Mushoku Tensei (LN) – Tome 2

Table des matières

***

Prologue

J’avais couru.

Il n’y avait qu’un seul animal sauvage qui me poursuivait, mais tout ce que je pouvais faire, c’était courir. La terreur avait inondé mon cœur. J’avais pris l’escalier en courant, j’avais traversé le jardin à toute vitesse, et j’avais utilisé la magie pour escalader le toit tout en manquant de trébucher à la fin.

« Où est-il allé !? »

La voix terrifiante de la créature retentit, me poursuivant sans relâche.

Je pensais avoir de l’endurance. Après tout, j’avais couru de longues distances et pratiqué l’épée ces dernières années. Maintenant que j’avais perdu confiance en moi, la créature semblait se moquer de moi, ses cheveux cramoisis me poursuivaient de si près que je ne pouvais plus m’arrêter pour respirer.

N’abandonne pas, me suis-je dit. Peu importe la distance que je mettais entre nous, elle me rattraperait au moment où je commencerais à perdre ma concentration.

Huff, huff. J’étais essoufflé. Je n’avais pas pu courir plus loin. Je n’avais pas pu y échapper. La seule option qui restait était de se cacher. J’avais gémi tout en plongeant dans l’ombre des escaliers, derrière une plante décorative.

La voix grondante de la créature résonnait dans tout le manoir.

« Je ne te pardonnerai jamais ! »

Ces mots avaient fait trembler mes jambes.

Je m’appelle Rudeus Greyrat et j’ai sept ans. J’étais actuellement un beau garçon aux cheveux bruns brillants et aux joues roses. Dans ma vie antérieure, j’étais un puceau de trente-quatre ans au chômage. Un reclus.

Dans cette vie, j’avais sauté les funérailles de mes parents, ce qui m’avait fait virer de la maison. Laissé dans un état de désespoir, j’avais été renversé par un camion et j’étais mort. Mais par un coup de pouce du destin, j’avais été réincarné en bébé, tout en conservant l’intégralité de mes souvenirs.

Je ne valais guère plus que des ordures avant de mourir, mais après avoir compris comment mon comportement était incorrect, j’avais travaillé dur pour mener une vie digne durant les sept dernières années. J’avais appris la langue d’ici, étudié la magie et pratiqué l’épée. J’avais une bonne relation avec mes nouveaux parents et je m’étais même fait une jolie amie d’enfance, elle se nommait Sylphie. Mais pour que Sylphie et moi puissions fréquenter la même école, j’avais dit que je travaillerais pour gagner l’argent de nos frais de scolarité, alors mon père m’avait envoyé ici, à la Citadelle de Roa.

J’étais censé passer cinq années ici, à m’occuper des études de mon employeuse, la Jeune Maîtresse, en échange de son soutien financier.

Et voilà où j’en suis actuellement.

« Sors de là ! Je vais te pulvériser ! »

Les paroles de la créature m’avaient fait peur alors que je me cachais dans l’ombre. J’étais terrifié par cette personnification de la rage, qui se manifestait sous la forme d’un petit corps féminin.

Que s’était-il passé, me demandez-vous ?

Revenons en arrière, il y a une heure, pour trouver la réponse…

***

Chapitre 1 : La violence de la jeune maîtresse

Partie 1

Quand j’étais arrivé dans la ville de Roa, il faisait nuit.

Le village de Buena et la ville de Roa étaient à une journée de distance en calèche, c’était un trajet de six à sept heures. Juste la bonne distance, ni trop près ni trop loin. Roa est une ville animée, l’une des plus grandes de la région.

La première chose qui attira mon attention, c’était les murs de la citadelle. Les murs étaient solides, et mesuraient sept à huit mètres. Ils s’enroulaient autour de la ville. Des voitures tirées par des chevaux arrivèrent et passèrent par la porte gigantesque. Alors que notre carrosse passait à travers, j’avais vu des rangées de stands de marchands.

La première chose qui m’avait accueilli à l’intérieur de la ville était une écurie et une auberge. Une foule de gens se bousculait : marchands, citadins, et même des guerriers en armure. C’était vraiment comme dans un roman fantastique.

J’avais jeté un coup d’œil à ce qui ressemblait à une salle d’attente, où les gens s’asseyaient avec de grandes quantités de bagages. De quoi s’agissait-il ? C’était ce que je me demandais.

« Ghislaine, sais-tu ce que c’est ? », avais-je demandé à la personne qui était avec moi.

Elle avait, comme un animal, des oreilles et une queue. Elle avait une peau brun foncé que son armure de cuir clairsemée montrait en larges bandes. C’était une grande et musclée épéiste.

Il y avait sept niveaux dans le style du Dieu de l’épée et Ghislaine Dedoldia était au troisième rang à partir du haut. Elle avait des compétences si impressionnantes qu’elle était connue comme un Roi de l’épée. Ce sera elle qui m’enseignera l’art de l’épée.

Elle était comme un second maître pour moi.

« Toi… »

Elle s’était tournée vers moi, irritée.

« Essayes-tu de te moquer de moi ? »

Elle grogna férocement, j’avais sursauté.

« Non, je me demandais ce que c’était. Je ne le savais pas, alors j’espérais que tu me le dirais. »

« Oh, désolée. C’est ce que tu voulais dire. »

Elle vit que j’étais au bord des larmes et s’empressa de m’expliquer.

« C’est la salle d’attente pour la diligence. C’est ce que les gens utilisent normalement pour voyager entre les villes. L’autre option est de payer un colporteur pour voyager avec lui. »

Au fur et à mesure que le voiturier avançait, Ghislaine continuait à me montrer chaque endroit et à me l’expliquer. C’est la forge d’armes, c’est le bar, c’est une branche de la Guilde des aventuriers, et un autre endroit qu’il fallait mieux ne pas visiter. Ghislaine avait un visage sévère, mais elle était gentille.

L’atmosphère changea lorsque nous étions passés devant un coin de rue. Il y avait des rangées de magasins destinés aux aventuriers, une forge d’armes et une forge d’armures, et plus loin, des rangées de magasins pour les habitants de la ville. Les maisons d’habitation étaient construites au fond des ruelles.

Si vous y pensiez, les intrus devraient attaquer la ville de l’extérieur vers l’intérieur. Il était alors évident que la ville était construite de telle sorte que plus on s’enfonçait vers l’intérieur, plus les maisons devenaient grandes et plus les magasins de marchandises étaient luxueux. Plus tu vivais près du centre, plus tu étais riche.

Un gigantesque bâtiment était placé en plein milieu de la ville.

« C’est le manoir du seigneur », dit Ghislaine.

« On dirait plus un château qu’un manoir. »

« C’est une ville fortifiée, après tout. »

Roa était une ville ancienne au passé noble. Il y a 400 ans, c’était le dernier bastion de défense dans la guerre contre la race des démons. C’est pourquoi il y avait un château dans le centre de la ville. Cela dit, malgré sa puissante histoire d’origine, les nobles de la capitale impériale ne voyaient aujourd’hui Roa que comme un simple marécage rempli d’aventuriers.

« Le fait que nous soyons venus ici signifie que la Jeune maîtresse que je vais enseigner est d’un statut social élevé. »

Ghislaine secoua la tête.

« Pas tout à fait. »

« Hein ? »

Il y avait le manoir du seigneur juste devant nous. À mon avis, les seules personnes qui vivaient ici devaient être des gens de haut rang social. Ma théorie était-elle fausse ?

Alors que j’étais en train de faire ce genre de réflexion, le cocher fit un petit signe de tête au gardien du manoir du seigneur.

« Alors, elle doit être la fille du Seigneur. »

« Non. »

« Elle ne l’est pas ? »

« Pas tout à fait. »

J’avais l’impression qu’il y avait un sens caché derrière ses mots. Qu’est-ce que ça pourrait être ?

La voiture s’était arrêtée.

Lorsque nous étions entrés dans le manoir, un majordome nous avait conduits dans ce qui semblait être une salle de réception. On nous montra deux canapés alignés ensemble.

Ce sera mon premier entretien. Je devrais la jouer cool.

« Veuillez vous asseoir là. »

Pendant que je m’asseyais sur le canapé, Ghislaine s’éloignait silencieusement et montait la garde dans le coin de la pièce. Je parie qu’elle a choisi cet endroit pour pouvoir inspecter toute la pièce, pensais-je. Dans ma vie antérieure, je l’aurais prise pour une collégienne intello qui regardait trop d’anime.

« Le jeune maître devrait bientôt revenir. Attendez ici jusqu’à ce qu’il arrive. »

Le majordome versa ce que j’imaginais être du thé dans une tasse à l’aspect coûteux. Puis il se retira et se tint près de l’entrée de la pièce.

Je pris une gorgée de la boisson fumante. Pas mal. Je n’étais pas particulièrement versé dans les thés, mais il me semblait qu’il s’agissait d’un thé onéreux. Comme l’homme n’en avait pas versé pour Ghislaine, il était clair que j’étais le seul à être traité comme un invité.

« Où est-il !? »

Une voix retentit de l’extérieur de la salle, accompagnée de bruits de pas furieux et tonitruants.

« Ici !? »

Les portes s’ouvrirent violemment et un homme musclé et bien bâti entra dans la pièce. Il devait avoir une cinquantaine d’années. Il avait l’air dans la fleur de l’âge de sa vie, en dépit de quelques cheveux blancs dans ses cheveux bruns foncés.

Je posai la coupe, me levai et m’inclinai profondément.

« Enchanté de vous rencontrer. Je m’appelle Rudeus Greyrat. »

Ses narines se sont évasées.

« Hmph, tu ne sais même pas comment te présenter ! »

« Maître, le Seigneur Rudeus n’a jamais quitté Buena Village. Il est encore jeune, je suis sûr qu’il n’a pas encore eu le temps d’apprendre les bonnes manières. Vous pouvez sûrement oublier un peu de son… »

« Et toi, la ferme ! »

Cette réprimande réduisit immédiatement le majordome au silence.

Si c’était le maître de maison, ça signifiait qu’il était mon employeur, non ? Il était certainement en colère. Il devait y avoir quelque chose qui lui manquait chez moi. J’avais essayé d’être aussi poli que possible quand je m’étais présenté, mais l’étiquette des nobles était peut-être différente ici.

« Hmph. Alors je suppose que Paul n’a même pas jugé bon d’enseigner les bonnes manières à son propre fils ! »

« On m’a dit que mon père déteste les formalités, c’est pourquoi il a quitté la maison de son père. Je suppose que c’est aussi pour ça qu’il ne m’a rien appris. »

« Déjà avec les excuses ! Tu es comme lui ! »

« Mon père a-t-il vraiment trouvé tant d’excuses ? »

« Oui ! Une excuse chaque fois qu’il ouvrait la bouche. S’il a mouillé son lit, une excuse ! S’il s’est battu, une excuse ! S’il a fait l’école buissonnière, une excuse ! »

Il était vraiment en train de s’énerver pour ça.

« Même toi ! Si tu voulais apprendre les bonnes manières, tu aurais pu le faire ! La seule raison pour laquelle tu ne l’as pas fait, c’est parce que tu n’as fait aucun effort ! »

Une partie de moi était d’accord avec lui. J’étais tellement préoccupé par la magie et mon style à l’épée que je n’avais pas essayé d’apprendre autre chose. J’avais peut-être été trop étroit d’esprit.

La meilleure réponse avait été de reconnaître mon erreur.

« Vous avez raison. C’est de ma faute si je n’ai pas appris les bonnes manières. Je m’en excuse. »

Quand j’avais baissé la tête, il avait tapé du pied si fort que le sol avait grincé.

« Cependant ! Je reconnais que tu as fait un effort courageux au lieu d’être sur la défensive face à ton manque d’éducation sur l’étiquette ! Je t’autorise donc à rester ici ! »

Je n’étais pas sûr de ce qui se passait, mais au moins il avait dit que je pouvais rester.

Sur ce, le maître de maison se retourna et sortit de la pièce, les épaules raides et fermes.

« C’est le seigneur de la région de Fittoa, Sauros Boreas Greyrat. Il est aussi l’oncle de Maître Paul », dit le majordome.

C’était donc le seigneur féodal. Son intensité m’avait fait craindre à quel point il soit un bon gouverneur. Il y avait beaucoup d’aventuriers par ici, alors peut-être qu’il vous fallait une personnalité forte pour être un vrai seigneur féodal.

Attendez. Le majordome avait dit Greyrat et oncle ? En d’autres termes, ça voulait dire…

« C’est donc mon grand-oncle ? »

« Oui. »

Je le savais.

Paul avait ainsi utilisé son lien avec un membre de sa famille, même s’il en était éloigné. Je n’aurais jamais imaginé qu’il venait d’une famille aussi noble. Il avait eu une éducation privilégiée.

« Que se passe-t-il, Thomas ? Tu as laissé la porte grande ouverte. »

Quelqu’un apparut dans l’embrasure de la porte : un homme mince et léger aux cheveux bruns et lisses.

« On dirait que papa est d’humeur joyeuse. S’est-il passé quelque chose ? »

Parce qu’il avait appelé le seigneur père, j’avais cru que c’était le cousin de Paul.

Le majordome dit : « C’est le jeune maître. Pardon, excusez-moi. Il y a un instant, le Maître a rencontré le Seigneur Rudeus. Il semble qu’il était content de lui. »

« Ah-ha. S’il est le genre de personne que mon père aime… peut-être que j’ai mal choisi ? »

Il s’était assis sur le canapé en face de moi.

Oh, oui, je devrais me présenter, je m’en étais souvenu.

« Ravi de faire votre connaissance. Je m’appelle Rudeus Greyrat. »

Comme je l’avais fait il y a un instant, je m’étais incliné profondément tout en baissant la tête.

« Ah oui, et je suis Philip Boreas Greyrat. Les nobles se saluent en posant leur main droite sur leur poitrine et en inclinant légèrement la tête. Vous avez dû mettre mon père en colère à cause de votre approche incorrecte, n’est-ce pas ? »

« Comme ça ? »

J’avais suivi son exemple et j’avais légèrement baissé la tête.

« Oui, c’est ça. Bien que votre tentative il y a un instant ne soit pas mauvaise. C’était toujours poli. Je suis sûr que si un ouvrier saluait mon père comme ça, il serait content. Maintenant s’il vous plaît, asseyez-vous. »

Il se retourna sur le canapé avec un bruit sourd et fort.

J’avais suivi son exemple et j’avais pris mon siège. L’entretien allait maintenant commencer.

« Que vous a-t-on dit ? »

« On m’a dit que si je passais cinq ans ici à enseigner à la Jeune Maîtresse, on me donnerait assez d’argent pour couvrir les frais de scolarité à l’Université de Magie. »

« C’est tout ? »

« Oui. »

« Je vois. »

Il posa la main sur son menton et regarda la table comme s’il était perdu dans ses pensées.

« Aimez-vous les filles ? »

« Pas autant que mon père. »

« Oh, vraiment ? Alors vous passez. »

Attendez, quoi ? N’était-ce pas un peu rapide ?

« Pour l’instant, les seules personnes que cette fille aime, c’est Edna, sa professeure d’étiquette, et Ghislaine, son entraîneuse d’épée. J’ai déjà congédié plus de cinq personnes. Parmi eux, il y avait un homme qui enseignait dans la ville impériale. »

J’avais compris qu’il insinuait que ce n’était pas parce que quelqu’un enseignait dans la ville impériale qu’il était bon à cela.

« Et en quoi ça a un rapport avec le fait que j’aime ou non les filles ? »

« Aucun rapport. C’est juste que Paul était le genre d’homme qui travaillerait aussi dur qu’il le pourrait si c’était pour une jolie fille. Alors j’ai pensé que vous étiez probablement le même. », dit-il en haussant les épaules.

C’était moi qui aurais dû hausser les épaules. Ne nous mets pas dans la même catégorie.

« Je vais être honnête, je n’attends pas grand-chose de vous. Je me suis dit que puisque vous êtes le fils de Paul, je ferais aussi bien d’essayer. »

« Vous avez raison, c’était très honnête », avais-je dit.

« Quoi, vous voulez dire que vous êtes sûr de pouvoir le faire ? »

Non, pas du tout. Bien que ce ne soit pas quelque chose que je puisse dire dans cette situation.

« Je ne le saurai pas avant de l’avoir rencontrée. »

D’ailleurs, je pouvais imaginer le rire moqueur de Paul si j’échouais dans ce travail et que je devais en trouver un autre. Je le savais, tu n’es encore qu’un enfant, dirait-il. Ce n’était pas une blague. Je ne tolérerais pas d’être méprisé par quelqu’un qui était techniquement plus jeune que moi.

Hmm…

« Écoutez, je vais aller la rencontrer et si elle a l’air de me donner du fil à retordre… je peux essayer d’utiliser un de mes trucs. »

C’était l’occasion d’utiliser certaines connaissances de ma vie antérieure. La façon parfaite de faire en sorte qu’une fille gâtée et miteuse m’écoute.

« Un truc ? Qu’est-ce que vous voulez dire ? »

Je lui donnais une explication simple.

« Voici les grandes lignes. Quelqu’un associé à votre maison nous kidnappera pendant que je suis avec la Jeune Maîtresse. Ensuite, j’utiliserai mes compétences en lecture, en écriture et en arithmétique, ainsi que ma magie, pour que nous puissions tous les deux nous échapper et revenir ici en toute sécurité. »

Philip me fixa, le regard distant, pendant un moment, mais il revint à lui même subitement et il hocha la tête.

« En d’autres termes, vous essayez de l’amener à étudier de son plein gré. Intéressant. Mais êtes-vous sûr que ça va marcher ? »

« Je pense que ça a plus de chance de marcher que si des adultes la forcent à le faire. »

C’était une intrigue fréquente dans les anime et manga : un enfant qui détestait étudier et qui avait besoin d’apprendre l’importance de l’éducation après avoir été pris dans quelque chose dont ils avaient besoin pour s’échapper. Ça n’avait pas vraiment d’importance si ceux qui l’orchestraient étaient sa propre famille, n’est-ce pas ?

« C’est quelque chose que Paul vous a appris ? Comme l’un des moyens pour qu’une fille tombe amoureuse de vous ? »

« Non. Mon père n’a pas besoin d’aller si loin pour être populaire auprès des femmes. »

« Populaire, hein… Pfft. »

Philip éclata de rire.

« C’est exact. Il a toujours été populaire. Il n’a rien à faire et les filles viennent le voir de toute façon. »

« Chaque personne qu’il m’a présentée a été l’une de ses maîtresses. Même Ghislaine. »

« Oui, je suis incroyablement envieux de lui. »

« J’ai peur qu’il ne mette la main sur l’ami d’enfance que j’ai laissé au village de Buena. »

L’anxiété m’avait frappé au moment où ces mots quittèrent mes lèvres. Dans cinq ans… Sylphie aura beaucoup grandi. Je détesterais rentrer chez moi pour découvrir qu’elle faisait partie du harem de mon père.

« Ne vous inquiétez pas. Paul ne s’intéresse qu’aux femmes adultes. »

Tandis que Philip disait cela, il regarda Ghislaine dans le coin de la pièce.

« Oh. »

J’avais compris ce qu’il voulait dire. Ghislaine avait à tous les coups une silhouette très… développée. En y repensant, Zenith et Lilia aussi. Qu’est-ce qui était si développé, demandez-vous ? Leurs seins, bien sûr.

« Ça devrait aller, ça ne fait que cinq ans. Elle peut mûrir un peu, mais je doute qu’elle puisse devenir si grosse, puisqu’elle a du sang d’elfe dans les veines. Même Paul n’est pas si démoniaque. »

Pouvais-je lui faire confiance ? D’ailleurs, comment savait-il que Sylphie était en partie elfe ? Peut-être que j’aurais mieux fait de supposer qu’il n’y avait rien de secret sur le temps que j’avais passé au village de Buena.

« Ce qui m’inquiète le plus est de savoir si vous séduirez ma fille. »

« Pourquoi ça vous inquiète alors que je n’ai que sept ans ? »

Bon sang, c’est impoli de dire ça. Je n’allais rien faire. Et si elle était tombée amoureuse de son plein gré, ce ne serait pas ma faute.

« Dans la lettre de Paul à votre sujet, il a dit qu’il vous renvoyait parce que vous passiez trop de temps à jouer avec les femmes. Je pensais que c’était juste une blague, mais après avoir entendu votre plan, je commence à en douter. »

« C’est seulement parce que je n’avais pas d’amis à part Sylphie. »

De plus, ce n’était pas ses affaires.

« Eh bien, nous ne ferons aucun progrès en parlant. Vous devez rencontrer ma fille. Thomas, amène-la-lui. »

Philip se leva.

Et ainsi, je l’avais finalement rencontrée.

***

Partie 2

Arrogante.

C’était ma première pensée quand je l’avais vue. Elle avait deux ans de plus que moi, ses yeux étaient vifs et étroits, et ses cheveux ondulés. Ces cheveux étaient d’un rouge si pur qu’on aurait dit que quelqu’un lui avait jeté un seau de peinture dessus.

Ma première impression d’elle était qu’elle était féroce. Je n’avais aucun doute qu’elle serait un jour une beauté, mais j’avais prédit que la plupart des hommes la trouveraient trop difficile à manœuvrer. Peut-être que si vous étiez un masochiste sérieux… Bon, d’accord, elle était peut-être pas si mal.

Quoi qu’il en soit, elle était dangereuse. Mon instinct me lançait des avertissements quand je m’approchais d’elle.

Mais ce n’était pas comme si je pouvais m’enfuir. Je l’avais donc saluée comme Philip me l’avait demandé.

« C’est un plaisir de vous rencontrer. Je suis Rudeus Greyrat. »

« Hmph ! »

Elle me regarda, ses narines s’évasèrent, comme celles de son grand-père. Elle avait les bras croisés fermement sur la poitrine alors qu’elle me regardait fixement, au sens figuré et au sens propre du terme, puisqu’elle était plus grande que moi. Son expression avait tourné au vinaigre quand elle a dit : « Qu’est-ce que c’est, il est plus jeune que moi ! Et pourtant, il est censé m’apprendre ? Arrêtez de plaisanter ! »

Je le savais, elle était très fière. Mais je ne pouvais pas reculer.

« Je ne pense pas que l’âge ait quoi que ce soit à voir avec ça », avais-je dit.

« Ah ouais !? Tu as un problème avec moi !? »

Sa voix était si forte que mes oreilles sonnaient.

« Ce que je dis, mademoiselle, c’est que je peux faire des choses que vous ne pouvez pas faire. »

Dès que j’avais dit cela, ses cheveux semblèrent se redresser, comme une manifestation physique de sa colère.

C’était terrifiant.

Merde, pourquoi ai-je peur d’une fille qui n’a même pas dix ans !

« T’es certainement imbu de toi-même, n’est-ce pas ! Pour qui me prends-tu ? »

J’avais calmé ma peur et je lui répondis.

« Vous êtes ma cousine germaine, c’est ça ? »

« Hein… ? Qu’est-ce que c’est que ça ? »

« Ça veut dire que mon père est le cousin de votre père. En d’autres termes, vous êtes la petite-fille de mon grand-oncle. »

« De quoi parles-tu !? Je ne comprends pas ! »

Peut-être que ce n’était pas la meilleure façon de le formuler ? Je devrais peut-être lui dire qu’on était parents.

« Vous avez entendu parler de Paul, n’est-ce pas ? »

« Bien sûr que non ! »

« Oh, d’accord. »

C’était inattendu. Apparemment, elle ne savait pas qui il était. Peu importe comment nous étions liés. C’était plus important de la faire parler. Après tout, lorsque vous démarrez un jeu vidéo pour la première fois, la meilleure façon d’établir une relation avec un PNJ était de lui parler à plusieurs reprises.

Alors que je pensais ça, elle leva la main et me gifla.

« Hein… ? »

C’était si abrupt. Elle me frappa juste au visage. Je lui avais demandé, un peu confus : « Pourquoi m’avez-vous frappé ? ».

« Parce que tu agis de façon si suffisante alors que tu es plus jeune que moi ! »

« Alors c’est comme ça. »

Ma joue était encore chaude là où elle m’avait giflé. Ça m’avait piqué. Ça fait mal, pensais-je.

Ma deuxième impression d’elle était qu’elle était violente.

Je crois que je n’avais pas d’autre choix.

« Très bien, alors je vais vous rendre la pareille. »

« Quoi !? »

Je n’avais pas attendu sa réponse, je l’avais giflée. Smack ! Ce n’était pas un son très agréable.

C’était probablement faible parce que je n’avais pas l’habitude de gifler les gens. C’est très bien. Au moins, elle a ressenti la douleur. Je m’étais rassuré.

« Maintenant, vous comprenez… »

C’est ce que j’essayais de dire, mais du coin de l’œil, j’avais vu ses cheveux se dresser et elle tira son poing en arrière. C’était exactement la même pose qu’une statue de Nio, l’un des gardiens divins et courroucés du Bouddha.

Juste comme je le pensais, son poing entra en contact avec moi. Sa jambe attrapa la mienne dès que j’avais commencé à trébucher. Puis sa main claqua contre ma poitrine, me forçant à m’effondrer. Quelques secondes plus tard, elle était perchée sur moi. Quand j’avais réalisé ce qui se passait, elle avait mes bras coincés sous ses genoux.

H-huh ? Je ne peux pas bouger ? J’avais paniqué.

« Hé, attendez ! »

Le son de ma consternation avait été noyé par ses hurlements.

« Contre qui crois-tu avoir levé la main !? Je vais te le faire regretter ! »

Son poing tomba sur moi comme un marteau.

« Aïe, aïe, ça fait mal ! Attendez, quoi, non, arrêtez ! »

J’avais pris cinq coups de poing avant de pouvoir utiliser ma magie pour m’échapper. Bien que mes jambes menaçaient de s’effondrer sous moi, je m’étais forcé à me redresser et à les plier pour porter une contre-attaque. Je l’avais frappée au visage avec une vague de magie du vent.

« … Tu ne vas pas t’en tirer comme ça. »

Mon attaque l’avait ébranlée, mais ça ne l’avait pas arrêtée un seul instant. Elle était venue en volant vers moi avec l’expression du diable sur son visage.

J’avais réalisé mon erreur dès que j’avais vu son expression. En trébuchant, je m’étais enfui. Elle n’était pas le genre de jeune maîtresse à laquelle j’étais habitué. Elle n’était pas du genre capricieux et égoïste, qui prenait des décisions en fonction de leurs sentiments du moment. Elle était plutôt la protagoniste délinquante d’un manga !

J’aurais peut-être pu la frapper avec ma magie, mais je doutais qu’elle m’écoute. Elle attendait son heure pour se rétablir, puis elle reviendrait pour se venger. Je pourrais la frapper avec de la magie à chaque fois, mais sa détermination ne faiblira jamais.

Contrairement à un protagoniste de manga, elle semblerait aussi être du genre à se battre salement. Elle pouvait me jeter un vase du haut de l’escalier ou venir vers moi dans l’ombre avec une épée en bois. Elle ferait n’importe quoi pour s’assurer qu’elle rende dix fois les dommages qu’elle avait reçus. Si l’occasion se présentait, elle ne cacherait rien.

Ce n’était pas une blague. Je ne pouvais pas utiliser la magie de guérison parce que je ne pouvais pas m’arrêter pour chanter le sort. Mais tant que l’on continuait comme ça, elle n’écouterait pas ce que j’avais à dire. J’allais devoir utiliser la force brute pour qu’elle m’écoute.

Mais c’était la seule décision que je ne pouvais pas prendre pour l’instant.

Voilà, maintenant elle était sur le point de m’attraper.

◇ ◇ ◇

Épuisée par sa poursuite, la Jeune Maîtresse finit par abandonner et retourna dans sa chambre. Elle n’avait pas réussi à me trouver, mais c’était proche.

Je me sentais engourdi quand cette démone rousse passa à côté de moi. Je n’aurais jamais imaginé être ainsi le protagoniste d’un film d’horreur. Totalement épuisé, j’étais retourné vers Philip, qui m’attendait avec un sourire amer sur son visage.

« Alors, comment ça s’est passé ? »

« Pas bien du tout », répondis-je au bord des larmes.

Quand elle me frappait, j’avais cru qu’elle allait me tuer. Quand je m’étais enfui, j’étais presque en larmes.

Ça faisait si longtemps que je n’avais pas ressenti ça. Pourtant, j’en avais déjà fait l’expérience. Non pas que je portais le traumatisme avec moi ou quoi que ce soit d’autre. 

« Alors, vas-tu abandonner ? »

« Il en est hors de question. »

Comment pourrais-je ? Je n’avais rien accompli. Si je reculais maintenant, cela voudrait dire que j’avais été frappé pour rien.

« Je veux que nous puissions faire ce dont nous avons parlé tout à l’heure. »

J’inclinai la tête devant lui avec détermination. J’allais apprendre à cette bête ce qu’était vraiment la vraie peur.

« D’accord. Thomas, fais les préparatifs. »

Juste à ce moment, le majordome prit congé. Philip avait dit : « Tu as vraiment des idées intéressantes. »

« Le pensez-vous vraiment ? »

« Effectivement. Tu es le seul professeur à être venu me voir avec un plan aussi ambitieux. »

« Mais je pense que ce sera efficace. »

J’étais quand même un peu nerveux.

« Est-ce que mon petit truc marchera vraiment sur quelqu’un ayant sa personnalité ? »

Philip haussa les épaules et dit : « Ça dépendra du travail que tu feras. »

Naturellement.

C’était ainsi que nous avions commencé à travailler sur notre plan.

◇ ◇ ◇

J’étais entré dans la pièce qu’ils m’avaient donnée. C’était délicieusement meublé. Il y avait un grand lit et d’autres meubles lourdement décorés, de beaux rideaux et une bibliothèque toute neuve. Tout ce dont elle avait besoin, c’était d’un climatiseur et d’un ordinateur et ce serait un vrai paradis. C’était une belle chambre.

Ce devait être une chambre d’amis, plutôt qu’une chambre de domestiques, qui m’avait été donnée parce que je portais le nom de Greyrat. Pour une raison ou une autre, la plupart de leurs domestiques étaient des hommes bêtes. J’avais entendu dire qu’ils faisaient de la discrimination contre les démons dans ce pays, les races bestiales seraient-elles une exception ?

« Ah, Paul, salaud. C’est un sacré endroit dans lequel tu m’as envoyé. »

Je m’étais couché sur le lit et j’avais mis ma tête palpitante dans mes mains. Probablement un effet persistant du coup de poing. J’avais murmuré un chant pour guérir mes blessures.

« Au moins, c’est mieux que ce qui s’est passé dans ma vie antérieure. »

Bien sûr, la partie où j’avais été frappé et viré de la maison était la même. Mais cette fois, les choses seraient différentes. Je ne serais pas laissé pour compte dans le froid. Il y avait un monde de différence entre mon présent et mon passé.

Paul s’en assurerait. Il m’avait déjà préparé un travail et un endroit pour dormir. Il m’avait même donné de l’argent de poche. C’était plus que suffisant.

Si mon ancienne famille avait tant fait pour moi, j’aurais peut-être pu changer ma vie. S’ils m’avaient trouvé un travail, un endroit où vivre et veillaient sur moi pour s’assurer que je ne m’enfuyais pas…

Non, ça ne serait jamais arrivé. J’avais 34 ans et je n’avais pas d’antécédents professionnels. Ils m’avaient abandonné parce qu’ils ne pouvaient rien faire de moi.

De toute façon, je doutais que j’aie changé même s’ils l’avaient fait pour moi. Je n’aurais probablement même pas essayé de trouver du travail. S’ils m’avaient pris mon ordinateur, mon seul amour, je me serais probablement suicidé.

Les choses étaient différentes maintenant parce que j’étais différent. Parce que j’avais décidé cette fois de travailler et de gagner de l’argent. J’avais peut-être été forcé de me retrouver dans cette situation, mais le moment était parfait. J’avais peut-être mal compris Paul.

« Mais il n’avait pas besoin de m’envoyer ici pour gérer ça. »

De toute façon, c’était quoi cette créature enragée ? En quarante ans de vie, je n’avais jamais rien vu de tel auparavant. Terrifiant n’était pas assez fort pour décrire ça. C’était violent. Comme une cocotte-minute qui explosait. Assez pour te donner un TSPT. J’avais peut-être un peu mouillé mon pantalon. (NdT : Trouble de Stress Post Traumatique)

Alors que la plupart des lames japonaises avaient un côté émoussé, elle était comme une épée à double tranchant. Comme une bouteille de poison qui avait été renversée partout.

Maintenant, je comprends pourquoi elle a été virée de l’école.

Il y avait de l’expérience dans la façon dont elle me frappait avec ses poings. C’était des poings qui avaient l’habitude de frapper les gens. Des poings qui avaient battu des gens, qu’ils aient résisté ou non.

Elle n’avait que neuf ans et pourtant, elle savait si bien rendre ses adversaires impuissants. Pourrais-je vraiment enseigner à quelqu’un comme ça ?

J’avais parlé à Philip de notre plan.

D’abord, on la kidnappait et on lui donnait un avant-goût de ce que c’était que d’être impuissant. C’était à ce moment-là que je venais l’aider. De cette façon, elle apprendrait à me respecter et à suivre mes cours avec obéissance. Un plan simple, mais je savais comment ça devait se passer. Tant qu’elle réagissait bien, tout se passera bien.

… Mais est-ce que cela marchera vraiment ? Elle était bien plus violente que je ne l’aurais jamais imaginé. Elle mugissait et criait jusqu’à ce que son adversaire morde à l’hameçon, puis les battait à mort. Sa violence montrait clairement à quel point son désir de gagner était fort.

Était-il possible que, même après avoir été enlevée, elle ne soit pas du tout affectée ? Et que quand je serais allé l’aider, elle ne soit pas du tout surprise et dirait : « Tu en as mis du temps, sac à merde. »

C’était possible. Avec elle, c’était tout à fait possible.

Il était probable qu’elle réagirait d’une façon que je ne pouvais prévoir. J’avais donc besoin de me préparer mentalement à ça. L’échec n’était pas une option.

J’y avais réfléchi. J’avais essayé de trouver un plan qui me permettrait certainement de réussir. Pourtant, plus j’y pensais, plus mes pensées s’embrouillaient.

« S’il te plaît, mon Dieu, fasse que ce plan fonctionne. »

À la fin, j’avais prié. Je ne croyais pas en Dieu, et pourtant, comme tout Japonais, je m’étais tourné vers la prière quand j’étais en difficulté.

S’il te plaît, d’une façon ou d’une autre, faites que ça marche, j’avais prié.

C’était alors que j’avais réalisé que j’avais laissé ma culotte chérie dans le village de Buena. J’avais pleuré. Il n’y avait pas de Dieu (alias Roxy) ici.

◇ ◇ ◇

NOM : « Jeune maîtresse »

OCCUPATION : Petite-fille du seigneur féodal de Fittoa.

PERSONNALITÉ : Féroce

NE FAITES PAS ÇA : N'écoute pas ce que les gens disent

LECTURE/ÉCRITURE : Peut écrire son propre nom

ARITHMÉTIQUE : Peut faire des additions à un chiffre

MAGIE : Aucune idée

ESCRIME : Style du Dieu de l’épée — Niveau débutant

ÉTIQUETTE : Peut faire le salut à la Boreas.

LES GENS QU’ELLE APPRÉCIE : Grand-père, Ghislaine

***

Chapitre 2 : Tout se déroule-t-il comme prévu ?

Partie 1

Quand j’avais ouvert les yeux, je m’étais retrouvé au milieu d’un entrepôt miteux. La lumière du soleil était filtrée à travers une fenêtre en fer.

J’avais mal, mais autant que je pouvais le dire, aucun os n’était cassé, alors j’avais murmuré un sort de guérison pour me rétablir.

« Nous y voilà. »

J’étais complètement guéri. Mes vêtements n’étaient même pas déchirés. Ça se passait exactement comme je l’avais prévu.

Mon plan pour piéger la jeune maîtresse était exactement le suivant :

  1. Aller dans un magasin de vêtements en ville avec la Jeune Maîtresse.

  2. Qu’elle laisse sa nature mal élevée faire son travail et qu’elle ait envie de sortir seule.

  3. Demander à Ghislaine de l’escorter comme d’habitude, puis « accidentellement » de détourner le regard et de laisser la Jeune Maîtresse lui faire la sourde oreille.

  4. Je la suivrais, mais comme je n’étais qu’un grincheux qu’elle tabassait, elle s’en ficherait de moi.

  5. Elle m’emmènera aux confins de la ville (parce qu’apparemment, elle s’intéresse beaucoup aux aventuriers).

  6. Faire venir quelqu’un de la famille Greyrat.

  7. Qu’ils nous assomment tous les deux, nous emmènent et nous enferment quelque part dans une ville voisine.

  8. J’utiliserais la magie pour mettre en scène une évasion.

  9. Une fois dehors, je lui dirais que je pensais qu’on était dans une ville voisine.

  10. J’utiliserais l’argent que j’aurais caché dans mes sous-vêtements pour nous mettre dans une diligence.

  11. Nous arriverions sains et saufs à la maison, et je tiendrais mon menton haut pendant que je donnerais une leçon de morale à la Jeune Maîtresse.

Pour l’instant, mon plan avait tranquillement atteint l’étape sept. Il ne me restait plus qu’à utiliser ma magie, mes connaissances, ma sagesse et mon courage pour faire une magnifique évasion. Pour rendre les choses plus réalistes, j’improviserais un peu ici. J’étais un peu nerveux à propos de la façon dont ça se passerait.

« Hm… ? »

Cependant, les choses étaient un peu différentes de ce que j’avais prévu. L’entrepôt était couvert de poussière, et dans un coin il y avait une chaise cassée et une armure jetée avec un trou dans un coin. Mon plan était d’être dans un endroit un peu plus propre que ça.

D’un autre côté, nous avions dit que nous ferions en sorte que ce soit aussi crédible que possible, alors je supposais que cela devait se passer ainsi.

« Mm… uungh… ? »

La Jeune Maîtresse se réveilla quelques instants plus tard. Elle ouvrit les yeux, ne reconnut pas son entourage et essaya de se lever en sautant. Mais comme ses mains étaient attachées derrière son dos, elle était tombée et se tordit comme une chenille.

Elle avait perdu son sang-froid dès qu’elle avait réalisé qu’elle ne pouvait plus bouger.

« Qu’est-ce que c’est que ça !? Arrêtez de déconner ! Pour qui me prenez-vous !? Détachez-moi immédiatement ! »

Sa voix était insupportablement forte. Je l’avais aussi noté au manoir. Elle n’avait vraiment pas baissé le volume dans ce petit espace. Je pensais qu’elle avait peut-être élevé la voix parce que le manoir était vraiment grand et qu’elle voulait que les gens l’entendent dans tous les coins du manoir quand elle parlait.

Mais non, c’était la petite-fille de son grand-père. Sauros était aussi du genre à crier contre son adversaire, même s’il en pinçait pour sa petite-fille. Elle avait dû voir comment son grand-père intimidait les domestiques et Philip. Les enfants aimaient imiter ce qu’ils voyaient, surtout si c’était quelque chose de mauvais.

« Ta gueule, sale gosse ! »

La porte s’ouvrit et un homme entra, probablement à cause de ses cris.

Ses vêtements étaient tous déchirés et une odeur nauséabonde s’accrochait à lui. Il était chauve et son visage n’était pas rasé. Je n’aurais pas été surpris s’il avait sorti une carte de visite qui disait : « Salut, je suis un bandit ! »

Joli choix, pensais-je. Maintenant, elle ne comprendrait jamais qu’on avait tout mis en scène.

« Eww! Tu pues ! Ne t’approche pas de moi ! Tu sens mauvais ! Pour qui me prends-tu !? D’une minute à l’autre, Ghislaine va venir ici et te couper en deux ! »

Whack! Elle avait été envoyée en vol avec un « whoosh » audible. Un grand cri avait quitté sa bouche quand elle s’était cognée contre le mur.

« Sale gosse ! Tu crois que tu peux me le dire, hein !? Nous savons déjà que vous êtes les petits-enfants du seigneur ! »

L’homme n’avait rien caché lorsqu’il avait commencé à piétiner la Jeune Maîtresse, dont les mains étaient encore attachées derrière son dos.

Ça va un peu loin, non ?

« Ça fait mal… Arrête-toi ! Stop, agh… Arrête ça… »

« Puh ! »

Pendant un moment, il continua à lui donner des coups de pied. Quand il avait fini, il cracha sur son visage et me regarda fixement. J’avais tourné la tête pour éviter son regard, et un coup de pied m’avait frappé au visage.

« … Argh ! »

Ça fait mal ! On était censés faire semblant, mais il aurait pu faire preuve d’un peu de retenue. Je leur avais dit que je pouvais utiliser la magie de guérison, mais…

« Tsk! C’est pour avoir l’air si heureux ! »

Il était sorti de l’entrepôt. J’entendais des voix derrière la porte.

« Ils se sont tus ? »

« Ouais. »

« Tu ne les as pas tués, pas vrai ? Si la marchandise meurt, elle perdra de sa valeur. »

Il y avait quelque chose d’étrange dans cette conversation. C’était trop réaliste… ce qui aurait été bien si c’était juste une mise en scène. Le problème, c’était que ça n’en avait pas l’air. Ce qui se passait là était peut-être quelque chose de bien réel.

« Oh ? Eh, je suis sûr que ça ira. Au moins, on devrait s’en sortir tant qu’on a encore le garçon. »

Ce n’est pas bon.

« … »

Après la disparition des voix, j’avais compté jusqu’à 300 avant de brûler les cordes qui me liaient les mains. J’étais allé là où se trouvait la Jeune Maîtresse. Du sang coulait de son nez. Elle regarda fixement en marmonnant quelque chose pour elle-même.

Je m’étais rendu compte qu’elle marmonnait : « Tu ne t’en tireras pas comme ça » et « Je vais le dire à mon grand-père », parmi d’autres expressions plus dangereuses que je n’avais pas envie d’écouter

Pour l’instant, j’avais besoin d’évaluer ses blessures.

« Eek! »

Ça avait dû faire mal, parce que sa tête s’était relevée quand elle m’avait regardé, la peur dans les yeux.

J’avais mis un doigt sur mes lèvres et j’avais surveillé sa réaction en la regardant. Elle avait deux os cassés.

« Ô déesse de l’affection maternelle, referme ses blessures et redonne de la vigueur à son corps, Grande Guérison ! »

J’avais incanté d’une voix grave un sort de guérison de niveau moyen, restaurant le corps de la Jeune Maîtresse. Malheureusement, le simple fait d’ajouter de l’énergie magique ne rendrait pas les sorts de guérison plus efficaces. J’espérais que ce que j’avais fait était suffisant pour guérir ses blessures correctement. Elle irait bien tant que ses os étaient bien liés ensemble.

« H-Hein ? La douleur est… ? »

Elle baissa les yeux vers son corps, perplexe.

Je lui murmurai à l’oreille : « Chut, tais-toi. Tes os étaient cassés, alors j’ai utilisé la magie de guérison. Jeune maîtresse, il semblerait que nous ayons été enlevés par des gens qui en veulent au seigneur. Par conséquent… »

Elle n’écoutait pas.

« Ghislaine ! Ghislaine, à l’aide ! Ils vont me tuer ! Sauve-moi, vite ! »

Sa voix sifflante résonnait dans toute la pièce.

J’avais immédiatement caché la corde qui me liait les mains sous mes vêtements et je m’étais précipité au coin de la pièce. J’avais caché mes mains entre mon dos et le mur, prétendant que j’étais encore attaché.

Le pouvoir de la voix de la Jeune Maîtresse suffisait à ramener l’homme, la porte s’ouvrit violemment.

« Ferme ta gueule ! »

Cette fois, il l’avait frappée encore plus fort qu’avant.

Elle n’apprend vraiment pas, pensai-je.

« Petite merde, la prochaine fois que tu fais des histoires, je te tue ! »

Et bien sûr, j’avais aussi reçu un deuxième coup de pied.

Je n’ai rien fait, pourquoi m’as-tu frappé !? Maintenant, j’ai envie de pleurer, pensai-je en retournant aux côtés de la Jeune Maîtresse.

« Guhuh, guhuh... »

C’était mauvais. Je n’étais pas certain que c’était une côte cassée, mais elle vomissait du sang. Un de ses organes internes s’était probablement rompu. Ses bras et ses jambes étaient cassés aussi. Je ne connaissais pas grand-chose aux traitements médicaux, mais ces blessures semblaient suffisamment graves pour qu’elle meure si je la laissais comme ça.

« Que ce pouvoir divin soit comme une nourriture satisfaisante, donnant à celui qui a perdu sa force le pouvoir de ressusciter, guérison ! »

Pour l’instant, j’avais décidé d’utiliser un sort de guérison de base pour un léger rétablissement.

Le sang qui sortait de sa bouche s’était arrêté. Au moins maintenant, elle ne mourrait pas… probablement.

« Guhuh… Ça fait encore mal. Guéris… tout ça. »

« Non. Si je te guéris, tu te feras encore donner des coups de pied, d’accord ? Utilise ta propre magie. »

« Je ne peux pas faire ça. »

« Tu pourrais si tu apprenais comment. »

Sur ce, j’étais allé à l’entrée de l’entrepôt et j’avais pressé mon oreille jusqu’à la porte. Je voulais entendre la conversation de nos ravisseurs. C’était complètement différent de mon plan. Peu importe la raison, ils étaient allés trop loin.

