Wortenia Senki – Tome 7 – Chapitre 2 – Partie 3

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Chapitre 2 : Le messager du territoire voisin

Partie 3

Et bien qu’il ait qualifié Ryoma d’atout, Mikhail avait suggéré qu’ils ne l’utilisaient pas contre leur ennemi, mais qu’ils s’en débarrassent plutôt pour se faire valoir auprès de leurs autres alliés. Ses paroles et ses intentions étaient manifestement deux choses différentes.

Je le savais… Il en veut toujours au Sieur Mikoshiba…

Le comte Bergstone s’en était immédiatement rendu compte.

À première vue, les affirmations de Mikhail semblaient raisonnables, mais une fois qu’il avait compris ses véritables intentions, il était difficile de ne pas le juger sévèrement.

« Haïs-tu le Seigneur Mikoshiba ? », demanda le comte Bergstone.

« Je n’ai aucune idée de ce dont vous parlez », répondit Mikhail d’un ton posé, en essayant de masquer sa confusion.

Apparemment, il avait choisi de feindre l’ignorance, mais il semblerait qu’il était bien trop tard pour cela. Son attitude d’il y a quelques instants avait clairement montré à toutes les personnes présentes quelles étaient ses intentions. Et pourtant, il essayait de les cacher maintenant.

Le Comte Bergstone répéta la question : « Haïs-tu à ce point le Seigneur Mikoshiba ? Cet échec est entièrement dû de ta faute. Lui en vouloir serait une erreur. »

« Je n’ai pas la moindre idée de ce que vous voulez dire. »

Mikhail répéta cette farce une fois de plus. Mais en le voyant prononcer ces mots une seconde fois, le comte Bergstone avait senti un frisson lui parcourir l’échine.

Ces yeux… !

Ils étaient remplis d’une obscurité profonde, sans fond. Le regard de Mikhail était rempli de flammes de haine et d’obsession. Aussi loin que le Comte Bergstone pouvait voir, le Mikhail Vanash qu’il connaissait n’était pas là. Certes, il avait toujours su qu’il était myope, mais il n’avait jamais vu Mikhail ignorer complètement les apparences et considérer une autre personne avec un antagonisme aussi clair et flagrant.

Le Comte Bergstone pouvait comprendre pourquoi il détestait Ryoma du plus profond de son cœur. Il était peut-être tout à fait naturel pour lui de souhaiter la disparition de cet homme. Mais c’était une rancune injustifiée. Et il ne pouvait pas laisser ces désirs personnels plonger Rhoadseria dans un plus grand chaos.

Je te plains, mais…

Des étincelles jaillirent entre les deux.

« Arrêtez ça ! »

Le cri de la reine Lupis résonna dans la pièce.

« Cela suffit… Je vais donner un décret royal. Tout d’abord, Helena. Contactez le baron Mikoshiba et informez-le qu’il est convoqué de toute urgence à la capitale. Il ne refusera pas forcément, nous allons donc pour l’instant lui expliquer notre situation. Nous pourrons décider de ce qu’il faut faire s’il refuse par la suite… Compris ? »

« Votre Majesté… », murmura Meltina, atterrée.

Mais la reine Lupis donna rapidement ses ordres, ignorant les paroles de son aide. Ils n’avaient pas de temps à perdre en bavardages inutiles. Malgré les doutes qui la rongeaient, la reine Lupis prit sa décision.

Non… C’était plus que cela. Elle avait senti les regards froids fixés sur Mikhail par tous les autres dans cette pièce, et avait voulu l’en protéger. Ou peut-être était-ce parce qu’elle avait vu sa main atteindre l’épée rengainée à sa taille pendant un instant.

« Informez Xarooda que nous allons leur envoyer des renforts. Dites-leur que cela nous prendra du temps pour nous préparer, et que nos forces partiront dans un mois. Et informez les forces de Myest qui attendent à la frontière qu’elles sont libres de passer. Compris, comte Bergstone ? Nous devrons être prêts dans un mois. »

« Un mois, vous dites… Ce sera difficile. Et vous êtes sûre qu’on doit les laisser entrer ? »

Bien qu’ils partageaient un ennemi commun, les circonstances n’avaient pas changé. Il y avait une chance infime que le groupe de Myest se soit déjà impatientée et ait décidée de supprimer Rhoadseria en premier. À cette fin, il aurait peut-être été plus sage d’attendre que l’armée de Rhoadseria soit prête avant de lui donner la permission de passer.

