montrait beaucoup moins d’irritation dans son expression que son geste ne le laisserait supposer.
En fin de compte, tout cela n’était rien de plus qu’une simple pièce de théâtre pour lui.
Dès la veille, le marquis de Strasbourg, Albert, avait envoyé un messager demandant à Heimdall d’ouvrir secrètement la frontière.
Cela semblait absurde pour Heimdall.
Était-ce le même Albert qui avait autrefois prétendu qu’il prendrait le contrôle de Jormugnand et coopérerait avec l’empire Asgard pour s’emparer du monde ?
Il n’y avait aucune chance que Felbell soit le prochain héritier du trône, et Albert avait non seulement perdu son influence dans le palais, mais il mettait même sa vie en jeu en se retournant contre son royaume.
Heimdall n’avait plus aucun intérêt pour lui.
« Il y a toujours la possibilité de le laisser se débrouiller seul, mais… »
Le Premier ministre, Mathias, n’était pas aussi désintéressé que Heimdall, mais même lui ne pouvait pas évaluer ce qui avait apporté tous ces changements.
Albert avait autrefois le contrôle de la plupart des nobles de Jormungand, mais aujourd’hui, il ne peut même plus rassembler 10 % d’entre eux, y compris sa propre famille.
Il était évident qu’il serait très bientôt détruit sans le soutien d’Asgard.
En tant que mari de la première princesse, Felbell, l’évaluation que les gens avaient de lui avait été généralement exagérément positive.
Mais maintenant que toutes les chances de succéder au trône avaient disparu, le fait de se ranger du côté d’Albert serait suicidaire pour les nobles de Jormungand.
(L’abandonner ne serait pas si grave.)
Affronter les hommes d’Albert épuiserait à coup sûr les forces de Jormungand, et une fois sa maison détruite, le royaume devrait mettre un nouveau seigneur responsable de son territoire.
Gérer les conflits d’intérêts territoriaux et prendre en charge la population d’un seigneur déchu serait une tâche atroce.
En d’autres termes, la trahison d’Albert ne serait que profitable pour l’empire Asgard.
Mais cela ne signifiait pas que l’abandonner soit le meilleur choix.
L’incompétence d’Albert mise à part, si l’empire Asgard coupait si facilement les liens avec lui, il leur deviendrait difficile de faire en sorte que quiconque de l’intérieur de Jormungand trahisse leur royaume.
De plus, le fait que l’empire Asgard se donne beaucoup de mal pour aider son allié à traverser la frontière indemne serait une histoire séduisante.
Le seul problème était qu’Albert était beaucoup plus fou que prévu. Il n’était pas juste de le laisser faire et de lui donner un coup de main comme il l’espérait, mais il fallait le faire.
« … Laissez-moi m’occuper de cette affaire. »
« Présomptueux ! L’est est le territoire de la première armée, Skuld ! »
Mathias réprimanda sèchement la princesse folle, Skuld Beweldshteim, alors qu’elle tentait joyeusement d’outrepasser son autorité.
Cette belliciste avait la mauvaise habitude d’essayer de combattre de puissants ennemis chaque fois que l’occasion se présentait.
Son armée, responsable du sud, était actuellement en attente. Il lui était certainement possible de faire une sortie.
Cependant, elle ne pouvait pas être autorisée à prendre l’avantage sur la première armée à l’est.
Après tout, la première armée, dirigée par Gunther Olbrink, était la plus puissante de l’empire.
« Gunther, laissez-moi prendre votre place. Je veux rencontrer ce Kurats absurdement fort d’après les rumeurs. »
Depuis plusieurs semaines, une étrange rumeur se répandait rapidement dans l’empire Asgard.
Apparemment, certains des membres survivants de la quatrième armée d’Asgard détruite s’étaient montrés dans des états terrifiés devant leurs collègues et leurs familles, comme s’ils avaient reçu la visite du dieu de la mort la nuit.
Cet homme était un monstre de la nature.
Sa magie était anormale en soi, mais ses terrifiantes manifestations de violence physique surhumaine étaient encore plus effroyables.
L’enquête menée sous les ordres de Heimdall avait révélé que le mage qui avait sauvé Lunaria était cette même personne, Kurats.
L’enquête avait également révélé que sa mère adoptive, qui lui aurait enseigné la magie, était en fait un simple mercenaire qui ne pouvait en aucune façon manipuler la magie.
Cet homme était vraiment entouré de mystère.
On pourrait dire que la victoire de Lapland contre la quatrième armée était essentiellement due à lui seul.
C’était une véritable armée en seul homme, un homme qui pouvait tenir tête à des milliers d’autres.