« Alors, on va vendre à ce type ? »

« Non, on va les utiliser pour une rançon. »

« Ils ne vont pas nous traquer ? »

« Je m’en fiche. Si ça arrive, on ira dans un pays voisin. »

Donc, ils avaient vraiment l’intention de nous vendre. Il semblerait que nous n’avions pas confié le plan d’enlèvement à un proche de la famille, mais que nous nous étions plutôt mêlés à de vrais kidnappeurs.

Je me demandais où le plan avait mal tourné. Était-ce au moment où on avait été kidnappés ? Ou Philipe essayait-il vraiment de vendre sa fille ? Non, cette dernière option était peu probable. Eh bien… Quoi qu’il en soit, mon travail était toujours le même. Cela signifiait simplement que nous n’avions pas de filet de sécurité.

« On obtiendrait plus avec une rançon qu’en les vendant, non ? »

« Décidons d’ici ce soir. »

« Oui, vendre ou demander une rançon. »

Ils ne semblaient pas d’accord sur la question de savoir s’ils devaient nous vendre quelque part ou demander une rançon au seigneur féodal. Quoi qu’il en soit, ils nous feraient sortir d’ici ce soir. Nous devions nous mettre en mouvement tant qu’il faisait encore jour.

« D’accord, mais que faire ? »

Je pourrais défoncer la porte et soumettre nos ravisseurs avec de la magie. Peut-être que si elle me voyait vaincre les gens qui l’avaient battue sans raison, la Jeune Maîtresse apprendrait à me respecter…

Non, c’était peu probable. Elle était du genre à penser qu’elle aurait pu faire la même chose s’ils ne l’avaient pas battue. En plus, ça lui montrerait que la violence porte ses fruits. J’avais besoin de lui apprendre que la violence ne lui rapportait rien, sinon elle continuerait à me frapper. Je ne voulais pas qu’elle ait l’impression d’avoir ce pouvoir.

J’avais réalisé ceci : il n’y avait aucune garantie que je puisse être capable de battre ces kidnappeurs. S’ils étaient aussi forts que Paul ou Ghislaine, j’étais sûr que j’allais perdre. Et si je perdais, ils me tueraient.

D’accord, alors partons d’ici sans embêter les kidnappeurs.

J’avais jeté un coup d’œil en arrière pour voir la Jeune Maîtresse. Oups. Elle me regardait fixement, les yeux remplis de colère.

Hmmmm.

Commençons par mettre le plan en action.

Dans un premier temps, j’avais utilisé la magie de la terre et du feu pour remplir les fissures de la porte. Puis j’avais fait fondre le bouton de la porte pour que la poignée ne puisse pas être tournée. Maintenant, c’était juste une porte qu’on ne pouvait plus ouvrir. Bien sûr, ça ne voulait rien dire s’ils l’avaient percé, mais ça nous ferait quand même gagner du temps.

Ensuite, la fenêtre. C’était un petit trou avec des barres de métal. J’avais envisagé de concentrer ma magie du feu sur un endroit pour brûler le fer des barreaux, mais cela nécessiterait des températures trop élevées pour être pratiques. Finalement, j’avais utilisé la magie de l’eau pour desserrer les briques qui encadraient les barres de fer. Une fois que j’avais réussi à les enlever, il ne restait plus qu’un trou juste assez grand pour qu’un seul enfant puisse y passer.

Maintenant, nous avions une issue de secours.

« Jeune maîtresse. Il semblerait que les gens qui nous ont kidnappés en veuillent au seigneur. Leurs amis seront là ce soir. Ils parlaient justement de la façon dont ils vont nous battre à mort. »

« Ça doit être un mensonge… pas vrai ? »

Bien sûr que ça l’était. Mais le visage de la Jeune Maîtresse était de toute façon devenu pâle.

« Je ne veux pas mourir ainsi… au revoir. »

J’avais attrapé le rebord du cadre vide de la fenêtre et je m’y étais hissé. Au même moment, une voix se fit entendre à travers la porte.

« Hé, ça ne s’ouvre pas ! Qu’est-ce qui se passe, bon sang ? »

Bang, bang ! Ils frappèrent à la porte.

La Jeune Maîtresse me regarda avec désespoir, moi et la porte.

« Ne me laisse pas derrière… à l’aide. »

Oh wôw. Elle avait cédé plus vite que je ne le pensais. Je supposais que cette situation était terrifiante, même pour elle.

J’avais sauté par terre, je m’étais approché d’elle et j’avais chuchoté :

« Peux-tu me promettre d’écouter tout ce que je dirais jusqu’à ce qu’on rentre à la maison ? »

« J’écouterai, bien sûr. »

« Peux-tu aussi promettre que tu ne crieras pas ? Ghislaine n’est pas là, OK ? »

Elle acquiesça d’un signe de tête vigoureux.

« Je-Je promets. Alors, dépêche-toi… ou ils viendront… Ils viendront ! »

Son comportement avait complètement changé depuis qu’elle m’avait frappé. Elle était remplie de peur et de malaise. Bien, maintenant elle avait compris.

J’avais essayé d’avoir l’air calme et cool.

« Si tu romps ta promesse, je te laisserai derrière. »

J’avais renforcé la porte avec de la magie de Terre. Puis j’avais utilisé le feu pour lui enlever ses liens et la guérir afin de la remettre en pleine santé.

Finalement, je glissais par la fenêtre tout en sortant la Jeune Maîtresse avec moi.

***

Partie 2

Une fois sortis de l’entrepôt, nous avions été accueillis par une ville inconnue. Il n’y avait pas de murs fortifiés. On n’était pas à Roa. Ce n’était pas assez petit pour être un village, mais c’était une très petite ville. Il fallait que je réfléchisse vite, sinon ils allaient nous trouver.

« Hmph, c’est assez loin ! » déclara la Jeune Maîtresse à haute voix.

Elle semblait penser que nous avions déjà semé notre ennemi.

« Tu avais promis de ne pas crier avant notre retour. »

« Hmph ! Pourquoi dois-je tenir mes promesses ? » dit-elle, comme si c’était la chose la plus évidente au monde.

Cette petite morveuse !

« Oh vraiment ? Alors c’est ici que nous nous séparons. Au revoir. »

« Hmph ! » Elle avait ouvert les narines et commença à s’éloigner, mais nous avions ensuite entendu des cris lointains et furieux.

« Ces foutus gosses ! Où diable sont-ils allés !? »

Ils avaient dû défoncer la porte et voir que les barreaux des fenêtres avaient disparu. Quoi qu’il en soit, ils savaient que nous nous étions enfuis et ils nous cherchaient.

« … Eek! » la Jeune Maîtresse hurla et se précipita vers moi.

« Ce que j’ai dit il y a quelques secondes était un mensonge. Je ne crierai plus. Maintenant, ramène-moi à la maison ! »

« Je ne suis ni ton serviteur ni ton esclave. »

Le fait qu’elle ait changé d’avis si facilement m’irritait.

« Qu’est-ce que tu dis ? Tu es mon tuteur, c’est ça ? »

« Non, ce n’est pas le cas. »

« Hein ? »

« Tu as dit que tu ne m’aimais pas, alors je n’ai pas été engagé. »

« Eh bien, dans ce cas je t’engagerai », dit-elle à contrecœur.

J’avais besoin d’une vraie promesse cette fois.

« Encore ces promesses. Une fois de retour au manoir, tu la casseras comme tu l’as fait il y a une seconde, hein ? » avais-je dit, tout en espérant que je n’avais pas l’air affecté et distant, mais sûr qu’elle ne tiendrait pas sa parole.

« Je ne romprai pas ma promesse, alors… j’exige… non, je veux dire… aide-moi. »

« Tu peux venir avec moi, tant que tu tiens ta promesse de ne pas crier et d’écouter ce que je dis. »

« Compris. »

Elle hocha la tête doucement.

Très bien. Passons maintenant à l’étape suivante, avais-je pensé.

D’abord, j’avais récupéré les cinq grosses pièces de cuivre que j’avais glissées dans mes sous-vêtements. C’était tout l’argent que je possédais. Dix grosses pièces de cuivre constituaient une pièce d’argent. Ce n’était pas beaucoup d’argent, mais ce serait suffisant pour nos besoins.

« Maintenant, viens avec moi, s’il te plaît. »

Nous nous étions dirigés vers l’entrée de la ville, loin du bruit lointain des cris de colère. Un garde endormi était de service. Je lui avais passé l’une de mes pièces.

« Si quelqu’un vous demande si vous nous avez vus, dites-lui qu’on a quitté la ville. »

« Hein ? Quoi ? Des enfants ? D’accord. Vous jouez à cache-cache ou quoi ? C’est beaucoup d’argent. Bon sang, de quelle famille riche êtes-vous tous les deux… ? »

« S’il vous plaît, dites-leur ce que j’ai dit. »

« Ouais, compris. »

C’était une réponse grossière, mais nous ne pouvions pas nous permettre de traîner.

Ensuite, je m’étais dirigé vers la salle d’attente de la diligence. Le tarif et les conditions d’utilisation étaient écrits sur le mur, mais j’avais déjà lu cette information il y a quelques jours. Au lieu de cela, je cherchais l’emplacement de la ville.

« On dirait qu’on est à deux villes de Roa, dans une ville appelée Wieden », murmurai-je à la Jeune Maîtresse.

Tenant sa promesse, elle répondit d’une voix feutrée : « Comment le sais-tu ? »

« C’est écrit juste là. »

« Je ne peux pas le lire. »

Nous y voilà, pensai-je.

« Savoir lire est vraiment bénéfique. La façon dont la diligence fonctionne est aussi écrite ici. »

Pourtant, c’était incroyable qu’ils aient réussi à nous emmener si loin en une journée seulement. Être dans une ville que je ne connaissais pas me rendait nerveux. C’était presque comme si je revivais un traumatisme antérieur.

Non, non, non. C’est complètement différent de l’époque où je ne savais pas comment trouver l’emplacement du Pole Emploi, pensais-je

Alors que j’étais perdu dans mes pensées, des cris se firent entendre.

« Merde ! Où diable se cachent-ils !? Sortez de là ! »

« Cache-toi ! »

J’avais attrapé la Jeune Maîtresse et je m’étais caché dans les toilettes, verrouillant la porte derrière nous. Dehors, il y avait des bruits de pas lourds.

« Où sont-ils, bon sang !? »

« Tu ne vas pas me faire croire qu’ils nous ont échappé ! »

Whoa, effrayant.

Oh, arrêtez ça tout de suite. Vous pourriez au moins parler d’une voix douce, comme un propriétaire qui essaie de faire sortir son chat. Vous auriez peut-être une chance de nous tromper et de nous faire sortir. Ça ne marcherait pas, bien sûr, mais au moins vous auriez une chance.

« Merde, ils ne sont pas là ! »

Peu de temps après, leurs voix s’éloignèrent. Nous avions eu le temps de nous détendre un peu, mais c’était trop tôt pour baisser la garde. Après tout, lorsque les gens paniquaient, ils avaient tendance à tourner en rond et à fouiller la même zone à plusieurs reprises.

« Tout est OK maintenant ? »

Elle posa sa main tremblante au-dessus de sa bouche.

« S’ils nous trouvent, on devra se battre. »

« D’accord… D’accord ! »

« Bien que je doute qu’on puisse gagner. »

« Vraiment… ? »

Je l’avais dit parce qu’elle avait l’air de retrouver son esprit combatif. Je ne voulais pas me faire tabasser par eux une autre fois.

« Je regardais le prix de la diligence, et on dirait qu’il va falloir changer deux fois de calèche pour revenir. »

« Changer de calèche ? »

Elle semblait confuse quant à l’importance de cela.

« Seulement cinq diligences partent chaque jour, une toutes les deux heures à partir de huit heures du matin. C’est la même chose pour toutes les villes. Et il faut trois heures pour arriver à la prochaine ville d’ici. Si nous partons maintenant, nous serons sur la quatrième diligence de la journée. En d’autres termes… »

« En d’autres termes… ? »

« Quand nous atteindrons la ville voisine, la dernière diligence sera déjà partie pour Roa. Il nous faudra donc passer une nuit dans cette ville avant de pouvoir partir. »

« Non… O-oh, je vois. Hm. »

Elle voulait se mettre à crier, mais elle s’était retenue. Ouais, s’il te plaît, essaie de retenir ta forte voix.

« Il me reste quatre grosses pièces de cuivre, mais nous devons aller dans la ville voisine, y dormir une nuit, puis aller à Roa. Cela va être juste. »

« Mais ce sera suffisant, n’est-ce pas ? »

« Ce sera le cas. »

Elle avait l’air soulagée, mais il était trop tôt pour se détendre.

« Tant que personne n’essaiera de nous escroquer quand il nous rendra le change, bien sûr. »

« Rendra le change… ? »

Elle fit une grimace, comme si elle ne savait pas de quoi je parlais. Peut-être qu’elle n’avait jamais utilisé l’argent pour elle-même avant.

« Quand les gens qui dirigent l’auberge ou les diligences verront que nous sommes des enfants, ils penseront probablement que nous ne pouvons pas calculer les prix, non ? Cela signifie qu’ils pourraient essayer de nous tromper en augmentant le prix et en ne nous rendant qu’un peu de monnaie. Maintenant, si tu fais remarquer que le montant rendu n’est pas le bon, ils te donneront le reste. Mais, si tu ne sais pas comment le calculer, alors… »

« Alors ? »

« Nous n’aurions pas assez d’argent pour la dernière diligence. Et ces gars d’avant nous rattraperont. »

Elle s’était mise à trembler, comme si elle allait se pisser dessus à tout moment.

« Les toilettes sont là-bas. »

« Je le sais. »

« Très bien, alors je vais jeter un coup d’œil dehors. »

Quand j’avais essayé de partir, elle attrapa l’ourlet de ma chemise.

« Ne pars pas. », dit-elle.

Je l’avais laissée faire pipi avant de retourner dehors.

Nos deux poursuivants semblaient partis, mais je ne savais pas s’ils cherchaient encore à l’intérieur ou à l’extérieur de la ville. Si nous les rencontrions, je devrais les maîtriser avec ma magie.

Alors que nous nous cachions dans un coin de la salle d’attente, j’avais prié pour qu’ils soient des adversaires que je puisse vaincre. Quand il était temps de partir, j’avais remis mon argent au cocher et nous étions montés à bord.

***

Partie 3

Nous étions arrivés dans la ville voisine sans problème.

Pour la nuit, j’avais choisi une cabane délabrée pour apprendre à la Jeune Maîtresse à quel point le monde pouvait être dur. Nos lits étaient faits de paille.

La Jeune Maîtresse était si tendue qu’elle ne pouvait pas dormir. Chaque fois qu’elle entendait un bruit, elle sursautait et regardait, effrayée, à l’entrée de la pièce. Quand tout semblait aller bien, elle poussait un soupir de soulagement. Elle fit cela encore et encore.

Le lendemain matin, nous avions sauté dans la première diligence jusqu’à Roa. La Jeune Maîtresse n’avait pas dû beaucoup dormir, car ses yeux étaient injectés de sang. Et pourtant, elle ne semblait pas du tout fatiguée. Au lieu de cela, elle jetait un coup d’œil à l’arrière de la diligence, à la recherche d’éventuels poursuivants. Plusieurs fois, un cavalier solitaire nous avait dépassés sur sa monture, mais aucun d’eux n’était nos ravisseurs.

Nous avions parcouru une bonne distance, alors peut-être qu’ils avaient abandonné. C’était du moins ce que je pensais naïvement.

Les heures passèrent. Nous étions arrivés à Roa sans aucun problème. Une fois que nous avions franchi ces murs solides et que nous avions vu le manoir du seigneur au loin, un sentiment de sécurité s’installa. Inconsciemment, j’avais baissé ma garde, pensant que nous étions en sécurité maintenant que nous étions arrivés aussi loin.

Nous avions débarqué et nous nous étions dirigés vers le manoir à pied. Nos pas semblaient légers. Après avoir roulé pendant des heures dans une diligence, sans compter le fait d’avoir dormi sur du foin pour la première fois, j’étais épuisé.

Puis, comme s’ils avaient attendu ce moment précis, deux hommes saisirent la jeune maîtresse et la tirèrent dans une ruelle.

« Quoi !? »

J’avais baissé ma garde. Il m’avait fallu deux secondes pour m’en rendre compte. Pendant les deux secondes où je l’avais quittée des yeux, elle était partie. Je pensais qu’elle avait peut-être vraiment disparu. Mais au coin de l’œil, j’avais aperçu des vêtements qui correspondaient à ce que portait la Jeune Maîtresse, juste avant qu’elle ne soit traînée au coin d’une bâtisse.

Je les avais immédiatement poursuivis. En entrant dans la ruelle, j’aperçus les deux hommes, dont l’un portait la Jeune Maîtresse dans ses bras, essayant de s’échapper.

J’avais rapidement utilisé un sort de terre pour créer un mur. La magie avait surgi du bout de mes doigts et une barrière s’était dressée devant eux. Leur chemin avait été coupé si soudainement que les hommes n’avaient pas pu s’arrêter à temps.

« Qu’est-ce que c’est que ça !? »

« Nggh ! »

La Jeune Maîtresse mordit son bâillon, des larmes perlaient dans ses yeux.

Incroyable… Ils ont réussi à la bâillonner en quelques secondes ? Ils devaient être bien entraînés, pensai-je. On aurait dit aussi qu’ils l’avaient frappée parce que sa joue était enflée et rouge.

Mes adversaires étaient les deux qui nous avaient kidnappés. L’un d’eux était le violent qui m’avait donné un coup de pied, et l’autre était probablement l’homme que j’avais entendu parler devant l’entrepôt. Ils ressemblaient tous les deux à des bandits, et chacun avait une épée gainée à leurs côtés.

« Aha, c’est donc ce morveux. Tu sais que tu aurais pu rentrer chez toi en toute sécurité si tu ne t’étais pas mêlé de ça. »

Bien qu’ils aient été pris au dépourvu par l’apparition soudaine de mon mur de terre, ils avaient souri quand ils virent que j’étais leur adversaire.

Le type violent s’approcha de moi, sa garde baissée. L’autre portait la Jeune Maîtresse. Je me demandais s’ils avaient d’autres camarades dans le coin. Quoi qu’il en soit, je fis apparaître une petite boule de feu au bout de mes doigts pour l’intimider.

« Hngh ! Bâtard ! »

Dès qu’il vit ça, l’homme violent dégaina son épée.

L’autre homme se mit aussitôt en garde et plaça le bout de son épée contre le cou de la Jeune Maîtresse en reculant.

« Espèce de sale gosse ! Je te trouvais trop calme ! On dirait que tu es son garde du corps, hein ? Pas étonnant que tu te sois échappé si facilement. Merde, j’ai été dupé par ton apparence ! Tu es un démon ! »

« Je ne suis pas un garde du corps. Je n’ai même pas encore été embauché », dis-je.

Je n’étais pas un démon non plus, mais il n’y avait pas besoin de le corriger à ce sujet.

« Quoi ? Alors pourquoi te mets-tu en travers de notre chemin !? »

« Eh bien, ils ont l’intention de m’engager après ça, alors… »

« Huh, donc tu veux de l’argent ? »

De l’argent, hein ? Il n’avait pas nécessairement tort. Je faisais ça pour gagner assez d’argent pour que Sylphie et moi puissions aller à l’université ensemble.

« Je ne le nierai pas. »

Dès que j’avais dit ça, les coins de ses lèvres se courbèrent.

« Alors tu devrais te joindre à nous. J’ai des relations avec un noble pervers qui paiera le prix fort pour une jeune fille d’une famille noble. J’ai entendu le seigneur féodal parler de sa petite-fille, alors on peut aussi la tenir en otage. De toute façon, on aura une tonne d’argent. »

« Oho. »

Je fis ce bruit pour lui faire croire que j’étais impressionné par leur proposition. La Jeune Maîtresse se tourna vers moi, son visage pâle. Peut-être savait-elle que je cherchais un emploi auprès de sa famille pour gagner de l’argent pour payer mes frais de scolarité.

« Et combien d’argent exactement ? »

« Il ne s’agit pas d’un travail rémunéré d’une ou deux pièces d’or par mois. Ça doit être au moins une centaine de pièces d’or. », dit-il avec un sourire satisfait.

C’était presque comme s’il n’avait aucune connaissance réelle de l’économie et qu’il essayait de se vanter comme un élève du primaire en disant : « C’est comme un million de yens! Peux-tu le croire!? »

« Et toi ? Tu as l’air d’un enfant, mais je parie que tu es beaucoup plus vieux que tu n’en as l’air. », me demanda-t-il.

« Pourquoi penses-tu cela ? »

« Cette magie que tu viens d’utiliser et le fait que tu sois aussi calme. C’est évident. Je sais qu’il y a des démons dehors comme ça. Je parie qu’on t’a donné du fil à retordre à cause de ton apparence, non ? Tu comprends l’importance de l’argent, pas vrai ? »

« Je vois. »

C’était donc à ça que je ressemblais d’un point de vue extérieur ? Eh bien, c’était certainement vrai vu que j’avais plus de quarante ans.

Ta-da ! Félicitations, tu as deviné correctement ! Bon travail.

« Tu as raison. Après avoir vécu aussi longtemps que moi, tu comprendras l’importance de l’argent. Je sais ce que c’est que d’être jeté dans un monde dont on ne sait pas grand-chose, sans argent et avec seulement les vêtements sur le dos. »

« Heh, ouais, tu nous as eus, pas vrai ? »

Tout à fait, parce que jusqu’à présent, je ne m’étais jamais soucié de l’argent. Au lieu de cela, j’avais passé presque vingt ans reclus. La moitié de ma vie n’avait été consacrée qu’à des jeux éroge et à des jeux en ligne. J’avais appris quelque chose grâce à tout ça. Je savais ce qui m’en coûterait si je la trahissais ici même, ainsi que ce qui arriverait si je l’aidais.

« C’est exactement pourquoi je sais qu’il y a des choses plus importantes que l’argent. »

« Ne commence pas à nous cracher des mots fleuris ! »

« Ce ne sont pas des mots fleuris. On ne peut pas acheter “dere” avec de l’argent. » (NdT en Japonais dere signifie moi. On aurait pu traduire par On ne peut pas m’acheter avec de l’argent mais la réponse du bandit serait incompréhensible)

Merde, mon moi intérieur s’était échappé. Ce n’était pas comme si ces hommes savaient ce que voulait dire le mot tsundere.

« Dere ? Qu’est-ce que c’est que ça ? »

L’homme violent avait l’air abasourdi, mais au moins il comprenait que notre négociation avait échoué. Son sourire effrayant avait été remplacé par un regard sinistre alors qu’il posait son épée sur le cou de la Jeune Maîtresse.

« Alors elle sera notre otage ! D’abord, lance cette boule de feu en l’air. »

« Tu veux que je le lance en l’air ? »

« C’est exact. Tu ferais mieux de ne pas le pointer sur nous, même pas par accident. »

« Peu importe la vitesse à laquelle tu agis, nous trancherons la gorge de cette petite morveuse et l’utiliserons comme bouclier humain plus vite que tu ne pourras nous frapper. »

Ne demanderais-tu pas à quelqu’un de disperser sa magie à la place ? Attends, peut-être qu’il ne savait pas. C’était logique : un sort chanté continuera jusqu’à ce qu’il soit libéré. Si vous n’appreniez pas la magie correctement, vous ne comprendriez probablement pas la différence entre utiliser un chant et ne pas en utiliser un.

« Bien reçu. »

Avant de décharger la boule de feu au bout de mon doigt, j’avais utilisé la magie pour y insérer une autre boule de feu spéciale. Puis je l’avais lancé en l’air.

Elle fit un bruit ridicule en s’envolant dans les airs. Une énorme explosion éclata au-dessus de nous.

« Huh ! »

« Ouah !? »

« Ngh !? »

La détonation était assez forte pour fendre les tympans. La lumière qui en sortait était aussi aveuglante. La chaleur qu’elle émettait était assez chaude pour vous brûler.

Comme tout le monde regardait le ciel, j’avais couru vers l’avant. Tout en courant, j’avais conjuré de la magie. Par habitude, j’avais invoqué deux sorts différents. Dans ma main droite, j’avais la magie du vent de niveau intermédiaire, mur du son. Dans ma main gauche, j’avais de la magie de terre de niveau intermédiaire, canon de pierre. J’avais jeté un sort à chacun des hommes devant moi.

« Gyaaaaah ! »

Le mur du son coupa le bras de l’homme violent, qui avait été distrait par l’explosion. J’avais pris la Jeune Maîtresse dans mes bras, comme une princesse, alors qu’elle tombait en hurlant.

« Tch ! Ce n’est pas si facile ! »

J’avais jeté un coup d’œil à l’autre bandit et j’avais réalisé qu’il avait coupé mon canon de pierre en deux avec sa lame.

« Ugh... »

C’était mauvais. En fait, il avait réussi à couper à travers. Je ne savais pas quelle école d’art d’épée il utilisait, mais ce n’était pas bon. S’il était aussi fort que Paul, nous aurions des ennuis. Ce n’était peut-être pas quelqu’un que je pourrais battre.

« Wah, wah, wah, wah ! »

J’avais utilisé un mélange de magie du vent et du feu pour créer une explosion qui me propulsa dans les airs. Sa force était telle que j’avais cru que j’avais cassé quelque chose.

L’épée tomba un instant trop tard, me manquant de peu. Elle traversa l’air juste devant mon nez, le sifflement persistant dans mes oreilles.

Ce n’était pas loin.

***

Partie 4

Mais il n’était pas aussi rapide que Paul, ce qui voulait dire que je n’avais pas à paniquer. J’avais déjà fait de nombreux exercices d’entraînement contre des adversaires avec une épée. Tant que j’étais aussi performant, je pouvais sortir d’ici.

J’avais préparé ma prochaine attaque magique en planant dans les airs. D’abord, j’avais envoyé une boule de feu droit sur son visage. Elle partit lentement vers lui.

« C’est tout ce que tu as ! »

Il étudia sa trajectoire, puis prépara son épée pour la contrer. Pendant qu’il attendait que la boule de feu l’atteigne, j’avais utilisé la magie de l’eau et de la terre pour transformer le sol sous lui en une masse tourbillonnante de boue.

Quand il essaya de couper à travers ma boule de feu, il coula jusqu’aux genoux dans de la boue épaisse et collante. Maintenant, il ne pouvait plus bouger.

« Quoi !? »

Oui, j’ai gagné ! J’avais gagné, j’en étais sûr. Il ne pouvait plus courir maintenant. Il avait peut-être dévié ma boule de feu, mais nous étions déjà au-delà de sa portée d’attaque. Avec la Jeune Maîtresse dans les bras, tout ce que j’avais à faire était de disparaître dans la confusion de la foule et nous serions en sécurité. Ou, si j’en avais besoin, je pourrais crier à l’aide.

Et juste au moment où je pensais cela…

« Tu crois que je vais te laisser partir ! »

Il nous avait lancé son épée.

C’était alors que je m’étais souvenu de ce que Paul m’avait enseigné. Dans le style d’épée Dieu du Nord, même si vous coupiez la jambe de l’adversaire, il y avait toujours une technique qui consistait à lancer son épée sur vous.

La lame s’était dirigée vers moi à une vitesse fulgurante, mais je l’avais regardée comme si elle était au ralenti. Elle était dirigée droit sur ma tête.

La mort.

Juste au moment où ce mot m’était venu à l’esprit, un flou brun devant moi apparu. J’avais entendu un bruit, comme une porcelaine qui se brisait, puis l’épée était tombée.

« Hein ? »

Quelqu’un s’était interposé entre moi et les bandits. Il se tenait debout, le dos large et solide vers moi. J’avais reconnu les oreilles à l’arrière de leur tête. C’était Ghislaine Dedoldia. Elle m’avait regardé et avait hoché la tête.

« Laisse-moi faire le reste », m’avait-elle dit.

Dès qu’elle posa sa main sur l’épée à sa taille, le bout de celle-ci se transforma dans l’air en un éclair de lumière rouge.

« Hein… ? »

La tête de l’homme ayant de la boue jusqu’aux genoux tomba de son cou. Et ce, malgré la distance considérable qui le séparait de Ghislaine, trop grande pour qu’une épée puisse l’atteindre.

« Hé, où diable as-tu… »

Sa queue vacilla et, dans l’instant qui suivit, la tête de l’autre homme tomba. J’imaginais l’avoir entendue frapper le sol.

Mon cerveau n’arrivait pas à comprendre ce qui se passait. Tout ce que j’avais pu faire, c’était regarder, stupéfait, les deux corps s’effondrer jusqu’au sol, à quelques mètres de l’endroit où nous nous trouvions. Ça ne semblait pas réel. Je n’avais aucune idée de ce qui venait de se passer. Hein ? Ils sont morts ? C’était tout ce qui m’était venu à l’esprit.

« Rudeus, ces deux-là étaient-ils nos seuls ennemis ? »

J’étais revenu à l’instant présent.

« Euh, ouais. Je te remercie. Mademoiselle… Ghislaine ? »

« Arrête avec ce mademoiselle, appelle-moi Ghislaine. »

Elle regarda en arrière et hocha la tête.

« J’ai vu une explosion soudaine dans le ciel, alors je suis venue voir. On dirait que j’ai fait le bon choix. »

« Oui, tu as été très rapide. Je veux dire, tu les as vaincus en quelques secondes. »

Une minute seulement s’était écoulée depuis mon premier sort. Elle était arrivée trop vite, peu importe quel chemin elle avait pris pour cela.

« J’étais tout près. En plus, ce n’était pas si rapide. N’importe quel guerrier de la famille Dedoldia peut tuer une personne en quelques secondes. Au fait, Rudeus, c’était la première fois que tu te battais avec quelqu’un qui utilisait le style du Dieu du Nord ? »

« C’était la première fois que j’étais dans une bataille de vie ou de mort », avais-je dit.

« Alors, laisse-moi te dire que ce genre de personnes n’abandonnent pas tant que son adversaire n’est pas mort. Fais attention. »

Jusqu’à ce qu’un adversaire soit mort…

C’était vrai, j’avais failli mourir. Je tremblais en me rappelant comment l’épée du bandit avait volé vers moi. C’était une bataille de vie ou de mort. Une vraie bataille de vie ou de mort.

« Rentrons à la maison. »

Si j’avais fait une seule erreur, je serais mort. C’était vraiment un monde différent. Un monde avec de la magie et des épées.

Que se passerait-il si je mourais cette fois-ci ?

Un frisson de peur indescriptible me parcourut la colonne vertébrale.

◇ ◇ ◇

« Ouf… »

Lorsque nous étions enfin arrivés au manoir, la Jeune Maîtresse tomba à terre, complètement épuisée. Ses jambes avaient dû lâcher maintenant que ses nerfs s’étaient calmés.

Les servantes l’encerclaient, angoissées. Quand elles tendirent la main pour l’aider, elle les repoussa et se leva toute seule. Ses jambes tremblaient comme celles d’un cerf nouveau-né.

Elle se tenait debout de façon imposante, les bras croisés sur la poitrine. Peut-être qu’elle avait retrouvé le moral maintenant qu’elle était à la maison. En la voyant de cette façon, les servantes semblaient se rendre compte que quelque chose d’étrange se passait, et elles étaient restées en arrière.

La Jeune Maîtresse me tendit le doigt et me souffla : « J’ai tenu ma promesse et maintenant nous sommes de retour à la maison ! Alors je peux parler maintenant, pas vrai ? »

« Oh, oui. Tu peux parler maintenant. »

En entendant à quel point elle était encore bruyante, j’avais réalisé que j’avais échoué. Ce que nous avions vécu n’était évidemment pas suffisant pour changer cette fille égoïste et violente. En fait, elle aurait pu deviner que j’avais eu peur pendant la bataille. Peut-être qu’elle me montrerait à quel point j’avais agi haut et fort malgré ma faiblesse.

« Je t’accorde le privilège spécial de m’appeler par mon nom, Éris ! »

Ses paroles m’avaient pris par surprise.

« Hein ? »

« Ce n’est pas n’importe qui qui peut faire ça, OK !? »

Alors, ça veut dire que… j’avais réussi ? Que je pourrais travailler ici en tant que son tuteur ? Oh, oh wôw ! Franchement ? Alors, j’ai réussi !? Oui !

« Merci ! Maîtresse Éris ! »

« Arrête avec ce Maîtresse ! Appelle-moi Éris ! »

Elle imitait Ghislaine. Mais au moment où elle avait fini, elle s’était évanouie.

C’était ainsi que j’étais devenu le tuteur d’Éris Boreas Greyrat.

◇ ◇ ◇

NOM : Éris B. Greyrat

OCCUPATION : Petite-fille du seigneur féodal de Fittoa.

PERSONNALITÉ : féroce

NE FAITES PAS ÇA : N'écoute pas ce que les gens disent

LECTURE/ÉCRITURE : Peut écrire son propre nom

ARITHMÉTIQUE : Peut faire des additions

MAGIE : Pas intéressée

ESCRIME : Style du Dieu de l’épée — Niveau Débutant

ÉTIQUETTE : Peut faire le salut à la Boreas.

LES GENS QU’ELLE APPRÉCIE : Grand-père, Ghislaine

***

Histoire parallèle : Les conséquences de l’enlèvement et la demande de faveur selon le style Boréas

Celui qui avait tiré les ficelles derrière le kidnapping était le majordome, Thomas. C’était la personne qui avait des liens avec un noble pervers dont parlaient les voyous. La Jeune Maîtresse avait apparemment attiré l’attention de ce noble il y a quelque temps, et il voulait lui faire perdre son esprit féroce et inébranlable. Thomas, séduit par l’argent, avait engagé les deux hommes que le noble pervers avait sélectionnés dans mon plan.

Il y avait vraiment des gens sans vergogne dans le monde. S’il devait recommencer, j’aimerais qu’il me parle d’abord.

Mais il avait mal calculé son coup, car il n’avait pas pris en compte deux choses. Premièrement, que je possédais assez de prouesses magiques pour échapper aux deux bandits, et deuxièmement, que ces deux-là n’avaient aucune loyauté envers lui.

Quant au noble pervers, il avait joué l’innocent et échappa à la punition. En partie parce que le témoignage de Thomas était inadéquat et en partie parce que les deux bandits étaient morts, de sorte que nous n’avions pu trouver aucune preuve de l’implication du noble. Il y avait trop de variables inconnues. Je soupçonnais des machinations politiques.

L’incident avait été considéré comme entièrement réglé grâce à l’implication de Ghislaine. La famille Greyrat pouvait se vanter du fait que le Roi de l’Épée Ghislaine restait avec eux, empêchant ainsi d’éventuels incidents futurs tout en proclamant la force et la richesse de leur maison.

On m’avait ordonné de donner tout le crédit à Ghislaine, même après que je leur avais dit ce qui s’était passé. Il semblerait qu’ils ne voulaient pas que d’autres membres de la famille Greyrat soient au courant de mon existence. Encore plus de marchandage politique, supposais-je. La plus grande surprise pour moi, c’est qu’il y avait encore d’autres Greyrats.

« Cela s’est donc passé comme ça. Compris ? »

« Oui… compris. »

Philip m’expliqua tout cela dans la salle de réception. Je pensais qu’il n’était que le fils du seigneur, mais il était aussi le maire de la ville. Je me demandais si c’était lui qui avait réglé toute l’affaire.

« Vous semblez plutôt détendue pour quelqu’un dont la fille a été kidnappée. »

« Je le suis maintenant. Je paniquerais si elle était toujours portée disparue », avait-il dit.

« Certainement. »

« Maintenant, à propos de votre travail comme tuteur d’Éris… »

Alors que nous étions sur le point de commencer à discuter de mon avenir, la porte s’ouvrit. Celle-ci fut claquée férocement et le grand-père incroyablement exubérant d’Éris se montra.

« J’ai tout entendu », déclara Sauros.

Il entra dans la salle de réception et m’ébouriffa les cheveux d’une main ferme.

« J’ai entendu dire que tu as sauvé Éris ! »

« Qu’est-ce que vous racontez ? C’est Ghislaine qui l’a fait. Je n’ai rien fait ! »

Ses yeux brillaient sombrement, comme un oiseau de proie.

C’était terrifiant !

« Toi ! Tu crois que tu peux me mentir ! »

« Non ! Mais le Seigneur Philip m’a dit de dire… »

« Philip ! »

Il s’était retourné vers son fils et, sans hésiter, il leva le poing. Il l’avait frappé d’une manière vicieuse.

« Ugh ! »

Le jeune seigneur prit le coup sur le visage et tomba sur le dos du canapé. Le poing du seigneur avait été si rapide. Plus rapide même qu’Éris, trop rapide pour que les yeux puissent le suivre.

« Bâtard ! Voici le garçon qui a sauvé ta fille ! Comment oses-tu ne même pas offrir un seul mot de gratitude ! Juste pour que tu puisses participer à ton stupide théâtre de nobles !? »

Philip, encore étendu sur le sol, répondit sans bouger.

« Père, Paul a peut-être été renié par notre famille, mais il est toujours un Greyrat. Cela signifie que son fils Rudeus, qui porte aussi notre sang, fait aussi partie de notre famille. Alors plutôt que de le louer et de le récompenser en apparence, j’ai pensé que la meilleure façon de le remercier était de le traiter avec gentillesse en tant que membre de notre famille. »

Il parlait très franchement pour quelqu’un allongé sur le sol. Peut-être qu’il avait l’habitude d’être frappé par Sauros.

« Très bien ! Alors, vas-y et continue ta farce avec ces nobles ! »

Le vieil homme s’était assis sur le canapé vide. Il n’allait pas s’excuser d’avoir frappé Philip. C’était le genre de personne qu’il était. La punition physique était aussi naturelle que la respiration ici.

Maintenant que j’y pense, Éris ne m’a aussi jamais présenté d’excuses. Elle ne m’a jamais remercié de l’avoir sauvée.

Ah eh bien, cela ne me dérange pas.

« Rudeus ! »

Le seigneur croisa ses bras, releva le menton et me regarda fixement.

Cela me semblait familier.

« J’ai une requête ! »

Est-ce vraiment le genre d’attitude qu’il faut avoir quand on demande quelque chose à quelqu’un ? Il était comme Éris ! Non, c’était à l’envers, c’est elle qui l’imitait en tout point.

« Je veux que tu enseignes la magie à Éris. »

« Pourquoi ? Puis-je le savoir ? »

« Elle est venue me le demander. Elle a dit que ta magie était tellement gravée dans son esprit qu’elle n’arrivait pas à la sortir de sa tête. »

Je suis certain qu’elle souhaitait apprendre la magie qui brûlait les yeux.

« Bien sûr… »

Je m’étais mordu la langue quand j’avais commencé à répondre instinctivement. La raison la plus probable de son horrible personnalité était que Sauros la gâtait toujours comme ça. Ce n’était peut-être pas la seule raison, mais elle avait certainement été influencée par lui, en fonction de la mesure dans laquelle elle imitait sa personnalité.

Si elle devait grandir en tant que personne, je devais l’empêcher d’être gâtée. Ce n’était peut-être pas ma responsabilité de veiller à ce qu’elle grandisse bien, mais si les choses continuaient ainsi, cela affecterait ma capacité à lui enseigner.

Il était préférable de traiter chaque problème tel qu’il se présentait.

« Ce n’est pas à vous de me le demander, Seigneur Sauros. Éris devrait me le demander elle-même. »

« Qu’est-ce que tu as dit !? »

Indigné, il leva le poing.

J’avais paniqué et je m’étais couvert le visage de mes mains. Il était quoi, une sorte de bombe nucléaire qui attendait d’exploser ?

« Voulez-vous vraiment faire d’Éris une adulte qui ne peut pas baisser la tête pour demander quelque chose quand elle le veut ? »

« Oho ! Tu marques un point ! Tu as raison ! »

Il claqua le poing sur les genoux et hocha la tête vigoureusement. D’une voix forte et claire, il dit :

« Ériiiiis ! Viens à la salle de réception tout de suite ! »

J’avais cru que mes tympans allaient éclater. De quelle capacité pulmonaire une personne avait-elle besoin pour pouvoir crier aussi fort… ? Éris agissait exactement de la même façon. Personne dans ce manoir n’avait compris le concept de demander aux gens de délivrer des messages ?

Ces sauvages, pensai-je.

Philip retourna s’asseoir sur le canapé pendant qu’un majordome (un autre type, apparemment nommé Alphonse) fermait la porte qui avait été laissée ouverte. J’avais appris plus tard que, parce que Sauros était comme une tempête qui faisait rage dans les pièces aussi vite qu’il entrait, ils attendaient un certain temps avant de fermer une porte. C’était un vieil homme égoïste qui aimait ouvrir les portes, mais qui n’aimait pas vraiment les fermer.

« Okaaaaay ! »

Une voix répondit d’un autre endroit dans le manoir. Au bout d’un moment, on entendit le bruit des pas qui s’approchaient.

« Me voici, comme tu l’as demandé ! »

Elle n’avait pas tout à fait la force de son grand-père, mais Éris avait quand même ouvert les portes avec énergie avant d’entrer.

Chaque geste qu’elle fit avait été fait en pensant à son grand-père. Après tout, les enfants aimaient imiter les adultes. Si je n’avais pas été frappé mon premier jour ici, j’aurais peut-être souri en voyant la ressemblance. Au lieu de cela, je pourrais dire fermement que cela devait aussi cesser.

« Oh… »

Dès qu’elle me vit, elle leva le menton et me regarda fixement. Cette pose intimidante s’était-elle transmise dans la famille Boreas ?

« Grand-père, tu lui as dit de quoi on avait parlé !? »

Il se tint soudain debout et croisa les bras en la regardant fixement. C’était exactement la même pose.

« Éris ! Si tu veux demander quelque chose à quelqu’un, tu dois baisser la tête et demander ! »

Ses lèvres firent la moue.

« Mais tu as dit que tu lui demanderais pour moi… »

« Assez ! Si tu ne lui demandes pas toi-même, nous ne l’engagerons pas ! »

Hein ? Qu’est-ce qu’il vient de dire !? Non non, attendez, je veux dire, je suppose que c’est vrai. Ce serait un peu problématique pour moi, mais je suppose que c’est ce que vous appelez récolter ce que vous semez !?

« Grr… »

Éris me regarda fixement, ses joues rougissaient beaucoup. Ce n’était pas une rougeur d’embarras, elle était furieuse et humiliée. Son visage disait que si son grand-père n’était pas là, elle me poursuivrait jusqu’aux profondeurs de l’enfer et me transformerait en viande hachée.

Effrayant…

« S’il te plaît… »

« C’est le genre d’attitude à adopter quand on demande quelque chose à quelqu’un !? », beugla Sauros.

Comme si tu avais le droit de parler à ce sujet, m’étais-je dit.

« Grr… »

Éris avait pris une poignée de ses longs cheveux roux dans chaque main. Elle avait fait une queue de chaque côté de ses tempes, des queues jumelles instantanées. Puis, comme ça, elle m’avait fait un clin d’œil.

« S’il te plaît, apprends-moi la magie, mew ✩ »

◇ ◇ ◇

Attendez. Est-ce que je rêvais ? Je m’étais évanoui une minute. J’avais l’impression d’avoir fait un rêve horrible.

« Ce n’est pas la peine de m’apprendre à lire ou à écrire, mew ✩ »

Merde, ce n’était pas un rêve ! Qu’est-ce que c’était que ce bordel ? Qu’est-ce qui se passait, bon sang ?

Est-ce que je viens d’être transporté dans une autre dimension bizarre ? Transportez-moi au moins dans le monde bidimensionnel d’un anime si vous voulez aller aussi loin !

« Je n’ai pas besoin d’arithmétique non plus, mew ✩ »

En tout cas, c’était anormal. Terrifiant même ! La pose d’Éris aurait dû être mignonne, mais elle me faisait peur. Ses lèvres étaient levées, mais ses yeux ne souriaient pas. C’était les yeux d’un prédateur.

Plus important encore, était-ce vraiment comme ça que tu devais agir quand tu demandais une faveur dans ce monde !? Tu te fous de moi !

« La magie est tout ce dont j’ai besoin, mew ✩ »

Arrête de te foutre de moi ! Honnêtement, c’est pire que ce qu’elle était avant. Allez, regardez son visage.

Ses joues brûlaient d’un rouge vif et son expression disait : si les circonstances étaient différentes, je te frapperais si fort que tu volerais des profondeurs de l’enfer jusqu’au ciel. Elle avait l’air en colère, deux parts d’humiliation et zéro part de timidité. Il n’y avait rien de mignon chez elle, rien du tout.

Allez, Sauros, laissez-la faire, l’avais-je suppliée mentalement.

« O-ooh ~ Notre Éris est si mignonne. Rudeus, il ne fait aucun doute que tu vas lui apprendre, pas vrai ? »

Il s’était soudainement transformé en un vieil homme affectueux. Qui diable es-tu !? avais-je pensé. Où est passé mon grand-oncle strict et fiable !?

« Le Maître a une grande affection pour les races bestiales. Il a également eu le dernier mot quand Dame Ghislaine a été embauchée », m’expliqua poliment le majordome.

Ah, maintenant j’ai compris. Donc ces queues jumelles étaient censées être des oreilles d’animaux. On aurait dit des oreilles tombantes. Maintenant que j’y pense, la plupart des domestiques étaient aussi des bêtes.

Oui, bien sûr, maintenant j’ai compris. Oui… Mon monologue intérieur s’était étiré.

« Éris. »

Son père était intervenu.