C’était le raisonnement derrière la question du comte Bergstone, mais la reine Lupis secoua la tête en signe de dénégation.

« Nous n’avons pas le choix. L’impression que les deux pays ont de nous est déjà mauvaise puisque nous n’avons pas bougé jusqu’à présent. Et ne les laisser passer qu’une fois que nous sommes prêts signifierait les laisser attendre trop longtemps… Si Xarooda finit par tomber à cause de cela, ça ne servirait à rien d’envoyer des renforts de toute façon. »

Déplacer une armée prenait du temps, surtout lorsqu’il s’agissait de l’envoyer à l’étranger. Il faudrait préparer des provisions et des armements de rechange. Les craintes du comte Bergstone n’étaient pas infondées, mais ils étaient effectivement à court de temps. Et Xarooda aussi. Le contenu de leur lettre le montrait clairement.

« Est-ce que tout le monde sait ce qu’il doit faire ? », demanda la reine Lupis.

Quelles que soient ses raisons, le monarque avait fait son choix, et ses vassaux ne pouvaient qu’acquiescer.

« « « Par votre volonté, Votre Majesté ! » » »

Tout le monde se leva de son siège et se courba à la taille en signe d’obéissance. Tout cela au nom de la protection du royaume de Rhoadseria.

Alors que le conseil touchait à sa fin, la plupart de ses participants étaient partis, ne laissant que trois personnages dans la pièce.

« Pourquoi as-tu dit cela ? », demanda la reine Lupis.

« En tant que votre vassal, j’ai offert ce que je pensais être la meilleure solution possible », répondit calmement Mikhail, sans une once d’hésitation.

Sa voix était plus froide qu’elle ne l’avait jamais entendue auparavant.

« Est-ce… vraiment l’intégralité de tes intentions ? », demanda-t-elle prudemment.

« Que voulez-vous dire ? Trouvez-vous ma loyauté si difficile à croire ? »

Même avec le regard interrogateur de Lupis sur lui, l’expression de Mikhail ne changea pas.

Il était inébranlable, comme une poupée qui aurait perdu ses émotions.

« Seigneur Mikhail ! Vous ne pouvez pas parler à Sa Majesté de cette façon ! »

Meltina réprimanda son attitude avec colère.

Peut-être était-elle encore irritée par son attitude pendant le conseil, qui aurait bien pu justifier le fait qu’elle devait dégainer sur lui selon les circonstances.

« C’est bon, Meltina. », cependant la reine Lupis l’avait retenue.

« Mais, Votre Majesté ! »

Même si Mikhail était un vassal qui la soutenait depuis de nombreuses années, son attitude ces derniers temps était irrespectueuse. L’ignorer ne ferait qu’affecter grandement l’autorité de Lupis en tant que reine, et c’était quelque chose que Meltina ne pouvait pas permettre. Mais en voyant l’émotion qui remplissait les yeux de la reine Lupis, Meltina ravala ses mots.

« S’il vous plaît… »

Quelle détermination se cachait derrière ces mots ?

« Mes excuses, Votre Majesté. »

Voyant le frisson dans les épaules de la reine Lupis, Meltina inclina la tête et se retira contre le mur. En lui faisant un signe de tête, la reine Lupis s’était retournée vers Mikhail avec un regard triste.

« Eh bien, bon travail aujourd’hui. Tu peux te retirer. »

« Compris. Je vais donc partir. »

Milkhail inclina sa tête et se retourna pour partir. La vue de son dos se retirant disait tout ce qu’il y avait à dire. Une obsession profonde et sombre se tenait dans le cœur de Mikhail Vanash. Deux paires d’yeux attristés l’avaient regardé sortir de la pièce sans broncher.

« Qu’est-ce qui l’a poussé à faire ça… ? »

La reine Lupis murmura une question à laquelle Meltina n’avait pas pu répondre.

La raison était néanmoins claire. Mais ni l’une ni l’autre ne pouvait la formuler avec des mots. Cela briserait le cœur de la reine Lupis comme du verre.

« Vous n’avez rien fait, Votre Majesté. »

Meltina ne pouvait rien dire d’autre.

*****

Dans la chambre attribuée à Mikhail dans le château, deux hommes discutaient, éclairés par une seule lampe posée sur la table. L’un était le propriétaire de cette pièce, et l’autre était une personne qui n’aurait pas dû se trouver dans cette pièce.