Dire que c’était faux ou qu’il ne s’agissait que d’une rumeur était quelque chose que même Mathias, dont l’audace ne connaissait aucune limite, ne pouvait déclarer.
« La défaite en Lapland a apporté des troubles à nos forces. Avant toute chose, obtenir une victoire est notre plus grande priorité. »
« À ce propos, je pense aussi que vous devriez envisager de laisser Skuld aller de l’avant. »
Il était rare que l’épéiste démoniaque, Gunther Olbrink, se prononce ainsi au conseil de guerre.
Bien que sa voix ne montrait généralement pas une seule inflexion ou émotion, il semblait s’amuser aujourd’hui.
Heimdal observa avec beaucoup d’intérêt ce changement rarement observé chez Gunther.
« Je me fiche de ce que vous dites ! Désolé, mais c’est ma proie ! »
« J’étais d’accord avec vous… »
Gunther était un spécialiste du combat, mais dans un sens différent de celui de Skuld.
La différence essentielle étant que ce qu’il valorisait par-dessus tout n’était pas la bataille elle-même, mais la victoire.
L’esprit de Skuld n’était rempli que d’une perception romancée des conflits.
Si elle pouvait combattre un ennemi puissant, alors elle serait satisfaite même si elle perdait, et quelque part dans son cœur, elle voulait en fait rencontrer un homme plus fort qu’elle.
Certaines rumeurs prétendaient qu’elle cherchait un partenaire qui pourrait lui permettre de porter une progéniture plus forte qu’elle.
Mais Gunther considérait ce genre de romantisme comme un poison pour l’esprit.
Il était le type de personne qui recherchait activement la force uniquement pour faire tomber ses ennemis.
Sa personnalité était probablement la raison pour laquelle Skuld n’avait montré aucun intérêt pour lui, malgré sa force.
Malgré cela, même si certains diront qu’il était lâche, Gunther avait peur de perdre plus que tout au monde.
C’est pourquoi il essayait constamment de devenir plus fort, en plus d’être prêt à utiliser n’importe quel moyen lâche tant que cela signifiait qu’il ne perdrait pas.
En d’autres termes, Gunther considérait qu’il y avait actuellement trop peu d’informations sur Kurats et essayait donc d’utiliser Skuld comme un cobaye.
Bien conscient de la personnalité de ces subordonnés, Mathias savait ce qu’ils pensaient, mais il approuvait quand même. Il pensait que ce n’était pas un mauvais terrain d’entente à trouver.
Jusqu’à présent, l’empire avait accumulé une grande influence grâce à leur série parfaite de victoires.
Cela étant, la seule défaite en Lapland avait eu un effet énorme sur eux.
Asgard ne pouvait pas se permettre d’épargner les années qu’il faudrait pour effacer les conséquences de cette défaite sur leur réputation.
Après tout, la véritable ambition de l’empire n’était pas quelque chose d’aussi trivial que la simple occupation du Jormungand ou de la Lapland.
Prendre le contrôle du continent et mener la bataille décisive contre l’espèce monstrueuse, l’ennemi de l’humanité : tel était le but ultime de l’empire.
« Je ne vous laisserai pas emmener toute l’armée. »
« J’aimerais alors en choisir 5000. »
Bien que Skuld avait un sourire ironique lorsqu’elle demanda la permission à Heimdall, cette expression s’était transformée en un sourire enchanté lorsqu’elle s’était inclinée suffisamment bas pour que sa bouche soit hors de vue.
L’armée du sud, dirigée par Skuld, était la deuxième armée de l’empire.
Elle était composée de 40 000 soldats, dont 5 000 soldats d’élite qui répondaient directement à Skuld.
C’était le « Corps de chasse rouge. »
Tant qu’elle pouvait diriger ces 5000 soldats, Skuld était persuadée qu’elle ne connaîtrait pas la défaite, même contre une armée de 30 000 hommes.
« Je le permettrai. Le marquis de Strasbourg est probablement troublé en ce moment même, vous devez partir rapidement. »
« Vos désirs sont mes ordres. »
Avec ses cheveux blonds peignés, Skuld montra le plus beau des sourires.
Ce n’était pas le sourire d’un guerrier en route pour la bataille.
C’était le beau sourire d’une grande fleur épanouie, comme on en voit à la cour royale lors d’un dîner.
merci pour le chapitre
Encore une autre femme qui veut rencontrer plus forte qu’elle…
Sinon la personnalité de Gunther me fait penser à Léon, déteste perdre et est prêt à tout pour gagner.
Merci pour le chapitre