Oh oui, j’avais oublié qu’il était là, pensais-je. OK, Monsieur Philip, c’est à vous de briller, dites-lui de partir !

« Mets tes hanches un peu plus en avant pour avoir l’air plus attirante. »

Super, celui-là aussi est sans espoir.

Très bien, maintenant j’avais compris. J’avais compris maintenant quel genre de personnes étaient les Greyrats, y compris Paul. En fait, Paul était peut-être un peu plus normal qu’eux.

« Seigneur… Sauros. Puis-je vous demander une seule chose… ? »

« Parle ! »

« Est-ce que les hommes demandent aussi des faveurs comme ça ? »

« Imbécile ! Un homme devrait faire des demandes comme un homme ! »

Je n’étais pas sûr de ce que cela signifiait, mais j’avais compris la réprimande. Eh bien, j’avais raison. Comparés à ce lot, les penchants de Paul étaient presque normaux. Il aimait juste les femmes avec de gros seins.

OK, calme-toi, m’étais-je dit. Réfléchissons un peu à tout ça. Est-ce une victoire ou un échec ?

On me regardait fixement. Je m’étais calmé et j’avais regardé Éris. En colère et humiliée, elle semblait sur le point de perdre le contrôle. Comme un lion aux dents serrées autour d’une des barres de fer de sa cage.

Je devrais peut-être oublier ce qui viendra après et accepter ça.

Non, j’avais besoin d’y réfléchir. J’avais besoin d’anticiper les possibles conséquences.

C’est vrai, elle n’aime pas ça, avais-je réalisé. Elle est contre cette étrange coutume qu’ils ont ! Si jamais je lui demandais personnellement une faveur alors qu’il n’y avait que nous deux, elle pourrait me déchiqueter en lambeaux !

OK, j’ai changé d’avis. J’avais besoin d’arrêter cette étrange coutume qui était la leur.

« Est-ce le genre d’attitude que vous avez quand vous demandez une faveur à quelqu’un !? »

Ma voix était si forte qu’elle résonnait dans tout le manoir.

J’avais passé des heures à lui faire un long discours. Ma passion semblait passer à travers, parce qu’après cela, demander des faveurs dans le style des Boréas avaient été abandonnées. Ghislaine fit l’éloge de mes efforts une fois que c’était terminé, mais Éris me regarda d’un air froid.

***

Chapitre 3 : Une férocité inébranlable

Partie 1

Cela faisait un mois que j’étais devenu le tuteur d’Éris.

Dès le moment où j’avais commencé à lui donner des leçons, elle n’avait pas voulu m’écouter. Dès qu’il était temps de lire, d’écrire et de compter, elle disparaissait. Elle ne montrait son visage qu’au moment de s’entraîner à l’épée.

Il y avait eu des exceptions, bien sûr. Le cours de magie était le seul auquel elle prêtait fidèlement attention. La première fois qu’elle avait produit une boule de feu, elle était heureuse et enthousiaste. Elle regarda son feu rugir, engloutissant le rideau, et dit :

« Un jour, je ferai des feux d’artifice dans le ciel comme tu l’as fait. »

Bien sûr, j’avais immédiatement éteint les flammes et je lui avais dit de ne pas utiliser la magie du feu quand je n’étais pas là.

Éris rayonnait devant le rideau à demi brûlé, satisfaite d’elle-même. Elle ressemblait à une pyromane, mais au moins elle était motivée. Je m’étais senti rassuré, elle pourrait terminer le reste de son programme.

C’était du moins ce que je pensais. Plus tard, j’avais réalisé que ma prédiction était complètement fausse. Éris refusait d’écouter pendant les leçons de lecture, d’écriture et d’arithmétique. Si j’essayais de la réprimander, elle s’enfuyait. Quand j’essayais de l’attraper, elle me frappait et s’enfuyait. Si je la rattrapais, elle ne revenait que pour me frapper une fois de plus et s’enfuir à nouveau.

Je pensais qu’elle comprendrait l’importance de l’arithmétique et de l’alphabétisation après notre enlèvement. Elle devait vraiment détester ces sujets.

Quand j’étais allé voir Philip avec mon problème, il m’avait simplement dit :

« Faire en sorte que ton élève assiste à tes cours fait aussi partie de ton travail en tant que tuteur à domicile. »

Je n’étais pas en désaccord. Ghislaine assistait à mes cours et les avait pris au sérieux, mais elle n’était qu’une figurante. Je ne pouvais pas lui faire des cours que pour elle. J’avais donc dû chercher Éris.

Éris n’était pas si facile à trouver. Elle avait vécu ici toute sa vie, alors que je n’étais là que depuis un mois. Il y avait une énorme différence dans notre connaissance du terrain, et cela s’appliquait aussi à ce problème de cache-cache.

Apparemment, d’autres tuteurs à domicile s’étaient débattus avec le même problème. Parfois, ils finissaient par la trouver. Elle avait peut-être une vaste zone où se cacher, mais elle était encore limitée au manoir. Ceux qui l’avaient trouvée, cependant, avaient été réduits en bouillie. C’était la raison pour laquelle son premier tuteur avait démissionné.

Un tuteur avait essayé de la frapper à la place, en luttant contre la violence par la violence. Éris s’était glissée dans sa chambre au milieu de la nuit et l’avait attaqué avec une épée en bois pendant son sommeil. Inutile de dire qu’il avait démissionné après avoir subi des blessures dont il fallait des mois pour s’en remettre complètement.

Ghislaine était la seule à avoir réussi à battre Éris à son propre jeu. Je n’étais pas sûr de pouvoir faire la même chose. Si la trouver signifiait que j’allais être envoyé à l’hôpital, je ne le voulais pas. Je n’étais pas enthousiaste à l’idée de la découvrir, mais d’être battue et meurtrie par la suite.

Si la magie était la seule chose qui l’intéressait, pourquoi ne pas abandonner les autres leçons et se concentrer là-dessus ? Mais Philip avait insisté pour que je lui apprenne à lire, à écrire et à calculer. Apprends-lui ces choses de la même façon que tu lui apprends la magie, avait-il dit.

« En fait, c’est plus important que la magie », m’avait-il dit.

J’étais d’accord.

Peut-être que j’avais besoin de la faire kidnapper encore une fois. Les enfants qui n’apprenaient pas devaient être punis.

Juste comme je le pensais, je l’avais enfin trouvée.

Elle était dans les écuries, cachée dans une botte de paille avec son ventre exposé, reposant paisiblement.

« Zzzzz... zzzzz... »

Elle dormait profondément. Son visage inconscient ressemblait presque à celui d’un ange. Non, je ne me laisserais pas tromper par son apparence, elle était le diable incarné. Et bien sûr, par diable incarné, je voulais dire celui qui vous frapperait jusqu’à ce que vous vomissiez du sang.

Malgré tout, j’avais besoin de la réveiller.

Je l’avais appelée d’une voix calme.

« Jeune maîtresse, réveillez-vous s’il vous plaît. Mlle Éris. C’est l’heure de s’amuser en arithmétique ! »

Elle ne se réveillait pas. Pour l’instant, j’avais décidé de lui mettre sa chemise sur le ventre pour qu’elle n’attrape pas froid. Et juste au moment où j’essayais de mettre discrètement le vêtement en place…

Les yeux d’Éris s’ouvrirent. Son regard s’éloignait de son ventre, où étaient mes mains, jusqu’à mon visage.

« Grrr ! »

Elle n’avait plus l’air à moitié endormie. Au lieu de cela, ses dents se broyaient les unes contre les autres alors que son visage s’obscurcissait de colère.

La voilà qui arrive, avais-je réalisé. Je le réalisais un moment trop tard. Son poing vola. Mon visage ! J’avais croisé les bras devant moi pour me protéger.

« Agh ! »

L’impact toucha plutôt mon estomac. Son poing s’était enfoncé profondément. Je m’étais évanoui, agonisant, mes genoux se tordant sous moi.

Je n’avais pas vomi de sang, mais on m’avait frappé.

« Hmph ! »

Elle me renifla dessus une fois, puis me frappa. Une fois qu’elle avait fini, elle enjamba mon corps effondré et sortit de l’étable.

◇ ◇ ◇

Je n’avais rien pu faire. J’avais finalement demandé de l’aide à Ghislaine. La femme qui, selon Paul, avait des muscles à la place du cerveau. Si elle parlait des raisons pour lesquelles elle voulait apprendre à lire, à écrire et à calculer, cela ferait sûrement écho à Éris. La jeune fille était sûre d’écouter ce que Ghislaine avait à dire.

C’était du moins ce que je pensais naïvement.

Au début, Ghislaine m’avait dit de me débrouiller tout seul, mais quand j’avais utilisé la magie de l’eau pour simuler des larmes, elle avait accepté avec réticence. Trop facile.

OK, maintenant montre-moi ce que tu as, avais-je pensé.

Ghislaine et moi n’avions pas travaillé sur un plan, je l’avais laissé faire. Elle avait choisi de commencer pendant la pause de notre leçon de magie.

« Il y a longtemps, je pensais que je me porterais bien tant que j’avais une épée… »

Elle commença à parler à Éris de son passé. À propos de la façon dont son Maître l’avait acceptée alors qu’elle était une mauvaise enfant… À propos de ses premiers amis quand elle était devenue une aventurière…

Le long préambule s’était avéré être une simple histoire d’elle et de ses propres luttes.

« Quand j’étais une aventurière, les autres faisaient tout pour moi. L’achat et la vente d’armes et d’armures, de nourriture, de fournitures et de nécessités quotidiennes. En plus de lire les contrats, les cartes et les panneaux. Après notre départ, j’ai appris l’importance de beaucoup de choses : le poids d’une gourde remplie, la nécessité de faire brûler du charbon et l’inconvénient de ne pas pouvoir utiliser sa main gauche quand on porte une torche. »

Son groupe avait été dissous il y a sept ans. Ils avaient été forcés de le faire après que Paul et Zenith se soient mariés et se soient isolés en allant à la campagne. Je m’en doutais, il me semblait que Paul et Ghislaine avaient vraiment été ensemble dans un groupe.

« Ceux d’entre nous qui restèrent avaient proposé de rester ensemble, mais Paul, notre attaquant éclair, et Zenith, la seule guérisseuse de notre groupe, étaient partis. Même si nous ne nous étions pas dissous à ce moment-là, nous aurions fini par le faire. C’était évident. »

Un groupe de six personnes.

Un guerrier, 2 épéistes, une magicienne, un prêtre et un voleur. C’était probablement la composition de leur groupe si je devais trier les personnes par profession. Même si Ghislaine n’était à l’époque qu’une jeune épéiste, sa force d’attaque devait être assez élevée.

Guerrier (Personne inconnue) : Tank

Épéiste (Paul) : Tank secondaire et DPS

Épéiste (Ghislaine) : DPS

Magicien (Personne inconnue) : DPS

Prêtre (Zénith) : Guérisseur

Cela avait l’air d’un groupe équilibré.

C’était comme si le terme « voleur » était un terme général pour désigner quelqu’un qui faisait des petits boulots, qu’il s’agisse de crocheter des serrures, de repérer des pièges, de construire une tente ou de faire des affaires avec des marchands. C’était un poste réservé à quelqu’un qui savait bien lire, qui avait l’esprit vif et qui était agile. La plupart venaient de familles de commerçants.

« Vous pourriez au moins les appeler des chasseurs de trésors ou quelque chose comme ça », avais-je dit sans réfléchir.

Les narines de Ghislaine s’enflammèrent.

« Le voleur convient à quelqu’un qui a toujours volé notre argent et l’a mis en jeu. »

« Ne vous êtes-vous pas fâchés quand vous l’avez su ? »

« Non. Il était habile au jeu, alors la plupart du temps, il revenait avec plus d’argent qu’il n’en prenait. Il était rarement revenu avec moins de la moitié. Et il se retenait quand on n’avait pas beaucoup d’argent. »

C’était du moins ce qu’elle avait dit. Malgré tout, peu importe le profit qu’ils avaient réussi à tirer de leur jeu, pourquoi tout le monde les avait-il laissés s’en tirer comme ça ? J’avais lutté pour comprendre. Je ne voulais pas me vanter, mais je n’avais jamais touché au jeu. Bien que j’aie dépensé plus de 100 000 yens pour des jeux en ligne…

D’un autre côté, ils avaient un coureur de jupons comme Paul dans leur groupe, alors ils n’étaient probablement pas si préoccupés par la moralité de leurs membres. Tout le monde imposait ses limites quelque part. Il y avait autant de règles qu’il y avait de gens.

« Quelle est exactement la différence entre un guerrier et un épéiste ? », demandais-je avec curiosité.

Si les deux professions faisaient partie de l’avant-garde, il ne semblait pas y avoir de raison de les distinguer.

« Si tu utilises une épée et l’un des trois styles primaires, alors tu es un épéiste. Si tu utilises un style différent tout en utilisant une épée, tu es un guerrier. Si tu utilises l’un des styles, mais sans utiliser d’épée, alors tu es aussi un guerrier. »

« Ooh, donc ça veut dire qu’épéiste est un titre spécial. »

Plus précisément, c’était les trois principaux styles d’épées qui rendirent leurs compétences spéciales. La technique que Ghislaine avait utilisée quand elle avait vaincu nos kidnappeurs était tout à fait incroyable. Je ne l’avais même pas surprise en train de dégainer son épée. Elle bougeait à peine et leur tête était tombée. J’avais découvert par la suite que cette technique s’appelait l’Épée de Lumière, une technique secrète du style du Dieu de l’épée.

« Et chevalier ? »

« Un chevalier est un chevalier. Les chevaliers sont nommés par le Roi ou les seigneurs féodaux. Ils sont instruits en lecture et en arithmétique. Certains d’entre eux peuvent même utiliser la magie basique. Comme beaucoup d’entre eux sont des nobles, ils sont aussi emplis de fierté. »

Ils étaient probablement si instruits parce qu’ils allaient à l’école.

« À l’époque, mon père n’était pas encore chevalier, n’est-ce pas ? »

« Je n’en suis pas tout à fait sûr, mais à l’époque il se disait épéiste. »

« Et les chevaliers magiques ou les guerriers magiques ? J’ai aussi entendu dire que ça existait. »

« Il y a des gens qui utilisent de la magie offensive qui s’appelle ainsi. Tu es libre de t’appeler comme tu le veux, quelle que soit ta profession. »

« Aha. »

Les yeux d’Éris s’illuminèrent pendant qu’elle écoutait la conversation. J’espérais qu’elle n’était pas sur le point de décider de traîner Ghislaine ou moi dans le donjon le plus proche. Ça m’avait rendu anxieux. Ce n’était pas le genre d’aventure que je voulais. Passer chaque jour entouré de belles femmes ? Oui, c’était bien meilleur.

Ah, merde. Je suis censé faire parler Ghislaine de l’importance d’apprendre à lire et à écrire, pas de cela, me lamentais-je intérieurement. J’ai merdé.

Le lendemain, Éris assista à toutes ses leçons : lecture, écriture et arithmétique. C’était grâce à Ghislaine. Après cela, chaque fois qu’il se passait quelque chose, Ghislaine commençait à raconter ses luttes d’aventurière. J’avais mal au ventre à chaque fois, mais grâce à cela, Éris avait finalement compris l’importance de la lecture, de l’écriture et du calcul.

Ou peut-être que sa principale raison d’être là, était qu’elle trouvait les histoires de Ghislaine si intéressantes. Quoi qu’il en soit, c’était un bon résultat pour moi.

Une partie de moi aurait aimé y avoir pensé dès le début… mais bien sûr, si nous n’avions pas été kidnappés, elle ne m’aurait probablement jamais écouté. À l’époque, elle m’avait regardé comme si j’étais un ver. Donc mon plan n’était pas inutile.

En tout cas, les choses s’étaient bien passées.

◇ ◇ ◇

Nos premières leçons consistaient à enseigner à Éris les quatre opérations arithmétiques de base. Puisqu’elle avait fréquenté l’école et qu’elle avait déjà été formée par des tuteurs, elle savait déjà comment faire des ajouts simples.

« Rudeus ! »

Mon élève leva énergiquement sa main en l’air.

« Oui, Éris ? »

« Pourquoi la division est-elle nécessaire ? »

Elle ne comprenait pas l’importance de la multiplication et de la division. En plus de ça, elle était nulle en soustraction. Si quelque chose dépassait un chiffre, elle abandonnait.

« Plutôt que de s’inquiéter de la nécessité, il suffit de penser que c’est l’inverse de la multiplication », expliquai-je.

« Je te demande quand je vais m’en servir ! »

« Par exemple, disons que tu as cent pièces d’argent et que tu dois les répartir de manière égale entre cinq personnes. »

« Mon dernier tuteur a dit la même chose ! »

Elle claqua son poing contre la table.

« Alors pourquoi dois-je le faire ? Répartis-la en deux ! »

Elle chicanait comme une enfant défiante.

Pour être honnête, ce n’était pas nécessaire.

« Qui sait ? C’est quelque chose qu’il faudrait demander à ces cinq personnes. C’est juste que si tu veux la partager également, c’est plus pratique si tu sais comment utiliser la division. »

« Plus pratique ? Donc ça veut dire que je n’ai pas vraiment besoin de l’utiliser !? »

« Si tu ne veux pas l’utiliser, alors non, tu n’as pas à le faire. Bien qu’il y ait une grande différence entre ne pas utiliser quelque chose et être incapable d’utiliser quelque chose. »

« Ugh… »

Se demander si elle pouvait faire quelque chose ou non était une bonne façon de faire taire quelqu’un aussi fière qu’Éris, bien que cela n’ait guère contribué à résoudre le problème à la racine. Elle essayait de faire valoir qu’elle n’avait pas besoin d’apprendre l’arithmétique.

Dans ces moments-là, il valait mieux chercher de l’aide auprès de Ghislaine.

« Ghislaine, as-tu déjà eu des problèmes pour répartir les choses également ? »

« Oui. Une fois, j’ai perdu ma nourriture dans un donjon, alors j’ai essayé de retrouver mon chemin. Mais j’ai merdé quand j’ai essayé de rationner ma nourriture jusqu’à ce que je m’en sorte. J’ai passé trois jours sans manger ni boire. J’ai cru que j’allais mourir. Quand je n’en pouvais plus, j’ai mangé des excréments de démon que j’ai trouvés sur le sol, mais ça a déchiré mon ventre. J’ai réussi à surmonter les douleurs à l’estomac, les nausées et la diarrhée, mais j’ai remarqué une grappe de… »

L’histoire dura presque cinq minutes, me rendant malade. J’écoutais avec une teinte maladive sur mon visage. Mais pour Éris, c’était une histoire héroïque. Ses yeux étaient éclairés tout le temps.

« Et c’est pourquoi je veux apprendre la division. Continue la leçon. »

Dès que Ghislaine dit cela, Éris cessa de chicaner.

Toute la famille Greyrat semblait avoir une affinité pour les hommes bêtes, mais peut-être pas autant que Sauros. Éris était clairement attachée à Ghislaine. Elle écoutait toujours tranquillement quand Ghislaine commençait une de ses histoires. C’était comme un petit frère qui s’accrochait à sa sœur aînée, désireux de l’imiter.

« Alors, faisons d’autres opérations ennuyeuses aujourd’hui. Apportez-moi ces problèmes une fois que vous les aurez tous résolus. S’il y a quelque chose que vous ne comprenez pas, demandez-moi. »

Avec cela, les choses avaient graduellement progressé.

***

Partie 2

Ghislaine était une excellente professeur. Elle me faisait remarquer chacun de mes défauts en détail et me donna des conseils. Paul vous dirait sur quelles parties vous aviez foiré, mais il ne vous dirait pas comment vous améliorer.

Aujourd’hui, elle donna à Éris et à moi une épée puis elle nous avait fait pratiquer le combat tout en nous guidant.

« Souviens-toi de ta position d’attaque, surveille bien ton adversaire. »

Éris repoussa mon épée de bois avec un bruit sourd.

« Si tu peux te déplacer plus vite que ton adversaire, lis ses mouvements et vise son épée. Si tu es plus lent qu’eux, déplace ton corps pour éviter la trajectoire de sa lame. »

Incapable de faire l’un ou l’autre, j’avais pris un gros coup de l’épée d’Éris. L’impact était assez fort, je l’avais senti à travers le rembourrage en coton de ma protection de cuir tanné.

« Observe la pointe des orteils de ton adversaire et prévois ses mouvements ! »

J’avais pris un autre coup.

« Rudeus ! Arrête d’utiliser ta tête ! Concentre-toi juste sur le fait d’avancer devant ton adversaire et de balancer ton épée ! »

Mais la mise au point nécessite d’utiliser ma tête, que dois-je faire alors !?

« Éris ! N’arrête pas tes attaques ! Ton adversaire ne s’est pas encore rendu ! »

« Oui ! »

La différence entre nous était évidente. Éris avait la liberté de répondre à Ghislaine là où je ne l’avais pas. Cette liberté lui avait aussi permis de continuer à me frapper jusqu’à ce que Ghislaine lui dise enfin d’arrêter. Elle ne retenait aucun de ses coups, comme si elle libérait toute la colère refoulée qu’elle ressentait pendant nos leçons d’arithmétique.

Putain de merde.

Cependant, en l’espace d’un mois, j’avais constaté une amélioration spectaculaire. J’étais heureux d’avoir une partenaire comme Éris, qui avait les mêmes capacités que moi. Comme dans n’importe quel autre domaine, le fait d’être entouré d’une personne aussi compétente stimulait votre propre croissance.

Bien qu’Éris soit vraiment un peu meilleure que moi. Mais ça n’avait rien à voir avec l’écart entre moi et Paul ou Ghislaine. Au moins, elle était encore à un niveau où je savais ce qu’elle faisait. Si je pouvais le comprendre, j’en tirerais des leçons. Par exemple, si elle me battait en utilisant une certaine technique, je deviendrais plus prudent pour que cela ne se reproduise plus. Ce genre de raisonnement était possible lorsque vous étiez sur un pied d’égalité avec votre adversaire.

Paul, d’autre part, était si habile qu’il était impossible de le contrer. Si vous ne pouviez pas comprendre ce que faisait votre adversaire, il vous battait avant que vous n’ayez la moindre idée de ce qui se passait.

Même recevoir des conseils d’une personne plus compétente pourrait être difficile en raison de la différence fondamentale entre ses capacités et les vôtres. Ça vous ferait juste douter de ce que vous faites.

Ghislaine était douée pour enseigner, alors c’était une autre histoire. Cependant, elle vous apprenait aussi à réagir aux attaques et à les contrer en même temps, de sorte que lorsque vous vous retrouviez à la réception d’une attaque, vous finissiez par hésiter parce que vous saviez comment la contrer.

Cependant, avec Éris comme adversaire, de petits tours ou le moindre changement de mouvement donnèrent un résultat tout à fait différent. Parfois, quelque chose qui fonctionnait la veille ne fonctionnait pas le lendemain, car Éris faisait quelque chose de complètement différent. Parfois, ce que je ne pouvais pas faire hier, je pouvais le faire aujourd’hui, et il en était de même pour mon adversaire. Parce qu’il n’y avait presque aucune lacune dans nos capacités, ça marchait. C’était ces petits changements et ces petites découvertes qui s’étaient accumulés et favorisaient la croissance.

C’était bien d’avoir un rival. Parfois, elle me devançait, et parfois je la dépassais. Et même si nos progrès se faisaient petit à petit, nous nous étions relayés pour prendre de l’avance et, à la fin, il y avait eu d’énormes améliorations. En un rien de temps, ces progrès s’accumulèrent et nous étions devenus beaucoup plus forts.

Pourtant, Éris apprenait plus vite que moi. Même si un lion et un cerf s’entraînaient de la même façon, il était évident que le lion deviendrait plus fort. C’était un peu dur à avaler puisque je m’entraînais avec Paul depuis mon enfance.

« Rudeus a un long chemin à parcourir, hein !? »

Éris croisa les bras et me regarda, m’effondrant sur le sol.

Ghislaine l’avait grondée.

« Ne va pas trop vite, Éris. Tu tiens une épée depuis plus longtemps que lui, et tu es plus âgée. »

Ghislaine ne disait pas « Mademoiselle » que lorsque nous pratiquions l’épée. Elle avait dit que c’était nécessaire.

« Je le sais ! En plus, il peut utiliser la magie ! »

« C’est exact. »

Mes pouvoirs magiques étaient la seule chose dont elle m’attribuait le mérite.

« Bien qu’il soit étrange qu’il ne ralentisse que lorsqu’il est attaqué », nota Ghislaine.

« C’est parce que c’est effrayant d’affronter un adversaire qui vous attaque pour de vrai. »

Dès que j’avais dit ça, Éris me frappa à la tête.

« Qu’est-ce que c’était que ça !? Comme c’est pathétique ! C’est pour ça que les gens te méprisent ! »

« Non, c’est simplement un magicien. C’est normal. »

Dès que Ghislaine dit cela, Éris hocha la tête avec arrogance.

« Oh, vraiment ? Alors je suppose que je ne peux pas lui en vouloir ! »

Alors pourquoi ai-je encore reçu un coup de poing ?

« Désolé, mais je ne sais pas comment traiter ton tremblement. Tu devras le faire toi-même. », dit Ghislaine.

« D’accord. »

Pour l’instant, peu importe qui était mon adversaire, je m’étais figé. J’avais encore un long chemin à parcourir.

« Mais j’ai au moins l’impression d’être devenu beaucoup plus fort depuis que tu me donnes des leçons. »

« C’est parce que Paul est du genre instinctif. Ça ne fait pas de lui un bon professeur. »

Le type instinctif ! Ah, je supposais qu’il y avait aussi ces types dans ce monde.

« C’est quoi, le genre instinctif ? », demanda Éris.

« Le genre de personne qui peut juste faire des choses sans être capable d’expliquer comment elle a appris à le faire. »

Elle fit la moue à la fin de mon explication, probablement parce qu’elle était le même genre de personne.

« Y a-t-il quelque chose de mal à ça ? », demanda Éris.

Je ne savais pas trop comment répondre. Comme nous étions en pleine leçon, j’avais décidé de laisser Ghislaine prendre le relais. J’avais dirigé mon regard vers elle.

« Il n’y en a pas. Mais peu importe le talent que tu as. Tu ne seras pas plus fort si tu n’utilises pas ta tête, et tu ne seras pas non plus capable de bien enseigner les gens. »

« Pourquoi n’est-il pas capable de bien enseigner aux gens ? »

« Parce que tu ne comprends même pas ce que tu fais. En plus, si tu ne peux pas comprendre tout ça, tu ne pourras pas t’améliorer. »

Il semblait, pour un épéiste de rang Roi comme Ghislaine, que la clé pour atteindre un niveau de compétence avancé était d’être capable d’appliquer les bases dans la pratique. Si vous maîtrisiez l’essentiel, vous seriez en mesure de l’utiliser dans n’importe quelle situation donnée. Ce n’est qu’à ce moment-là que vous seriez considéré comme un épéiste de niveau Saint.

Mais le plus important était le travail assidu et le talent.

Bien sûr, au bout du compte, ce n’est qu’une question de talent, pensai-je.

« J’étais aussi du genre instinctif, mais une fois que j’ai commencé à utiliser ma tête et à penser logiquement, je suis passé au rang Roi », dit Ghislaine.

« C’est incroyable. »

J’avais été honnêtement impressionné. Elle avait changé sa façon de faire pour réussir. C’était incroyable.

« Tu es un magicien de l’eau de rang Saint toi-même, Rudeus. »

« Je suis aussi du genre instinctif. Mais la magie est différente de l’épée. Vous pouvez faire n’importe quoi tant que vous avez assez de pouvoirs magiques », dis-je.

« Si tu le dis… Mais de toute façon, les bases sont importantes, comprends-tu ? » Ghislaine avait continué.

« Je comprends. Mais dans ce cas-ci, c’est parce que ma maîtresse était si douée que j’ai atteint le rang Saint. »

Mais maintenant que nous parlions de l’importance des fondamentaux… je m’étais concentré uniquement sur l’exécution de la magie sans lancer de sorts. Qu’est-ce que cela signifiait de ne pas avoir les bases de la magie ? Les leçons de Roxy étaient moins portées sur la maîtrise des bases que sur la progression. Peut-être qu’elle, étant elle-même une prodige, ne s’inquiétait pas autant des fondamentaux.

Hmm.

« Je n’ai pas peur de devenir si forte, donc ça n’a rien à voir avec moi ! » déclara fièrement Éris alors que j’étais perdu dans mes pensées.

J’avais souri ironiquement à ses paroles. En tant qu’élève de collège dans ma vie antérieure, j’avais dit quelque chose de semblable.

« Ce n’est pas comme si j’essayais d’être le numéro un », dirais-je, excusant mon manque d’effort.

J’allais la réprimander pour son attitude, mais elle continua.

« Mais je ferai de mon mieux pour être aussi bonne que vous deux ! »

Tant pis pour ça. Elle avait un but. Elle était différente de mon moi du passé.

◇ ◇ ◇

Nous avions du temps libre après les leçons du matin et la pratique de l’épée de l’après-midi. Aujourd’hui, j’allais à la bibliothèque. Ghislaine et Éris possédaient toutes les deux des manuels de magie, alors j’avais pensé qu’il y avait peut-être un grimoire. J’avais une bonne avec des oreilles de chien qui me guidait, car je ne connaissais pas le chemin.

« Ah ! »

On était passés devant Hilda, la femme de Philip. Elle avait les mêmes cheveux pourpres profonds qu’Éris, avec une poitrine ample. Je m’attendais à ce qu’Éris tienne d’elle en grandissant. On m’avait présenté à elle, mais nous n’avions que peu de contacts. Euh, voyons voir, je suppose que je suis censé mettre une main sur ma poitrine…

« Madame, il semble qu’aujourd’hui c’est ma chance… »

« Tch »

Elle claqua sa langue sur moi et ignora mon salut.

J’étais là, figé, la main encore serrée contre ma poitrine.

« Seigneur Rudeus… »

« Non, c’est bon », répondis-je en levant la main pour couper la tentative de la bonne de m’apaiser.

Mais cela avait été un peu rude. Est-ce qu’elle me détestait ? Je ne pensais pas avoir fait quelque chose de mal.

Maintenant que j’y pensais, elle n’avait pas d’autres enfants à part Éris ? Non, ne posons pas cette question. Si c’était le cas, j’avais l’impression que quelqu’un d’encore pire qu’Éris apparaîtrait et multiplierait ma charge de travail par trois ou quatre. C’était une possibilité qu’il valait mieux laisser de côté.

Quand j’étais arrivé à la bibliothèque, Philip était là.

« Oh, tu es intéressé par la bibliothèque ? »

Philip avait une lueur d’excitation dans l’œil.

Excité à propos de quoi ? Me demandais-je.

« Oui, un peu. »

« Alors tu devrais prendre ton temps pour regarder autour de toi. »

Je l’avais pris au mot et j’avais parcouru la bibliothèque. Malheureusement, je n’avais pas trouvé ce que je cherchais. J’espérais obtenir un grimoire comme celui de Roxy, mais tout ce que j’avais trouvé, c’étaient des volumes coûteux qui ne pouvaient pas être sortis de la bibliothèque. Il semblerait qu’il n’y avait qu’un nombre limité de grimoires dans le monde, et les gens ne les laissaient pas traîner.

Je supposais que je ne pouvais pas être aussi chanceux. Au final, j’avais reçu quelques livres sur l’histoire de ce monde. Je pourrais au moins les étudier quand je serais libre.

◇ ◇ ◇

À la fin de chaque journée, je passais du temps dans ma chambre à préparer les leçons du lendemain. Il s’agissait pour l’essentiel de créer des fiches d’exercices de lecture, d’écriture et d’arithmétique. Enfin, je révisais mon manuel de magie.

Il n’y avait pas de programme scolaire. J’avais gardé un rythme tranquille pour ne pas manquer de choses à enseigner pendant cinq ans. Mon principe de base était la pratique répétitive pour m’assurer qu’Éris et Ghislaine comprenaient bien le cours. J’avais fait la même chose quand j’avais enseigné à Sylphie.

L’étude de la magie était également importante. Normalement, je ne chantais pas de sorts pour faire de la magie, alors j’oubliais souvent les mots. Les seuls sorts que j’avais vraiment mémorisés étaient ceux pour la guérison et la magie empoisonnée de base. Je n’avais jamais pensé prendre la peine de mémoriser des sorts offensifs.

Ce manuel de magie était le même que celui que j’avais à la maison. Éris et Ghislaine avaient aussi leurs propres exemplaires. Il avait été publié pour la première fois il y a près de mille ans et c’était devenu un best-seller avec de nombreuses rééditions. Avant qu’il n’existe, il fallait trouver un maître pour vous enseigner la magie. La plupart d’entre eux ne connaissaient que les bases de chaque école, tant de gens étaient devenus des étudiants pour n’apprendre à peu près rien.

Bien que le livre soit maintenant considéré comme un best-seller, il n’y avait pas beaucoup de copies faites au moment où il avait été écrit. Même avec suffisamment d’exemplaires pour qu’il puisse bien circuler, ceux qui ne s’intéressaient pas à la magie l’auraient simplement ignoré. Ce n’était que 500 ans plus tard qu’il avait finalement commencé à être distribué en masse.

Soudain, n’importe qui pouvait mettre la main sur un manuel de magie à peu de frais, de sorte que le nombre de magiciens avait considérablement augmenté. Ce n’était pas comme si le nombre de magiciens avait soudainement explosé dans ce monde, mais au moins, dans le royaume d’Asura, la magie était devenue une partie du programme d’études pour beaucoup de familles nobles.

Pourtant, pourquoi le nombre de manuels de magie avait-il soudainement augmenté ? Comme je me le demandais, j’avais regardé au dos du livre. Il s’y trouvait cette ligne : Publié par l’Université de Magie de Ranoa. Aha, quel plan de marketing intelligent !

De cette façon, mes jours en tant que tuteur passèrent en un clin d’œil.

◇ ◇ ◇

NOM : Éris B. Greyrat

OCCUPATION : Petite-fille du seigneur féodal de Fittoa.

PERSONNALITÉ : Féroce

NE FAITES PAS ÇA : N'écoute pas ce que les gens disent

LECTURE/ÉCRITURE : Peut écrire les noms des membres de sa famille

ARITHMÉTIQUE : Ses compétences en soustraction ne sont pas fiables

MAGIE : Elle pense qu’elle fera de son mieux.

ESCRIME : Style du Dieu de l’épée — Niveau débutant

ÉTIQUETTE : Peut saluer normalement

LES GENS QU’ELLE APPRÉCIE : Grand-père, Ghislaine

***

Bonus 1 : Le pouvoir des Abdos

« Aujourd’hui, nous allons former des abdos. »

Ghyslaine l’avait annoncé devant Éris et moi. L’endroit se situait dans le manoir, dans une pièce généralement utilisée comme salle de danse.

Habituellement, Ghyslaine obligeait ses élèves à balancer des épées à travers la pluie ou la grêle, mais aujourd’hui c’était un orage assez exceptionnel, donc nous étions même obligés de nous entraîner à l’intérieur.

« Pour cette série, vous devez former des paires. Rudeus, viens ici, Éris, regarde bien. »

Dans ce monde, il existait aussi ce type d’entraînement musculaire.

Ghyslaine s’était assise avec ses genoux pliés et m’avait fait tenir ses pieds. Ces abdominaux bruns et ces deux pics généreux avaient rempli ma vue.

Dites, la tonicité de ces mollets d’acier n’était certainement pas à prendre à la légère. Ferme, mais flexible, sans être trop rigide. Était-ce les jambes d’un vrai carnivore? Je ne suis pas un expert des carnivores, mais ceux-ci feraient certainement l’affaire.

Si je m’entraînais correctement, les miens pourraient-ils atteindre son niveau?

« La personne couchée met ses mains derrière sa tête et relève la tête comme ça. »

Ghyslaine avait fait des flexions pour le démontrer. Ses 6 muscles abdominaux avaient scintillé devant mes yeux.

« Vas-y, Rudeus? »

« Oui… Ils sont vraiment… merveilleux… »

Ses redressements étaient vraiment beaux à voir. Soulevant le haut de son corps dans un mouvement lisse, puis elle redescendait avec une grâce équivalente.

Pas une flexion soudaine des abdos, d’un usage réactionnaire de la force comme un amateur. Au contraire, une utilisation experte de la résistance constante pour entraîner les abdos.

Comment un simple jeu de flexions pouvait-il être si magique?

C’est le pouvoir des abdos.

Les abdominaux bien toniques de Ghyslaine étaient comme un ensemble de grues industrielles, solides et stables alors qu’ils soulevaient le haut de son corps, tout en étant doux et prudents quand ils le ramenaient.

Abdos merveilleux.

Bien qu’un ensemble de sommets s’élevait juste au-dessus de ces abdominaux. Ils frémissaient à chaque mouvement. Pourtant, bien qu’étant tout aussi magnifique à voir, j’étais si hypnotisé qu’ils ne me distrayaient pas.

Je veux ces abdos. Certes, tous les hommes pensaient la même chose? Ces pinacles sacro-saints des muscles. Ils étaient juste là, devant mes yeux.

« Tu sais quoi faire maintenant, d’accord, Éris passe en premier. »

« Entendu. »

« Rudeus, aide-la à se maintenir, de cette façon, même quand je ne suis pas là, vous pouvez alterner et vous entraider pour former vos abdos. »

Après cette explication, Ghyslaine se releva.

Je vous avais attendu depuis si longtemps, mes abdos.

Si je m’entraînais correctement, aurais-je des abdos comme ceux-là? En d’autres termes, pour avoir des abdos bien aiguisés comme ceux-là, je devais commencer l’entraînement tout de suite.

« Tu ferais mieux de me tenir correctement! »

« Oui oui. »

Éris avait remplacé Ghyslaine. Presque comme pour me botter le ventre, elle s’était enfoncée.

Je lui avais tenu les pieds.

Comparé à Ghyslaine, cela n’était que de la boue.

Quoiqu’ils étaient bien entraînés pour son âge, il y avait juste un monde d’écart comparé à ceux de Ghyslaine.

Bien sûr, toutes les femmes ne devraient pas être comme Ghyslaine, alors Éris était bien comme elle était.

« D’accord, je commence. »

« D’accord, vas-y. »

Éris avait commencé ses exercices.

Ce n’était que naturel compte tenu des circonstances, mais ses redressements assis étaient certainement plus faciles. Un coup de force au début, se précipitant vers moi comme pour le coup de tête. Puis atterrissant aussi rapidement. Pouvait-elle même entraîner correctement ses abdos comme ça? Si c’était comme cela qu’elle l’avait toujours fait, à quoi cela servirait-il?

Mais après une cinquantaine de flexions, ma pensée avait légèrement changé. Les redressements d’Éris n’avaient pas ralenti.

En raison de la façon dont j’avais été grassouillet dans ma vie précédente, je savais bien… que sans entraîner vos muscles abdominaux, il n’y avait aucun moyen de maintenir ce rythme plus de vingt fois.

Et Éris ne retenait même pas son souffle. Cela devait être le résultat de sa formation. Peut-être qu’elle avait déjà un pack de six?

Non, même si ce n’était pas les six, au moins un couple ou quatre…

« … »

Éris portait un vêtement ample pour s’entraîner, mais contrairement à Ghyslaine, son ventre n’était pas visible.

Je ne pouvais pas voir ses abdos.

Que pouvais-je faire pour confirmer mes soupçons?

Existait-il une méthode pour confirmer… l’inobservable?

… Tiens, bien sûr, j’avais juste besoin de les toucher.

« Excuse-moi. »

« Eek! »

Je tendis ma main sous les ourlets d’Éris, à la recherche de son muscle abdominal.

Sa peau, rendue chaude au toucher à cause de l’exercice, étagée d’une fine couche de graisse, je cherchais les recoins de ses muscles… un… deux…

« Qu’est-ce que t’es entrain de toucher ? »

Dans l’instant suivante, Éris avait soulevé son haut du corps avec une vitesse incroyable, me donnant un coup de tête.

Aussi fort qu’elle avait frappé, je me doutais que mon visage s’était effondré. Pourquoi le coup de tête d’Éris était-il si puissant?

Ah, le pouvoir des abdos! Comme un ensemble de treuils électrique, son couple massif torpillait le poids de sa tête et du haut du corps. Avec quelle force pouvait-elle accomplir un mouvement comme cela ?

En conclusion, Éris possédait également un ensemble impressionnant d’abdos.

Sans avoir besoin de compter, je comprends maintenant… c’était mes pensées finales, alors que mon conscient disparaissait.

***

Chapitre 4 : Réunion du personnel et dimanche

Partie 1

Six mois s’écoulèrent. Éris, dont je pensais qu’elle s’était finalement calmée, avait commencé à retourner à ses manières violentes.

Pourquoi, comment, qui a fait ça !? J’avais paniqué, jusqu’à ce que je réalise quelque chose. Elle n’avait bénéficié d’aucune pause.

◇ ◇ ◇

J’avais appelé Ghislaine et la prof d’étiquette dans ma chambre après le dîner. La prof d’étiquette ne vivait pas vraiment avec nous, elle vivait en ville, je lui avais fait envoyer un message par le biais du majordome.

« C’est un plaisir de vous rencontrer. Je suis Rudeus Greyrat », dis-je.

« Edna Leylune. J’enseigne l’étiquette à Lady Éris. »

J’avais mis ma main à ma poitrine et je fis un léger signe de tête. Elle répondit par des gestes de même nature, ses mouvements étant plus raffinés. Ce n’était pas surprenant, venant d’un professeur d’étiquette.

Edna avait le visage d’une femme d’âge moyen dont les rides commençaient à peine à apparaître. Ses traits étaient doux, et elle avait un sourire gentil et chaleureux.

« Asseyez-vous, s’il vous plaît », dis-je en faisant signe aux chaises voisines. Une fois installé, je leur avais offert du thé que j’avais fait préparer par le majordome.

« Si je vous ai appelé aujourd’hui, c’est pour parler de l’emploi du temps d’Éris. »

« L’emploi du temps des cours ? » demanda Edna.

« C’est exact. J’ai entendu dire qu’elle pratiquait actuellement l’épée le matin, études diverses l’après-midi et l’étiquette le soir. C’est exact ? »

« En effet. »

Éris apprenait actuellement six matières. Lecture et écriture, arithmétique, magie, histoire, épée et étiquette.

À notre époque, ce serait les langues, les mathématiques, l’économie domestique, les études sociales, l’éducation physique et, enfin, l’étiquette. Il n’y avait pas d’horloge, donc les leçons s’allongeaient, séparées seulement par les repas et les collations. Les sujets étaient répartis sur trois périodes, comme ceci :

Petit déjeuner → étude du matin → Déjeuner → étude de l’après-midi → Collation → étude du soir → Dîner → Temps libre

Il n’y avait pas de professeur d’histoire, alors Philip lui avait apparemment enseigné pendant son temps libre.

« Depuis que je suis arrivé, elle a aussi commencé à suivre des cours du soir, alors toute sa journée est remplie », dis-je.

« C’est exact. Ses études avancent bien. Le Maître est très impressionné. », répondit Edna

Il devait effectivement l’être.

« On dirait que tout se passe bien, mais il y a un problème. »

Edna avait l’air confuse.

« Un problème, dites-vous ? »

« Oui. Son stress a augmenté depuis qu’elle étudie tous les jours sans interruption. »

En particulier pendant les cours d’arithmétique. Elle était irritable tout le temps. Si elle avait des problèmes difficiles, elle s’en prenait à moi. C’était dangereux. On ne savait pas quand elle pourrait s’en prendre à moi pour de bon. C’était très dangereux.

« On arrive à s’en sortir pour l’instant, mais elle finira peut-être par s’enfuir de ses leçons. »

« Oh mon Dieu… »

Edna appuya sa main sur ses lèvres. Son expression disait qu’elle reconnaissait cette possibilité. Je n’avais jamais vu une de ses leçons d’étiquette auparavant, mais Éris semblait les prendre au sérieux. C’était un mystère pour moi, pourquoi Éris semblait-elle l’aimer ?

« J’aimerais lui donner un jour de répit tous les sept jours. », continuais-je

Ils avaient un calendrier dans ce monde, ils avaient donc une idée de quel mois et de quel jour il s’agissait. Ils n’avaient cependant pas le concept de semaine. Il y avait des jours de repos tout au long de l’année, mais il n’y avait pas de dimanche.

Sept. J’avais utilisé ce chiffre parce que je m’en souvenais facilement. En plus, il semblerait que ce nombre était aussi spécial dans ce monde. On disait que c’était un bon présage, c’est pourquoi il y avait aussi sept rangs dans la maîtrise de l’épée.

« Dans les six jours qui restent, nous continuerons à lui enseigner la lecture et l’écriture, l’arithmétique, la magie, l’histoire, le maniement de l’épée et l’étiquette. »

Edna éleva la voix.

« Puis-je vous demander une chose ? »

« S’il vous plaît, faites-le. »

« Si les choses se passent de cette façon, alors mes leçons seront réduites. Et mon salaire aussi… »

Je l’avais coupée avant qu’elle puisse finir.

« Vous n’avez pas à vous inquiéter pour ça. »

Je ne pouvais pas lui en vouloir de s’inquiéter pour l’argent, et j’espérais que personne d’autre ne le ferait non plus. Après tout, j’étais là aussi pour l’argent. Bref, j’avais déjà parlé à Philip et ce n’était pas un problème. Nous avions des salaires mensuels, donc nous étions payés, que nous donnions des cours ou non.