« Il semble que l’envoi ait été décidé comme prévu », déclara Akitake Sudou de manière inattendue, suscitant une grimace de Mikhail qui était assis sur le canapé en face de lui.

« Comment sais-tu cela ? Cela n’a pas encore été rendu public. »

La décision d’envoyer des renforts au Royaume de Xarooda avait été prise le midi de ce jour. Les personnes en position d’officier public en avaient été informées, mais l’homme assis devant lui n’occupait pas ce genre de position.

En apparence, la position de Sudou était celle d’un serviteur envoyé par le Vicomte Gelhart pour servir la Princesse Radine. Il aurait peut-être appris cette nouvelle un jour ou l’autre, mais Mikhail aurait dû se méfier si cette nouvelle lui était parvenue le jour même où elle avait été décidée.

Sudou, cependant, sourit simplement en s’amusant des soupçons de Mikhail.

« Vous pouvez tous essayer de cacher la nouvelle, mais plus vous vous efforcez d’obscurcir quelque chose, plus la nouvelle se répand rapidement… Et elle se répand vite, en effet… »

Mikhail s’était moqué de l’attitude condescendante de Sudou.

« Ton ouïe est toujours aussi fine, Sudou », dit-il.

À première vue, cela pouvait sembler être un compliment, mais Mikhail regardait clairement Sudou de haut. Il le voyait comme un vulgaire roturier se faufilant dans le château comme un rat. Il ne l’avait pas exprimé avec des mots, mais la façon dont il regardait Sudou l’indiquait clairement.

« C’est très dur de votre part… Malheureusement, je n’ai pas d’autres talents à offrir. »

Sudou haussa les épaules, ne montrant aucune préoccupation pour le mépris de Mihkail.

« Hmph. Je n’ai aucune idée de la raison pour laquelle tu es l’assistant de la princesse Radine… »

Mikhail grimaça avec une pointe d’agacement devant l’attitude pantouflarde de Sudou.

« Ce serait parce que, tout comme vous, Seigneur Mikhail, je suis apprécié pour ma loyauté sans faille envers la maison royale », dit Sudou avec un sourire.

« Balivernes… Tu n’as pas la moindre loyauté pour Rhoadseria. », cracha Mikhail, mécontent.

Quel homme complètement stupide… Tu ne peux même pas garder ton calme sans toute cette bravade, se dit Sudou d’un air moqueur.

La réputation de Mikhail était en chute libre depuis la guerre civile de l’année dernière. À vrai dire, ce n’était pas seulement aussi bas que la position d’une personne pouvait l’être — c’était allé au-delà et directement dans les valeurs négatives, si une telle chose était même possible.

Et ta stupidité t’a fait foncer droit dans le mur… Il ne reste plus qu’à t’achever. J’ai hâte de voir à quel point tu vas t’écraser et brûler…

Étant l’épéiste numéro un de Rhoadseria et le très loyal et proche assistant de la Reine Lupis, le nom de Mikhail Vanash était autrefois associé à la gloire et aux louanges. Sa loyauté était considérée par le royaume comme un trésor. Il n’était pas sans défaut, bien sûr, mais Mikhail était considéré comme un jeune homme digne de confier l’avenir du royaume.

Et tout cela n’était plus qu’une relique. Sa quête du mérite l’avait conduit à se constituer prisonnier de façon honteuse, et à sa libération, il avait été condamné à plusieurs mois d’assignation à résidence. L’opinion que tout le monde avait de lui s’était considérablement dégradée en conséquence.

Après la levée de son assignation à résidence, la reine Lupis avait profité de la réorganisation de son gouvernement pour le nommer capitaine de la Garde royale, ce qui avait suscité l’ire de ses subordonnés et de ses collègues. Il se disait même que la reine Lupis renverrait Helena afin de l’élever au rang de général, ce qui n’avait fait qu’aggraver sa position.

Il était logique pour la reine Lupis de placer des vassaux en qui elle avait confiance à des postes proches d’elle, mais tout le monde ne comprenait pas cela. Pour eux, Mikhail s’attirait les faveurs de la reine tout en agissant activement pour la miner.

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3 commentaires :

  1. merci pour le chapitre

  2. Merci pour les chapitres.

  3. Il nous avait manqué Mikhail « Captain Fail » Vanash.

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