C’est vrai, nous serions virés si nous ne le faisions pas. Cela allait de soi. Si tu ne comprenais pas quelque chose d’aussi simple, tu méritais d’être viré.

« Bien sûr, en gardant cela à l’esprit, nous allons diviser les choses différemment. Il ne devrait pas y avoir de problème à n’avoir que deux leçons de lecture, d’écriture et d’arithmétique sur une période de sept jours. La pratique de l’épée restera une affaire de tous les jours, car il n’y a pas de raison qu’il en soit autrement. La magie doit aussi être pratiquée quotidiennement, mais il y a une limite à la quantité de mana d’une personne, donc chaque leçon ne sera pas trop longue. J’ai l’intention de consacrer tout le temps supplémentaire qu’il me reste à la lecture, à l’écriture et au calcul. »

Cette dernière chose que nous faisions depuis le début.

Par exemple : « Aujourd’hui, tu as utilisé une quantité X de bulles d’eau et une quantité Y de goutte d’eau. Combien de fois encore pourras-tu utiliser la bulle d’eau aujourd’hui ? »

Je changeais les valeurs de X et Y en fonction du nombre de fois qu’Éris et Ghislaine pouvaient respectivement exécuter ces sorts. Apparemment, c’était plus facile pour Éris que de rester assis dans une pièce à regarder les chiffres sur le papier.

Il était difficile de trouver une réponse précise, car l’utilisation du mana n’était pas quelque chose de tangible, même pour le praticien. L’important, c’était de faire du calcul mental, car plus elles en faisaient, mieux elles s’en sortiraient. Le but était qu’elles se servent de leur tête.

Je voulais faire des leçons sur les incantations silencieuses et l’économie domestique par la suite, mais cela pouvait attendre qu’elles aient fini de lire, d’écrire et de compter.

« Je m’en excuse d’avance, Mlle Edna, mais je voudrais réduire vos leçons avec Éris à trois ou quatre fois par période. »

« Entendu. »

Elle acquiesça rapidement.

Six jours, dix-huit périodes. Je les divisais ainsi : étiquette — cinq périodes, jeu d’épée — six périodes, lecture et écriture — deux périodes, arithmétiques — deux périodes, magie — trois périodes. Les périodes de cours étaient un peu courtes à mon goût, mais il s’agissait surtout de répétitions, donc ça devrait aller.

« Et puis, si vous ne pouvez pas donner une leçon, je voudrais que vous me contactiez. », continuais-je.

« Dans quel but ? », demanda Edna.

« Je suis toujours ici au manoir, donc je peux adapter mes leçons à votre emploi du temps. Si vous avez besoin d’un congé prolongé, il n’y aura pas de problème. »

« Très bien. »

Edna souriait tout le temps. Avait-elle vraiment compris ?

« J’aimerais aussi que ces réunions aient lieu tous les premiers jours du mois. »

« Et pourquoi ça ? »

« Si nous travaillons ensemble, nous pouvons trouver une réponse rapide à tout problème qui pourrait survenir. Ce n’est pas strictement nécessaire, mais cela rendra notre enseignement plus efficace et nous aidera à faire face aux urgences. Avez-vous des problèmes avec ça ? »

« Non. »

Edna sourit doucement.

« Vous êtes encore si jeune, Seigneur Rudeus, et pourtant vous êtes si prévenant envers Mlle Éris. »

Ses yeux brillaient comme si elle avait vu quelque chose de particulièrement attachant.

Eh bien, peu importe.

C’était ainsi que j’avais réussi à obtenir un jour de congé.

◇ ◇ ◇

Finalement, mon premier jour de congé arriva.

Après avoir salué Philip brièvement, j’avais décidé de me diriger vers la ville. Mais je vis Ghislaine et Éris qui m’attendaient à la sortie.

« Où penses-tu aller !? »

Éris semblait agitée, peut-être parce que c’était son premier jour de congé. Son premier jour avec un emploi du temps vide. Pas étonnant qu’elle était curieuse de savoir quels étaient mes projets pour la journée.

« Je vais faire du tourisme dans Roa », ai-je dit, en prenant une pose.

« Une visite touristique… Alors tu vas aller voir la ville ? Tout seul ? »

« J’ai l’air d’avoir quelqu’un d’autre avec moi ? »

« Ce n’est pas juste ! Je n’ai jamais été capable de sortir seule, même pas une seule fois ! »

De frustration, elle tapa des pieds.

« N’est-ce pas parce que tu vas te faire kidnapper si tu sors toute seule ? »

« Eh bien, tu t’es aussi fait kidnapper », me répondit-elle.

Ah, elle avait raison. J’avais été kidnappé parce que j’accompagnais Éris, mais il était également vrai que j’étais considéré comme un membre de la famille Greyrat. Il était possible que quelqu’un essaye à nouveau d’exiger une rançon pour moi.

« Mais si je me fais kidnapper, je peux rentrer à la maison tout seul. »

Dis-je triomphalement, uniquement pour la voir lever le poing comme si elle allait me frapper. J’avais vite fait de me protéger, mais le coup de poing n’était jamais arrivé. C’était inhabituel.

Elle croisa les bras sur sa poitrine et me regarda fixement.

« J’y vais aussi ! »

D’habitude, elle ne faisait une telle déclaration qu’après m’avoir frappé, mais apparemment, elle avait décidé de ne pas recourir à la violence cette fois-ci. Ça voulait dire qu’elle avait mûri un peu. C’était dérisoire, presque insignifiant, mais au moins il y avait quelques progrès.

« Très bien, alors allons-y ! »

« Vraiment !? »

Bien sûr, je n’avais aucune raison de lui refuser. En plus, plus on était nombreux, plus on sera en sécurité.

« Ghislaine vient aussi, non ? » avais-je demandé.

« Oui. C’est mon devoir de protéger la Jeune Maîtresse. »

Même lors de notre rencontre, Ghislaine ne semblait pas comprendre l’idée d’avoir un jour de congé. J’avais suggéré qu’elle reste auprès d’Éris comme d’habitude. Elle avait été embauchée pour être garde du corps, après tout, donc il ne devrait pas y avoir de problème avec ça.

« Attendez ! Je serai prête dans une seconde ! Alphonse ! Alphonse !! »

Je regardais Éris s’enfuir en courant, se précipitant bruyamment dans le manoir. Sa voix était plus forte que jamais.

« Rudeus », dit Ghislaine.

Je tournais la tête et je la vis juste à côté de moi. J’avais dû me tordre le cou pour la regarder. Elle mesurait presque deux mètres de haut. Même quand je deviendrais adulte, je la regarderais probablement encore comme ça.

« Ne surestime pas tes capacités », m’avertit-elle.

C’était probablement parce que je disais que je pouvais m’échapper d’un kidnapping tout seul.

« Je sais. J’essayais juste de la motiver un peu. »

« D’accord, mais si quelque chose arrive, appelle-moi. Je viendrais t’aider. »

« Oui. Si j’ai besoin de quelque chose, je te ferai encore un grand feu d’artifice. »

Le fait d’en parler me rappela quelque chose.

« As-tu dit à la Jeune Maîtresse de faire la même chose ? Un appel pour toi ? »

« Hmm ? Je l’ai fait, et alors ? »

« La prochaine fois, tu pourrais peut-être lui préciser qu’elle ne devrait le faire que lorsqu’elle est quelque part où tu peux l’entendre », avais-je dit.

« D’accord, mais pourquoi ? »

« Parce que, quand on a été kidnappés, elle a failli se faire tuer parce qu’elle n’arrêtait pas de crier ton nom. »

« Si je l’avais entendue, je l’aurais sauvée. »

Hmm. Elle avait été ridiculement rapide quand elle était venue nous sauver. Elle était là une minute après que j’avais tiré ces feux d’artifice.

Tant qu’elle pouvait nous entendre, j’étais sûr qu’elle viendrait, peu importe où c’était. Son ouïe semblait aussi plutôt bonne. Après tout, c’était Ghislaine qu’Éris avait appelé, pas à Philip ou Sauros. Elle était fiable.

« Tu dois lui apprendre qu’il y a des moments où tu ne dois pas crier. »

Éris revint et la conversation s’arrêta là. Je n’étais pas sûr si elle s’habillait pour sortir ou non, mais elle portait une tenue que je n’avais jamais vue auparavant.

« Tu es ravissante aujourd’hui. »

« Hmph ! »

Elle me frappa à la tête quand je l’avais complimentée. Qu’est-ce que c’était que ce bordel ?

***

Partie 2

La Citadelle de Roa, dans la région de Fittoa, était l’une des plus grandes villes de la région, mais « grande » était un terme relatif. Elle était encore plus petite que l’étendue de campagne qui constituait le village de Buena. Si vous faisiez le tour du mur extérieur, vous pourriez probablement le faire intégralement en deux heures. Pourtant, c’était d’une taille considérable pour une ville. Les murs eux-mêmes mesuraient environ sept à huit mètres de haut et entouraient l’ensemble de Roa.

Cela dit, la ville n’était pas un cercle parfait. Elle s’était courbée en fonction du terrain, donc je n’étais pas sûr de ses dimensions exactes, mais elle couvrait probablement une trentaine de kilomètres carrés. Pas si grand du point de vue d’une personne japonaise, mais je pouvais dire que créer des murs de cette taille n’était pas une mince affaire.

Il devait y avoir une sorte de magie pour construire des murs comme ça. Probablement de niveau Roi ou de niveau Impérial. Ou peut-être avaient-ils fait une esquisse générale avec de la pierre et fini le reste manuellement ?

J’avais pensé à tout cela lorsque nous avions traversé le quartier résidentiel de la haute bourgeoisie et que nous nous étions rendus sur la place bondée. De là, on se dirigea vers le quartier marchand. Tous les magasins près du quartier noble étaient chics, et même les échoppes de rue ici et là vendaient des marchandises chères.

« Hé, jeune maître et mademoiselle, prenez votre temps et regardez autour de vous. »

Un vieil homme qui tenait un magasin d’articles d’occasion nous appela, en utilisant une phrase tirée directement d’un RPG.

J’avais regardé ce qu’il avait en exposition, prenant des notes sur les produits et leurs prix. Franchement, il vendait des choses plutôt douteuses. Qui achèterait ces trucs ? avais-je pensé. Attendez, un aphrodisiaque, il coûte dix pièces d’or. Je dois écrire ça.

« C’est quoi ces lettres bizarres !? Je ne peux pas les lire ! »

Mes tympans retentirent quand la voix d’Éris les explosa.

Je m’étais retourné, j’avais trouvé son visage très près du mien. Elle lisait par-dessus mon épaule. De près, j’avais réalisé à quel point elle était mignonne. Ses traits étaient très réguliers.

Au fait, mon mémo était écrit en japonais.

« Dis-moi ce que tu écris ! »

Elle était autoritaire, mais je n’avais aucune raison de ne pas lui dire.

« Je note les noms des produits et les prix. »

« Et que vas-tu faire de cette information !? »

« Comparer les prix courants est l’un des fondamentaux des jeux en ligne », répondis-je.

« En ligne… C’est quoi ce bordel ? »

Elle ne serait pas capable de comprendre même si je lui expliquais, alors j’avais montré du doigt une des marchandises exposées. C’était un petit accessoire.

« OK, regarde ça. Le dernier stand vendait cet article pour cinq pièces d’or. Cet endroit le vend pour quatre pièces d’or et cinq pièces d’argent. »

Le propriétaire avait carillonné.

« Oh, Jeune Maître, vous avez un bon œil ! Nos affaires sont bon marché, ouais ! »

J’avais ignoré le vieil homme et je m’étais tourné vers Éris.

« Alors, si tu persuades ce vendeur de te vendre ça pour trois pièces d’or et que tu le ramènes à l’autre magasin pour le vendre quatre pièces d’or, combien gagneras-tu ? »

« Cinq moins trois plus quatre… Six pièces d’or ! »

Qu’est-ce que c’était que ces maths ?

« Bzzt, incorrect. La bonne réponse est une pièce d’or. »

« Ouais, je le savais ! »

Elle s’était détournée avec une moue sur les lèvres.

« Vraiment ? »

« Si tu avais dix pièces d’or depuis le début, tu en aurais onze, non ? »

Oh, hey ! Elle avait pour une fois réussi ! Attendez… non, elle en avait juste ajouté un là-dedans. Eh bien… Il valait mieux la féliciter et l’encourager, surtout avec la fierté qu’elle avait.

« Oh, cette fois tu as raison ! Wôw, très intelligente, Éris. »

« Hmph, comme s’il y avait le moindre doute. »

Le vieil homme avait écouté notre conversation avec un regard amer sur son visage.

« Jeune Maître, ça s’appelle revendre. Les gens n’ont pas l’air d’être très gentils, alors n’essayez pas. »

« Bien sûr. Si je cherchais à gagner de l’argent, j’irais dans cet autre magasin et je leur dirais que vous le vendez quatre pièces d’or. Ce genre d’information devrait suffire à me rapporter une grosse pièce de cuivre, non ? »

Son expression s’était aigrie. Il regarda derrière nous vers Ghislaine pour demander de l’aide, mais elle l’écoutait avec intérêt. Le vieil homme s’affaissa et soupira comme s’il se rendait compte que tout ce qu’il disait ne servait à rien.

Désolé, je m’étais excusé, mais seulement dans ma tête. J’espérais qu’il ne s’y attarderait pas trop. Je ne faisais que le taquiner.

« De toute façon, même si tu n’as pas l’intention d’acheter quoi que ce soit, c’est important de connaître le prix des choses. », dis-je

« Et que vas-tu faire avec cette connaissance !? »

« Par exemple, tu peux calculer combien tu vas dépenser sans même aller au magasin. »

« Et en quoi c’est censé être utile ! »

Comment est-ce censé être... Eh bien, si tu vas le revendre, tu pourrais déterminer combien… Attends.

Non, dans ces moments-là, il valait mieux laisser les choses à Ghislaine.

« Pourquoi penses-tu que ce serait utile, Ghislaine ? »

« Aucune idée. »

Attends, sérieusement ? Elle ne le savait pas ? Je m’en doutais. Eh bien, peu importe. Ce n’était pas comme si c’était une leçon de toute façon.

« Très bien, dans ce cas, peut-être que ce n’est pas du tout utile. »

L’information était pour mon propre usage de toute façon. C’était bien si elles ne comprenaient pas. Chaque fois que j’étais sur un marché, la première chose que j’avais faite était de comparer les prix. C’était comme ça que je procédais toujours dans les jeux en ligne, et il n’y avait aucune raison de changer cela maintenant. Cela malgré le fait que je ne l’avais jamais fait auparavant dans cette vie et que je ne savais pas avec certitude si cela avait vraiment de la valeur.

« Si tu ne sais pas si c’est utile ou non, pourquoi le faire ! »

« Parce que je pense que ce sera utile. »

Son visage m’avait clairement fait comprendre qu’elle n’aimait pas ma réponse.

Ce n’est pas comme si je peux répondre à toutes tes questions. Essaie de réfléchir un peu par toi-même.

« Réfléchis-y un peu. Si tu penses que c’est utile, alors tu devrais aussi le faire. Si tu penses que c’est inutile, pointe-le du doigt et ris. »

« Très bien, je choisis l’option rire ! »

« Ahahahaha. »

« Et pourquoi diable ris-tu ! »

Elle me frappa. Tristesse…

◇ ◇ ◇

Nous avions fait le tour de la zone et j’avais fini de faire l’inventaire de tous les stands. J’avais zappé les boutiques huppées parce que je savais que tout serait trop cher. Au lieu de cela, nous nous étions dirigés vers la partie extérieure de la ville. À quelques pas de là, la marchandise du magasin changea complètement. Les prix étaient également nettement plus bas, passant de cinq pièces d’or à une seule.

C’est toujours cher. Ce n’est pas quelque chose que je peux me permettre, pensai-je.

Il y avait plus de gens ici, des nobles aux aventuriers en fonction de leur apparence. Même les commerçants semblaient plus animés lorsqu’ils vendaient leurs marchandises. Peut-être parce qu’une pièce d’or se situait juste au sommet de l’accessibilité financière.

Un magasin attira mon attention pendant que je prenais des notes, une librairie pour être exact. J’avais décidé de me promener à l’intérieur.

Il était désert, comme la section générale d’une librairie pour adultes. Il y avait deux bibliothèques, des volumes du même genre, alignés par deux ou trois. Chaque livre coûtait environ une pièce d’or.

Dans l’espace restant, il y avait une étagère verrouillée avec des rangées de livres à l’intérieur. Chaque livre valait huit pièces d’or, les plus chères coûtant dix pièces d’or. Je supposais que c’était les produits vedettes du magasin.

« Hmpf. »

Le propriétaire du magasin jeta un coup d’œil sur moi et me bailla dessus comme s’il rejetait mon potentiel en tant que client. Son regard devint méfiant quand je commençais à noter tous les titres que je voyais sur leurs étagères. Ils étaient probablement préoccupés par le fait que j’essayais de copier le contenu des livres. Je m’étais éloigné des étagères en espérant que cela lui enverrait un message : Ne vous inquiétez pas ! Je ne touche pas vos livres ! Je ne vais rien copier !

J’avais jeté un coup d’œil à l’intérieur de l’étui verrouillé et j’avais remarqué un livre que j’avais déjà vu.

« Dictionnaire des plantes, dix pièces d’or », lisais-je à haute voix.

C’était le même livre que Zenith m’avait donné à mon cinquième anniversaire.

Coûteux, pensais-je. Si une pièce d’or valait 10 000 yens, cela signifiait que ce livre coûtait 70 000 yens ! Ma mère avait dû aller trop loin pour acheter ça.

« Hm. »

Les dictionnaires coûtaient vraiment cher. J’aurais adoré lire la magie d’invocation de Sig, mais il coûtait dix pièces d’or. Avec un salaire de deux pièces d’argent par mois, je ne pouvais pas me le permettre.

Le livre le plus cher était les cérémonies de la cour impériale du palais royal d’Asura. Je n’en avais vraiment pas besoin.

« Qu’est-ce que tu regardesde si intéressant ? »

C’était la voix d’Éris. Elle m’avait apparemment suivi à l’intérieur à un moment donné. Elle avait dû remarquer que je regardais les titres des livres sans prendre de notes.

« Oh, rien. Je pensais juste qu’il n’y avait pas grand-chose d’intéressant ici. »

« Oh, c’est vrai, j’ai entendu dire que tu aimais les livres, pas vrais ? » demanda Éris.

« Qui t’a dit ça ? »

« Mon père ! »

Philip, hein ? Je lui avais demandé de me montrer sa bibliothèque.

« Si tu en veux vraiment un à ce point, je peux t’en acheter un », avait-elle proposé.

« Tu dis ça si facilement, mais tu n’as pas d’argent, hein ? »

« Grand-père le paiera ! »

C’est ce que je m’étais dit. Elle allait juste le laisser la gâter à nouveau. Je devais lui faire comprendre que l’argent était une ressource limitée.

Mais je veux ce livre… Je veux vraiment ce livre, pensais-je.

« Je n’en ai pas besoin. »

« Et pourquoi pas ? »

Elle boudait encore. C’était l’expression qu’elle portait quand elle était de mauvaise humeur. Si cette humeur s’aggravait, son visage deviendrait démoniaque et elle me frapperait. Pour l’instant, j’étais encore en sécurité, car elle avait encore toute sa raison.

« Ce n’est pas de l’argent que tu peux utiliser pour ce que tu veux. »

« Qu’est-ce que tu dis ? » dit-elle en fronçant les sourcils.

Elle devenait de plus en plus irritable parce qu’elle ne comprenait pas. Je pouvais presque voir sa barre de colère quand elle se remplissait.

Comment expliquer cela au mieux ? À quoi cela servait-il d’apprendre à la fille d’une famille noble comment utiliser l’argent ? Eh bien, pourquoi pas ?

« Sais-tu combien je gagne chaque mois pour t’enseigner ? »

« Environ cinq pièces d’or ? »

« Deux pièces d’argent », avais-je dit.

« C’est trop peu ! » dit-elle en criant.

Le visage du propriétaire du magasin se fâcha contre le bruit.

Désolé, pensais-je.

« Non, c’est un salaire équitable vu que je suis jeune et que je n’ai aucune qualification. »

De plus, ils allaient aussi payer les frais de scolarité pour que je puisse étudier à l’Université de Magie.

« Mais Ghislaine gagne cinq pièces d’or ! Et tu m’apprends aussi beaucoup de choses ! »

« Ghislaine a des qualifications, et elle a le titre de Roi de l’épée. Elle est aussi ta garde du corps. C’est logique qu’elle soit mieux payée. »

De plus, une partie de son salaire élevé était probablement due aux traditions peu recommandables de la famille Boreas Greyrat. Ils avaient l’air d’accorder un traitement de faveur aux femmes bestiales.

« Et moi, alors ? »

« Tu ne peux pas faire de magie, ta technique à l’épée est insuffisante et tu n’as aucune qualification. Donc même si ton salaire était élevé le plus possible, il ne dépassera pas une pièce d’argent.. »

Plus précisément, on ne lui avait jamais donné d’argent de poche.

« Grr… »

« Si tu veux acheter quelque chose pour quelqu’un, fais-le une fois que tu auras gagné l’argent pour le payer toi-même. »

« D’accord, je comprends. »

Elle portait un rare regard de défaite totale sur son visage. Ce genre de sermon ne signifiait généralement rien pour elle.

« Je vais voir si je peux convaincre Philip de te donner de l’argent à dépenser à notre retour. »

« Vraiment !? »

Elle secouait sa tête. Je sentais presque son compteur d’affection s’élever.

Lui acheter ce qu’elle voulait sans la laisser gérer son argent ne faisait que la gâter. C’était mieux pour eux de lui donner un peu d’argent et de la laisser apprendre à s’en servir.

J’avais noté le nom du livre qui avait attiré mon attention et nous avions quitté le magasin. Dès lors, j’avais une bonne compréhension de ce que je voulais acheter et combien ça coûtait.

◇ ◇ ◇

Le ciel était un beau mélange de rouge et d’oranges lorsque nous rentrions chez nous. Il semblait que le coucher du soleil ne changeait pas, peu importe dans quel monde on était. Juste comme je le pensais, j’avais levé les yeux, pour voir un château flottant. Il était suspendu entre les nuages, il était petit, mais présent.

« Wow ! »

Surpris, j’avais pointé mon doigt vers le ciel. Ceux qui m’entouraient jetèrent un coup d’œil, pour s’y désintéresser aussitôt.

Hein ? Ils ne le voyaient pas ? Était-ce juste moi ? Étais-je le seul à pouvoir voir Laputa, le Château dans le ciel ?

Mon père était-il un menteur ?

« C’est la première fois que tu le vois ? C’est la forteresse flottante du roi-dragon blindé Perugius », expliqua Ghislaine.

Un peu tard pour l’information, mais mieux vaut tard que jamais, Ryuk… Je veux dire, Ghislaine !

Bref, une forteresse flottante, hein ? C’est plutôt génial.

« Mais qui est Perugius… ? »

« Tu le sais, n’est-ce pas ? »

J’avais l’impression d’avoir déjà entendu ce nom, mais je ne m’en souvenais pas.

« C’est qui déjà ? »

Ghislaine avait l’air un peu surprise alors qu’elle essayait de trouver les mots pour s’expliquer. Mais Éris ne lui en avait pas donné l’occasion. Elle s’était jetée devant moi et croisa les bras sur sa poitrine, ses jambes étant à une largeur de hanche l’une de l’autre.

« Laisse-moi t’apprendre ! »

« S’il te plaît, apprends-moi. »

« Très bien ! Perugius est l’un des trois héros légendaires qui ont vaincu le Dieu Démon Laplace ! », dit-elle avec fierté

Le Dieu Démon Laplace. Où avais-je entendu ce nom avant… ?

« Il est incroyablement fort. Il prit le commandement de douze hommes, et avec sa forteresse flottante marcha sur la forteresse de Laplace ! »

« Ah ouais ? C’est incroyable », dis-je.

« N’est-ce pas !? »

« Tu es bien informée à ce sujet, Jeune Maîtresse. Merci. »

« Eheheheh. Tu as encore un long chemin à parcourir, Rudeus ! », gloussa-t-elle

Je savais qu’il ne fallait pas l’interroger davantage si je ne voulais pas me faire battre à nouveau.

Au lieu de ça, j’avais vérifié après notre retour au manoir. Quand j’avais interrogé Philip à ce sujet, il m’avait dit qu’il y avait un livre sur le sujet quelque part. Avant que je puisse le lui demander, il avait déjà ordonné à un majordome de récupérer le volume pour moi.

J’étais désolé de lui avoir causé tous ces ennuis, parce que le livre était celui que j’avais vu chez moi, dans le village de Buena : la légende de Perugius. Je l’avais fait passer pour un conte de fées, mais il semblerait que c’était un fait historique.

Son contenu pourrait se résumer ainsi :

Le roi-dragon blindé Perugius. Personne ne savait où il était né ni où il avait grandi. La plus ancienne trace de lui remontait à sa jeunesse, avant qu’il ne devienne célèbre, lorsque le Dieu Dragon Urupen l’avait traîné jusqu’à la Guilde des Aventuriers.

Il fit preuve d’une telle force en un rien de temps, le Dieu Dragon Urupen, le Dieu du Nord Kalman et les empereurs jumeaux Migus et Gumis formèrent un groupe avec lui. Ils écrasèrent tous leurs adversaires.

Grâce en partie à son lien fraternel avec Urupen, Perugius était entré dans l’histoire en tant que roi-dragon blindé et l’un des cinq commandants dragons du Dieu Dragon.

Il avait montré la magnificence de ses pouvoirs dans la bataille contre Laplace. Perugius utilisa sa plus grande force, faisant appel à la magie, pour faire venir douze familiers : Vide, Sombre, Lumineux, Brillant, Poussée, Vie, Tremblement de terre violent, Temps, Tonnerre rugissant, Destruction, Perspicacité, Folie, et Expiation. C’était les alias des plus grands familiers, ceux qu’il manipulait. Avec eux, Perugius restaura l’ancienne forteresse flottante Briseuse de Chaos et se dirigea vers la bataille finale contre Laplace.

Pourtant, toute cette puissance ne suffisait pas à détruire complètement le Dieu Démon, forçant Perugius à se contenter de l’enfermer.

Pourtant, la force et l’apparence imposante de Briseuse de Chaos dans le ciel suffisaient pour que les gens l’appellent le Roi-Dragon Blindé.

Le royaume d’Asura l’avait loué pour ses réalisations et, à la fin de cette guerre, avait proclamé le début d’une nouvelle ère. C’était l’époque actuelle, l’ère du dragon blindé. C’était en ce moment l’an 414 de l’ère du dragon blindé.

Le roi dragon blindé Perugius ne dominait ni ne régnait sur rien, il planait simplement au-dessus du monde dans sa forteresse flottante, la Briseuse de Chaos. Personne ne connaissait ses véritables intentions.

Plus important encore, cela s’était déroulé il y a 400 ans. Ce type était-il encore en vie ? N’était-ce pas juste un château vide flottant dans le ciel maintenant ? Cela dit, si jamais l’occasion se présentait, je serais impatient d’y jeter un coup d’œil moi-même.

◇ ◇ ◇

Le lendemain, Éris était d’une humeur absolument horrible. C’était peut-être parce qu’elle avait goûté pour la première fois à une journée entière de liberté, ou peut-être parce qu’elle n’avait jamais été autorisée à aller dans les boutiques chic jusqu’à présent. Quoi qu’il en soit, la laisser se reposer était une bonne idée.

« J’exige que l’on puisse ressortir ensemble ! »

Ses bras étaient croisés, les jambes fermement écartées.

C’était la même pose qu’elle utilisait toujours, mais cette fois, ses joues étaient teintées de rouge. C’était quel genre de rougissement, cette fois ? Était-elle en colère ou gênée… ? Hm ? Peut-être qu’elle se sentait timide ? Non, ce n’était pas possible. C’est d’Éris qu’on parlait.

« Hmm… »

J’avais hésité à répondre.

Elle grinça des dents. Puis elle prit une poignée de cheveux dans les deux mains et poussa ses hanches en arrière.

« S’il te plaît, emmène-moi avec toi, meew… »

« Oui, je le ferai ! Je t’emmènerai avec moi, alors arrête ça ! », demandais-je, paniqué.

C’était mignon, je l’admettais, mais pas bon pour mon cœur. C’était comme si le karma s’accumulait chaque fois qu’elle faisait ça. Un mauvais karma qui se disparaîtrait de lui-même avec un poing sur mon visage.

« Hmph ! Tant que tu comprends ! »

Éris fit frôler ses cheveux et s’enfonça dans son siège avant que les mèches n’aient eu le temps de retomber sur ses hanches.

« Maintenant ! Continue ta leçon ! »

« On dirait que tu te sens motivée aujourd’hui. »

« Parce que je sais que tu diras que tu ne m’emmèneras pas si je ne me comporte pas bien ! »

Depuis quand était-elle devenue si intelligente !?

« C’est vrai, je te prendrai avec moi aussi longtemps que tu te comporteras bien ! »

Impressionné, j’avais commencé la dernière leçon de la journée.

◇ ◇ ◇

NOM : Éris B. Greyrat

OCCUPATION : Petite-fille du seigneur féodal de Fittoa.

PERSONNALITÉ : Un peu, violente

NE FAITES PAS ÇA : N'écoute pas ce que les gens disent

LECTURE/ÉCRITURE : Très doué en lecture

ARITHMÉTIQUE : Peut soustraire de grand nombre

MAGIE : Étudie les bases.

ESCRIME : Style du Dieu de l’épée — Niveau débutant

ÉTIQUETTE : Peut saluer normalement

LES GENS QU’ELLE APPRÉCIE : Grand-père, Ghislaine

***

Chapitre 5 : Le jeune Maître a 10 ans

Partie 1

Une autre année s’était écoulée.

L’éducation d’Éris progressait bien. Son jeu d’épée était si impressionnant qu’elle avait atteint le niveau Intermédiaire avant son dixième anniversaire. Cela signifiait qu’elle pouvait faire face à un épéiste moyen.

Ghislaine avait dit que, même si elle n’avait que neuf ans, elle pourrait passer au niveau Avancé dans quelques années encore. Notre Jeune Maîtresse était une vraie génie.

Quant à moi ? Si on me le demandait directement, j’éviterais votre regard. Il semblerait que je n’étais pas un génie de l’épée.

La capacité d’Éris à lire et à écrire était, au moins, fonctionnelle. Ghislaine, qui avait été trompée de nombreuses fois et même vendue comme esclave parce qu’elle ne savait pas lire, tenta désespérément de tout mémoriser.

Malheureusement, Éris avait pris du retard en matière d’arithmétique. C’était son point faible. Mais il n’y avait pas de raison de paniquer. Je n’avais aucune idée de ce qu’elle allait faire en grandissant, mais les mathématiques très avancées n’étaient pas nécessaires dans ce monde. Elle n’avait plus qu’à maîtriser les quatre principes en cinq ans. C’était suffisant.

Les leçons de magie se déroulaient à un rythme soutenu, mais nous avions l’impression d’être dans une légère impasse. En incantant, les deux pouvaient exécuter la plupart des sorts de base. Éris avait maîtrisé à peu près toutes les écoles de magie en dehors de la terre, mais Ghislaine ne pouvait faire que des sorts de feu. Je m’interrogeais sur la différence de leurs capacités, car elles suivaient toutes les deux le même cours. Ghislaine avait-elle simplement aucune affinité avec la magie d’eau, de vent et de terre ? Ce que j’avais observé semblait l’indiquer, mais je ne pouvais pas en être sûr.

Quoi qu’il en soit, il était clair que le simple fait de chanter des sorts du manuel de magie n’était pas suffisant pour leur permettre de surmonter ce problème. Chanter différentes écoles de magie m’était venu tout naturellement à moi donc je ne savais pas comment les aider. Je leur avais fait pratiquer l’incantation silencieuse récemment, mais les résultats étaient loin d’être satisfaisants. Sylphie était capable de le faire facilement, alors je m’étais demandé si c’était une question d’âge. Ou peut-être que Sylphie était juste particulièrement douée.

Peut-être que c’était juste un effort futile. Il vaudrait peut-être mieux passer aux sorts intermédiaires. Mais Éris et Ghislaine étaient toutes les deux des épéistes, alors il vaudrait mieux qu’elles maîtrisent les sorts de base, car elles seraient ainsi plus polyvalentes. Finalement, j’avais décidé de garder mes leçons telles qu’elles étaient. Je voulais croire qu’un jour, elles seraient capables de lancer des sorts sans chanter.

◇ ◇ ◇

Le dixième anniversaire d’Éris approchait. Le dixième anniversaire d’une personne était un anniversaire spécial. Il était de coutume pour la noblesse de préparer de grandes fêtes pour un enfant à leur cinquième, dixième et quinzième anniversaire.

Le jour de l’anniversaire d’Éris, la grande salle de réception et la cour commune avaient été ouvertes pour la fête. Les cadeaux affluaient de partout et tous les nobles de Roa étaient invités à y assister. Comme Sauros était un type militaire grossier, le plan initial était de faire un buffet en libre-service, jusqu’à ce que Philip intervienne et en fasse une fête dansante pour faciliter la participation des nobles locaux, moins riches.

Le manoir était animé d’un mouvement frénétique. Les servantes aux oreilles de chien se précipitaient dans les couloirs. Les femmes de ménage n’étaient pas censées courir en général, mais apparemment on les laissait faire lorsqu’il y avait énormément de tâches à accomplir. Certains faisaient même un sprint, assez rapidement pour envoyer sur la lune un élève transféré tournant au coin de la rue.

Je restais au bord du couloir. Je ne me mettais pas en travers de leur chemin. Je n’avais pas de véritable destination en tête, j’allais me promener. C’était ça, une promenade.

Je n’avais rien à voir avec cette agitation frénétique. En ce moment, Éris se préparait pour son rôle principal dans la fête en prenant des leçons spéciales d’étiquette, nos cours avaient été donc annulés. Philip avait demandé à Éris de « s’assurer qu’elle se comporte au moins comme une enfant de dix ans sans se faire honte ». Apparemment, elle ne satisfaisait pas à cette norme, parce qu’Edna, avec un regard d’épuisement, demanda une augmentation drastique du nombre de leçons avec Éris.

J’avais honoré la demande d’Edna, et c’était ainsi que des jours vinrent où Edna gardait Éris du matin au soir pour ses leçons spéciales. Cela m’avait laissé complètement inoccupé.

Bien sûr, j’assistais à la fête en tant qu’invité de la maison, car c’était vraiment la fête d’Éris. Je n’avais rien d’autre à faire que de rester dans un coin et de manger. Rien de spécial n’était exigé de moi.

J’avais pensé que je devrais peut-être pratiquer l’étiquette pendant mon temps libre, mais si je passais chaque jour à m’entraîner, je m’épuiserais. De plus, je voulais faire le tour du manoir pendant que tout le monde était occupé avec les préparatifs. Ce serait le premier grand événement auquel j’assisterais. Il y avait sûrement quelqu’un dans le coin qui avait besoin de mon aide. Bien que la seule chose que je pouvais vraiment faire, ce soit un test de goût.

« Maintenant que j’y pense, est-ce que l’on prépare des gâteaux pour les anniversaires ? »

Ce n’était pas le cas au village de Buena, mais les gâteaux existaient apparemment ici. Je n’en avais jamais vu, mais parfois quelqu’un voulait manger quelque chose de sucré.

Avec ces pensées en tête, je m’étais dirigé vers la cuisine. J’aurais pu poser des questions sur l’existence du gâteau, mais je voulais vraiment faire un tour. Si ma fortune était bonne, je pourrais aussi trouver des échantillons de nourriture pour la fête.

Ouais. J’avais aussi faim. N’était-ce pas encore l’heure du déjeuner ?

« Plus jamais ça ! »

La porte devant moi s’était ouverte et Éris en sortit en courant. Ses épaules étaient courbées alors qu’elle s’élançait dans le couloir à une vitesse impressionnante et disparut dans un coin du couloir.

Edna venait la pourchasser.

« Jeune Maîtresse ! »

Elle regarda des deux côtés et soupira quand elle ne vit aucune trace d’Éris. Elle commença à bâiller, ne me voyant qu’à mi-chemin.

Elle m’avait offert un faible sourire.

« Bonjour, Seigneur Rudeus. »

C’était un sourire qui me suppliait d’écouter. Une telle expression était rare chez Edna.

« Vous devez être épuisée, Mlle Edna. »

« Je suis désolée que vous ayez dû voir ça. »

Je levai la main en m’approchant d’elle, et Edna s’inclina d’un mouvement gracieux. J’avais mis ma main sur ma poitrine tout en lui rendant la pareille.

« Qu’est-ce qui ne va pas ? », avais-je demandé.

« C’est un peu gênant, mais la Jeune Maîtresse s’est enfuie. »

Eh bien, oui, je le savais depuis que je l’avais vu passer. C’était assez incroyable. Elle était partie en quelques secondes. J’étais assez bon pour m’enfuir moi-même, mais j’étais lent comparé à Éris.

Edna avait l’air troublée alors qu’elle posait une main sur sa joue.

« Vous voyez, je lui ai appris à danser dernièrement, mais elle n’arrive pas à s’y prendre correctement. Maintenant, chaque fois que j’essaie de lui apprendre, elle s’enfuit. »

« Je vois, c’est troublant. Je comprends ce que vous ressentez. »

Surtout parce qu’elle me fuyait aussi. Éris était du genre à refuser de faire quelque chose qu’elle n’aimait pas. Edna avait eu la vie dure. Attraper Éris n’était pas facile.

« Il reste moins d’un mois avant son anniversaire. Si les choses continuent comme ça, elle aura honte devant ses invités. »

Edna avait dit ça comme si c’était une chose terrible. Mais n’était-ce pas un peu tard pour ça ? Éris avait déjà la réputation d’être une petite fille violente. Être incapable de danser lors d’une soirée dansante semblait assez loin en bas de la liste de la honte potentielle.

« C’est son dixième anniversaire. C’est spécial. Devenir la risée de tous ce jour-là me semble beaucoup trop cruel, pas vrai Seigneur Rudeus ? »

Elle n’arrêtait pas de me regarder.

Si elle voulait quelque chose de moi, je voulais qu’elle le dise explicitement.

« Alors qu’est-ce que vous voulez que je fasse ? »

« Si ça ne vous dérange pas, Seigneur Rudeus, ne pourriez-vous pas la persuader pour moi ? Afin qu’elle revienne à ses leçons de danse. »

On y vient.

◇ ◇ ◇

Pourquoi avais-je accepté sa demande ? Je suppose que c’était parce que je n’avais rien d’autre à faire, mais aussi à cause de quelque chose qu’Edna a dit : « Devenir la risée de tous ce jour-là me semble beaucoup trop cruel. ».

Dans ce monde, il y avait une coutume de grandes célébrations pour vos cinquième, dixième et quinzième anniversaires, et seulement ces trois fois. Il était tragique d’imaginer qu’une journée si joyeuse ne rapporterait que des souvenirs douloureux. Avec un petit effort de ma part, la journée pourrait être vraiment agréable. Sans elle, il n’y aurait que de la tristesse.

Si j’avais étudié un peu plus sérieusement dans ma vie antérieure, j’aurais pu entrer dans un autre collège, alors ces choses horribles n’auraient peut-être jamais eu lieu. Je n’aurais peut-être jamais vécu en reclus. Non pas que je pensais qu’Éris ferait ça, mais elle pourrait finir avec des souvenirs terribles qui resteraient longtemps après.

C’était dans cet esprit que j’avais commencé à la chercher.

Heureusement, je l’avais immédiatement trouvée. Elle était derrière les écuries, couchée sur un tas de foin.

« Hmph. »

Elle avait expiré, me lançant un regard grossier quand elle me vit.

Je grimpais et je m’étais assis à côté d’elle.

« J’ai entendu dire que tu ne sais pas très bien danser… Whooooa ! »

Elle me poussa de la botte de foin avec un coup de pied. J’avais réussi à atterrir en toute sécurité et je m’étais retourné pour me protéger. Éris était du genre à toujours lancer une attaque de suivi. Si je n’étais pas préparé, j’aurais reçu un coup de pied tombé à l’arrière de ma tête non protégée.

C’était du moins ce que je pensais, mais le suivi n’avait jamais eu lieu. Elle était juste restée étendue sur le foin, regardant le ciel.

« … »

J’étais remonté et je m’étais assis à côté d’elle. Cette fois, je m’étais agrippé au foin pour ne pas être envoyé en vol. C’était mon plan initial, jusqu’à ce que je sente un impact sur ma tête.

« Aïe ! »

Son talon était perché sur le haut de ma tête. Il n’y avait pas assez de puissance derrière pour que ce soit considéré comme un coup de pied. Il semblait plutôt qu’elle se reposait juste là. Elle était de mauvaise humeur, mais ne semblait pas avoir beaucoup d’énergie.

« Ne veux-tu pas… retourner à l’entraînement ? »

« Je n’ai pas besoin de savoir danser. »

Je l’avais regardée. Elle regardait encore le ciel.

« Mais… »

« Je ne danserai pas non plus le jour de mon anniversaire », proclama-t-elle franchement.

Mais la star d’une soirée de danse ne pouvait pas renoncer à danser. Je n’y avais jamais participé, mais je savais qu’elle serait entraînée à danser devant tout le monde le jour venu.

« Pourquoi dois-je faire quelque chose pour lequel je ne suis pas douée ? », grogna-t-elle, ses lèvres faisant une moue.

Je comprenais ce qu’elle ressentait. Mais s’enfuir ne fera qu’empirer les choses pour l’avenir.

« Oui, quand tu le dis comme ça, c’est difficile de répondre. »

Qu’est-ce que j’avais à lui dire pour qu’elle comprenne ? Je savais qu’elle n’écouterait pas si je lui disais qu’elle le regretterait. C’était la logique d’un adulte ayant des regrets. Il fallait vivre l’émotion soi-même pour la comprendre.

« Tu ne comprends pas. Tu peux tout faire », dit-elle.

« Non, il y a certainement des choses que je ne peux pas faire. »

« Il y en a ? »

« Bien sûr. »

« Hmm. »

Elle ne m’avait pas demandé ce que c’était. Au lieu de cela, elle m’avait regardé avec une expression qui disait qu’elle ne me croyait pas du tout.

« Mais je pense que quand tu fais un effort maximum pour quelque chose où tu n’es pas doué, tu te sentiras plus accompli quand tu réussiras. »

« Tu penses que ce sera le cas ? »

Elle continua de regarder le ciel, sans être convaincue.

« Je t’aiderai aussi. Pourquoi ne pas donner une autre chance à la pratique de la danse ? »

« Je ne le ferai pas. »

Elle venait de tuer la conversation, là. Je n’avais pas trouvé d’autres mots à dire. Après tout, on aurait dit que c’était impossible.

J’aurais peut-être mieux fait de demander de l’aide à Ghislaine. Bien sûr, elle ne verrait probablement pas non plus le besoin d’apprendre à danser. Même moi, je ne l’avais pas vu. Les seules personnes qui l’avaient vu étaient probablement Edna et Philip. Je devrais peut-être demander à Philip ?

Alors que je réfléchissais, Éris enleva son pied de ma tête. Puis elle donna un coup de pied dans ma jambe en utilisant le recul pour se propulser hors du foin et sur le sol.

« Rudeus. »

« Oui ? »

« Je retourne à mes leçons de danse. Viens avec moi. »

Ce que j’avais dit avait-il marché ? Ou était-ce juste sa personnalité habituelle et capricieuse ? Quoi qu’il en soit, elle semblait avoir trouvé une certaine motivation, alors j’étais content.

« Très bien, jeune Maîtresse. »

Je l’avais suivie jusqu’à la salle de danse.

***

Partie 2

L’aider dans ses leçons signifiait que j’apprendrais moi-même à danser. Pour ce genre de choses, vous vous améliorerez plus rapidement en ayant un partenaire.

Cela dit, je n’avais jamais dansé un seul jour de ma vie. Mon expérience, au mieux, se limitait à jouer à des jeux de danse d’arcade pendant le collège, donc j’étais un peu inquiet.

« Merveilleux. Vous êtes vraiment doué pour ça. »

Contrairement à mes attentes, j’avais déjà maîtrisé certains des pas des débutants. Danser, c’était se souvenir de la routine et faire correspondre ses mouvements au rythme. Mon moi précédent avait peut-être souffert d’un manque total d’exercice, mais mon moi actuel était plutôt en forme. La plus simple des étapes ne demandait pas beaucoup de temps pour s’y habituer.

« Hmph. » 

Éris bouda quand Edna me complimenta.   

Elle avait passé des mois à travailler là-dessus pour finalement échouer, alors bien sûr, elle était amère de me voir le maîtriser si facilement. Mais je n’apprenais pas seulement à danser. J’observais Éris pour comprendre pourquoi elle avait du mal.

Il y avait deux raisons à cela. La première était qu’Edna était une enseignante médiocre. Eh bien, pas exactement un professeur médiocre, elle était probablement dans la moyenne. C’était sa façon de dire : « Faites-le comme ça », « Faites-le comme ça » et ces « Mémorisez simplement ce que je vous dis » qui était problématique. Elle n’avait jamais expliqué pourquoi ces choses étaient nécessaires.

La deuxième raison était l’échec d’Éris. Ses pas étaient trop rapides et trop aiguisés. Sa personnalité et ses mouvements étaient bien adaptés au Style du Dieu de l’épée, mais ils étaient désavantageux lorsqu’il s’agissait de danser. Là où elle aurait dû bouger légèrement les pieds au rythme de la musique, elle avait plutôt bougé rigidement son corps à toute vitesse, tombant en désaccord avec son partenaire. Éris avait son propre rythme et détestait instinctivement être interrompue. Elle l’entretenait de façon protectrice, peu importait les circonstances, pour que personne ne puisse perturber son écoulement. C’était une capacité incroyable sur le champ de bataille, mais cela ne faisait que la désavantager en danse. La danse avait pour but de faire correspondance avec votre partenaire.

Selon Edna, c’était la première fois qu’elle rencontrait une élève qui n’avait absolument aucune compétence en danse. Mais ce n’était pas le cas. Se déplacer si vite signifiait qu’il y avait une netteté dans ses mouvements. Dans une routine de danse qui l’exigeait, elle savait danser à merveille.

C’était la raison pour laquelle son style d’enseignement ne fonctionnait pas. Bien que blâmer Edna n’arrangerait pas les mouvements d’Éris. Pourtant, il y avait quelque chose que l’on pouvait faire.

Tandis que je regardais Éris se déplacer maladroitement à travers ses pas de danse, j’avais décidé d’essayer quelque chose.

« Éris, ferme les yeux et essaie de bouger ton corps à ton propre rythme. »

Elle me regardait d’un air dubitatif.

« Qu’est-ce que tu prépares ? Me faire fermer les yeux !? »

« Seigneur Rudeus… ? »

Le doux sourire d’Edna vacilla.

Non, ce n’est pas du tout ce que tu crois. Je n’essaie pas de l’embrasser, pensai-je sur la défensive. Comme c’est grossier de votre part d’accuser un gentleman comme moi !

« Je vais utiliser la magie pour t’aider à danser. »

« Quoi ? Un sort pour ça existe !? »

« Non, j’ai dit magie. Il n’y a pas de sort. C’est plutôt un phénomène miraculeux. »

Elle avait incliné la tête, mais avait fait ce que je lui avais demandé.

Sa danse suivait le même rythme que j’avais vu tant de fois pendant nos leçons d’épée : rapide, détaillé, précis, mais toujours irrégulier. Ses mouvements étaient illisibles et perturbaient naturellement le rythme de son adversaire. Je ne pourrais jamais les imiter, même si je le voulais. C’était le rythme d’un égoïste naturel.

« Je vais taper dans mes mains maintenant. Essaye de faire correspondre ce rythme à tes pas, comme si tu esquivais une attaque ennemie. »

En disant cela, j’avais commencé à frapper mes mains l’une contre l’autre dans un battement régulier.

Éris s’adapta au rythme par des mouvements rapides et précis. Je l’avais répété pendant un moment, en le faisant à certains intervalles.

« Oui ! Oui ! »

C’était toujours juste avant que j’applaudisse. Éris attendait un moment puis réagissait dès qu’elle entendait mes mains se toucher.

« C’est… c’est ça ! »

Edna éleva la voix avec stupéfaction.

Éris avait bien dansé les pas. Elle était encore un peu trop rapide, mais au moins elle suivait le rythme.

Edna transforma ses mains en poings et, avec un sourire exceptionnellement excité, me dit en criant :

« Vous l’avez fait ! Vous avez réussi, jeune Maîtresse ! »

Éris ouvrit les yeux, tout sourire et joyeuse, et dit : « Vraiment !? »

J’avais continué mon instruction, j’essayais de ne pas casser l’ambiance.

« OK, OK, garde les yeux fermés. Tu dois te souvenir de ce que tu viens de faire. »

« M’en souvenir ? Je ne fais que regarder les feintes d’un adversaire et les esquiver ! »

C’est vrai. C’est ce que nous avions fait pendant nos leçons d’épée quand nous avions esquivé les attaques de Ghislaine. Chaque fois qu’elle faisait une feinte, elle criait « oui » pour que nous apprenions à n’esquiver que les attaques réelles.

Même les feintes de Ghislaine étaient pleines d’intentions meurtrières. En comparaison, c’était facile à dire par ma voix quand je feignais ou non. D’ailleurs, j’avais eu de meilleurs résultats pendant cette leçon qu’Éris. Éris était trop crédule, elle était tombée dans les feintes.

« Éris. Tu peux utiliser ce que tu apprends dans une leçon dans une autre. Quand tu te débats avec quelque chose, essaies de te demander si tu as fait quelque chose de semblable dans l’une de vos autres leçons. »

« OK. »

Contrairement à son comportement habituel, Éris ne déclara rien d’autre et hocha la tête, les yeux encore grands ouverts.

On dirait que le problème avait été résolu.

« Je ne devrais pas être surprise. Après tout, vous donnez des leçons d’arithmétique à la Jeune Maîtresse depuis plus d’un an. », dit Edna.

Elle semblait très impressionnée, elle me regardait avec des yeux pleins d’émotion.

Ça ne devrait pas être surprenant, hein ? C’était donc le niveau de désespoir associé à l’enseignement de l’arithmétique à Éris. Eh bien, j’avais eu beaucoup de mal. Je devais la moitié du mérite à Ghislaine. Je ne pouvais pas laisser cela me monter à la tête.

« Ce fut une expérience d’apprentissage incroyable pour moi. On dirait que le jeu d’épée et la danse ont quelque chose en commun. »

Edna avait l’air d’avoir vu quelque chose d’incroyable. Comme : Oh, Mon Père qui êtes aux cieux, j’ai été témoin d’un miracle, ou quelque chose comme ça. C’était totalement exagéré.

« Eh bien, il y a des danses qui utilisent des épées. La danse et le jeu d’épée sont étroitement liés. », dis-je.

« Une danse qui utilise des épées ? Est-ce que quelque chose comme ça existe vraiment ? » demanda-t-elle avec émerveillement.

La danse à l’épée semblait être de notoriété publique pour mon intellect de collégien, mais peut-être qu’elle n’existait pas dans ce monde.

« Oui, mais je n’ai lu ça que dans les livres », avais-je dit.

« Eh bien, dans la littérature que vous lisez… d’où vient cette danse ? »

« On aurait dit qu’il venait d’un pays désertique. »

« Désert… alors, le continent Begaritt ? »

« Je ne sais pas. Aussi improbable que cela puisse paraître, il se pourrait que des races de démons sur le continent des démons dansent de cette façon. J’ai entendu dire qu’ils ont beaucoup de petits clans, alors peut-être que quelqu’un de là-bas danse avec des épées », répondis-je avec incertitude.

« Je vois, c’est donc cet ensemble de connaissances de diverses choses qui vous donne une telle sagesse, Seigneur Rudeus », dit-elle, souriant gentiment pendant qu’elle me complimentait. On dirait qu’elle s’en était convaincue.

« C’est vrai, Rudeus est incroyable ! »

Pour une étrange raison, Éris s’interposa fièrement.

C’est ça, félicite-moi encore un peu, pensai-je. Je suis du genre à me nourrir d’éloges. Bwahahahahaha !

◇ ◇ ◇

Le jour de la soirée dansante.

Éris était toute pomponnée et assise comme une princesse quand Sauros rugit pour que les festivités commencent. Je m’étais accroupi dans un coin et j’avais observé de là.

Lors de la cérémonie d’ouverture de la fête, Philip et son épouse avaient habilement géré les plus pauvres et les plus petits nobles qui grouillaient autour de la famille. Ils s’étaient comportés de façon si impressionnante que personne n’avait pu trouver d’ouverture pour s’y faufiler.

Si quelqu’un réussissait à passer, ils seraient confrontés à Sauros lui-même. Ils chercheraient alors rapidement des moyens de s’échapper une fois qu’ils se retrouveraient sous le choc de sa voix retentissante et de son ton irrationnel et unilatéral.

S’ils passaient devant lui, ils seraient enfin là où ils le désiraient, devant l’étoile elle-même : Éris. Éris, qui n’avait aucune autorité et ne comprenait rien à la politique. Elle s’était transformée en un robot qui répétait les mots « Dites-le à mon père, s’il vous plaît », chaque fois qu’on parlait de quelque chose.

Certains lui avaient présenté leurs fils, des hommes jeunes et d’âge mûr ayant une bonne éducation. Certains avaient notre âge, mais presque tous étaient bruyants et odieux. Ils avaient probablement vécu toute leur vie à la maison, sans avoir vécu un seul souci. C’était comme regarder mon passé.

Juste au moment où j’avais commencé à ressentir de la parenté avec eux, il était temps de danser.

Comme nous l’avions prévu dès le début, j’avais pris mon rôle de premier partenaire de danse d’Éris. C’était la danse la plus simple et la plus enfantine, mais parce qu’Éris était l’étoile que nous avions amenée au centre de la pièce. Nous avions juste besoin de faire comme à l’entraînement.

« Qu’est-ce que tu fais ? »

Alors que la musique commençait à jouer, Éris était devenue rigide et nerveuse. Il n’y avait aucun moyen de danser correctement comme ça. Oublie ça, elle pourrait même me botter le cul et partir en courant.

Hmm.

J’avais utilisé mon regard et mes pas pour ajouter quelques feintes à notre routine. Quand je l’avais fait, ses lèvres firent immédiatement la moue.

« C’est pour quoi faire ? » marmonna-t-elle encore, mais cette fois-ci, elle avait l’air moins nerveuse et ressemblait davantage à l’Éris actuelle. Après cela, elle m’avait marché sur le pied à quelques reprises, mais nous avions réussi à terminer la danse sans tomber.

« Vous avez bien fait, Seigneur Rudeus », cria Edna à la fin.

Apparemment, elle pouvait dire que j’avais calmé les nerfs de la Jeune Maîtresse, même de loin.

Quand elle m’avait demandé comment je m’y prenais, j’avais simplement répondu que j’avais fait la même chose que lors de l’entraînement. Edna avait l’air étonnée, mais quand je lui avais dit que c’était la même chose que l’épée, elle avait laissée échapper un rire.

Mes tâches étaient terminées, il était temps de me goinfrer de nourriture. Il y avait un choix inhabituellement grand aujourd’hui, y compris une sorte de tarte aux fruits aigre-douce bizarre, un plat de viande qui utilisait une tête de vache entière, et un gâteau magnifiquement arrangé.

En me bourrant le visage, j’avais aperçu Ghislaine qui montait la garde. Ses yeux ne suppliaient pas vraiment pour de la nourriture, mais elle avait de la bave qui coulait de son menton.

Heureusement, j’étais un homme qui savait lire l’atmosphère. J’enveloppais de la nourriture dans une serviette de table et je demandais à une bonne de l’apporter dans ma chambre. J’avais entendu dire que les gardes et les serviteurs auraient eux-mêmes un festin luxueux après cela, mais rien de comparable à la nourriture qu’on offrait ici.

Comme j’avais presque fini de me faire emporter la nourriture, mes yeux tombèrent sur une mignonne petite fille devant moi.

« C’est un plaisir de faire votre connaissance », dit-elle, avant de me donner son nom. Elle était la fille d’un des nobles mineurs. Son nom était si long que je ne me souvenais plus de tout.

« Ne voulez-vous pas partager une danse avec moi ? », demanda-t-elle.

J’avais expliqué que je ne connaissais que les bases avant de me rendre sur la piste de danse. Je pensais avoir plutôt bien dansé. Quand c’était fini, une autre fille était venue, et on m’avait de nouveau demandé de danser.

Qu’est-ce que c’est que ça ? Je suis plutôt populaire, hein ? Elles étaient venues les unes après les autres, dont une femme de plus de trente ans et une fille plus jeune que moi. Je les aurais refusées si notre différence de taille présentait un problème, mais en général, j’avais dit oui à toute personne qui me le demandait.

Ce n’était pas comme si j’étais un Japonais qui ne pouvait pas dire non. C’était juste qu’après avoir dit oui à la première fille, il était difficile de le refuser aux autres. J’avais peut-être une arrière-pensée, mais il y en avait tellement que je ne me souvenais plus de leur nom ou de leur visage, alors j’avais fait de mon mieux.

Une fois que ma popularité avait assez diminué, Philip s’était approché de moi et m’avait expliqué : « C’était l’œuvre de mon père ». Apparemment, lorsque les gens avaient demandé à Sauros qui était le garçon qui dansait avec Éris au début, il s’était vanté en disant que j’étais un membre de la famille Greyrat. En d’autres termes, tout était de la faute du vieux Sauros.

Ce n’est pas que je puisse lui en vouloir. On lui avait posé des questions sur moi :

« Ce garçon qui a dansé avec la Jeune Maîtresse au début, il a fait un excellent travail pour calmer ses nerfs. Pourrait-il être l’un de vos enfants illégitimes, Seigneur Sauros ? »

C’était apparemment suffisant pour le mettre de bonne humeur. Nous avions prévu de garder mon nom de famille secret, mais c’était peut-être inévitable puisque l’alcool était dans le mélange. Mais maintenant qu’ils connaissaient mon nom de famille, ils pouvaient supposer que j’étais un membre de la famille de la branche ou l’enfant d’une maîtresse. J’allais être quelqu’un d’important dans les deux cas, alors les nobles avaient envoyé leurs filles et leurs petites-filles à ma poursuite.

« N’aurait-il pas été plus logique de m’approcher dès la première danse ? », lui demandais-je.

Il me répondit qu’il avait remarqué que j’enveloppais des bonbons dans des serviettes de table et qu’il avait trouvé cela si attachant qu’il avait décidé d’attendre que j’aie fini. Les gens qui prêtaient attention remarquèrent vraiment chaque détail.

Quand je lui avais demandé ce que je devais faire pour les femmes qui m’avaient approché, il m’avait dit de m’engager librement avec elles. Il semblait que peu importe comment les choses se dérouleraient dans le futur, il n’avait pas l’intention que je m’engage dans la politique. Ou peut-être qu’il pensait que ce serait un avantage politique si je me retrouvais avec une de ces filles. Je ne m’intéressais pas du tout à l’exercice du pouvoir politique, alors pour moi, la courte période de célébrité d’aujourd’hui était comme un rêve passager.

Mais attendez, peut-être que si je deviens plus puissant, je pourrai avoir toutes les jolies filles que je veux. J’y avais cru un moment.

« Je te demande de ne pas suivre l’exemple de Paul en ne couchant pas avec toutes les femmes que tu rencontres, de peur de ternir le noble nom de notre maison. » Eh bien. Philip avait tué mes espérances dans l’œuf.

Éris était la dernière fille à m’approcher. Son esthétique vive et énergique habituelle avait été remplacée par une robe bleue. Ses cheveux étaient disposés en un chignon, avec un ornement floral qui y était caché. Elle était ravissante.

Il semblerait même qu’elle était épuisée après avoir assisté à sa toute première soirée de danse et avoir été approchée par tout un tas d’adultes qui ne lui était pas familier. Pourtant, elle semblait toujours excitée, peut-être parce qu’elle était la vedette d’une fête qui se déroulait si bien.

« Ne veux-tu pas danser avec moi ? »

Il n’y avait plus la voix forte habituelle, les jambes écartées et l’expression indomptée de l’Éris mal élevée que je connaissais. Elle se tenait aussi gracieusement que toutes les autres filles qui s’étaient approchées de moi.

« Avec plaisir. »

J’avais pris sa main et on était allés dans le couloir. Alors que nous nous déplacions vers le centre de la piste de danse, Éris regarda autour d’elle et gloussa légèrement, elle était bien sous tous rapports.

Soudain, une chanson au rythme irrégulier et rapide commença à être jouée, une chanson que nous n’avions jamais répétée auparavant. Peut-être que le musicien essayait d’être attentif aux invités.

« Euh, quoi… » Ce coup de poing métaphorique suffisait à déstabiliser Éris. Tout ça parce qu’elle agissait d’une manière un peu singulière.

Elle m’avait regardé d’un air suppliant, j’avais commencé à insérer des feintes au rythme de la musique. Celle-ci avait un rythme irrégulier, mais qui correspondait mieux au style d’Éris, même si ses pas étaient plutôt désorganisés. Si Edna la voyait, elle serait probablement en colère ou exaspérée.

Je lui avais tenu la main et j’avais fait des mouvements de va-et-vient, tout comme nous l’avions fait pendant l’entraînement à l’épée. Nous avions adapté nos mouvements à la musique, mais ils étaient toujours erratiques. Nous avions probablement l’air assez particuliers pour les spectateurs.

Éris s’amusait bien. Elle riait enfin comme une fille de son âge. Elle n’était plus maussade et boudeuse comme elle l’était habituellement. Rien que de voir ça, cela m’avait donné l’impression que ça valait le coup d’assister à cette fête.

Les applaudissements éclatèrent à la fin de la danse. Sauros arriva en courant, nous avait tous les deux portés sur ses épaules et courut autour de la cour en riant tout le long du chemin.

Ce fut une fête agréable.

 

***

Partie 3

À la fin de la fête, j’avais invité Ghislaine et Éris dans ma chambre. En vérité, j’avais l’intention d’inviter que Ghislaine, mais Éris était avec elle, alors j’avais aussi étendu l’invitation à Éris.

L’estomac d’Éris grogna quand elle vit la table pleine de nourriture. Elle devait être trop excitée et nerveuse pendant la fête pour manger quoi que ce soit.

Je m’étais mis à rire avant de sortir du vin bon marché que j’avais acheté en ville et que j’avais caché dans les profondeurs de ma commode. C’était pour Ghislaine, mais Éris voulait aussi en boire, alors j’en avais versé trois tasses. On cogna nos verres, puis on avait bu. L’âge légal pour consommer de l’alcool dans ce pays était de 15 ans, mais nous l’ignorions aujourd’hui. C’était bien de faire quelque chose de hors-la-loi de temps en temps.

Après avoir avalé mon dernier verre, quelque chose m’était venu à l’esprit. J’étais resté debout. « C’est le moment idéal pour mon cadeau », avais-je annoncé, tout en récupérant deux baguettes d’une étagère à côté de mon lit.

« Quoi ? Qu’est-ce que c’est ? »

« Je suppose qu’on peut appeler ça un cadeau d’anniversaire. »

« Sérieusement ? Je préférerais en avoir un comme ça. »

Éris m’avait montré les différentes répliques miniatures que j’avais faites récemment en pratiquant ma magie de Terre. Il y avait un dragon, un bateau et même une figurine de Sylphie alignés.

Je ne voulais pas me vanter, mais dans ma vie antérieure, dans ma vingtaine, j’avais vraiment aimé les figurines et les modèles en plastique. J’avais même fait un atelier en carton pour pouvoir les peindre à un moment donné. Malheureusement, les matériaux coûtaient très cher dans ce monde, et il n’y avait pas de peinture en bombe, alors elles n’étaient pas peintes. C’était quand même amusant, et j’adorais faire les pièces et les assembler. Elles étaient donc assez détaillées, même si c’était des créations d’amateurs.

J’avais vendu ma première figurine Roxy à l’échelle 1/8 à un colporteur pour une pièce d’or. Il était probablement en train de voyager à travers le monde en ce moment. Eh bien, laissons cela de côté.

« Selon mon maître, un professeur de magie devrait présenter une baguette à son apprenti. Je ne savais pas comment en faire une, et je n’avais pas l’argent pour acheter le matériel, donc il est un peu tard, mais j’espère que vous allez les prendre. »

Dès que Ghislaine entendit cela, elle s’était levée et avait posé respectueusement un genou devant moi. Ah, je savais ce que c’était. C’était la pose utilisée par un disciple du style du Dieu de l’épée pour rendre hommage à son maître.

« Oui, Maître Rudeus. Je l’accepterai avec plaisir. »

« Bien. »

Elle s’était présentée si humblement que j’avais dû la lui transmettre avec le plus de respect possible.

Elle la regardait avec bonheur.

« Maintenant, je peux m’appeler magicienne, non ? »

Ah, c’était donc de ça qu’il s’agissait ? Elle allait se nommer magicienne ? Roxy et moi n’en avions jamais parlé, mais… non. C’était juste un objet pour montrer que vous aviez commencé les leçons et rien de plus. Pourriez-vous vraiment vous appeler un magicien si vous aviez seulement commencé à apprendre la magie ? Hmm. Il me semblait que mon maître ne me l’avait pas suffisamment expliqué.

« Euh, alors Éris, c’est cela que tu veux ? »

J’avais essayé d’alléger l’ambiance en lui présentant la figurine de Sylphie, mais elle avait juste secoué la tête.

« Non ! Ça, je veux cette baguette ! »

« Très bien, la voilà. »

Elle me l’arracha des mains. Puis, comme si elle se souvenait de l’humilité avec laquelle Ghislaine s’était présentée, elle s’était corrigée et l’avait respectueusement prise à deux mains.

« Merci, Maître Rudeus. »

« Oui, assure-toi d’en prendre soin. »

Éris jeta un regard significatif sur Ghislaine.

De quoi s’agit-il ? Me demandais-je.

Ghislaine s’était figée un moment avant de détourner le regard.

« Je suis désolée, mais il n’y a pas une telle coutume dans ma race. Je n’ai rien du tout. »

C’était donc ça, Éris espérait un cadeau d’anniversaire.

Éris se retira sur le canapé, l’air déçu. Peut-être que dans ce monde les employés n’offraient pas de cadeaux à leurs employeurs, mais je me sentais quand même mal pour Éris, car elle n’avait rien reçu. Elle aimait Ghislaine et la voyait presque comme une grande sœur. Je pourrais au moins l’aider.

« Ghislaine. Tu n’as pas besoin de lui donner quoi que ce soit de spécial. Juste quelque chose que tu portes habituellement sur toi, quelque chose qu’elle pourrait considérer comme un talisman. Quelque chose comme ça. »

« Hm. »

Elle réfléchit un instant, puis retira l’une des bagues de son doigt. C’était une bague en bois, très usée avec des égratignures partout. Elle reflétait une légère lumière verdâtre. Je n’étais pas sûr si c’était dû à un moulage magique ou simplement à la matière dont elle était faite.

« Cette bague est un talisman transmis dans mon clan. Ils disent que ça protège le porteur de toute attaque de mauvais loups nocturne. »

« Puis-je vraiment l’avoir ? »

« Oui. Ce n’est que de la superstition. »

Éris le lui avait pris nerveusement. Après l’avoir glissé sur son majeur droit, elle avait serré les deux mains contre sa poitrine. « Je m’en occuperai bien. » Elle avait l’air encore plus heureuse que quand je lui avais donné cette baguette.

J’avais l’impression d’avoir perdu contre Ghislaine. Eh bien, c’était une bague. Éris était une fille, non ? C’était donc logique.

Quelque chose m’avait harcelé, alors j’avais exprimé mes soupçons.

« Superstition ? Ça veut dire que tu as été attaqué par des loups ? »

Ghislaine me fit une expression troublée.

« Oui. Il faisait si chaud que je n’arrivais pas à dormir cette nuit-là. Alors Paul m’a invitée à prendre une douche et… »

« J’ai changé d’avis, ça suffit. Je sais déjà ce qui se passera après ça. »

Il n’y avait rien à ajouter. Si nous poursuivions cette conversation, cela ne ferait qu’empirer ma réputation. Maudit soit ce Paul. Il se mettait toujours sur mon chemin.

« D’accord. Je ne veux pas demander de détails sur toi et mon père. »

« Ça m’a l’air bien. D’accord, mangeons, alors. La nourriture est froide, mais piochons dedans quand même. Et oublions toute la relation maître-apprenti pour l’instant. »

Et c’était ainsi que le dixième anniversaire d’Éris s’était terminé sans encombre.

◇ ◇ ◇

Quand je m’étais réveillé le lendemain, Éris était juste à côté de moi. Elle avait une personnalité si féroce, mais son visage endormi était si détendu et adorable.

« Wôw. »

Oh non, est-ce que je viens de perdre ma virginité !?

Bien sûr que non ! Je pouvais encore me souvenir clairement de ce qui s’était passé. Au milieu de la fête hier soir, Éris s’était endormie, alors elle s’était allongée sur mon lit. C’était à ce moment-là que Ghislaine avait dit qu’elle partait tout en me laissant Éris. Elle retourna dans sa propre chambre.

J’avais pensé que je pourrais lui jouer un tour.

Mais Éris dormait heureuse, serrant la baguette que je lui avais donnée sur sa poitrine avec la bague de Ghislaine à son doigt. Le méchant loup s’était retiré.

« On dirait que ton petit talisman a un certain effet, après tout », chuchotais-je.

Je glissais hors du lit sans perturber son repos.

Il était encore tôt le matin. Si vous regardiez dehors, vous verriez le ciel qui commençait à peine à s’éclaircir, mais tout était encore sombre. J’aurais pu rester et regarder Éris dormir, mais elle me frapperait probablement quand elle se réveillera. Au lieu de cela, j’avais décidé de faire une promenade. Je quittais donc mon lit et je sortis de la chambre sur la pointe des pieds.

« Allons-y. »

J’avais commencé à me demander où aller quand j’avais traversé les couloirs froids. Les portes du manoir ne s’ouvriront que plus tard dans la matinée, je ne pouvais donc pas sortir. Il n’y avait pas beaucoup d’options.

J’avais appris la disposition générale du manoir l’année où j’étais arrivé ici, mais il y avait encore beaucoup d’endroits où je n’étais jamais allé. Par exemple, la seule tour pour laquelle on m’avait dit de ne jamais approcher piqua mon intérêt. Je pourrais peut-être mettre la main sur quelque chose de bien, comme des sous-vêtements qui sèchent à l’ombre.

Avec cette pensée, je montais les escaliers jusqu’au dernier étage du manoir. Là, j’avais erré sans but jusqu’à ce que je trouve enfin des escaliers en colimaçon intéressants. Ça devait être l’entrée de cette tour. On m’avait dit de ne pas m’en approcher, mais hier, c’était l’anniversaire d’Éris. J’avais décidé que cela signifiait que je pouvais enfreindre les règles pour aujourd’hui. J’avais commencé à grimper.

La hauteur extérieure de la tour correspondait au nombre de marches qui s’enroulaient à l’intérieur. J’avais fait le tour, le tour, le tour et le tour en montant tellement de marches que je ne pouvais plus les compter. C’était alors que j’avais entendu une voix d’en haut.

« Miaou, miaou. »

J’entendis une voix séduisante qui ressemblait presque à celle d’un chat en chaleur. J’avais essayé de faire taire mes pas en grimpant le reste de l’escalier sur la pointe des pieds.

Au sommet, j’avais trouvé Sauros. Il était à l’intérieur d’une pièce si petite qu’à peine une seule personne pouvait entrer. Il s’occupait d’une des servantes aux oreilles de chat.

C’était pour ça qu’ils m’avaient dit de ne pas venir ici.

« Hm ? »

Sauros avait remarqué que j’étais là après avoir bien regardé.

La bonne m’avait remarqué avant lui. Cela semblait même l’exciter. Une fois l’acte terminé, la fille aux oreilles de chat m’avait frôlé en descendant les escaliers.

« Rudeus, hein ? »

La voix de Sauros était douce et calme. C’était différent de son comportement habituel.

Le mode du vieil homme sage.

« Oui, Seigneur Sauros. Bonjour. »

Il m’arrêta d’un geste lorsque j’avais déplacé ma main vers ma poitrine et que j’avais essayé de m’incliner.

« C’est assez. Pourquoi es-tu venu ici ? »

« Il y avait des escaliers, alors je les ai pris. »

« Aimes-tu les endroits élevés ? », demanda-t-il.

« Oui. »

Bien que si je regardais par la fenêtre, mes jambes gèleraient probablement. Aimer les endroits élevés et être en accord avec eux étaient deux choses très différentes. Même si j’avais conquis le monde entier et construit la plus haute tour jamais construite, j’aurais toujours ma chambre au dernier étage.

« Alors, qu’est-ce que vous faisiez ici ? », avais-je demandé.

« J’étais en train de prier ce joyau là-bas. »

Huh.

Cette maison avait une façon terriblement dégénérée de prier, mais je n’allais pas dire ça. Même si Sauros semblait normalement si strict, il faisait toujours partie de la famille Greyrat. Toutes les pommes viennent du même arbre.

« Quel joyau ? »

J’avais regardé par la fenêtre en saillie et je vis une unique pierre précieuse rouge planer dans le ciel. C’était peut-être la lumière, mais on aurait dit que quelque chose bougeait à l’intérieur. C’était incroyable. Flottait-elle là par magie ?

« Qu’est-ce que c’est ? »

« Je ne sais pas. »

Il secoua la tête.

« Je l’ai trouvé il y a trois ans. Mais ce n’est rien de bien méchant. »

« Comment pouvez-vous dire ça ? »

« Il valait mieux voir les choses comme ça. »

J’ai compris, il avait raison. La gemme était hors de portée. Se convaincre soi-même que c’était quelque chose de mauvais n’aurait qu’un impact négatif sur sa santé mentale. Mieux valait plutôt penser que c’était quelque chose de bien et prier pour lui.

J’avais aussi prié.

« Rudeus, je vais faire une longue promenade. Viendras-tu ? »

« J’en serais honoré. »

Le vieil homme venait tout juste d’utiliser son arme, pour ainsi dire, mais il était encore énergique. Il était apparemment prêt à passer du temps avec moi aujourd’hui puisqu’il n’avait pas d’autres projets. « Yay ! » était probablement ce que j’aurais dû dire, mais tout ça avait l’air épuisant.

« Au fait », avais-je commencé à demander.

« Quoi ? »

« N’avez-vous pas de femme ? »

J’avais entendu un bruit de craquement. Quand j’avais réalisé que c’était Sauros qui grinçait des dents, un frisson m’a parcouru la colonne vertébrale.

« Elle est morte. »

« Oh, je vois. Je suis vraiment désolé d’entendre ça. »

Il s’était tellement bien amusé avec la fille aux oreilles de chat que je lui avais rappelé quelque chose de désagréable.

Dans ce cas, il valait mieux que je ne demande pas non plus si Éris avait des frères et sœurs.

« Très bien, alors allons-y. »

« D’accord. »

Aujourd’hui était un de nos jours de congé. Demain, Éris devra travailler dur à nouveau.

◇ ◇ ◇

NOM : Éris B. Greyrat

OCCUPATION : Petite-fille du seigneur féodal de Fittoa.

PERSONNALITÉ : Un peu, violente

FAIS : Écoutes proprement

LECTURE/ÉCRITURE : Pratiquement parfaite en lecture

ARITHMÉTIQUE : Peut faire des nombres jusqu’à 99

MAGIE : Peut incanter presque tous les chants basiques.

ESCRIME : Style du Dieu de l’épée — Niveau Intermédiaire

ETIQUETTE : Assez habile pour ne pas se mettre dans l’embarras lors d’une fête

LES GENS QU’ELLE APPRÉCIE : Grand-père, Ghislaine, Rudeus

***

Chapitre 6 : L’apprentissage d’une langue étrangère

Partie 1

Éris se comportait mieux après son dixième anniversaire. Elle prenait ses leçons au sérieux et me frappait moins souvent qu’avant. Plus détendu après avoir été libéré de la peur de la violence domestique, j’avais décidé de me concentrer davantage sur mes propres études.

J’avais commencé à avoir un aperçu de l’histoire du monde avec le livre que j’avais emprunté à la bibliothèque. Il démontrait que ce monde existait depuis au moins 100 000 ans. Son histoire était vraiment fantastique. L’essentiel de cette histoire se résumait ainsi :

Il y a plus de 100 000 ans

Le monde était divisé en sept mondes plus petits, chacun avec son propre dieu pour régner sur lui. C’était ce qu’on appelait l’Ancien Âge des Dieux. Ces sept mondes et leurs dieux respectifs étaient :

Le monde des humains, Dieu humain.

Le monde des démons, Dieu Démon.

Le monde des dragons, Dieu Dragon.

Le monde des bêtes, Dieu Bête.

Le monde de l’océan, Dieu des mers.

Le monde du ciel, Dieu du ciel.

Le monde aride, Dieu du désert.

Ces mondes étaient séparés par des barrières, donc aller et venir n’était pas une tâche facile. Quelqu’un qui vivait dans un monde ne savait pas qu’il y en avait d’autres. Seuls les dieux et ceux qui étaient assez forts pour franchir ces barrières connaissaient les autres mondes.

De -20 000 à -10 000 ans.

Dans le monde des dragons, un Dieu Dragon incorrigiblement mauvais était né. Avec son incroyable et terrible pouvoir, il détruisit les barrières qui séparaient les mondes. Avec ses disciples, connus sous le nom de Commandants des Cinq Dragons, il commença à détruire les autres mondes. Les survivants de chaque monde détruit avaient fui vers d’autres mondes à la recherche d’un abri.

Quand il ne restait plus qu’un seul autre monde, les commandants du Dieu Dragon s’étaient finalement retournés contre lui. Le chef des Cinq Commandants Dragons, l’Empereur Dragon et les quatre autres Rois Dragons combattirent le Dieu Dragon et son pouvoir écrasant. C’était une bataille à mort à cinq contre un.

Ça s’était terminé par un match nul. Le monde des dragons s’était effondré par la suite, ne laissant que le monde humain. C’était ce monde.

De -10 000 à -8000 ans

Elle était connue sous le nom de période chaotique. Une période où les ancêtres des humains modernes et les réfugiés des autres mondes, après avoir été rassemblés ensemble, avaient commencé à s’affronter.

Il n’existe pratiquement aucune littérature sur cette période, mais selon les érudits, après de nombreuses années de conflits, les races s’étaient lentement séparées. Les bêtes avaient commencé à vivre dans les bois, les races aquatiques contrôlaient les océans, et les races aériennes avaient obtenu les endroits les plus élevés qu’ils pouvaient trouver. Il n’y avait presque plus de membre de la race des dragons, ils évitaient l’attention et vivaient secrètement, tandis que les êtres humains, qui pouvaient vivre n’importe où, se dispersaient.

Les humains et les démons avaient dû se battre entre eux dans les plaines. À l’époque, le Continent central et le Continent Démon étaient encore reliés par voie terrestre, connue comme étant le Grand Continent.

Il y a environ 7 000 ans

Les arts martiaux et la magie s’étaient développés et la population augmenta. C’était aussi à ce moment que la Première Grande Guerre entre les hommes et les démons se produisit. Comme son nom l’indique, il s’agissait d’une collision frontale entre les humains et les démons. Quelque chose comme une guerre mondiale dans le monde de ma vie antérieure. Ce fut une longue bataille qui impliqua non seulement les humains et les démons, mais aussi d’autres races.

Il y a environ 6 000 ans

Mille ans s’écoulèrent au fur et à mesure que la Grande Guerre faisait rage, avec de féroces batailles et des accalmies entre les deux. Le héros Arus mena ses six camarades au combat, poursuivant les hostilités jusqu’à ce qu’il batte les Cinq Grands Rois Démons et le Grand Empereur du Monde des Démons, Kishirika.

D’après le nom du Grand Empereur, j’avais pensé que c’était probablement une femme. Dans ma tête, j’imaginais Éris dans une tenue en cuir, gloussant fort.

Attends une seconde… Arus ? Dans quoi était-ce déjà, Dragon Quest 7 ?

Il y a environ 5 500 ans

En tant que bon imbécile qu’ils étaient, les humains s’étaient enivrés de pouvoir en vainquant les démons et avaient commencé à se battre contre les autres races, ainsi qu’entre eux. Des démons auraient été utilisés comme esclaves à cette époque. Cette période de guerre constante s’est poursuivie pendant près de 500 ans.

Il y a cinq mille ans

La deuxième Grande Guerre homme-démon éclata. En quête de vengeance pour une rancune millénaire, Kishirika, le grand empereur du monde des démons, poussa les démons à l’action.

Je pensais que Kishirika était une sorte de nom que chaque empereur recevait en prenant le trône, mais apparemment l’empereur était immortel. Même s’il mourait, il reviendrait des centaines d’années plus tard. Peut-être, la raison pour laquelle on les appelait le Grand Empereur du Monde des Démons était qu’ils étaient un rang au-dessus des autres.

Quoi qu’il en soit, les démons s’étaient alliés aux races bestiales et aux races de la mer, submergeant ainsi les humains. Les humains avaient été poussés dans un coin.

Il y a quatre mille deux cents ans

La Seconde Grande Guerre entre l’homme et le démon a pris fin.

Les humains bellicistes s’étaient battus pendant 800 ans sans admettre leur défaite et avaient finalement repoussé leur ennemi. Tout cela grâce aux efforts du héros légendaire, le Chevalier d’or Aldebaran.

Ce type était un vrai tricheur. Il avait mis en déroute plus de 10 000 hommes en étant tout seul. Il avait vaincu tous les démons puissants qu’il rencontra et s’était battu en tête-à-tête avec le Grand Démon Empereur. Sa dernière attaque fut si puissante qu’elle créa un trou dans le Grand Continent, le divisant en un Continent central et un Continent Démon, avec la mer Ringus au milieu.

Un passage écrivait que c’était le Dieu humain lui-même. Le seul Aldebaran que je connaissais était celui qui mourrait s’il utilisait sa propre technique mortelle. Il semblait donc que le Saint d’Or de ce monde faisait de choses plus dur. Le fait qu’il ait divisé le continent ressemblait à un mensonge, mais il était vrai que le continent s’était séparé en deux, formant un nouvel océan.

Une paix longtemps recherchée s’était finalement installée sur la terre une fois que les continents s’étaient séparés.

De -4200 à -1000 ans

Le temps passa vite après cela. Le monde était en paix, mais les démons étaient chassés du continent central. Les humains étaient des gens intelligents, utilisant la diplomatie pour rassembler tous les démons sur le continent des démons.

La terre du Continent central était naturellement luxuriante et facile à vivre, tandis que celle du Continent Démon était stérile et sujette à la magie s’accumulant dans certaines régions. En plaçant l’intégralité de ces démons immondes sur le continent des démons et en le bloquant, les humains glissaient métaphoriquement une corde de soie autour de leur cou et les étranglaient avec. Tout cela avait été fait avec la coopération des autres races, dans l’espoir qu’il n’y aurait plus jamais une autre Grande Guerre Homme-Démon.

Les démons avaient probablement résisté d’une façon ou d’une autre. Après tout, ils avaient été la cible d’une attaque concertée. Mais, quelle que soit leur réaction, aucune guerre n’avait éclaté. En conséquence, ils s’étaient vite désensibilisés à la façon dont ils avaient été empêchés de quitter leur continent.

Dans cet environnement difficile, où les ressources étaient rares, la guerre civile éclata naturellement. Cela les avait transformés en guerriers féroces, mais leur nombre avait diminué.

Il y a mille ans.

Le Laplace du Dieu Démon avait vu le jour.

Dans la longue histoire des démons, il y avait beaucoup de Rois Démons et d’Empereurs Démons, mais il n’y en avait qu’un seul que les gens appelaient le Dieu Démon.

En un clin d’œil relatif, Laplace rallia les démons et conquit le continent des démons. Les comptes rendus des batailles de l’époque étaient devenus des chroniques de guerre qui avaient été transmises. Sur le continent des démons, Laplace était toujours traité comme une idole.

Laplace passa de nombreuses années à renforcer son empire, à préparer sa race à être dure et féroce.

Il y a cinq cents ans

C’était le début de la campagne militaire de Laplace.

Après de longues années passées à conquérir les gens de mer et les races bestiales, Laplace avait finalement pris d’assaut le continent central. Les humains avaient été forcés de participer à une guerre beaucoup plus brutale que toutes celles qu’ils avaient livrées auparavant.

Laplace lança son invasion par le sud, y attirant toute la puissance militaire humaine. Puis il posa ses tourbillons sur la terre, rendant impossible le passage à travers les montagnes. Après cela, il prit les humains par la tempête, attaquant avec une unité séparée du nord, dispersant ses ennemis.

En peu de temps, il avait pris le contrôle total du nord et du sud. Puis, des deux côtés, il pressa son assaut sur la région ouest.

Il y a quatre cents ans

Acculés dans un coin, les humains avaient tenté leur dernier pari. Les sept héros avaient convaincu les gens de la mer de lever leur blocus, puis étaient partis sur les mers pour le continent Millis.

Millis avait échappé à l’invasion pour de nombreuses raisons, telles que la barrière autour de Sainte Millis, sa robuste armée de saints chevaliers et la topographie qui rendait le débarquement difficile pour une grande armée. Une partie de la raison pour laquelle ils étaient si isolés était aussi due à une grande forêt qui couvrait le nord.

Maintenant alliées aux démons, les races bestiales avaient pris le contrôle de la ville sainte de Millis. Les sept héros s’étaient donc mis à les convaincre de les soutenir. Ou plutôt, les sept étaient allés à la tête de chaque clan, avaient pris leurs enfants en otage et les avaient menacés de coopérer. Dans le livre, il était écrit que les enfants coopéraient volontiers, mais je n’avais pas été trompé par une telle tournure évidente.

Puis arriva le jour de la bataille décisive. Le dernier royaume humain restant sur le continent central, le royaume d’Asura, déploya tous ses efforts pour la bataille finale. Bientôt, les sept héros arrivèrent, conduisant les saints chevaliers de Millis et les races bestiales dans un assaut sur la principale forteresse de Laplace.

Après une violente confrontation, quatre des sept héros furent morts, mais ils avaient réussi à enfermer Laplace et à détruire ses plus proches compagnons. Trois héros avaient survécu : le Roi Dragon Urupen, le Dieu du Nord Kalman et le Roi Dragon Blindé Perugius. On les appelait les Trois Tueurs légendaires du Dieu Démon, mais… ils n’avaient rien tué !

Bien que Laplace ait été vaincu, les humains étaient très épuisés par la bataille et ne pouvaient plus continuer le combat. Au lieu de cela, ils signèrent un traité avec l’un des rois-démons sur le continent des démons, un roi qui n’était pas allié avec Laplace et qui menait une faction plus modérée de démons.

Le blocus sur le continent des démons avait été levé. Les démons pouvaient maintenant voyager librement vers les autres continents. Selon les termes du traité, la discrimination raciale contre les démons était interdite. C’était comme la Déclaration universelle des droits de l’homme dans mon monde précédent.

De nos jours

La tendance profonde à la discrimination à l’encontre des démons se poursuit, mais les choses sont pour l’essentiel pacifiques.

De tout cela, j’avais compris deux ou trois choses :

Couper l’herbe sous le pied au numéro sept a été fait pour des raisons historiques. Il y avait sept héros légendaires et sept mondes. Le chiffre porte-bonheur était donc le sept. Six n’a pas de chance, puisqu’il y avait les Cinq Dragons Généraux et les Cinq Grands Rois Démons, chacun d’eux arrivant à six lorsqu’ils étaient comptés avec leurs chefs respectifs.

Les différentes races comme les elfes, les nains et les demi-espèces étaient considérées comme des sous-espèces, et elles étaient comptées parmi les démons. Il était possible qu’il s’agisse de nouvelles races qui s’étaient développées pendant la période chaotique. Ou peut-être qu’ils avaient quelque chose à voir avec les êtres qui étaient venus en premier.

Soit dit en passant, une partie de la raison pour laquelle tant de connaissances sur cette longue histoire existaient était parce que certaines espèces étaient immortelles. Ce fut le cas du Grand Démon Empereur Kishirika ainsi que de quelques autres Rois Démons. Peut-être qu’il y avait une sorte de magie qui les faisait vivre éternellement.

◇ ◇ ◇

En apprenant l’histoire de ce monde, j’avais aussi trouvé des informations sur les autres langues qui existaient ici. Les plus couramment utilisés étaient :

La langue humaine : utilisée sur le Continent central.

La langue du Dieu Bestial : utilisée dans la partie nord du continent Millis.

La langue du Dieu Combattant : utilisée sur le continent Begaritt.

La langue du Dieu Céleste : utilisée sur le Continent Divin.

La langue du Dieu Démon : utilisée sur le Continent Démon.

La langue du Dieu de la mer : utilisée dans toutes les mers.

Pour les distinguer, les langues avaient été nommées d’après les dieux des différentes races résidant sur différents continents. Seule la langue humaine n’utilisait pas cette convention, une décision qui pourrait provoquer la colère de leur dieu.

Les humains qui parlaient la langue humaine sur le continent central étaient divisés en trois régions : nord, ouest et sud. La langue de chaque région présentait des différences mineures par rapport aux autres, quelque chose comme la différence entre l’anglais américain et l’anglais britannique.

Ma langue maternelle était le dialecte occidental de la langue humaine. Apparemment, ce dialecte était mutuellement intelligible pour les habitants du Nord, mais dans d’autres régions, il était préférable de ne pas l’utiliser. Les hommes de la région de l’Ouest étaient considérés comme riches, et la richesse n’attirait que l’attention non désirée, parfois malheureuse.

Le continent Millis était également divisé entre nord et sud. Le nord parlait la langue de Dieu Bestial tandis que le sud parlait la langue humaine.

Quant à la mer, les gens de mer vivaient partout dans les eaux du monde. J’avais déjà entendu le terme « homme poisson », mais je ne les avais jamais vus en ville.

◇ ◇ ◇

En plus de mon revenu mensuel habituel, je fabriquais et vendais des figurines, j’aidais Philip à gérer l’embauche quotidienne de travailleurs à temps partiel et parfois je revendais des articles que j’avais achetés plusieurs mois auparavant. Avec tout cet argent gagné ici et là, j’avais réussi à gagner une petite quantité de pièces de monnaie.

Malheureusement, ce livre que je voulais avait été vendu alors que je n’y faisais pas attention. Je ne pouvais pas acheter ce qui n’était pas à vendre. J’avais commencé à penser à utiliser l’argent que j’avais économisé pour acheter autre chose. Que pourriez-vous acheter avec quatre pièces d’or? Non, je n’ai pas besoin de tout dépenser d’un coup, m’étais-je dit.

C’est alors qu’un livre écrit dans une langue que je ne connaissais pas attira mon attention. Après avoir lu l’histoire du monde et ses langues, je m’étais rappelé à quel point il était important de les apprendre.

C’est ainsi que j’avais commencé à apprendre une langue étrangère. J’avais décidé de commencer par la langue maternelle de Ghislaine, la langue du Dieu Bestial. Je voulais aussi apprendre la langue du dieu Démon. J’avais décidé d’envoyer une lettre à Roxy dans l’espoir qu’elle puisse m’apprendre, même un petit peu.

◇ ◇ ◇

Je venais d’avoir neuf ans. Cela signifiait que deux ans s’étaient écoulés depuis que j’étais devenu le tuteur d’Éris pour la première fois.

J’avais passé un an à apprendre la langue du Dieu Bestial. J’avais eu l’aide de Ghislaine, mais l’acquisition de la langue n’avait pas pris beaucoup de temps. Il n’y avait pas beaucoup de lettres à mémoriser, et tant que l’on connaissait sa grammaire, il était facile de la parler. J’étais nul en langues étrangères dans ma vie antérieure, mais ce corps semblait être bon pour se souvenir des choses.

J’allais apprendre la langue du Dieu Démon. J’avais acheté un livre bon marché sur cette langue. Le propriétaire de la librairie avait commencé la vente en me disant : « Juste pour votre information, je n’ai aucune idée de ce qui est écrit là-dedans. » Il coûtait sept pièces d’or, mais j’avais ramené le prix à six.

***

Partie 2

Trois mois passèrent. Mon étude de la langue du Dieu Démon ne progressait pas beaucoup. La traduction elle-même était difficile. En fait, pour être honnête, je n’avais aucune idée de ce qui était écrit dans ce livre. Si je connaissais au moins son titre, j’aurais peut-être pu deviner son contenu à partir du contexte et m’y frayer un chemin. Mais je ne les connaissais pas, et comme je ne connaissais pas la langue, j’avais abandonné.

La raison pour laquelle la langue du Dieu Bestial avait été si facile à apprendre pour moi était en partie grâce à Ghislaine, et en partie parce que le livre que j’utilisais racontait l’histoire d’un des héros de la race Bestiale la Légende de Perugius. C’était une histoire parallèle, mais tant que j’avais la légende de Perugius avec moi, je pouvais facilement choisir mon vocabulaire.

Pour le livre dans la langue du Dieu Démon, je n’en avais aucune idée. Comment les archéologues avaient-ils réussi à déchiffrer les langues ? Ils avaient commencé par le vocabulaire, pensai-je. D’abord, ils avaient cherché des mots de vocabulaire similaires, puis ils avaient commencé à émettre des hypothèses sur le sens de ces mots. Probablement.

Quoi qu’il en soit, je n’avais aucune idée de ce que c’était que du vocabulaire. Je n’en ai aucune idée.

Alors que je ne savais plus quoi faire, la réponse de Roxy arriva enfin. Je n’avais rien reçu depuis plus d’un an. Je commençais à me demander si quelque chose était arrivé à ma lettre ou si elle ne résidait plus au Palais Royal de Shirone. Mais enfin, je reçus une réponse.

« Heheh... »

J’étais assez content d’avoir reçu une lettre de Roxy. J’espérais qu’elle allait bien. Je m’étais retenu en prenant la lettre de la bonne. Une lettre ? C’était plutôt un petit paquet. Une boîte en bois assez lourde. Pas si grosse que ça, mais au moins de la taille d’un annuaire téléphonique.

À l’intérieur de la boîte, il y avait une lettre et un gros livre. Le livre n’avait pas de titre, mais la couverture était faite de peau d’animal. C’était comme un annuaire téléphonique avec une veste dessus.

J’avais décidé de commencer par la lettre. Je l’avais senti avant de l’ouvrir, et c’était presque comme si j’avais inhalé le parfum de Roxy.

Au Seigneur Rudeus,

J’ai bien reçu ta lettre.

Je suis sûre que tu as beaucoup grandi en si peu de temps. J’ai eu la mâchoire brisée quand j’ai lu que tu étais devenu le tuteur de la petite-fille du seigneur de Fittoa. Si tu veux savoir, j’ai échoué à l’entretien pour ce boulot. Tu dois avoir de puissantes connexions pour avoir atterri là-dedans.

Si je n’étais pas la tutrice du fils du roi, je serais jalouse. Pourtant, tu as même fait connaissance avec l’épéiste-Roi Ghislaine, dont tu es devenu l’élève. L’épéiste-Roi Ghislaine est très célèbre. Après tout, c’est la quatrième personne la plus forte dans le style du Dieu de l’épée.

Ahh, où est passé l’enfant de cinq ans qui me regardait pendant que je prenais mon bain ? Tu es si distant maintenant.

Maintenant, passons aux choses sérieuses. Tu as dit que tu voulais apprendre la langue du Dieu Démon, n’est-ce pas ? Chaque sous-race possède une magie unique inconnue des humains. Je doute qu’il reste de la littérature, mais si tu as appris la langue, tu pourrais visiter les établissements de cette sous-race et te faire enseigner. Bien sûr, c’est SI tu établis d’abord un bon rapport avec eux. Ce serait impossible pour un magicien moyen, mais peut-être pas pour toi.

C’est avec ces grandes attentes que j’ai créé ce manuel pour toi. Je l’ai écrit moi-même. Cela m’a pris beaucoup de temps, alors j’espère que tu l’utiliseras et le garderas précieusement et que tu ne le vendras pas et que tu ne le jetteras pas. Si je le vois en vente dans un magasin, je risque de pleurer.

En parlant de magasins, le prince s’est faufilé hors du château l’autre jour et a acheté une petite statuette qui me ressemble. La robe est détachable, et même les imperfections de sa peau sont parfaitement placées. Effrayant. Peut-être que je vais être maudite. Je ne sais pas à quoi m’attendre, mais… tant que rien ne se passe, je t’enverrai cette lettre.

Roxy.

P.S. — Tu seras reconnu parmi les aventuriers en tant que magicien si tu portes un bâton.

Je vois.

D’abord, le fait que j’ai jeté un coup d’œil à son bain était un malentendu. Je ne regardais pas, j’avais juste jeté un coup d’œil par hasard. Ce n’était qu’une pure coïncidence. Je le pensais vraiment. Je connaissais le moment où elle se douchait, mais je n’avais regardé que par hasard. Il m’était arrivé de faire des promenades délibérées dans la maison, mais le moment où c’était arrivé était un pur accident !

Cela mis à part, Ghislaine était-elle vraiment la quatrième personne la plus forte dans le style du Dieu de l’épée? Il y avait le rang Divin, le rang Impérial et le rang Roi… Attends, quoi ?

Ah, peut-être qu’il y avait deux personnes de rang Impérial. Ça voulait dire qu’il n’y avait qu’une seule personne de rang Roi ? J’avais entendu dire que la plupart des combattants à l’épée dans le monde utilisaient le style du Dieu de l’épée, j’avais pensé alors qu’il y aurait une dizaine de personnes avec une compétence de rang Roi, mais c’était peut-être plus difficile à réaliser que je le pensais.

De plus, il semblerait que la figurine Roxy que j’ai faite ait accidentellement trouvé son chemin jusqu’à son élève. Ce prince avait bon goût.

Plus important encore, le livre inclus dans son envoi était quelque chose qu’elle avait écrit elle-même. Je ne savais pas quand ma lettre lui était parvenue, mais elle avait dû écrire ce livre en moins de six mois. Elle avait travaillé si dur pour l’écrire pour moi, donc j’étais sûr que ce sera l’instrument qui déchiffrera la langue du Dieu Démon. Je ferais de mon mieux pour y parvenir.

Dans cet esprit, je m’étais assis et j’avais ouvert le livre. C’était comme si une barre m’était apparue au-dessus de la tête qui disait, EN COURS DE LECTURE.

« Wôw, c’est incroyable. »

Je ne pouvais pas cacher ma surprise quand je regardais à l’intérieur. C’était un manuel, mais c’était aussi un dictionnaire. Il y avait des traductions pour chaque mot dans la langue du Dieu Démon.

Roxy avait très probablement pris un dictionnaire du palais royal et avait copié tous les mots. Elle avait couvert le vocabulaire, les tournures spécifiques des phrases, et même décrit la prononciation en détail.

Ce n’était que la première des surprises.

Dans la seconde moitié du livre, elle avait aussi écrit ce qu’elle savait sur les différentes races de démons. Les descriptions de chaque race étaient accompagnées de son commentaire personnel. Ne fais pas ça avec cette race, ne fais pas ça avec cette autre race. Il y avait même des illustrations (mal dessinées) annotées avec les traits particuliers de chacune des races.

Il y avait une partie particulièrement longue, s’étendant sur cinq pages, c’était celle qui décrivait la race des Migurd dans les moindres détails. Cela m’avait fait plaisir de penser qu’elle l’avait fait parce qu’elle voulait vraiment que j’en sache plus sur elle et son peuple.

Les gens de la race des Migurd avaient tendance à aimer les choses douces, écrit-elle. Je me demandais si c’était vrai. Si c’était le cas, je voulais lui préparer quelque chose de sucré la prochaine fois que nous nous rencontrerons.

Cela dit, le fait qu’elle ait écrit tout cela en moins d’un an m’avait donné l’impression que je n’étais rien comparé à elle. Si on se revoyait, je devrais lui embrasser les pieds.

Cela mis à part, ce livre était le meilleur manuel que j’aurais pu demander. Mes notes n’avaient pas été particulièrement bonnes dans ma vie antérieure, mais j’étais incroyablement doué pour apprendre des choses dans celle-ci. J’étais sûr qu’en six mois, je pourrais parfaitement maîtriser le contenu de ce livre. Au minimum, je voulais être capable de maîtriser la conversation de base. Il était temps de mettre mon nez dans le guidon.

◇ ◇ ◇

Ghislaine

Rudeus s’était enfermé dans sa chambre. Il préparait encore quelque chose. Il avait l’habitude de surprendre Ghislaine comme ça parfois. Quand elle l’avait rencontré pour la première fois, elle pensait que ce n’était qu’un enfant et qu’il n’était pas du tout fiable. Elle pensait que Paul était un parent trop sûr de lui et trop fier quand il lui avait confié de force son enfant.

Ghislaine était redevable envers Paul. Elle n’avait d’autre sentiment pour lui qu’un sentiment d’obligation. Face à la possibilité que Rudeus ne soit pas nommé tuteur d’Éris, elle avait tout de même prévu de lui proposer de rester ici.

Finalement, il avait gagné la confiance d’Éris en un temps record et s’était assuré une place de tuteur dans la maison.

Le kidnapping était quelque chose qu’il avait proposé. Ghislaine avait entendu dire que le majordome avait profité de la situation par cupidité, mais quand elle arriva sur les lieux pour aider Rudeus et Éris, il combattait déjà les deux personnes embauchées par le majordome sur un pied d’égalité.

Il avait réussi à manipuler deux écoles de magie différentes dans un style de combat unique, bien qu’imparfait, qui avait submergé son adversaire, un épéiste de niveau avancé du style du Dieu du Nord. Il avait baissé la garde à la fin, peut-être parce qu’il était encore enfant, mais son instinct de combat était génial pour quelqu’un de son âge. Même pour Ghislaine, lancer une bataille contre un adversaire à plus d’une centaine de mètres de distance signifierait probablement la défaite.

Au-delà de son instinct de combat, il avait été exceptionnel dans l’organisation de leçons efficaces et faciles à suivre pour Éris. Ghislaine n’avait jamais pensé qu’elle serait capable d’apprendre à lire, à écrire, à compter ou à recevoir une baguette. Elle, la nuisible du village, qui avait été confiée à un épéiste errant avant même ses dix ans. Elle qui s’était détournée des groupes d’aventuriers alors qu’elle était devenue une épéiste de rang Saint. Et quand elle avait finalement réussi à en rejoindre un, un homme pas trop brillant et frivole lui avait dit sans cesse qu’elle avait des muscles à la place du cerveau. Il ne fallait donc pas perdre de temps à réfléchir. Que diraient ces personnes si elle rentrait chez elle maintenant ? Rien que d’y penser, elle avait failli sourire.

Ghislaine n’aurait jamais pensé qu’un jour, en pensant aux gens de son village, elle se sentirait triomphante. Et tout cela grâce au travail exceptionnel d’un garçon qui aurait le même âge que son fils si elle en avait eu un.

Après la dissolution de son groupe, Ghislaine s’était fait arnaquer presque tous les jours. L’escroquerie l’avait laissée sans le sou, mais la discipline stricte que son maître lui avait inculquée pour qu’elle ne touche pas aux biens des autres l’empêchait de se tourner vers le vol. Elle était au bord de la famine. C’est alors que Sauros et Éris l’avaient accueillie.

Ghislaine rendait à Rudeus le même respect qu’elle leur avait rendu. Si elle allait jusqu’à l’appeler « maître », son maître de l’épée s’enflammerait probablement.

« Ne t’avise pas de me mettre, moi et ce gosse, sur le même plan ! »

C’était probablement mieux de l’appeler professeur à la place.

Et Rudeus méritait le respect pour ses talents d’enseignant. Il était vraiment patient quand il lui enseignait l’arithmétique et la magie. Ghislaine faisait de son mieux, mais elle n’était pas douée pour apprendre de nouvelles choses. Elle faisait les mêmes erreurs encore et encore. Malgré cela, Rudeus ne montrait jamais la moindre gêne lorsqu’il lui expliquait les choses avec soin. Il changeait sa formulation à chaque fois pour l’aider à mieux comprendre.

Grâce à ses efforts, Ghislaine avait maîtrisé en deux ans les bases de la magie du feu et de l’eau. Et maintenant, selon le programme d’études de Rudeus, elle n’allait pas passer à des sorts de niveau intermédiaire, mais plutôt à l’apprentissage du lancement d’invocation silencieuse.

C’était une bonne logique, si elle pouvait maîtriser cela, elle pourrait utiliser la magie même lorsque ses deux mains étaient occupées. Elle comprenait cette logique et travaillait d’arrache-pied pour y parvenir. Certes, travailler dur à quelque chose ne signifiait pas nécessairement qu’elle y parviendrait.

Le maître de l’épée de Ghislaine, qui était un épéiste de niveau Divin, lui prêchait toujours la même logique. Il disait des choses comme : « En d’autres termes, la logique est la base ». Son style de jeu d’épée, cultivé pendant de nombreuses années, était fondé sur la rationalité. La jeune Ghislaine détestait la simplicité des fondamentaux, alors son maître s’était donné beaucoup de mal pour les lui mettre dans le crâne. Elle avait été forcée de les pratiquer à plusieurs reprises.

***

Partie 3

Le style d’enseignement de Rudeus était très similaire. Quand il n’était pas là, Éris se plaignait souvent : « Je veux utiliser de la magie plus sophistiquée. » Mais Ghislaine était d’accord avec ce qui se passait. Dans une vraie bataille, le combattant le plus fiable n’était pas le magicien avancé qui mettait une éternité à jeter un sort puissant. C’était le magicien qui pouvait s’adapter à la situation et qui maîtrisait parfaitement la magie de base et de niveau intermédiaire.

Dans le passé, elle pensait que les magiciens étaient complètement inutiles au combat. Mais après avoir vu Rudeus se battre, Ghislaine avait changé d’avis. Un adversaire qui se déplaçait rapidement tout en utilisant la magie offensive pour restreindre les mouvements de son adversaire serait un ennemi redoutable pour n’importe quel combattant épéiste.

Elle avait entendu dire que son seul vrai rival dans son village était Paul. Paul, qui était immature, et qui combattait Rudeus sans se retenir. Si cela avait permis à Rudeus d’acquérir la capacité de se déplacer stratégiquement dans un combat à l’épée… alors c’était une heureuse coïncidence.

Donc, Paul était quand même bon pour quelque chose. Mais s’il avait fait un faux pas, Rudeus aurait peut-être cessé de se battre et aurait gaspillé son potentiel. Rudeus avait dû hériter de ce refus de démissionner de son père.

Ghislaine avait finalement voulu lui apprendre une technique pour vaincre Paul. Malheureusement, Rudeus n’avait aucun talent pour le style de Dieu de l’épée. Il avait tout chamboulé. Il avait pris les fondements logiques du style, avait essayé de les exécuter encore plus logiquement, mais au final, les résultats étaient complètement illogiques.

Ce n’était pas une mauvaise chose, vu sa personnalité. Il utilisait probablement la magie comme base de son jeu d’épée. Ce n’était cependant pas approprié dans le style du Dieu de l’épée, où un seul pas décidait de tout, et où une bataille se terminait en une fraction de seconde après le croisement des épées. Il était plus adapté au style de Dieu du Nord ou au style de Dieu de l’Eau, mais il semblerait que Paul ne lui avait pas non plus enseigné cela. Malheureusement, Ghislaine ne connaissait que le style du Dieu de l’épée. Elle ne pouvait pas lui apprendre elle-même, mais elle connaissait quelqu’un qui le pouvait. S’il voulait encore apprendre le maniement de l’épée dans trois ans, elle le présenterait à quelqu’un qui utilisait le style de Dieu du Nord.

Pour l’instant, elle ne pouvait que continuer à lui enseigner les fondements du style du Dieu de l’épée. S’il les maîtrisait, il verrait une amélioration rapide quand il commencera à apprendre le style du Dieu du Nord. S’il voulait toujours apprendre le maniement de l’épée d’ici là, bien sûr.

Il semblait actuellement dans une impasse avec la magie puisqu’il n’avait aucun maître qui lui enseigne, mais il deviendra sûrement un magicien accompli un jour. Rudeus n’atteindra peut-être jamais le niveau Divin, ce qui semblait un exploit presque inhumain, mais il pourrait atteindre le niveau Impérial.

Ghislaine se demandait comment le guider. Roxy, sa professeur de magie, s’était sûrement débattue avec la même question. Elle trouvait un peu pathétique que la fille ait fui le problème, mais Ghislaine ne pouvait pas en vouloir à Roxy d’avoir fait ça. En fait, elle devrait probablement remercier Roxy. Après tout, c’était grâce aux instructions par procuration de Roxy que Ghislaine avait elle-même appris à utiliser la magie.

Apprendre d’un stupide professeur ne faisait que bloquer un élève. Elle pourrait goûter à cette amertume tout en apprenant à quelqu’un d’autre l’épée un jour.

Ses pensées s’étaient détournées. Ah, oui. Elle se demandait ce que Rudeus faisait dans cette pièce. Contrairement à la Jeune Maîtresse, qui semblait débordée par le temps libre que lui offrait sa journée de congé, Rudeus mettait toujours ses doigts dans quelque chose de nouveau. Assez récemment, il était venu dans la chambre de Ghislaine après le dîner, un livre à la main, lui disant qu’il voulait apprendre la langue du Dieu Bestial.

Elle n’était pas sûre de ce qu’il avait l’intention de faire avec une langue qui n’était utilisée que dans un grand village forestier, mais il avait passé les six mois suivants à l’apprendre. La langue du Dieu Bestial n’avait pas d’expressions difficiles en elle, donc il pouvait probablement s’engager dans une conversation quotidienne couramment.

« Maintenant, je peux aller au grand village de la forêt quand je veux », dit-il par la suite. Sans montrer la moindre trace de joie dans son expression.

Et qu’envisageait-il de faire dans un endroit si isolé ? Il s’était énervé quand Ghislaine le lui avait demandé.

« Hein ? Rien de particulier… Oh, il pourrait y avoir de jolies filles là-bas. Avec des oreilles de chat. »

Cela l’avait convaincue. Il était à tous les coups le fils de Paul et avait très certainement hérité du sang des Greyrat.

Sa certitude venait du fait que tous les membres de la famille Greyrat semblaient la regarder avec un regard étrange dans les yeux. S’ils la reluquaient parce qu’elle était une femme, ça ne l’aurait pas autant dérangée. Leurs regards étaient bizarres. D’autres hommes pourraient regarder ses seins. Ils regarderaient d’abord son visage, puis prétendraient regarder ailleurs alors qu’ils reluquaient sa poitrine. Après cela, ils descendaient plus bas, jusqu’à son ventre, puis son entrejambe, puis ses cuisses. Quand ils étaient derrière elle, elle savait qu’ils mataient ses fesses.

Les hommes Greyrat, cependant, étaient différents. Au début, Ghislaine pensait que c’était la même chose, qu’ils regarderaient son visage et ses fesses. C’était bien, tant qu’ils n’attendaient rien de plus. Mis à part Paul et ses goûts bizarres.

Mais elle réalisa que leurs yeux se concentraient sur des endroits étranges. Pas sur son visage, mais juste au-dessus. Ce n’était pas vraiment ses fesses qu’ils regardaient non plus. Elle découvrit qu’ils fixaient ses oreilles et sa queue. Éris, Sauros et Philip étaient tous pareils. Avant d’aller chercher Rudeus chez lui, Ghislaine lui avait demandé, pour la première fois, pourquoi ils continuaient à fixer ses oreilles.

Quand elle l’avait fait, Philip répondit, sans avoir l’air du tout déconcerté.

« Parce que la famille Boreas aime les races bestiales. »

Il fixait ses oreilles tout en le disant.

Rudeus, lui a-t-on dit, était un cas différent. Bien qu’il n’ait pas hérité du noble nom de Notos, il faisait toujours partie de la famille.

« En tant que fils de Paul, je ne doute pas qu’il partage l’affection de son père pour les femmes », ajouta Philip.

Ghislaine n’en doutait pas à l’époque. Cependant, quand elle l’avait rencontré, Rudeus était un tel gentleman, il était difficile de croire qu’il était le fils de Paul. Contrairement à son père, il travaillait extrêmement dur, il était très sérieux dans ses études et faisait preuve d’une grande maîtrise de soi quand il s’agissait de sexe… Eh bien, il était peut-être trop tôt pour le dire pour cette dernière partie. Mais elle le soupçonnait de ne pas être l’enfant de Paul.

Elle avait depuis révisé cette position. Il n’y avait aucun doute là-dessus : Rudeus Greyrat était le fils biologique de Paul.

« Alors, tu es vraiment le fils de Paul. On ne peut pas se contenter de femmes de la même race, hein ? »

« Je plaisantais, c’est tout. S’il te plaît, ne le dis pas comme ça. »

Ce n’était pas qu’une blague. Ce garçon allait un jour devenir un coureur de jupons.

Dernièrement, une étincelle avait commencé à se former dans les yeux de Lady Éris quand elle regarda Rudeus. Ghislaine était peut-être ignorante dans les affaires amoureuses, mais même elle pouvait le voir. Éris ressemblait à Zenith quand elle commença à tomber amoureuse de Paul.

Rudeus avait apparemment commencé à apprendre la langue du Dieu Démon dernièrement. D’abord la langue du Dieu Bestial, maintenant la langue du Dieu Démon. À l’avenir, il semble probable qu’il parte à la recherche de toutes les femmes du monde.

Paul avait dit une fois quelque chose de semblable, à propos d’un voyage à travers tout le Continent central pour pouvoir se créer un harem. Il avait abandonné cela sur le continent Millis quand Zenith l’avait attrapé, mais peut-être que Rudeus avait-il hérité de cette idée ? Honnêtement, quel couple père-fils sans valeur… !

Non. Ghislaine respectait Rudeus. Ce n’était pas un mensonge. Paul était le seul qu’elle méprisait. Rudeus pouvait avoir montré des aperçus de la même disposition, mais il n’avait pas encore agi sur elle. Pour l’instant.

C’était un garçon digne de respect. Oui. Au moins pour l’instant.

« Qu’est-ce qui ne va pas, Ghislaine ? »

Éris apparut devant elle alors qu’elle était perdue dans ses pensées.

Éris avait beaucoup grandi ces deux dernières années. Ghislaine l’avait rencontrée pour la première fois il y a cinq ans. À cette époque, Eris se prenait pour une petite fille totalement désespérée et égoïste. Lors de sa première leçon d’épée avec Éris, Ghislaine l’avait entraînée jusqu’à ce qu’elle puisse à peine se lever. Puis, la nuit, Éris vint à Ghislaine avec une épée de bois. Ghislaine y mit rapidement fin en retournant la situation, mais pendant des mois, le regard ardent d’Éris suivit Ghislaine, attendant que Ghislaine baisse sa garde.

Ghislaine était elle-même une enfant pénible, alors elle avait un faible pour Éris. Après tout, elle était comme ça quand elle était plus jeune.

Au début, Éris se plaignait toujours de telle ou telle choses pendant l’entraînement. Cette situation s’était finalement atténuée récemment. Et après son anniversaire l’an dernier, Éris arrêta de crier et de souiller ses vêtements. Plutôt que de l’attribuer à ses leçons d’étiquette, Ghislaine avait tendance à penser que c’était parce qu’Éris voulait être belle devant Rudeus.

Peut-être qu’il avait dit quelque chose à Éris pour son anniversaire. Quelque chose qu’il avait appris de Paul, Ghislaine était sûre, c’était le genre de mots qui allait faire battre le cœur d’une femme.

Maintenant que j’y pense, Éris a passé la nuit dans la chambre de Rudeus. Serait-ce possible... Non, ce n’est pas possible, les deux sont encore beaucoup trop jeunes. Pourtant, Ghislaine ne serait pas surprise s’ils devenaient mariés un de ces jours. Il n’y avait pas beaucoup d’hommes qui pourraient s’occuper d’Éris.

« Je pensais à Rudeus. »

« Hmm, comment ça se fait ? »

Éris inclina la tête, une nuance de jalousie dans les yeux.

Ne t’inquiète pas, je ne vais pas te le voler, pensa Ghislaine

« Je me demandais pourquoi il essayait d’apprendre la langue du Continent Démon ? »

« Il l’a déjà expliqué avant. »

Il l’a fait ? Ghislaine pensait prêter attention à ses leçons, mais elle n’avait aucune idée de ce qui l’avait poussé à s’intéresser soudainement aux langues étrangères.

« Quelle était donc la raison ? »

« Ça pourrait être utile un jour », avait-elle dit.

C’est vrai, il avait dit la même chose lorsqu’ils se promenaient dans les magasins et qu’il écrivait les noms et les prix des différentes marchandises. Est-ce que cela s’était avéré utile ?

Maintenant que Ghislaine y pensait, le voleur de son groupe, il y a longtemps, connaissait très bien la valeur marchande des produits consommables. Une fois, ce voleur avait trouvé un magasin avec des remèdes de guérison qui valaient la moitié du prix habituel et proposa que le groupe les achète en vrac, pour ensuite découvrir que les marchandises étaient toutes de qualité inférieure. C’était un souvenir désagréable.

Si vous ne connaissiez pas la valeur marchande des marchandises, on pourrait vous vendre des marchandises de mauvaise qualité deux ou trois fois le prix sans même le savoir. À l’époque, Ghislaine avait dit à Rudeus qu’elle ne comprenait pas son raisonnement, mais avec le recul, cela semblait être une bonne idée.

Grâce aux leçons d’arithmétique de Rudeus, elle ne serait plus trompée par les charlatans. Mais il était toujours possible qu’elle puisse être trompée si un propriétaire de magasin trafiquait les prix au départ. Elle ne pouvait pas devenir commerçante simplement parce qu’elle avait appris quelques compétences en mathématiques, mais ces compétences avaient certainement de nombreuses utilisations.

« Oublie Rudeus pour l’instant. Tu peux penser à lui tant que tu veux et tu ne le comprendras pas. Plus important, Ghislaine, si tu es libre, accompagne-moi pour faire un entraînement à l’épée. »

Elle s’était vraiment consacrée à l’épée dernièrement. Ghislaine ne savait pas pourquoi, mais peut-être ressentait-elle une certaine pression. Rudeus avait neuf ans. Éris avait le même âge quand ils s’étaient rencontrés pour la première fois. Il était clair qu’il était beaucoup plus mature maintenant qu’Éris l’avait été à cet âge. Non seulement dans la lecture, l’écriture, l’arithmétique et la magie, mais aussi dans ses aptitudes sociales et ses talents de conversation. Il manquait peut-être d’étiquette, mais il avait des manières. Il était poli comme un commerçant, et avait aussi le sens de l’humour. Il y avait une lueur de malice qui le faisait paraître beaucoup plus âgé que ses neuf ans. Si vous ne communiquiez avec lui que par écrit, vous le croiriez probablement s’il disait qu’il avait quarante ans.

C’était apparemment une arnaque populaire dans le Royaume des Dragons. Un bandit alphabétisé faisait semblant d’être le fils d’une famille noble et écrivait une lettre à la fille d’une autre famille noble. Ils passaient des semaines à gagner sa confiance, puis à l’attirer hors des limites de sa maison. Puis ils la capturaient et la vendaient à des esclavagistes.

Peut-être qu’Éris voulait battre Rudeus dans un domaine. Et si ce domaine était l’épée, Ghislaine était plus qu’heureuse d’aider.

« Très bien, Éris. Dans la cour. »

« D’accord ! »

Elle hocha la tête avec enthousiasme.

Si Éris continuait à s’entraîner sérieusement, elle pourrait un jour surpasser Ghislaine. À l’heure actuelle, son niveau de compétence n’était qu’au niveau intermédiaire, mais après trois ans de travail sur les fondations, son potentiel commençait à se manifester. Ses pas étaient aiguisés, rapides. Son esprit combatif commençait à animer ses mouvements. Si elle apprenait à s’en servir consciemment, elle atteindrait certainement le niveau Avancé dans le style du Dieu de l’épée. Si elle le maîtrisait complètement, elle pourrait peut-être atteindre le rang Saint.

Cet avenir n’était sûrement pas très loin. Ghislaine ne savait pas à quel point Éris allait progresser, mais si elle parvenait à atteindre le rang Saint alors que Ghislaine l’enseignait encore, alors Ghislaine laisserait Éris rencontrer son maître. Si possible, Ghislaine emmènerait Rudeus.

Ghislaine se demandait comment son maître réagirait à cela. Elle attendait cela avec impatience.

◇ ◇ ◇

NOM : Éris B. Greyrat

OCCUPATION : Petite-fille du seigneur féodal de Fittoa.

PERSONNALITÉ : Un peu, violente

FAIS : écoute proprement

LECTURE/ÉCRITURE : Améliore son écriture également

ARITHMÉTIQUE : Encore mauvaise en division

MAGIE : Ne peux pas faire de sorts sans les chanter

ESCRIME : Style du Dieu de l’épée — Niveau intermédiaire

ETIQUETTE : Peu imiter les manières des jeunes filles

LES GENS QU’ELLE APPRÉCIE : Grand-père, Ghislaine, Rudeus

***

Chapitre 7 : Une promesse absolue

Partie 1

Après tout ça, j’allais finalement avoir dix ans.

J’avais consacré la majeure partie des deux dernières années à l’étude des langues. En plus de la langue du Dieu Bestial et de la langue du Dieu Démon, j’avais aussi appris la langue du Dieu Combattant. Elle était extrêmement proche de la langue humaine, donc c’était facile. Leur différence était similaire a celle qui y avait entre l’allemand et l’anglais. Les bases de la grammaire étaient les mêmes que celles de la langue humaine, les seules différences étaient les expressions et le vocabulaire.

Les langues de ce monde n’étaient pas si difficiles. Une fois que vous en aviez appris une, vous pouviez l’utiliser comme base pour apprendre les autres. C’était probablement un effet secondaire de la guerre entre les races.

Cependant, il n’y avait pas de littérature dans la langue du Dieu Céleste ou de Dieu de la Mer, et très peu de gens utilisaient ces langues ici, donc je n’avais pas pu les apprendre. Eh bien, parler quatre langues était plus que suffisant pour moi.

Quant à l’épée, mes compétences approchaient du niveau Intermédiaire. En seulement deux ans, Éris était passée du niveau Intermédiaire au niveau Avancé, donc je n’étais plus à la hauteur. Vous pouviez vraiment sentir l’écart dans nos capacités.

C’est comme ça, pensais-je. On dirait qu’elle a passé ses jours de congé à s’entraîner très fort, donc c’est tout à fait normal. Pendant que je passais mon temps libre à apprendre les langues, elle passait le sien avec l’épée. Le fossé qui nous séparait était tout à fait naturel.

Quant à la magie, je ne m’entraînais qu’en faisant des figurines. J’avais pu les rendre de plus en plus détaillées, ce qui signifiait probablement que je m’améliorais. Il était vrai que je m’étais heurté à un mur. Bien sûr, cela sera résolu une fois que j’aurais commencé à apprendre à l’Université de Magie. Inutile d’être impatient.

Dix ans s’étaient écoulés depuis que j’étais venu au monde, hein ? Cette pensée m’avait rendu un peu émotif.

◇ ◇ ◇

Comme mon anniversaire était dans un mois environ, les gens du manoir commencèrent à s’agiter, Éris en particulier.

Qu’est-ce qui se passe ? me demandais-je. Quelqu’un d’important était censé venir ? Comme un autre membre de la famille Greyrat, ou peut-être le fiancé d’Éris ? Impossible, c’est impossible. Éris avec un fiancé ? J’avais l’impression qu’un rire étrange allait éclater de moi. Mais l’agitation m’avait rendu anxieux, alors j’avais décidé d’enquêter.

Après avoir fait un magnifique travail de filature d’Éris, je l’avais vue bavarder joyeusement avec une bonne dans la cuisine. Ghislaine était aussi là, mais elle ne m’avait pas remarqué. L’épéiste musclée aux oreilles d’animaux était distraite par la viande qui avait été préparée pour notre prochain repas.

« J’ai hâte de voir la surprise sur le visage de Rudeus ! Il pourrait même pleurer de joie ! »

« Je n’en suis pas certain. C’est du Seigneur Rudeus dont il s’agit. Même s’il était surpris, il ne le laisserait pas paraître. »

« Mais tu penses qu’il sera heureux, n’est-ce pas ? » demanda Éris.

« Oui, bien sûr. En tant que membre d’une autre branche de la famille, je suis sûr qu’il a eu des moments difficiles. »

Je n’avais pas vraiment eu de moments difficiles. Mais de quoi parlaient-ils exactement ? Est-ce que les gens bavardaient à mon sujet ? J’étais assez sûr d’avoir fait du bon travail, mais j’étais peut-être le seul à le penser et les autres personnes de cette maison me trouvèrent désagréable.

Si c’était le cas, j’étais sûr que je pleurerais. Plus précisément, j’étais sûr de créer plus de travail pour les bonnes en utilisant mon oreiller comme mouchoir en papier pour absorber toutes mes larmes.

« Je dois m’assurer que ce soit prêt à temps ! », dit Éris.

« L’impatience n’arrangera pas les choses. »

« Si je n’y arrive pas, crois-tu qu’il ne le mangera pas ? »

« Non, le Seigneur Rudeus mangera tout ce que tu lui feras », répondit la servante.

« Vraiment ? »

« Oui, tant que le Seigneur Sauros est présent. »

Ah. Je savais ce que ça devait être. Les préparatifs pour une fête surprise, hein ?

« Si seulement Rudeus n’était pas né dans cette maison. »

Il y avait de la pitié dans la voix d’Éris quand elle avait dit ça.

Maintenant que je savais de quoi il s’agissait, j’avais décidé de prendre congé.

Il s’était avéré que j’étais quelqu’un qui devait être tenu à l’écart du regard du public. Dans le passé, j’aurais pu penser qu’ils voulaient me cacher à cause de l’identité de mon père, mais maintenant je savais que ce n’était pas ça.

C’était quelque chose que j’avais appris au cours des deux dernières années. Le vrai nom de Paul était Paul Notos Greyrat. Notos était le nom de la noble famille de Paul. Il y a très, très longtemps, Paul avait été renié par la famille Notos, et son cousin ou frère cadet était devenu le chef de famille à sa place.

Cela ne me dérangeait pas, car c’était le passé. Sauf qu’il y avait ceux qui ne voulaient pas, ou plutôt ne pouvaient pas, laisser ces choses dans le passé. Ceux qui étaient au pouvoir étaient remplis de paranoïa. Dans le pire des cas, ils pourraient envoyer des assassins après moi. C’était pourquoi il fallait me cacher.

D’ordinaire, j’aurais dû être traité comme plus important qu’Éris depuis mon enfance, mais au lieu de cela, j’étais traité comme un serviteur. Même la célébration du dixième anniversaire, l’une des coutumes nobles les plus importantes, avait dû être limitée dans son ampleur pour moi. C’était pour ça que tout le monde n’arrêtait pas de dire : « Pauvre petite chose, c’est affreux. »

C’était pourquoi Éris était allée voir son grand-père pour la première fois depuis longtemps pour demander une fête secrète pour moi. Une fête pour les gens du manoir. Une modeste fête familiale spécialement pour moi.

Cependant, ce n’était pas passé loin. J’étais content d’avoir écouté, car bien que je connaisse les coutumes de la région, un dixième anniversaire ne m’avait rien apporté de spécial. En fait, ma propre idée de la fête était une fête familiale, et pas cette gigantesque célébration qu’Éris avait eue pour son anniversaire. Si quelqu’un m’avait dit qu’il allait m’organiser une fête d’anniversaire, ma réaction serait plutôt plate. Quelque chose du genre : « Oh, vraiment ? Merci ».

Mais c’était l’idée d’Éris. J’étais le seul de son âge par ici, c’était la première fois qu’elle faisait quelque chose comme ça. Si je n’avais pas l’air excité, elle serait déçue.

J’avais décidé de m’entraîner à faire de fausses larmes avec de l’eau magique. Parce que j’étais un homme qui savait agir en fonction de la situation.

◇ ◇ ◇

Mon anniversaire.

J’avais fait semblant de ne pas remarquer à quel point tout le monde dans le manoir était anxieux. Une fois les cours de l’après-midi terminés et notre pause terminée, Ghislaine était venue dans ma chambre. Elle était exceptionnellement nerveuse, la queue pointue et rigide.

« Il y a une magie que je veux que tu m’apprennes. »

Son regard, habituellement inébranlable, était soudain sournois. Apparemment, elle voulait me garder dans cette pièce.

D’accord. Je vais mordre à l’hameçon.

« Ohh ? Comme quoi ? » avais-je demandé, sachant que la réponse qu’elle me donnera était sûrement planifiée.

Elle me regarda droit dans les yeux et d’une voix très sérieuse, elle m’a répondu :

« Veux-tu me montrer à quoi ressemble la magie de rang Saint ? »

« Bien sûr, mais ça va endommager la ville. »

« Quoi ? Quel genre de magie est-ce ? »

« La magie de l’eau de rang Saint implique des vents violents et de gros orages. Si j’y vais à fond, je peux probablement submerger toute la ville. »

« C’est incroyable… J’aimerais que tu me montres ça la prochaine fois. »

Elle était bizarrement excitée à ce sujet. Ça devait faire partie du plan.

Très bien, on va la taquiner un peu.

« Si ça t’intéresse à ce point, faisons-le. Si nous partons environ deux heures, nous devrions être dans une zone de sécurité. Partons maintenant. »

Sa joue tremblait.

« Deux heures !? N-Non, attends. Si on part maintenant, on rentrera tard. Les monstres sortent la nuit. Même les plaines ne sont pas sûres. »

« Vraiment ? Mais ça devrait aller tant que tu seras là. Tu as dit que les bêtes sont sensibles au son, alors tu es aussi vigilant la nuit que le jour, non ? »

« C’est vrai, mais il n’est jamais bon de se surestimer. »

« C’est vrai. De plus, j’utilise beaucoup de magie quand je jette des sorts de rang Saint. Dans ce cas, faisons-le lors de notre prochain jour de congé. »

« Oui, d’accord. C’est une bonne chose. Faisons cela. »

J’avais trouvé un bon moyen de laisser tomber cette conversation. Normalement, rien ne pouvait énerver Ghislaine, alors la taquiner comme ça était plutôt divertissant. Sa queue était aussi devenue rigide quand elle avait perdu son sang-froid. Un seul mot de ma part l’avait fait trembler. C’était suffisant pour m’amuser.

« Oh ouais, je suis désolé, je ne t’ai pas servi de thé. Laisse-moi aller chercher de l’eau chaude. »

« Non, c’est bon. Ne t’inquiète pas pour ça. Ne bouge pas. Je n’ai pas soif. »

« Très bien. »

En fait, je pouvais faire l’eau chaude moi-même, mais elle ne semblait pas s’en rendre compte, alors je l’avais gardée pour moi.

Je pouvais voir qu’elle faisait tout ce qu’elle pouvait pour me garder ici. Il était peut-être temps de s’amuser un peu.

« Au fait, c’est l’une des Figurines que j’ai faites récemment. »

De mon étagère, j’avais pris une figurine à l’échelle 1/10 de Ghislaine sur laquelle je travaillais encore. J’étais sûr d’avoir fait beaucoup de progrès depuis que j’avais commencé à les faire. La sculpture de la musculature était un travail professionnel.

Ghislaine laissa échapper une petite bouffée d’air en la regardant.

« Est-ce moi ? Tu es devenu plutôt bon à ça. Tu as fait du bon boulot quand tu as fait Dame Éris, mais celle-là, c’est… Hm ? Il n’y a pas de queue. »

« Malheureusement, je n’ai qu’une vague compréhension des queues. J’ai l’habitude de les créer à partir de mon imagination, mais cette fois-ci, je suis très pointilleux parce que je veux qu’elle ressemble le plus possible à la vraie. »

« Hm. »

Sa queue tremblait comme si elle était en pleine réflexion profonde.

J’ai hâte de voir quel genre de visage tu feras, pensai-je.

« Me laisserais-tu voir la tienne ? J’aimerais voir la base de ta queue. »

« Pas de problème », dit-elle.

Elle s’était retournée et enleva son pantalon. Elle n’avait même pas hésité. Juste en face de moi se trouvait son ferme et musclé derrière ainsi que la base où sa queue était attachée.

Incroyable ! Je savais qu’elle le ferait ! Elle est si intrépide ! On ne pourra jamais gagner contre elle, avais-je dit silencieusement.

Non ! Je ne pouvais pas hésiter, en tout cas plus maintenant. Ghislaine était toujours sur ses gardes, mais ma curiosité m’avait vaincu.

« Pourrais-je y toucher un instant ? »

« Bien sûr. Vas-y. »

C’est dur, pensai-je. Hein !? Attends une seconde, c’est son cul, non ? Pas vrai ?

C’était dur comme de l’acier. Mais en même temps, il y avait une certaine douceur. L’équilibre idéal, la quantité parfaite de muscles. Un mariage parfait des propriétés des muscles rouges et blancs ! N’importe quel homme, quel qu’il soit, admirerait ça. C’était pourtant difficile de trouver ça sexy.

Seigneur des Muscles, Dieu du Sexe, comme je vous suis reconnaissant pour votre existence, même si vous êtes le contraire polaire de moi, pensai-je. Je vous suis si reconnaissant, tellement reconnaissant. S’il vous plaît, bénissez-moi de tels muscles.

« Très bien, ça suffit. »

J’avais levé les mains de son derrière, me sentant mentalement battu.

Ghislaine ajusta son pantalon puis se retourna pour me faire face.

« J’ai vu un artiste peindre un portrait de Lady Éris. En voyant cela, j’ai voulu quelque chose de semblable, quelque chose qui pourrait capturer l’état actuel de mon corps. J’ai hâte de voir le produit fini. »

Elle avait l’air vraiment heureuse quand elle me l’avait confié.

J’avais l’impression d’avoir perdu en tant qu’homme dans une bataille de masculinité. N’y avait-il aucune chance que je puisse gagner contre quelqu’un d’aussi belle que Ghislaine ?

« C’est l’heure de dîner, non ? »

« H-hm, je pense qu’il est encore un peu tôt. »

Je lui avais fait tressaillir la queue une dernière fois avant que la bonne vienne nous appeler pour dîner.

« Très bien, Rudeus. C’est l’heure de manger, allons-y. »

Elle se leva rapidement, comme si elle essayait de me presser. Apparemment, le vrai spectacle allait commencer.

***

Partie 2

J’étais entré dans la salle à manger sous les applaudissements. J’avais déjà rencontré au moins une fois toutes les personnes réunies ici. Bien sûr, Sauros, Philip et Hilda, dont les présences étaient généralement rares, étaient également présents.

La fête se tenait dans le même réfectoire que d’habitude. Il avait été magnifiquement décoré pour l’occasion. Les tables étaient garnies avec un assortiment de plats raffinés que je n’avais jamais vus avant. Bien sûr, ce n’était pas dans la mesure de ce que j’avais vu à la fête d’Éris, mais bien que la quantité n’ait pas été aussi prétentieuse, il y avait une certaine chaleur.

J’avais fait une grimace comme si je ne savais pas ce qui se passait et j’avais regardé autour de la pièce.

« Qu’est-ce que c’est… ? » 

Derrière moi, Ghislaine applaudissait.

« Hein ? Hein ? »

J’avais l’air agité.

« Rudeus ! Joyeux anniversaire ! »

Éris portait une robe rouge vif et avait un grand bouquet de fleurs dans les bras.

J’avais gardé l’air abasourdi sur mon visage en les acceptant d’elle.

« Oh, c’est vrai. J’ai dix ans aujourd’hui. »

J’avais récité ces lignes comme je les avais pratiquées, comme si je venais de réaliser que c’était mon anniversaire.

Puis, comme je l’avais prévu, je m’étais froissé le visage et je m’étais couvert les yeux de ma manche. En même temps, j’utilisais la magie de l’eau pour faire tomber les larmes de mes yeux. Après quelques instants, j’avais pleurniché.

« Je-Je suis désolé. C’est la première fois depuis mon arrivée ici… J’ai toujours pensé que je ne pouvais pas merder, que je n’étais pas le bienvenu ici… Que si je merdais, ça causerait des problèmes à mon père... Je n’aurais jamais pensé que vous fêteriez tout ça pour moi comme ça. Sniff… »

J’avais levé ma manche pour voir leurs réactions, mais Éris avait l’air rabat-joie. Philip et Sauros et tous les autres dans la salle avaient cessé d’applaudir. Ils se tenaient tous debout, la bouche pleine d’agapes.

Merde. Je me demande si mon jeu d’acteur est trop ringard.

Non, ce n’était pas ça. C’était le contraire. C’était trop bon.

J’avais merdé, j’aurais dû agir avec modération. Soupir. J’étais vraiment un adulte horrible pour dès le départ avoir concocté ce plan. Trop tard, mieux valait continuer comme je l’avais prévu.

Éris, agitée, se tourna vers le majordome et lui demanda : « Que dois-je faire ?? »

Mes larmes étaient-elles si importantes que ça ? Sa réaction avait été si mignonne que j’avais mis mes bras autour d’elle. Puis, d’une voix nasale, je lui avais murmuré des mots de gratitude à l’oreille.

« Éris, merci. »

« Ce n’est pas grave ! Tu es après tout de la famille ! C’est évident que je ferais ça ! Ce n’est rien pour la famille Greyrat, pas vrai, père ! Grand-père ! »

Normalement, elle dirait : « Tu ferais mieux d’être reconnaissant ! » Mais au lieu de cela, elle cherchait des excuses et se tourna vers Philip pour obtenir du renfort.

C’était à ce moment-là que Sauros se leva, aboyant :

« Guerre ! Nous irons en guerre contre Notos ! Nous tuerons Pilemon et installerons Rudeus à la tête de la famille ! Philip ! Alphoooonse !! Ghislaaaaaine ! Suivez-moi ! Rassemblons les troupes ! »

Et c’était ainsi qu’avait débuté la guerre entre les familles Boreas Greyrat et Notos Greyrat. Ce fut une querelle sanglante qui enveloppa également les deux autres familles de la branche Greyrat, entraînant tout le royaume d’Asuras dans ce qui allait devenir une grande et longue guerre civile.

Non, bien sûr que non. Ce n’était pas ce qui s’était passé.

« Père, retiens-toi ! S’il te plaît, retiens-toi ! »

« Philiiiip ! Tu comptes te mettre en travers de mon chemin !? Espèce de salaud ! Toi aussi, tu penses sûrement que Rudeus serait un chef de famille plus approprié que ce bouffon ridicule !? »

« Oui, bien sûr que oui. Mais calme-toi ! Aujourd’hui est un jour de fête ! En plus, la guerre n’est pas une bonne chose, nous nous ferions des ennemis de Zephyros et d’Euros ! »

« Imbécile ! Je vaincrai tout le monde tout seul ! Relâche-moi, relâche-moi ! »

Sauros quitta la pièce, traînant Philip derrière lui. Même après son départ, j’entendais encore sa voix.

J’étais abasourdi.

« A-ahem », Éris se racla la gorge une fois.

« Laissons grand-père de côté pour le moment. Aujourd’hui, j’ai préparé quelque chose qui te surprendra, Rudeus ! »

Elle devint rouge alors qu’elle riait et gonflait sa poitrine avec fierté.

C’était adorable. Elle avait récemment commencé à porter des soutiens-gorge maintenant que ses seins avaient commencé à grandir. Pour l’instant, ils étaient tout simplement mignons, mais un jour, ils deviendraient quelque chose d’incroyable. C’était ce que disait le vieil ermite sage. Merci, vieil ermite sage.

« Quelque chose qui me surprendra ? », avais-je répondu en écho.

« Qu’est-ce que tu crois que c’est !? »

Quelque chose qui me surprendrait… Qu’est-ce que ça pourrait être ? Quelque chose qui me plairait… Un ordinateur portable et un jeu érotique ? Non, non. Je dois penser à quelque chose qu’Éris allait probablement trouver.

J’avais réfléchi à ma situation actuelle. J’étais loin de mes parents et j’étais seul depuis plusieurs années. Elle avait dû penser que j’étais seul, surtout pour mon anniversaire.

Si c’était Éris, que voudrait-elle ? Que Ghislaine ou son grand-père viennent fêter ça avec elle, non ? Si je m’appliquais ça à moi, alors…

« Ne me dis pas que mon père est ici… ? »

Son visage s’était assombri dès que j’avais dit ça. Pas seulement le sien, mais aussi celui des domestiques et des majordomes. C’était un regard de pitié. Mauvaise supposition.

« Monsieur Paul… n’a pas pu venir parce que les monstres sont devenus plus actifs dans la forêt dernièrement, dit-il. Mais il a dit que de toute façon tu n’avais pas besoin de lui ici. Quant à Mlle Zenith, elle a dit que les deux enfants sont soudainement tombés malades avec de la fièvre et qu’elle ne pouvait pas venir non plus. »

Éris me donna une explication agitée.

Ahh. Alors, ils les avaient invités. Eh bien, on ne pouvait rien y faire. Le village comptait beaucoup sur Paul, et si les deux filles étaient malades, Zenith ne pouvait pas laisser leurs soins à Lilia seule. Ça aurait été sympa de les revoir, puisque ça faisait si longtemps, mais bon.

« U-uh, um, Rudeus. Tu sais, euh… »

Éris recommença à trébucher sur ses mots. C’était mignon, comme un chat qui se mettait dans le pétrin après avoir été si dur tout le temps.

Mais ne t’inquiète pas. Il est préférable que Paul ne soit pas là, pensai-je

« Oh, je vois. Alors mon père et ma mère ne sont pas venus. »

Je voulais donner l’impression que ça ne me dérangeait pas, mais comme j’avais arrêté de pleurer, ma voix était toute nasale. J’avais probablement l’air complètement déprimé à la place.

Une des servantes renifla.

J’avais fait une grosse bêtise. Je n’avais pas l’intention de rendre l’atmosphère si sombre. Désolé, les gars, on dirait que je ne pouvais pas lire l’atmosphère.

Juste au moment où je le pensais, Hilda s’était précipitée et m’avait pris dans ses bras. J’avais fait tomber le bouquet de fleurs que je tenais par accident.

« Argh ! »

J’avais à peine parlé à Hilda. Elle avait les mêmes cheveux roux qu’Éris et l’aura d’une veuve encore dans la fleur de l’âge, rayonnant de sexualité. Quelqu’un qui pourrait apparaître dans un jeu érotique avec « jeune femme » ou « veuve » dans le titre. Bien sûr, elle n’était pas veuve tant que Philip était en vie.

Elle cria en me serrant fort.

« Tout va bien, Rudeus, tu peux te calmer. Tu fais partie de notre famille maintenant ! »

Hein ? Elle ne me détestait pas ?

« Je n’entendrai aucune plainte ! Tu seras notre adopté… Non, épouse Éris ! C’est ça ! C’est une idée géniale ! Fais ça ! »

« Mère !? »

Hilda avait perdu la raison. Le mariage, avait-elle dit. Même Éris avait été surprise.

« Éris ! Tu as un problème avec notre Rudeus !? »

« Il n’a que dix ans ! »

« L’âge n’a rien à voir avec ça ! Arrête de t’excuser et passe ce temps à te peaufiner comme le font les dames ! »

« C’est ce que je fais ! »

Hilda était déchaînée et Éris riposta. On m’avait dit qu’elle s’était mariée dans la famille, mais je supposais qu’elle était effectivement une Greyrat. Elle avait la même présence sauvage que Sauros.

« D’accord, d’accord, faisons cela une autre fois. »

« Argh ! Chérie ! Qu’est-ce que tu fais ? Lâche-moi ! Ce pauvre enfant, je dois le sauver ! »

Philip avait gracieusement escorté sa femme hors de la scène après qu’il se soit occupé de Sauros. Chaque fois qu’une situation se présentait, il y faisait face avec un sang-froid glacial, tandis que les autres restaient stupéfaits. Il était cool, comme un maître magicien. Un homme sur qui on pouvait compter, quelqu’un qu’on pouvait consulter sur n’importe quoi.

« Alors, quelle est donc cette surprise dont tu me parlais », demandai-je après avoir ramassé le bouquet sur le sol.

Éris croisa les bras, souffla sur sa poitrine et sortit le menton. Ça faisait longtemps que je n’avais pas vu cette pose.

« Hmph ! Alphonse ! Apportez-le ici ! »

Elle claqua des doigts comme pour émettre un son aiguisé et affirmé, mais il sortit terne et plat. Ses joues rougissaient, mais Alphonse semblait imperturbable alors qu’il amenait un bâton à partir de l’ombre d’une sculpture.

Un bâton, le même que celui que Roxy avait utilisé. Un bâton de magicien. Il était fait à partir d’un bois rugueux. À son extrémité se trouvait un grand cristal magique à l’aspect coûteux. Je l’avais su dès que je l’avais vu. Ce bâton coûtait cher. Je le savais parce que j’avais fait deux baguettes moi-même.

Le rang d’un bâton était déterminé par le bois et la pierre à son extrémité. Chaque type de magie avait une certaine affinité avec différents types de bois. Les sorts de feu et de terre se marient mieux avec le bois de kaki, tandis que l’eau et le vent se marient mieux avec le bois de pagode.

Mais même si les affinités ne correspondaient pas, cela ne signifiait pas que le pouvoir d’un sort était diminué. L’important n’était pas le bois, mais le cristal magique. Canaliser la magie à travers le cristal augmentait la puissance d’un sort. Il y avait de nombreuses qualités de cristal, mais plus le cristal était grand et transparent, plus il était efficace. Le prix d’un cristal augmentait de façon astronomique avec son efficacité.

Les cristaux que j’avais utilisés pour faire les baguettes d’Éris et Ghislaine valaient une pièce d’argent chacune. Il y en avait des moins chers, mais je m’étais souvenu de la taille approximative de la baguette que Roxy m’avait donnée et j’avais choisi quelque chose de semblable. Ils étaient à peu près aussi gros que le bout de mon plus petit doigt.

Celui-ci était aussi gros qu’un poing et valait facilement plus de cent pièces d’or. Surtout avec sa teinte outremer. Un cristal ayant sa propre couleur augmentait considérablement la puissance de sa magie.

Combien a-t-elle dépensé pour ce truc ? me demandais-je.

D’ailleurs, les cristaux magiques que l’on trouvait dans les labyrinthes n’avaient pas d’effet amplifiant. Au lieu de cela, ils portaient leurs propres pouvoirs magiques, donc ils étaient soit utilisés dans des objets magiques, soit utilisés pour compléter le coût en mana d’une personne lorsqu’elle utilisait un sort puissant.

« On dirait que tu as pris goût à ça ! » dit Éris avec un signe de satisfaction en l’examinant.

« Alphonse, explique ! »

« Oui, ma dame. Le bois de cette canne provient de la branche d’un sureau vivant dans la partie est de la grande forêt du continent Millis. Je suis sûr que vous le savez déjà grâce à vos connaissances approfondies, Seigneur Rudeus, mais on dit qu’un tronc d’un sureau est une sous-espèce supérieure du petit tronc, née des sources des fées. C’est une créature magique de premier ordre qui peut manipuler la magie de l’eau. Le cristal provient de la partie nord du continent Begaritt, d’un dragon de mer errant. C’est un autre article de premier ordre. L’artisan est Chein Procyon, le plus grand artisan de l’état-major, le créateur de baguette de la guilde des Mages du palais royal d’Asura. »

Incroyable. Cela semblait avoir été spécialement conçu pour la magie de l’eau. Mais c’était cher, non ?

« Veuillez accepter le bâton de la Jeune Maîtresse. »

Le bâton avait été passé à Éris, et Éris me l’avait offert.

Je n’allais pas m’inquiéter de son coût pour l’instant. J’avais dit à Éris de ne pas dépenser d’argent de façon frivole, mais pour un jour comme celui-ci, c’était bon. Il semblerait qu’elle l’avait commandé spécialement pour moi, alors je n’avais pas eu le cœur à le refuser. L’argent existait pour ce genre de choses.

« Son nom est Le Roi Dragon d’Eau Arrogant. »

J’avais fait une pause. J’avais l’impression d’avoir entendu quelque chose de vraiment ringard.

« Prends-le ! C’est un cadeau de la famille Greyrat ! Mon père et mon grand-père l’ont demandé ! Tu es un grand magicien, Rudeus, alors il est étrange pour toi de ne pas avoir ton propre bâton ! »

La voix d’Éris m’avait ramené à la raison et j’avais accepté le bâton.

Contrairement à son apparence, il était assez léger. Je l’avais pris dans mes deux mains et je l’avais balancé. Il était facile à soulever et à retourner. Malgré le gros cristal à son extrémité, il était bien équilibré. Ce n’était pas surprenant, vu le prix. Bien que le nom soit un peu… spécial.

« Je vous remercie. Pour la fête, et pour m’avoir offert un cadeau si cher. »

« Ne t’inquiète pas du prix ! Vite, reprenons la fête ou le festin que nous avons préparé va refroidir ! »

Éris était de bonne humeur alors qu’elle me tirait dessus, me guidant vers le siège d’anniversaire qui avait été installé devant un gigantesque gâteau.

« J’ai aussi aidé ! »

Mis à part les premiers plats faits maison d’Éris, qui étaient atroces, le reste de la nourriture était délicieuse.

***

Partie 3

Une fois la fête commencée, la bouche d’Éris explosa comme une mitrailleuse, parlant de la cuisine et du personnel. J’avais donné de brèves réponses au fur et à mesure que j’écoutais, mais à mi-chemin, ses paroles commencèrent à ralentir. C’était peut-être l’épuisement. Elle parlait de moins en moins, commençant à marmonner jusqu’à ce que, finalement, elle s’assoupisse.

Je n’étais pas certain que l’épuisement était causé par l’excitation ou parce que sa nervosité avait finalement disparu. Quoi qu’il en soit, Ghislaine emmena Éris comme une princesse pour qu’elle puisse dormir dans sa propre chambre.

Dors bien, avais-je pensé.

Sauros et Hilda revinrent à la moitié de la fête. Sauros était devenu maussade après l’intervention de Philip, quand il avait essayé de me donner de l’alcool. Hilda en avait versé un peu au vieil homme à la place, et il avait fini par être complètement cuit. Il était parti dans sa propre chambre avec un sourire ivre et une teinte rouge sur les joues, riant joyeusement.

Hilda se pencha et me donna un dernier baiser d’adieu avant de se retirer dans ses propres quartiers. La plus grande partie de la nourriture avait été mangée à ce moment-là. Les servantes nettoyèrent les dernières assiettes vides avec des regards somnolents sur leurs visages.

Il ne restait plus que Philip et moi. Pendant un moment, Philip avait posé calmement son verre. Du vin, avais-je pensé. J’avais appris pendant l’anniversaire d’Éris que chaque région du royaume Asura avait sa propre forme d’alcool. Dans cette région, il était en grande partie fabriqué à partir de blé, mais le vin de raisin était préparé pour des occasions spéciales.

Philip n’avait pas beaucoup parlé pendant la fête. Il avait réprimandé Sauros et Hilda, mais passa la plupart du temps à veiller sur nous avec le sourire aux lèvres. C’était maintenant, quand nous avions été laissés seuls tous les deux, qu’il avait laissé couler les mots.

« J’ai perdu la bataille pour devenir chef de famille. En ce moment, Éris est ma seule enfant. »

Cela allait donc être une conversation sérieuse. J’avais ajusté ma posture, et je l’avais regardé attentivement.

« Ne te demandes-tu pas pourquoi Éris n’a pas de frères et sœurs ? »

Je hochai la tête doucement.

« Un peu. »

J’étais curieux, mais je n’avais jamais été capable de poser des questions à ce sujet.

« En vérité, ce n’est pas qu’elle n’en a pas. Elle a un frère aîné et un frère cadet. Son frère cadet a probablement le même âge que toi, le crois-tu ? »

« A-t-il été tué dans la bataille pour devenir chef de famille ? »

Philip me regarda, choqué. Je lui avais posé la question un peu trop directement.

« Non, bien sûr que non. Il n’est pas mort. Il a été emmené dans la capitale impériale par mon frère aîné dès sa naissance. »

« Emmené ? Qu’est-ce que tu veux dire ? »

Je l’avais pressé.

« En surface, il l’a emmené comme un fils adoptif pour lui permettre d’étudier. La vérité est que… je suppose que c’est la tradition. »

Philip expliqua la tradition de la famille Boreas, une tradition liée à la bataille pour devenir le chef de famille.

Sauros avait dix fils. Parmi eux, trois seulement étaient exceptionnels : Philip, Gordon, et enfin, James. On aurait dit le nom d’une locomotive.

Pour décider qui serait le chef de famille parmi ces trois personnes, ils avaient été amenés à rivaliser. Le résultat fut que James devint le prochain chef de famille. Philip et Gordon avaient perdu.

Pendant la première moitié de la lutte pour le pouvoir, James avait d’abord secrètement rassemblé Gordon et la fille de la famille Euros Greyrat. Il manœuvrait les choses pour qu’aucun des deux ne connaisse les antécédents de l’autre, puis il attisa les flammes de leur amour. Gordon s’était trop concentré sur cette histoire d’amour et, comme James l’avait prévu, il s’était marié avec la branche Euros de la famille. Cela l’avait empêché de devenir chef de la famille Boreas.

Dans la seconde moitié de la lutte, Philip et James étaient à égalité. Ils avaient continué à se battre en manipulant les gens dans les coulisses.

Mais ce n’était pas comme si un développement dramatique s’était produit. La bataille s’était simplement terminée par la défaite de Philip. C’était une question d’influence. James avait six ans de plus que Philip, était connu dans toute la capitale et avait servi d’assistant au ministre. Il avait des relations, de l’argent et, plus que tout, du pouvoir politique.

Philip était un excellent candidat, mais cet écart de six ans était presque impossible à combler. Lorsque James devint chef de famille, il fit de Philip le maire de Roa. À cette époque, Philip n’avait pas encore abandonné. Il essaya de formuler une stratégie de retour, mais les terres de Fittoa étaient en grande partie rurales, ce qui rendait difficile l’établissement d’un pouvoir politique.

Pendant que Philip se brisait le dos en essayant de faire ce qu’il pouvait, James était resté dans la capitale et s’était construit une position de ministre solide comme un roc. Cela avait rendu l’écart entre eux impossible à combler. Puis, quand le fils de Philip était né, James l’avait revendiqué comme fils adoptif.

« N’est-ce pas un peu tyrannique de sa part de te prendre tous tes fils ? »

« Non, c’est bon. C’est la tradition. »

Dans la lignée Boreas Greyrat, tous les fils nés dans la famille étaient élevés sous la garde du chef de famille. Cela avait empêché ceux qui avaient perdu dans des luttes de pouvoir antérieures de participer à de futures luttes de pouvoir. Cela leur permettait de s’assurer qu’ils ne s’impliqueraient pas pour accroître l’influence de leur propre fils dans la prochaine lutte pour le pouvoir.

C’était un problème commun, un problème qui s’était produit dans tout le royaume d’Asura. Apparemment, la famille Euros dans laquelle Gordon s’était marié avait une tradition différente, mais Philip avait obéi à la tradition Boreas et avait remis tous ses fils à James alors qu’ils étaient encore jeunes et n’avaient aucune conscience du monde. Le seul père qu’ils reconnaîtraient était James.

« La situation aurait été inversée si j’avais gagné. »

La façon dont Philip avait calmement accepté la situation m’avait fait penser qu’il n’était peut-être pas le vrai enfant de Sauros après tout.

On ne pouvait pas en dire autant de sa femme. Hilda était d’une famille noble normale. Se faire enlever son nouveau-né n’était pas quelque chose qu’elle pouvait accepter avec autant de calme. Après avoir perdu son fils aîné, elle était tombée dans la dépression pendant un bon moment. Une fois Éris née, elle semblait s’en remettre, mais quand le frère cadet d’Éris avait été enlevé, elle était redevenue instable.

« Elle te détestait. Après tout, pourquoi le fils d’un étranger aurait-il pu défiler ici comme s’il était propriétaire, alors que ses propres fils ne pouvaient même pas le faire ? »

J’avais déjà compris qu’elle me détestait. Au moins maintenant, je savais qu’elle avait une raison.

« De plus, notre dernier enfant, Éris, s’était avéré être un garçon manqué au lieu d’une dame. Je croyais que tout espoir était perdu. »

« Que veux-tu dire par là ? »

« Il serait difficile d’utiliser Éris pour renverser James. »

Par renversement, voulait-il dire… ? Ah, il n’avait toujours pas renoncé à devenir le chef de famille.

« Mais dernièrement, après t’avoir vu, j’ai commencé à ressentir un peu d’espoir. »

« Hein ? »

« Ton jeu est assez bon pour même tromper Hilda et mon père. »

Alors, il avait remarqué que je faisais la comédie. Mais le mot « tromper » ne sonnait pas très bien. J’avais juste essayé d’agir d’une manière qui ne rendrait pas les choses désagréables.

Philip poursuit : « Tu comprends l’importance de l’argent et tu sais faire preuve de diplomatie. Et tu ne rechignes pas à la nécessité de te mettre en danger pour gagner le cœur des gens. »

Il faisait probablement référence à l’incident du kidnapping. Ou le fait que je sois resté dans les parages même si quelqu’un de mon âge (Éris) me frappait tout le temps.

« Mais surtout, Éris a énormément grandi sous ta supervision. »

Philip avait l’air de n’avoir jamais pu imaginer ça.

Paul lui avait dit à quel point j’étais exceptionnel, mais en tant que fils de quelqu’un qui passait tout son temps à retourner des jupes à mon âge, il pensait probablement que je serais le même type de délinquant. Il pensait que quelque chose d’intéressant pourrait arriver en dressant sa fille indisciplinée contre moi, comme l’observation des réactions chimiques d’une expérience scientifique. Apparemment, tout s’était à peu près passé comme il se l’imaginait.

« Je me souviens encore du jour où Paul est arrivé en courant ici en pleurant », murmura Philip à lui-même.

J’avais demandé à Philip de me l’expliquer. Il m’avait dit que Paul était venu en pleurant parce qu’il allait se marier, mais qu’il n’avait pas les moyens de se payer un logement et qu’il avait besoin d’un emploi stable. Mais en même temps, Paul ne voulait pas retourner dans sa noble famille. Apparemment, il s’était mis à genoux pour moi, ce qu’il n’avait pas fait même quand l’incident avec Lilia était arrivé. Et bien, de toute façon c’était un évènement du passé.

« Éris n’aurait-elle pas trouvé un moyen même sans moi ici ? »

« Trouvé un moyen ? Bien sûr que non. Même moi, je pensais qu’Éris était sans espoir. Je pensais qu’elle n’avait aucun avenir en tant que membre d’une famille noble. C’était pourquoi j’avais engagé Ghislaine pour qu’elle apprenne le maniement de l’épée afin qu’elle puisse au moins devenir une aventurière. »

Après avoir dit cela, Philip raconta plusieurs de ses épisodes passés avec Éris, tous douloureux à écouter.

« Alors, qu’en dis-tu ? Veux-tu épouser Éris et m’aider à prendre le contrôle de la famille Boreas ? Si c’est le cas, je vais lui attacher les mains et la mettre dans ton lit tout de suite. »

C’était une offre alléchante… Mon esprit me fit voir l’image d’un écran pop-up comme ceux d’un jeu, disant, « Es-tu sûr de vouloir t’en débarrasser (de ta virginité) ? Une fois qu’elle sera partie, elle sera partie pour toujours ! »

Non, non, attendez, attendez, attendez ! Ce n’est pas une blague. Relis la ligne précédente, je m’en étais donné l’ordre. Prendre le contrôle de la famille Boréas ?

« Qu’est-ce que tu essaies de me faire faire ? J’ai dix ans ! »

« Tu es aussi l’enfant de Paul, non ? »

« Je ne parle pas de ça ! »

« C’est moi qui vais prendre le contrôle de la famille. Tu n’as qu’à t’asseoir. Si tu veux des femmes, je te les donne. »

Il pensait vraiment que j’écouterais juste parce qu’il avait dit qu’il me donnerait des femmes ? La mauvaise réputation de Paul était vraiment répugnante.

« Je ferais comme si tu avais dit tout ça sous le coup de l’ivresse. »

Philip avait ri tranquillement quand j’avais dit ça.

« C’est ça, vas-y, fais-le. Tous ces trucs sur la famille Boreas mis à part, tu es libre de poursuivre la relation que tu veux avec Éris, sais-tu ? Je n’ai aucune responsabilité pour elle. Même si je la faisais épouser quelqu’un, elle reviendrait tout de suite. Je préférerais te la remettre à la place. »

Un autre rire sourd suivit.

S’il faisait qu’Éris épouse quelqu’un, elle frapperait probablement son mari à mort en quelques jours. Je pouvais facilement l’imaginer. Aussi facilement que je pourrais m’imaginer danser sur l’air de Philip si je l’acceptais.

« Très bien, mais il est temps d’aller dormir. »

« Oui, bonne nuit », répondis-je.

Ainsi se termina la fête d’anniversaire qu’Éris avait organisée pour moi.

***

Partie 4

Quand j’étais retourné dans ma chambre, Éris, qui aurait dû dormir, était assise sur mon lit.

« Oh, bon retour parmi nous ! »

Elle portait un déshabillé rouge extrêmement sexy.

J’étais sûr qu’elle n’avait jamais porté quelque chose comme ça avant. Qu’est-ce qui se passait ? N’était-elle pas censée dormir ?

« Que fais-tu ici à cette heure-ci ? »

Quand je lui avais demandé cela, ses joues rougirent et elle détourna les yeux.

« Je pensais que tu te sentirais seul, alors j’allais dormir avec toi ce soir ! »

Apparemment, elle s’inquiétait encore de ce que j’avais dit pendant la fête, de savoir si mes parents venaient. Après tout, elle s’accrochait encore à ses parents à l’âge de douze ans. Peut-être qu’imaginer être sans eux pendant trois ans l’avait poussée à venir ici.

Non. Aussi improbable que cela puisse paraître, c’était peut-être l’idée d’Hilda. Peut-être qu’elle avait réveillé Éris, l’avait forcée à se changer et l’avait envoyée ici.

« … »

J’avais jeté un coup d’œil à Éris. Son corps n’était pas encore complètement mûr, mais il commençait à le devenir. Probablement à cause de la pratique de l’épée, ses bras et ses jambes étaient bien tonifiés. Que ce soit dû au fait qu’elle était plus grande que la fille moyenne ou à cause du déshabillé qu’elle portait, elle avait aussi l’air plus grande que d’habitude.

Après tout, Éris avait déjà douze ans. Elle commençait à grandir.

Mon corps était encore immature. Je n’avais pas encore atteint la puberté, bien que cela m’arriverait sûrement dans quelques années. Peut-être qu’alors, j’aimerais bien avoir l’occasion de perdre ma virginité avec cette loli tsundere gâtée.

Au moment où cette pensée me traversa l’esprit, je m’étais senti à nouveau comme ce pervers de trente-quatre ans, sans-abri et sans-emploi. J’avais vu une image de lui avec le visage couvert d’acné et les lèvres couvertes d’un sourire dégoûtant, descendant sur Éris.

J’avais repris mes esprits. Non, je ne pouvais pas. Je ne pouvais pas la toucher. Ce serait jouer directement dans la main de Philip. Je planterais mon pied au beau milieu d’une lutte de pouvoir intense. Ce même Philip avait déjà perdu et Paul s’était enfui.

Je ne voulais pas m’impliquer dans quelque chose qui semblait avoir si peu de bénéfices. Alors j’avais prié pour que je puisse m’en sortir paisiblement.

Elle détestait les avances sexuelles, alors peut-être que je pourrais dire quelque chose à cet effet pour l’effrayer ?

« C’est… c’est vrai ! Je me sens assez seul, alors si tu ne pars pas, je pourrais te faire quelque chose de pervers ! »

C’est du moins ce que je pensais, mais j’avais reçu une réponse improbable.

« Tu peux le faire. Juste un petit peu ! »

Sérieusement !?

Tu es vraiment audacieuse aujourd’hui, Éris ! Comment suis-je censé résister quand tu le dis comme ça ? Que faire...

J’avais débattu avec moi-même et j’avais finalement décidé d’accepter son offre. Juste un petit peu.

« … »

Je m’étais assis à côté d’elle. Le lit fit un petit grincement. Si j’étais encore mon ancien moi, ça aurait sûrement fait gémir beaucoup plus fort, tuant l’ambiance.

Je ne pensais plus à rien de compliqué. Étais-je en train de faire le jeu de Philip ? Très bien, et alors. Il y a trois ans, Éris avait été si tsun, mais maintenant elle me montrait enfin son côté dere. Comment refuser alors qu’elle s’offrait volontiers ? Dans ces moments-là, il valait mieux prendre le risque et faire le grand saut, non ?

« Tu bégayes », avais-je dit.

« C’est juste ton imagination. »

« Vraiment ? »

Je lui avais caressé la tête. Ses cheveux étaient si doux. Même s’il s’agissait d’une famille très noble, il n’y avait pas de bain dans le manoir, donc ce n’était pas comme si on pouvait se laver les cheveux tous les jours. Ses cheveux étaient normalement rugueux et rêches parce qu’elle passait chaque jour à l’extérieur à s’entraîner au maniement de l’épée du matin jusqu’au soir. Elle avait dû les laver aujourd’hui pour moi. Pour moi.

« Tu es si mignonne. »

« De quoi parles-tu tout d’un coup ? »

Elle détourna le regard, le visage rouge aux oreilles. Je lui avais enroulé les bras autour des épaules et lui avais planté un baiser sur la joue.

« Hngh ! » Son corps s’était raidi, mais elle n’avait pas essayé de courir.

Ah, elle donc est vraiment d’accord avec ça ? avais-je pensé. Elle était du genre à courir si elle n’aimait pas quelque chose.

« Je vais te toucher maintenant. »

J’avais attrapé sa poitrine. Ses seins étaient petits et commençaient à peine à pousser. Pouvoir les toucher était la preuve qu’elle m’en avait donné la permission. C’était à travers une couche de vêtements, mais il n’y avait aucun doute qu’en ce moment, je les avais entre mes mains.

(NdT : la version WN ajoute un détail intéressant : c’était complètement différent du temps habituel, où j’avais toujours essayé de me préparer timidement à être frappé, parce que j’avais essayé de toucher ses seins. Et même si j’étais vêtu, j’étais maintenant en train de peloter les seins d’Éris.)

« Hm… »

Ce n’est pas le plaisir qui l’avait fait fredonner, j’en étais sûr. Elle s’était rendu compte à quel point ce qu’on faisait était embarrassant. Je le savais bien. Elle me regardait les lèvres serrées les unes contre les autres, les larmes aux yeux alors qu’elle luttait pour apaiser sa gêne et sa confusion.

Je lui caressais le dos avec réconfort. Grâce à son entraînement à l’épée, elle était ferme et musclée. Pas autant que celle de Ghislaine, bien sûr, mais bien tonique et lisse.

Éris ferma les yeux et me saisi les épaules comme si elle s’accrochait à moi. Est-ce que ça voulait dire qu’elle me donnait le feu vert ? Elle était consentante, n’est-ce pas ? Si c’était le cas, j’allais aller jusqu’au bout. Tout de suite.

D’accord, faisons ça alors, je m’étais dit.

J’avais tendu ma main vers l’intérieur de sa cuisse. C’était la première fois que je touchais une fille là-bas. C’était chaud et doux, bien sûr, mais ferme et musclé.

(NdT : encore une fois, la version WN va plus loin en parlant de partie intime et non de cuisse)

« Nooon ! »

Elle me repoussa. Puis elle me gifla assez fortement la joue. J’atterrissais sur le sol avec un bruit sourd après avoir reçu un coup de pied. Elle poursuivit son attaque, les sons de ses coups remplissant la pièce.

Rendu complètement sans défense par ma propre confusion, j’avais encaissé toute la force de son attaque. Une fois que c’était fini, je l’avais regardée, à plat sur le dos.

Éris se tenait au-dessus de moi. Ses joues étaient rouges. Elle me regardait fixement.

« Je te l’ai dit juste un peu, n’est-ce pas !? Espèce de crétin ! »

La porte avait été laissée grande ouverte après qu’elle ait donné un coup de pied et en était sortie.

◇ ◇ ◇

J’avais regardé le plafond d’un air vide. La chaleur fébrile qui avait pris le dessus s’était complètement dissipée.

« C’est pour ça que tu es vierge. »

J’étais rempli de dégoût de moi-même. J’avais complètement mal lu l’ambiance. J’étais allé beaucoup trop vite. À mi-chemin, j’avais oublié qu’elle était encore une enfant.

Je m’étais complètement oublié.

« Ah, merde, à quoi pensais-tu !? »

Après avoir joué à tant de jeux érotiques, j’avais pensé que j’avais peut-être compris ce que ressentaient les héroïnes. Dans ma vie antérieure, j’avais l’habitude de voir des protagonistes entêtés être inconscients, et je me disais : « Dépêche-toi de bouger, alors ce sera fini. »

Ce que je venais de faire était le résultat de cette réflexion. En tant que joueur, on pouvait voir le dialogue interne de l’héroïne. La protagoniste, quant à elle, n’avait aucune idée de ce qu’elle pensait. C’est pourquoi la plupart des protagonistes étaient conscients qu’une telle chose pouvait arriver, même s’ils savaient que l’autre personne les aimait. Ils avaient donc pris leur temps et avaient lentement développé la relation à la place.

J’étais complètement myope par rapport à eux. Surtout après cette conversation avec Philip. Qu’est-ce qui m’avait pris de dire que je ferais comme s’il avait dit tout ça parce qu’il était ivre ? Ce que j’avais dit et ce que j’avais fait étaient en totale contradiction.

Je savais ce qui arriverait si je couchais avec Éris. On coucherait ensemble, elle tombera enceinte, on se marierait. Une grande série d’événements qui feraient de moi un membre officiel de la famille Boreas. Ou, après tout cela, est-ce que je finirais par détester cette vilaine lutte de pouvoir qui suivra, est-ce que je m’enfuirais ? Aurais-je l’intention de ne pas assumer la responsabilité de mes actes ? Est-ce que j’allais simplement faire passer cela pour un amour sans lendemain ?

Imbécile. Je m’en prendrais sans doute à Éris tous les soirs. Ma libido était assez forte dans ma vie antérieure, et j’avais l’impression, sans même considérer Paul comme un exemple, que c’était peut-être la même chose pour mon corps actuel. Il n’y avait pas moyen que je sois satisfait d’une seule fois. Elle était peut-être venue me voir aujourd’hui, mais la prochaine fois, c’est moi qui irai la voir.

Philip et Hilda l’espéraient sûrement. Personne ne m’en empêcherait. Je prendrais l’appât de la satisfaction temporaire et tomberais dans le piège sale qui était la lutte de pouvoir interne de la famille Boréas.

« Ah ! »

Le bâton qui se tenait dans le coin de la pièce attira mon attention.

Je ne pouvais pas non plus oublier les sentiments d’Éris. L’argent venait peut-être de Philip et Sauros, mais c’était elle qui avait planifié la fête pour moi et avait eu l’idée de me donner ce bâton. C’était elle qui s’était inquiétée de notre conversation à la fête et qui était venue me réconforter ce soir avant que je m’endorme. Elle avait pensé à moi toute la journée.

Pourtant, il y a un instant, j’étais sur le point de la violer par désir. Il y avait une fille qui considérait sincèrement mes sentiments en tant que personne, et j’avais essayé de faire ce que je voulais avec elle.

Tu te souviens comme elle avait l’air heureuse quand elle parlait avec cette bonne avant ? Tu viens d’essayer de piétiner tout ça.

« Haha… »

Je n’étais qu’un petit merdeux. Je n’avais pas le droit de juger Paul. Je n’avais le droit de ne faire la morale à personne. J’étais une merde dans ma vie antérieure et rien n’avait changé en venant dans cet autre monde. Demain, je rassemblerais mes affaires et je partirais. J’irais mourir sur le bord de la route comme l’ordure que j’étais.

« Ah ! »

J’avais soudain réalisé qu’Éris se tenait dans l’embrasure de la porte. Seule une partie de son corps était visible, son visage sortant de derrière la porte.

J’avais paniqué et j’avais essayé de m’asseoir, sans me lever… Non ! Dois-je me prosterner ?

« Je suis désolé pour ce qui vient de se passer. »

Je m’étais agité comme une tortue, me prosternant devant elle.

« … »

J’avais jeté un coup d’œil.

Le regard d’Éris était à la dérive alors qu’elle bougeait, ses jambes se frottant l’une contre l’autre avec le mouvement. Puis elle chuchota lentement :

« Aujourd’hui est un jour spécial, alors je vais faire une exception et te pardonner. »

Elle m’a pardonné !

« En plus, je sais déjà que tu es un pervers. »

Qui diable lui a dit ça !

Non, c’était quand même la vérité. C’était bien moi. J’étais le pervers. C’était de ma faute. Que tout le monde regarde par ici. C’est moi, le pervers.

« Mais, c’est encore trop tôt pour qu’on le fasse, alors… cinq ans ! Dans cinq ans, une fois que tu auras bien grandi, ainsi… marmonne… jusque-là, tiens-toi tranquille ! »

« Hahah ! »

Je m’étais effondré en avant.

« Eh bien, je retourne me coucher maintenant. Au revoir, Rudeus. Bonne nuit. Je te reverrai demain. »

Après cet adieu agité et désordonné, Éris disparut de ma vue. Je pouvais entendre le rythme de ses pas alors qu’elle s’en allait.

J’avais attendu que le son s’estompe complètement avant de fermer la porte.

« Pheeeeeeeeeew. »

Je me tenais contre la porte, alors que je m’effondrais.

« Dieu merci ! »

J’étais content qu’aujourd’hui soit mon anniversaire. J’étais heureux qu’aujourd’hui soit un jour spécial. J’étais content de ne pas avoir fait quelque chose de pire que ce que j’avais fait.

« Et oui ! »

Dans cinq ans. Une promesse absolue ! De la part d’Éris ! Une promesse !

D’accord, plus d’avances hypocrites jusque-là, me suis-je dit.

Dans cinq ans, j’aurais 15 ans. C’était encore loin, mais je pouvais tenir le coup. S’il y avait un prix garanti à la fin, je pourrais travailler dur. Jusque-là, je serais un gentleman. Pas un pervers, mais un gentleman. J’arrêterais toutes mes avances sexuelles.

Le vin n’avait de la profondeur en bouche qu’après des années d’attente. Une attaque chargée avait d’autant plus de puissance qu’elle s’accumulait. Je deviendrais le genre d’homme qui ne céderait pas, peu importe le genre de tentation que je rencontrerais. Cette fois, je voudrais être ce protagoniste borné. J’appuierais sur le bouton A et je ne le relâcherais pas jusqu’à ce que ces cinq années se soient écoulées. C’est la promesse que je me suis faite.

Attends, dans cinq ans… ? Le protagoniste borné ? Une image du visage pâle et angélique de Sylphie et de son doux sourire apparu soudainement à l’arrière de ma tête.

◇ ◇ ◇

Le lendemain matin, je m’étais réveillé avec des sous-vêtements souillés. Apparemment, j’avais accidentellement relâché le bouton A. Oh bien, il faudrait que je recommence demain.

J’avais dit un mot à la femme de ménage qui était venue chercher notre linge et lui avait demandé de rester silencieuse à ce sujet afin qu’Éris ne le découvre pas. Elle rigola, un air enjoué dans les yeux. C’était un peu gênant.

◇ ◇ ◇

NOM : Éris B. Greyrat

OCCUPATION : Petite-fille du seigneur féodal de Fittoa.

PERSONNALITÉ : Parfois violente, parfois douce, selon la situation.

FAIS : écoute proprement

LECTURE/ÉCRITURE : Pratiquement parfait

ARITHMÉTIQUE : Peut faire des divisions

MAGIE : Ne peux pas faire de sorts sans les chanter, les sorts de niveau intermédiaire sont aussi un défi.

ESCRIME : Style du Dieu de l’épée — Niveau Avancé

ETIQUETTE : Étudie actuellement l’étiquette difficile de la cour impériale

LES GENS QU’ELLE APPRÉCIE : Grand-père, Ghislaine

PERSONNE QU’ELLE AIME : Rudeus

***

Chapitre 8 : Le tournant décisif

Partie 1

Le royaume de Shirone.

Roxy Migurdia regarda par la fenêtre avec ses sourcils froncés. La couleur du ciel était étrange. Brun, noir, violet et jaune. C’était un changement de couleur qu’on ne voyait pas d’habitude. Et pourtant, elle avait déjà vu ces couleurs quelque part auparavant.

« Je me demande ce que c’est ? »

Les nuances lui étaient familières, mais elle n’avait jamais vu le ciel comme ça auparavant. La seule chose qui était claire, c’est que ce n’était pas un phénomène naturel.

L’explication la plus probable était la magie qui, pour quelque raison que ce soit, était devenue incontrôlable. Son échelle était telle qu’elle pouvait le voir tourbillonner même de loin.

Puis elle s’en était souvenue. La façon dont cela se passait, elle l’avait déjà vu à l’Université de Magie. La lumière avait l’air de faire appel à la magie.

« Cette direction… à l’est. Le royaume d’Asura ? Ne me dites pas que c’est Rudeus ? »

Elle se souvint du garçon qu’elle avait un jour pris comme élève. Ce garçon qui, à l’âge de cinq ans, pouvait produire une tempête alors qu’il était tout à fait calme. Maintenant, il avait dix ans. À la moitié de son âge, il avait le contrôle total de son incroyable niveau de mana, il était donc possible qu’il fasse quelque chose comme ça.

Dans sa lettre la plus récente, il parlait de ses difficultés qu’il avait à utiliser la magie d’invocation. Peut-être avait-il obtenu un livre à ce sujet, ou peut-être avait-il trouvé un professeur.

« Tu es pleine d’ouverture ! »

Tandis qu’elle pensait profondément, quelqu’un lui lança ses bras par-derrière. Alors que ses seins étaient saisis, elle sentit quelque chose de dur presser contre ses cuisses.

« Hnnngh... »

Roxy en avait marre. Peu importe la façon dont il l’avait tripotée, l’épaisseur de ses robes masquait tout. D’ailleurs, même s’il prenait du plaisir à faire ça, la seule chose qu’elle ressentait était du mécontentement.

« Que des flammes déchaînées brûlent mon corps sur place ! »

« Gyaah ! »

La force des flammes qui couvraient son corps fit voler la personne derrière elle. Elle ne pouvait toujours pas lancer d’incantations silencieuses, mais elle avait considérablement raccourci la durée de ses sorts au cours des cinq dernières années. Lorsqu’elle apprit que Rudeus enseignait à ses propres élèves à lancer des incantations silencieuses, elle décida de s’entraîner à raccourcir ses propres incantations. Ça n’avait pas été facile. Qu’est-ce que ce petit génie attendait-il de ses élèves ? Tout le monde n’avait pas autant de talent que lui.

Roxy se retourna et regarda le garçon s’effondrer sur le sol.

« Votre Altesse, tu ne peux pas te mettre derrière une femme et commencer à peloter sa poitrine. »

« Roxy ! Essayais-tu de me tuer !? Je te ferai jeter en prison ! »

Le septième prince du royaume de Shirone, Pax Shirone, était un enfant avec une mauvaise attitude qui venait d’avoir quinze ans. Son mauvais comportement était attachant au début, mais dernièrement, il avait développé un réel intérêt pour le sexe et faisait des avances sexuelles à Roxy tous les après-midi.

« Mes excuses. Je ne savais pas qu’une attaque aussi faible serait fatale. Tu dois avoir la constitution d’un insecte. »

« Grrr ! Quel irrespect criminel ! Je ne pardonnerai pas ça ! Si tu veux mon pardon, alors roule ta robe et laisse-moi voir ta culotte ! »

« Je passe mon tour. »

Il avait déjà mis la main sur de multiples servantes, laissant le roi préoccupé par la façon de gérer la situation. Maintenant, il semblait qu’il s’était tourné brusquement vers son professeur de magie.

Que pouvait-il trouver de si attrayant dans cette fille aussi impolie ? Roxy ne comprenait pas. Elle n’avait aucune raison d’obéir à ses ordres, même s’il s’en prenait à elle. Selon le contrat qu’elle avait passé avec le parti au pouvoir dans le pays, peu importait les exigences égoïstes du prince, elle était libre de le traiter comme elle le voulait.

Il n’y avait pas beaucoup de gens dans ce château qui obéissaient directement à ses ordres. En plus, c’était le septième prince. Il était bas dans la ligne de succession, donc il n’avait presque aucune autorité. En fait, si vous regardiez les privilèges qui leur étaient accordés, Roxy était dans une position beaucoup plus élevée en tant que magicienne de la cour impériale.

Le prince essaya une approche différente.

« Roxy, je le sais déjà. Je sais que tu as un amant ! »

« Je vois, et quand ai-je réussi à faire quelque chose d’aussi incroyable que de trouver un amant ? », répondit-elle soudainement à son charabia tout en inclinant la tête.

Un amant ? Elle en voulait un à un moment donné, mais elle n’avait pas encore trouvé son homme idéal. Même si elle le faisait, avec son apparence typique d’un membre de la race de Migurd, il n’aurait sûrement pas à lui rendre la pareille. Elle avait déjà abandonné.

Le prince était lui-même bizarre. C’était probablement pour cela qu’il voulait goûter à son corps, même si ce n’était qu’une fois. Mais Roxy n’avait pas l’intention de se laisser séduire si facilement.

« Eheheheh, je me suis glissé dans ta chambre et j’ai trouvé toutes ces lettres que tu avais empilées au fond de ton étagère ! Je ne sais pas quel genre de paysan des bois il est, mais avec mon pouvoir je pourrais le faire écraser ! Si tu ne veux pas qu’il soit confronté à une exécution cruelle, tu ferais mieux de devenir ma femme ! »

C’était donc son autre méthode. Il prenait en otage l’amant de la personne qui l’intéressait, puis exigeait que l’objet de son affection lui soit soumis pour protéger son amant. Après cela, il l’emmenait devant son amant juste pour qu’il puisse se sentir plus fort en dominant une autre personne.

Il n’avait pas cette autorité. Néanmoins, il restait encore le prince de ce pays. Il avait ses propres troupes avec lesquelles il pouvait faire ce qu’il voulait, et on disait qu’il avait déjà pris en otage l’amant d’une servante.

Quel mauvais goût ! Tout ce qu’il fait, c’est me faire flipper, pensa Roxy. Je suis contente de ne pas avoir d’amant. Toutes ces lettres venaient de Rudeus. Rudeus, qui était un élève respecté et non son amant.

« N’hésite pas à le faire », lui avait-elle dit.

« Quoi !? Je vais vraiment le faire, tu sais !? Si tu veux t’excuser, fais-le maintenant ! Si tu le fais maintenant, tu n’auras qu’à me donner ton corps ! »

Le prince n’avait clairement pas réfléchi. Il ne savait même pas où se trouvait Rudeus. D’après son attitude, il n’avait pas non plus lu le contenu de ces lettres.

« Si tu réussis à faire quelque chose à Rudeus, alors tu pourras t’en prendre à mon corps. »

« Pourquoi es-tu si confiante ? Tu devrais savoir quel genre de pouvoir j’ai ! »

Bien sûr qu’elle le savait. Elle savait que le peu de pouvoir qui lui était accordé en tant que prince de la famille royale ne valait pratiquement rien.

« Rudeus est sous la protection de la famille Boreas, une puissante famille noble du royaume Asura. »

« Boreas… ? Comme si des nobles pouvaient tenir tête à l’autorité d’un membre de la famille royale ! »

Il ne connaissait même pas les noms des puissantes familles nobles du royaume Asura. Cette prise de conscience provoqua un soupir de Roxy. Les autres tuteurs lui avaient-ils appris quelque chose ?

Comme les quatre grands seigneurs du seigneur régional, les familles Notos, Euros, Zepiroth et Boreas étaient de grande renommée. Quand le royaume d’Asura était entré en guerre, c’était eux qui se tenaient sur les lignes de front. Ils étaient militaires depuis des générations. En outre, des membres de ces puissantes familles nobles pouvaient parfois se rendre à Shirone dans le cadre d’engagements diplomatiques. Ces noms valaient vraiment la peine qu’on s’en souvienne.

« Le royaume d’Asura est dix fois plus grand que celui de Shirone. Pour prendre l’enfant d’une puissante famille noble sur un soupçon sans fondement et l’escorter à la potence, il faudrait posséder un énorme pouvoir politique et des compétences stratégiques. Ce qui est impossible pour toi, Votre Altesse. »

« Je vais le faire assassiner ! J’enverrai mes gardes impériaux ! »

Gardes impériaux ? Roxy soupira intérieurement. Il n’y pensait vraiment pas du tout.

« Tes gardes ne peuvent pas traverser la frontière du pays. Et même s’ils le pouvaient, et la chance serait d’un sur un million, la famille Boreas a invité l’épéiste de rang Roi Ghislaine dans sa maison en tant qu’invitée. Crois-tu vraiment qu’ils puissent se faufiler dans la Citadelle de Roa, dans le manoir de Boreas, échapper à la vigilance de Ghislaine, et assassiner un maître magicien ? »

« G-grrr ! »

Le prince broya ses dents et piétina ses pieds.

Roxy laissa échapper un autre soupir devant ses lèvres. Ah, je n’arrive pas à le croire. Il a déjà quinze ans et il ne sait même pas faire la distinction entre ce qui est possible et ce qui ne l’est pas.

Roxy avait entendu dire que l’élève de Rudeus, Éris, avait été un animal sauvage incontrôlable il y a trois ans, mais s’était récemment affiné. Pendant ce temps, son élève était dans ce triste état.

Il y a des années, elle l’avait trouvé attachant et avait même reconnu son talent pour la magie. Malheureusement, dès qu’il avait réalisé quel genre de pouvoir il avait, sa volonté de s’améliorer disparut et il passa la majeure partie de ses leçons à dormir. Elle ne voyait plus aucun potentiel en lui.

« De toute façon, je vais bientôt quitter mon poste de tuteur alors tu n’arriveras pas à temps, même si tu envoyais des assassins sur le champ. »

Dès qu’elle avait dit cela, il éleva la voix en état de choc.

« Qu’est-ce qu’il y a !? Je n’ai pas entendu un mot à ce sujet ! »

« Alors, tu ne dois pas t’en souvenir. »

Dès le début, l’accord était qu’elle travaillerait comme son tuteur jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge adulte. À l’époque, elle avait envisagé de demander à rester au-delà de son contrat. Cependant, il y en avait beaucoup dans le palais royal qui s’indignaient de sa présence. Partir était la chose la plus sage à faire.

« C’est aussi une bonne occasion », avait-elle ajouté.

« Une bonne occasion pour quoi ? »

« Il y a quelque chose d’étrange dans le ciel de l’ouest. Maintenant, je peux aller le voir par moi-même. »

« Qu’est-ce que… »

Elle n’avait pas dit que c’était parce qu’elle voulait voir le visage de Rudeus après tout ce temps. Ça ne ferait qu’enrager le prince si elle le faisait.

« J’ai toujours besoin de toi ! On est toujours en plein milieu de nos leçons, hein ! »

« Hors de propos. Tu dors durant toute la leçon. »

« C’est de ta faute si tu ne m’as pas réveillé ! »

« Oh, vraiment ? Alors, en tant que mauvais professeur, je devrais partir rapidement. N’oublie pas d’engager quelqu’un qui te réveillera la prochaine fois. Je ne suis pas intéressée. »

Ce prince m’est incompatible, pensa Roxy. Je n’arrête pas de le comparer à Rudeus. Tout ce que j’avais à faire, c’était d’enseigner une chose à Rudeus et il l'apprenait, l’étudiait et apprenait dix ou vingt nouvelles choses. Peut-être que je ne peux plus être professeur après avoir rencontré un étudiant comme ça.

Et ainsi, Roxy quitta Shirone et partit en voyage. Elle avait été accostée par le septième prince et ses gardes personnels en sortant, mais les avait rapidement repoussés.

Par la suite, le septième prince insista obstinément pour qu’elle soit appréhendée et traduite devant lui pour répondre de l’acte de violence impardonnable qu’elle avait commis contre lui. Cependant, le roi refusa d’écouter ses réclamations. Au lieu de cela, le prince avait été réprimandé et sévèrement puni pour avoir été incapable de convaincre la magicienne d’eau de rang Roi, Roxy Migurdia, de rester.

◇ ◇ ◇

Roxy n’était pas la seule à avoir remarqué le changement de ciel. Chaque personne, dans le monde entier, avait remarqué à la fois son anomalie et de la soudaineté de son apparition. Même les plus renommés en avaient pris note.

Les monts de la Wyrm Rouge

Le Dieu Dragon Orsted regarda le ciel à l’ouest.

« Le Mana se regroupe ? Qu’est-ce que c’est, qu’est-ce qui a causé cette folie ? » grogna-t-il avec suspicion.

« Peu importe. Je le saurai quand je l’aurai vu par moi-même. »

Il se dirigea droit vers l’ouest, passant sur le cadavre de la wyrm rouge qu’il venait de tuer en une seule attaque. D’autres wyrms rouges envahissaient la région comme un groupe d’insectes, mais aucun ne tenta de s’impliquer. Ils savaient comment on marchait au-dessous d’eux. Ils savaient que même s’ils se regroupaient pour attaquer, ils ne seraient que tués. Ils savaient aussi que s’ils restaient à l’écart, ils seraient en sécurité.

Cet être était le Dieu Dragon, un être qui existait en dehors des règles de ce monde. Un être qu’ils ne pouvaient pas toucher.

Plein d’orgueil, un autre jeune wyrm qui ne comprenait pas sa place dans le monde s’était abattu sur Orsted. En une fraction de seconde, il ne resta plus qu’un morceau de viande.

Les wyrms rouges étaient des créatures terriblement fortes qui résidaient sur le continent central. Ce n’étaient pas seulement leurs prouesses au combat qui les rendaient redoutables, mais aussi leur intelligence. C’est pourquoi ils savaient qu’il était l’homme le plus fort du monde, et qu’ils ne pouvaient espérer vaincre un adversaire, même si leur nombre les favorisait.

Orsted descendit lentement la montagne alors que les wyrms rouges l’observaient. Ses intentions étaient un secret qu’il était le seul à connaître.

La forteresse flottante

Le dragon blindé Perugius, l’un des trois héros légendaires, regardait le ciel du nord.

« Qu’est-ce que c’est ? On dirait la lumière émise quand le Grand Empereur du Monde des Démons se réveille. »

À proximité se tenait une femme avec un masque de corbeau blanc sur le visage, un membre du peuple du ciel qui possédait des ailes noires.

« Le niveau de mana est différent. », chuchota-t-elle

« En effet. Au contraire, elle ressemble à la couleur d’une invocation. »

« Oui, mais cela dit, je n’ai jamais vu autant de lumière pour une invocation auparavant. »

« C’est comme quand on a créé Briseuse de Chaos. »

Perugius se devait d’agir.

Il avait passé sa journée, comme tous les autres, assis au sommet de son trône dans Briseuse de Chaos, en présence de ses douze disciples, continuant à surveiller la surface. Il n’avait qu’un seul objectif, vaincre son ennemi détestable, le Dieu Démon Laplace, dès qu’il se sera réveillé. Il attendait dans le ciel le moment où le sceau se détacherait.

« Se pourrait-il que le Grand Empereur du Monde des Démons essaie de desceller Laplace ? »

« C’est possible. L’Empereur a été d’un calme troublant au cours des 300 ans qui se sont écoulés depuis son réveil », répondit-elle.

« Très bien. Arumanfi ! »

« Je suis là. »

Un homme revêtu de blanc et portant un masque jaune apparut et s’agenouilla devant Perugius.

« Faites des recherches immédiatement, je suis sûr que celui qui est derrière tout ça doit être en train de préparer quelque chose. Si vous voyez quelqu’un de suspect qui semble être impliqué là-dedans, tuez-le. »

« Compris. »

Le dragon blindé Perugius se mit à l’action, ses douze serviteurs derrière lui. Tout ça pour venger les quatre amis qu’il avait perdus. Cette fois, c’est sûr qu’il portera un coup fatal au Dieu Démon Laplace.

***

Partie 2

La terre sainte des épées

Le dieu de l’épée, Gal Farion, leva les yeux vers le ciel du sud.

« Quel est le problème avec le ciel ? Aussi… »

Au moment où il se concentrait sur autre chose, deux de ses élèves bien-aimés l’attaquèrent en même temps.

« Ne te lance pas sur moi alors que je porte mon attention sur autre chose. »

Son calme était revenu. En comparaison, ses deux élèves bien-aimés étaient à bout de souffle.

Comme d’habitude, les deux n’avaient aucun sens, pensa-t-il. Ils étaient trop confiants après avoir obtenu le titre d’épéiste de rang Empereur, mais c’est tout. Quel tas de connerie ! La renommée n’avait pas sa place dans le jeu d’épée. Tout ce que tu devais faire était de devenir plus fort. La seule chose que la célébrité t’apportera est l’argent et le pouvoir politique. Il n’y avait aucune valeur en cela. Tout le monde peut obtenir ces choses. Aussi grand qu’il fût, il pouvait couper ces ordures en un seul coup. Si vous étiez fort, vous pourriez avoir les choses à votre façon. Avoir des choses à votre façon était la façon dont vous devez vivre votre vie.

Ghislaine le comprenait mieux, mais elle s’était ramollie. C’est pourquoi elle était coincée au niveau d’épéiste de rang Roi. Ceux qui avaient une forte soif de vivre étaient naturellement forts, même s’ils étaient physiquement faibles ou incapables de manier une épée. Mais ceux qui étaient devenus forts pourraient perdre cette force motrice. C’est pourquoi Ghislaine s’était égarée. Elle n’était pas assez égoïste.

Ce n’était pas comme si les élèves avant elle étaient particulièrement doués. C’était leur cupidité obscène qui les rendait forts. L’appétit insatiable d’un couple qui vivait sur un champ de bataille à la vie ou à la mort.

« Hé, hé, viens vers moi. Battez-vous contre moi puis battez-vous à mort pour que l’un de vous puisse s’appeler épéiste de rang Divin ! Vous aurez assez d’argent pour jouer pendant une centaine de vies ! Vous pourrez aligner des femmes, des esclaves aux princesses, et faire ce que vous voulez avec elles ! Votre nom mettra les gens à genoux dans la peur ! Un pas en avant et des foules de gens se sépareront pour faire place à vous ! »

« Je n’ai pas commencé à apprendre l’épée pour quelque chose comme ça ! »

« Maître ! S’il vous plaît, ne nous insultez pas comme ça ! »

C’était ça. Ils allaient apprendre à être plus honnêtes avec eux-mêmes. Car s’ils le faisaient, ils pourraient facilement écraser quelqu’un comme lui et s’appeler épéiste de rang Divin.

Le dieu des épées, Gal Farion, avait déjà oublié le ciel du sud.

Quelque part sur le continent démoniaque

Le grand empereur du monde démoniaque, Kishirika Kishirisu, leva les yeux vers le ciel oriental.

« Hmph, quand tu es devenu aussi grand que moi, peux-tu voir les choses même si tu fais face à la direction opposée ? Comment ça !? Incroyable, n’est-ce pas ? »

Il n’y avait personne pour lui répondre. Pas une seule personne n’était présente.

« Donc, tu m’ignores ! Mwahaha ! Très bien, très bien ! Je te pardonnerai, humain ! Ou plutôt, personne ne m’approchera à cause du traité de paix, alors je n’ai d’autre choix que de te pardonner ! Mwahahaha, mwahahaha, mwaha — gurgh… »

Kishirika était seule.

Au moment où elle était revenue de la mort, elle s’était écriée :

« Moi, le Grand Empereur du Monde des Démons, Kishirika, je suis revenue à la vie ! Je dois vous avoir tous fait attendre ! Mwahahaha! »

Mais personne n’était là. Elle décida d’aller en ville et de répéter sa déclaration, pour que les gens la regardent comme si elle était une enfant pitoyable. Depuis lors, personne ne lui avait prêté attention.

Elle avait essayé de rendre visite à l’un de ses anciens amis, mais ils lui dirent simplement :

« Les choses sont pacifiques en ce moment, alors tiens-toi bien. »

« Que font même ces devins humains ? Quand je vivais dans le passé, ils commençaient à trembler de peur, babillaient des choses étranges, puis sautaient de leurs fenêtres. Sans cette première partie, il me semble que mon réveil n’a aucune valeur. Hah, honnêtement, les jeunes de nos jours… »

Elle donna un coup de pied dans une pierre et leva les yeux vers la magie qui se rassemblait dans le ciel occidental. Un autre nom du grand empereur du monde des démons était l’empereur démon aux yeux démoniaque. Elle en possédait plus de dix, et d’un seul coup d’œil, elle pouvait dire ce qui se passait, peu importe la distance. Avec ces yeux, elle vit le mana puissant, la lumière familière de la magie d’invocation et la personne qui la contrôlait.

Ou du moins, elle aurait dû pouvoir.

« Qu’est-ce que c’est ça ? Je ne vois pas celui qui fait ça ? Je me demande s’il y a une barrière. Tu dois être timide de cacher ton visage après avoir causé un tel désordre. »

Les yeux de Kishirika n’étaient pas tout-puissants. C’est pourquoi elle n’était que le Grand Empereur du Monde Démon, et ne serait jamais appelée un Dieu Démon, peu importe le temps, qui passait. Bien qu’elle ne soit pas particulièrement dérangée par ça.

« Ce serait bien s’ils pouvaient au moins convoquer un héros. Mais dernièrement, pour tout le monde, ce n’est que Laplace ceci et Laplace cela. Kishirika ? Qui est-ce ? Donc, ce n’est pas comme si cela importait. J’imagine que même les héros préféreraient les jeunes hommes avec une belle apparence comme Laplace. Je veux aussi revenir un peu sous les projecteurs. Je veux être assailli par l’attention et qu’on me fasse défiler ! »

Elle soupira en partant en voyage. Un voyage sans destination particulière.

Au même moment — le point de vue de Rudeus

Nous étions allés sur une colline à la périphérie de la Citadelle de Roa. Comme je l’avais promis le jour de mon anniversaire, j’allais montrer à Ghislaine à quoi ressemblait la magie de l’eau de rang Saint. Éris, bien sûr, l’avait suivie.

J’avais sorti mon bâton et enlevé le tissu que j’avais enroulé autour du cristal juste au cas où. Aussi embarrassant que cela puisse paraître, c’était mieux que de montrer aux voleurs potentiels à quel point j’avais un objet coûteux. Je l’avais enveloppé pour qu’il ressemble à un chiffon rempli de mana pour amplifier la magie du bâton. C’était au moins préférable que de penser que je cachais un joyau énorme.

J’avais décidé de tester le bâton avec un tir d’entraînement avant d’essayer la magie de l’eau de rang Saint. J’avais concentré la même quantité de mana que d’habitude pour créer une Boule d’eau, mais le résultat était incroyable, c’était plus grand que je ne l’avais jamais vu auparavant.

« Whoa, c’est énorme ! »

Quand j’essayais de comprimer la balle, elle était devenue si petite qu’on ne pouvait même pas la voir. J’avais lentement fait des ajustements. Après trente minutes d’essais, j’avais compris que ce bâton avait multiplié par cinq les effets de ma magie de l’eau. Cela signifiait que ma magie offensive était plus puissante et que je pouvais produire le même niveau de puissance avec un coût en mana réduit.

Pour représenter cela avec des chiffres :

Sans le bâton : Coût du mana 10, Puissance 5

Avec le bâton : Coût du mana 10, puissance 25

Avec le bâton : Coût du mana 2, Puissance 5

Quelque chose comme ça. En d’autres termes, il fonctionnait comme une loupe ou un microscope. Il était difficile de faire des ajustements complexes en ce moment, mais ça irait probablement bien une fois que j’aurais pris l’habitude d’utiliser le bâton.

« Ça se passe comment ? »

Éris avait l’air nerveuse.

Ne t’inquiète pas, je suis officiellement obsédé par mon nouveau jouet, pensai-je.

« C’est difficile de faire des ajustements, mais c’est vraiment incroyable. »

« Vraiment ! Je suis contente ! »

J’avais continué de le tester et j’avais découvert que la magie du feu était amplifiée deux fois tandis que la terre et le vent étaient amplifiés trois fois chacun. Utiliser le bâton pour combiner différents types de magie, cependant, semblait difficile. Ou était-ce aussi une question d’habitude ?

« Très bien, alors, voici ce que vous attendiez toutes. Moi, Rudeus Greyrat, je vais vous montrer ma grande et toute puissante technique cachée ! »

« Super ! »

Éris applaudit de joie. Ghislaine semblait aussi très intéressée. Je me sentais aussi excité. Il est temps de leur montrer à quel point j’étais cool !

« Bwahahaha ! »

J’avais levé mon bâton vers le ciel en chantant mon sort de magie de l’eau de rang Saint.

« Mana, rassemble-toi à moi ! Magnifique Esprit de l’Eau, lève-toi vers les cieux… Hein ? »

C’est là que je l’avais remarqué.

« Hm ? »

« Qu’est-ce que c’est ? »

Les deux autres suivirent mon regard et levèrent les yeux.

« Je ne sais pas, mais c’est une quantité incroyable de mana ! »

Pour qu’elle puisse voir le mana avec son œil. Après trois ans, j’avais enfin connu son vrai pouvoir… un œil de démon.

Ghislaine avait rapidement remis en place son cache-œil.

« Doit-on retourner en ville pour l’instant ? »

Je ne savais pas ce que ce ciel anormal annonçait, mais si quelque chose arrivait, je voulais avoir un toit sous lequel me réfugier. Nous aurions des ennuis si des lances commençaient à pleuvoir sur nous.

« Non, plus on se rapproche de la ville, plus le mana est concentré. Il vaudrait peut-être mieux prendre nos distances. »

« Mais nous devons retourner au manoir et au moins avertir tout le monde ! »

Il vaudrait mieux informer Philip et les autres et mettre les habitants en sécurité.

« Dans ce cas, j’irai à Rudeus ! Au sol ! »

Je m’étais accroupi de façon réfléchie. Quelque chose passa à toute vitesse à l’endroit même où j’avais la tête. Un frisson me parcourut la colonne vertébrale.

Qu’est-ce… c’était ? Qu’est-ce qui vient de se passer ?

« Toi ! »

À côté de moi, Ghislaine posa sa main sur son épée et sa silhouette s’estompa. L’instant d’après, elle était dans une pose, comme si elle venait de frapper avec son épée. Elle me l’avait déjà démontré à maintes reprises. La technique de rang Saint du style du Dieu de l’épée, longue épée de lumière. Une technique secrète du style du Dieu de l’épée, il avait été dit que si vous l’exécutiez parfaitement, la pointe de votre épée atteignait la vitesse de la lumière. Ghislaine m’avait dit que c’était cette technique qui avait fait du style du Dieu de l’épée le plus fort des trois styles.

« Hm. »

Les sourcils de Ghislaine étaient froncés. Elle avait dû rater sa cible. Son adversaire esquiva le coup fatal d’une attaque trop rapide pour être vue à l’œil nu. Le visage de Ghislaine s’était durci avec prudence alors qu’elle regardait fixement quelque chose derrière moi.

« … »

Je me retournai lentement pour voir qui avait essayé de m’attaquer et esquiver la contre-attaque de Ghislaine.

« Qui… ? »

Un homme se tenait là. Il avait les cheveux blonds et portait quelque chose qui ressemblait à un uniforme d’école blanc pur, attaché à l’avant. Il avait probablement un beau visage, mais il était caché derrière un masque jaune qui ressemblait à un renard. Dans sa main droite se trouvait un poignard.

Ça devait être ça. C’est ce qui m’était venu à l’esprit.

« Qui êtes-vous ? Dites-nous votre nom ! »

« … »

Dès que Ghislaine lui cria dessus, son visage se mit à briller. C’était une lumière si brillante qu’elle nous avait tous aveuglés pendant un instant. Je fermais immédiatement les yeux.

« Gaah ! »

J’avais entendu Ghislaine hurler. Puis un cliquetis de métal s’était heurté au métal. Puis vint le son d’un mouvement rapide.

Leurs lames s’étaient rencontrées deux fois, puis une troisième fois. Quand ma vision s’était rétablie, Ghislaine était devant moi avec son cache-œil retiré.

C’est comme ça qu’elle avait fait. Au moment où cette lumière avait pris notre vision, elle avait retiré son cache-œil sur le côté pour pouvoir voir avec son autre œil.

« Salaud, qui êtes-vous ? Êtes-vous un ennemi de la famille Greyrat ? »

« Arumanfi le Lumineux. C’est mon nom. »

« Arumanfi ? »

« Je suis venu mettre fin à ce phénomène étrange, sur ordre du Seigneur Perugius. »

Perugius. C’était un nom que j’avais déjà entendu. Un des trois héros légendaires qui avaient tué le Dieu Démon, et un des survivants de cette bataille. Un invocateur ayant douze familiers. Puis, comme une réaction en chaîne, je m’étais souvenu du nom Arumanfi. C’était l’un de ces douze familiers. Arumanfi le Lumineux.

« Sois prudente, Ghislaine. D’après ce que j’ai lu à son sujet, ce type peut se déplacer à la vitesse de la lumière. »

« Rudeus, prends la Jeune Maîtresse et replie-toi. »

Comme Ghislaine le demandait, j’utilisais mon dos comme bouclier et escortais Éris à bonne distance pour que nous ne soyons pas mêlés à la bataille. Je faisais attention de ne pas aller trop loin, en restant à la portée de la protection de Ghislaine.

Si c’était vraiment Arumanfi le Lumineux, une épée ne pourrait pas le toucher. J’étais sûr d’avoir lu quelque chose comme ça dans La légende de Perugius.

Cela dit, d’où venait-il ? Non, attendez, Arumanfi le Lumineux était supposé être l’esprit dirigeant la lumière. On disait qu’il pouvait parcourir n’importe quelle distance instantanément s’il était à portée de vue. À l’époque où j’ai lu cela, je pensais que ce n’était qu’une grosse blague, mais il était apparu derrière moi en un clin d’œil. Ghislaine ne baisserait jamais la garde, et il n’avait aucune raison de se cacher auparavant. Il devait avoir volé jusqu’ici, à la vitesse littérale de la lumière. C’était l’une de ses capacités, après tout.

« Femme, bouge. Cet étrange événement pourrait cesser si je tue ce garçon. »

Attendez, de quoi parlait-il ? Étrange évènement ? Voulait-il parler de cette chose dans le ciel ? Quel genre de malentendu était-ce ?

« Je suis l’épéiste de rang Roi Ghislaine Dedoldia. Ce truc dans le ciel n’a rien à voir avec nous. Retire-toi ! »

« Épéiste de rang Roi ? Comment puis-je croire ça ? Montre-moi une preuve. »

« Regarde ! C’est l’une des célèbres lames des sept dieux originaux de l’épée, Hiramune — Noyau plat. Ne me croiras-tu toujours pas après l’avoir vue ? »

Elle tendit son épée vers Arumanfi tout en la tenant fermement par la poignée.

Je ne savais pas que son épée portait ce genre d’inscription. Noyau plat… Noyau comme celui dans la poitrine ? Certainement pas un mot que j’aurais associé à la poitrine de Ghislaine.

« Jure-le sur les noms de ton maître et de ta famille. »

« Je jure sur le nom de mon maître, l’épéiste de rang Divin Gal Farion et l’honneur du peuple Dedoldia ! »

« Dedoldia, c’est ça ? Très bien. Si nous découvrons plus tard que tu n’es pas aussi innocente que tu le prétends, le Seigneur Perugius décidera de ton destin. »

« C’est bon pour moi. »

Arumanfi avait rangé son poignard. Je ne savais pas trop ce qui se passait, mais le problème était apparemment réglé. Pour moi, il me semblait évident que jurer que quelque chose était vrai ne signifiait pas que quelqu’un était honnête, mais apparemment c’était ainsi que les choses fonctionnaient dans ce monde.

Cela dit, le fait de jurer sur le nom de ces personnes lui avait-il vraiment donné autant de crédibilité ? Au même niveau que, disons, le Pape catholique romain jurant sur le nom de Dieu ?

« C’est bon, tant que vous n’êtes pas les responsables. »

« Et vous ne vous excusez même pas de nous avoir attaqués de nulle part ? »

« C’est de votre faute si vous avez fait quelque chose de suspect ici », dit-il en tournant le talon.

Calmons-nous et réfléchissons rationnellement, me suis-je dit. D’abord, quelque chose d’étrange se passait dans le ciel. Puis ce type s’était pointé, le familier d’un héros légendaire à l’histoire riche. Cette personne légendaire m’avait attaqué. Il pensait que c’était moi qui avais causé le phénomène dans le ciel. Ce n’était pas vrai, bien sûr, mais peut-être qu’il savait quelque chose sur ce qui se passait là-haut ? Non, il n’aurait pas pu, sinon il ne m’aurait pas attaqué.

« Hmm… » avais-je commencé à dire.

« Hm ? »

« Ah ! »

Juste au moment où j’appelais Arumanfi, le ciel était devenu blanc et un rayon de lumière s’était précipité vers le sol. Dès qu’il atteignit la terre, la lumière s’amplifia à une vitesse incroyable, avalant violemment tout sur son passage comme un raz-de-marée. Le manoir, la ville, la citadelle, les fleurs et les arbres. Tout avait été dévoré au fur et à mesure de son expansion.

Dès qu’Arumanfi vit ce qui se passait, il disparut dans un éclat de lumière dorée. Ghislaine courut vers nous, mais elle avait été avalée avant de pouvoir nous atteindre. Éris se figea dans la confusion, et j’enroulais mon corps autour du sien pour la protéger.

Ce jour-là, la région de Fittoa avait disparu.

***

Épilogue : 6 mois après la disparition de la région de Fedoa

Six mois après la disparition de la région de Fittoa. Roxy avait finalement atteint la région, mais n’avait été accueillie que par des plaines recouvertes d’herbe. Elle aperçut la vue, les yeux écarquillés et stupéfaits.

Elle se tenait sur la route principale, une route pavée. Aucun autre pays n’avait une route aussi magnifique qu’elle, aussi loin de sa capitale. Le royaume d’Asura l’avait développé et l’avait disposé, s’étendant d’un bout à l’autre du royaume.

Mais c’était ainsi que la route était la dernière fois qu’elle l’avait parcourue. Celle-ci n’était plus là, brusquement coupée devant elle. Il n’y avait rien d’autre à perte de vue. Rien que de l’herbe, répandue partout.

« … »

Il s’était passé quelque chose. Elle le savait bien. Mais elle n’était pas sûre de savoir quoi. Tout ce qu’elle savait, c’était que la région de Fittoa avait disparu, que le village de Buena avait disparu et que Rudeus, sa gentille famille qui l’avait acceptée malgré sa race, et tous les autres, avait disparu.

Roxy avait eu vent de l’histoire plusieurs fois au cours de son voyage ici. Elle était sûre que ce n’était pas vrai, que les gens essayaient juste de la tromper. En tout cas, elle avait choisi de ne pas croire ce qu’elle avait entendu. Elle croyait que Rudeus et sa famille étaient en vie, qu’ils allaient très bien et que rien ne leur était arrivé. Elle avait tout misé sur cette lueur d’espoir.

Au moins jusqu’à maintenant, quand elle avait enfin vu la réalité se répandre devant elle.

Les genoux de Roxy l’avaient lâché sous ses pieds.

« Alors, tu as aussi perdu quelqu’un, hein ? », dit le chauffeur du carrosse qu’elle avait pris derrière elle.

« Un apprenti exceptionnel », répondit-elle.

« Un apprenti, hein ? En tant qu’apprenti magicien, il devait s’attendre à perdre la vie de toute façon, n’est-ce pas ? »

« Il n’avait que dix ans. »

« Eh bien… c’est trop tôt. »

Il lui tapota sur l’épaule comme pour l’apaiser.

Pendant un moment, Roxy n’avait pu que fixer la terre à ses pieds. Elle ne voulait penser à rien, elle ne pouvait pas. Elle n’était même pas sûre de ce qu’elle devait faire d’ici.

Le chauffeur la regarda silencieusement avant de reprendre la parole, ses paroles étaient mesurées.

« En fait, il y a un camp de réfugiés de la région de Fittoa. Veux-tu aller voir ? Il serait difficile pour un enfant de 10 ans de survivre à ce qui s’est passé, mais on ne sait jamais. »

La tête de Roxy s’était secouée.

« J’irai ! »

Après tout, c’était Rudeus. Il allait sûrement bien. Il avait sans doute utilisé sa vivacité d’esprit pour survivre. Il était sûrement en parfaite santé, vivant dans cette colonie.

Une fois de plus, elle s’accrocha fermement à cette lueur d’espoir.

◇ ◇ ◇

Le camp de réfugiés comprenait de nombreux bâtiments en bois et avait à peu près la taille d’un village. Un grand nombre de personnes se bousculaient. Ils étaient tout sauf insouciants, une humeur sombre et lourde planait sur eux.

Je n’aurais jamais pensé que je verrais quelque chose comme ça dans le Royaume Asura, pensa Roxy.

Le Royaume Asura que Roxy connaissait était le pays le plus riche du monde. Les gens là-bas avaient des visages pleins d’optimisme, et il y avait des sourires partout où vous regardiez. La nourriture était abondante et les monstres peu nombreux. C’était l’endroit où il faisait bon vivre.

Mais il n’y avait pas de sourires ici.

La colonie ne semblait pas manquer de nourriture. C’était une région assez généreuse. Et tant qu’ils pourraient arracher l’herbe et la manger, ils ne mourraient pas de faim. Et comme ils n’étaient pas en danger de mourir de faim, ils auraient dû sourire. Même si un désastre avait eu lieu, les choses n’étaient pas aussi terribles qu’elle l’était sur le continent des démons. C’est du moins ce qu’elle pensait, mais elle ne pouvait s’empêcher de froncer les sourcils à la vue qui s’offrait à elle.

Le camp de réfugiés avait une guilde temporaire d’aventuriers. C’était là, devant le tableau d’affichage où étaient normalement épinglées les différentes demandes, que la mélancolie était la plus épaisse.

Un homme qui avait perdu sa maison et sa famille se tenait là, gémissant.

« Qu’est-ce que c’est que ce bordel, qu’est-ce que c’est que ça ! Six mois entiers, ça m’a pris six mois entiers pour revenir ici, bon sang ! Laura, Francis, pourquoi êtes-vous tous morts !? »

Il avait perdu sa famille, et pas seulement eux, mais sa maison, sa terre, les outils de son métier, tout ce qu’il avait. Ses cris déchirants étaient difficiles à entendre, mais personne ne pouvait l’empêcher de se lamenter.

« Mon Dieu ! Tout est de ta faute !? »

Un prêtre jeta sur le sol les outils de son métier, symbole de l’organisation religieuse Millis.

« Je n’y croirai plus ! Vous n’êtes pas des dieux, vous nous ridiculisez et nous tuez ! Vous n’êtes que des démons cruels ! »

Le visage plein de haine, il leva les yeux vers le ciel et poussa des malédictions. Il y avait d’autres croyants de Millis présents, mais aucun d’eux ne priait les Dieux.

Un marchand essayait de se trancher la gorge, mais il avait été arrêté par les gens qui l’entouraient.

« Ne m’arrêtez pas ! »

« Hé, arrête ça ! À quoi cela sert-il de mourir ? De bonnes choses peuvent encore t’arriver si tu restes en vie ! »

« Si je vis !? Vous y croyez vraiment ? Merde, j’ai perdu quelque chose de plus important que ma propre vie ! S’il vous plaît, laissez-moi mourir ! Merde, merde, merde ! »

L’homme s’accroupit et se mit à pleurer, le visage déformé par le désespoir. Tout son corps tremblait.

C’était un endroit horrible. Les visages de tout le monde étaient affligés par le chagrin.

Roxy n’avait jamais connu un endroit aussi dominé par la tristesse. Elle avait vu beaucoup de gens mourir, avait même échappé plusieurs fois à des scènes de carnage. C’était la première fois qu’elle voyait un endroit rempli d’une telle angoisse.

C’est peut-être une entreprise inutile, se dit-elle.

Touchée par cette atmosphère lourde, elle se sentait proche des larmes, mais elle persévéra et commença sa chasse à l’information.

◇ ◇ ◇

Une heure s’était écoulée.

Roxy avait appris l’essentiel de ce qui s’était passé. Après que le ciel ait pris cette teinte étrange, une catastrophe de mana à grande échelle s’était produite au-dessus de la région de Fittoa.

Ce n’était pas exactement une explosion, mais elle s’était répandue partout. Tout ce qui se trouvait dans la région de Fittoa avait été enveloppé par elle et téléporté au hasard dans le monde entier. Les bâtiments et les arbres disparurent complètement, dispersant seulement les gens qui s’y trouvaient. Certains d’entre eux avaient réussi à retourner dans la région, mais s’étaient rendu compte qu’il ne restait plus rien de leur ville natale et avaient perdu tout espoir.

« Vraiment terrible », murmura Roxy en regardant le tableau d’affichage.

Il y avait des rangées de noms de personnes décédées ou disparues. À côté d’eux se trouvaient des messages aux membres de la famille et des demandes telles que : Si vous voyez cette personne dans vos voyages, veuillez l’amener ici.

La partie la plus accrocheuse du tableau d’affichage était une demande épinglée sous le nom du seigneur de Fittoa, demandant des informations sur les disparus et les défunts, un nombre sans précédent de personnes.

En tant qu’aventurière, Roxy avait contribué à ce genre de tâches. Mais jamais de sa vie, elle avait vu un tableau d’affichage aussi rempli de demandes, ni aussi désespéré et déchirant. Il était clair que les dégâts causés par cette calamité étaient importants.

Peut-être avait-elle croisé quelqu’un sur la liste des défunts et des disparus en venant ici. Elle avait entendu des rumeurs selon lesquelles des gens réapparaissaient soudainement. Bien sûr, elle n’y avait pas prêté attention à l’époque, il y avait toujours des ragots oisifs comme ça. Si seulement elle pouvait se souvenir de quelque chose, elle pourrait aider les gens d’ici.

« Non… »

Elle secoua la tête, mettant ainsi fin à ses réflexions. Elle avait pris la plus grande route du Continent Central pour venir ici. Toutes les informations qu’elle avait, quelqu’un d’autre les avait probablement déjà rapportées à ce jour.

« … »

Roxy avait plutôt tourné son regard vers la liste des défunts et commença à passer en revue les noms dans l’ordre. Malgré l’ampleur du désastre, la liste des personnes décédées était relativement courte, et elle n’avait reconnu aucun des noms.

En comparaison, la liste des personnes disparues était si longue qu’il était pénible de l’examiner. C’était logique étant donné qu’ils avaient tous été transportés ailleurs. Certains d’entre eux avaient certainement été attaqués et tués par des monstres, ne laissant derrière eux aucun vestige permettant de les identifier. Il y avait beaucoup d’endroits où l’on pouvait mourir instantanément : au sommet des montagnes, dans les airs ou dans la mer. Il était incroyable que certains décès aient même été confirmés.

« Le voilà. »

Roxy fronça ses sourcils. Elle avait trouvé les noms de Rudeus et des autres dans la colonne des personnes disparues.

Rudeus Greyrat. Zenith Greyrat. Lilia Greyrat. Aisha Greyrat.

Elle savait que Lilia était devenue l’une des épouses de Paul. Rudeus l’avait écrit dans une de ses lettres. Les noms de Paul et Norn avaient une ligne tracée à travers eux. Elle jeta un autre coup d’œil à la liste des défunts juste au cas où. Ils n’étaient pas là, cela signifiait qu’ils devaient être en vie. D’un autre côté, cela aurait aussi pu signifier qu’il n’y avait pas d’information sur eux. Ce fut un moment de soulagement de courte durée.

« Au moins, je peux me réjouir qu’ils ne soient pas morts pour l’instant. »

Elle regarda à nouveau le tableau d’affichage distraitement. Le désespoir des écrivains était si clair.

Roxy se demandait si ses propres parents allaient bien à la maison. Un certain temps s’était écoulé depuis qu’elle s’était battue avec eux et avait quitté son village. Jusqu’à récemment, elle n’avait pas prêté beaucoup d’attention à l’écoulement du temps, en partie parce qu’elle faisait partie de la race des Migurd. Les mois passèrent vite. Peut-être devrait-elle au moins envoyer une lettre.

« C’est… »

Elle trouva un message sur le tableau. L’auteur était Paul Greyrat.

À Rudeus,

Zenith, Lilia et Aisha ont disparu. Norn est en sécurité sous ma garde. Je ne sais pas où tu es en ce moment, mais je suis sûr que même si tu es seul, tu vas revenir ici. Alors je te chercherai en dernier.

Pour l’instant, je me rends au Continent Millis. C’est là que Zenith est née et a grandi. J’ai aussi envoyé un message à la ville natale et à la maison de Lilia. Je veux que tu fouilles la partie nord du continent central. Si tu les trouves, contacte-moi avec les informations ci-dessous.

Zenith, Lilia, si l’une de vous voit ça, contactez-moi aussi.

Pour toute personne qui pourrait me connaître ou connaître ma famille, ou d’anciens membres des Crocs du loup noir, veuillez m’aider à les chercher. Je suis sûr que les membres des Crocs du loup noir ont des sentiments mitigés à mon égard. Je ne vous demanderai pas de le mettre sous le tapis. Vous pouvez me crier dessus tant que vous le voulez. Si vous me demandez de lécher tes bottes, je le ferai. Tous mes biens ont disparu, donc je ne peux pas vous payer. Mais s’il vous plaît, aidez-moi à chercher ma famille.

Coordonnées des personnes-ressources :

Continent Millis, Pays sacré du Continent Millis, Guilde des aventuriers de la ville de Millishion. Nom du parti : Escadron de recherche des résidents du village de Buena. Nom du clan : Association de recherche des personnes disparues de la région de Roa.

Paul Greyrat

Paul était vivant. Le fait d’avoir su cela l’avait soulagée. Rudeus s’était plaint de Paul dans ses lettres, mais il semblait que Paul était particulièrement fiable dans ce genre de situation.

Roxy s’arrêta pour réfléchir. La meilleure chose à faire serait d’aider à la recherche. Elle était après tout redevable à leur famille. Même aujourd’hui, elle pensait affectueusement aux deux années qu’elle avait passées avec eux, pour de nombreuses raisons. Elle était plus que disposée à aider.

Très bien, faisons-le, avait-elle décidé. Dès qu’elle s’était décidée, ses pensées s’étaient mises à remuer. Mais qui dois-je chercher, et comment ?

Les crocs du loup noir étaient probablement le nom du groupe d’aventuriers de Paul. Ces gens ne connaissaient probablement pas Rudeus, ou Lilia, d’ailleurs. Mais comme Paul avait finalement quitté Rudeus, elle décida de le chercher à sa place. Il semblerait que Paul pensait que Rudeus reviendrait à Fittoa, mais ce garçon était très adaptable. Il était tout aussi probable qu’il s’installerait à l’endroit où il avait été téléporté. Si c’était le cas, elle devrait lui dire ce qui s’était passé et le ramener.

Je vais donc chercher Rudeus. Maintenant, par où commencer ?

Paul s’était rendu dans la capitale du pays saint de Millis. Cela signifiait qu’il avait probablement laissé des messages similaires en cours de route, en particulier à trois endroits : les frontières du royaume d’Asura, le port est du royaume du Roi-Dragon et le port ouest du pays saint de Millis.

Dans ce cas, elle devrait chercher au-delà de ces endroits. Ce serait la partie nord du continent central, le continent Begaritt et le continent des démons. Un de ces trois-là. Elle n’était jamais allée à Begaritt auparavant, mais elle avait entendu dire que c’était rempli de donjons et de monstres. Et bien qu’elle connaissait bien la géographie du continent des démons, il était dangereux de s’y rendre seul.

Si elle voulait prendre une route sûre, la région du nord serait la meilleure. Mais c’est exactement pour ça qu’elle avait dû aller dans l’une des deux autres. Elle pourrait trouver un groupe et se rendre dans l’une de ces deux régions à la place.

Bien. Maintenant qu’elle avait pris sa décision, il était inutile de s’attarder ici. Elle se dirigea vers le port est du Roi-Dragon. De là, elle cherchera un groupe se dirigeant soit vers le continent Begaritt, soit vers le continent des démons.

Une fois cela réglé, Roxy agit rapidement. Elle termina les préparatifs de son voyage puis elle quitta le camp de réfugiés.

Bizarrement, le simple fait de bouger avait suffi à lever le voile de la tristesse. Non seulement cela, mais sa croyance que Rudeus était encore en vie s’était renforcée à chaque pas.

Je veux m’asseoir à nouveau à table avec eux tous, ne serait-ce qu’une fois de plus, pensa-t-elle, alors que ses pieds l’emmenaient vers le sud.

Ce fut le début du long voyage de Roxy Migurdia.

***

Bonus 2 : La déesse de la forêt

Partie 1

~ 1 ~

À l’est du Royaume Asura, à travers la chaîne de montagnes.

Dans cette partie du continent central, de nombreux petits royaumes rivalisaient pour dominer.

Cette zone où les nations avaient constamment augmenté et allaient être connues comme la zone Strife.

Parmi les nombreux royaumes situés dans la zone de Strife se trouvait un nommé l’état mercenaire de Malkin. C’était une nation construite par des mercenaires, ses moyens de subsistance reposaient sur l’emploi de mercenaires par les pays voisins.

Dans une taverne dans un coin de Malkin. Deux mercenaires étaient assis à une table, l’un se vantait de sa cicatrice sur l’épaule de l’autre.

« Haha, regarde, j’ai pris celle-ci dans la défense de Rudomin. »

« Oh, cette bataille, c’était intense. »

« Où étais-tu déployé ? »

« Dans la forteresse Dells, à la porte est, c’était infernal… Juste un peu plus, et j’aurais perdu ma précieuse main droite. »

« Hellish, j’avais entendu dire que la porte est de la forteresse Dells a été flanquée et a presque annihilée ! »

« La défense de Rudomin n’a-t-elle pas été la même, j’ai même entendu que ta ligne d’approvisionnement avait été coupée, il n’y avait même pas d’argent pour nourrir les mercenaires. »

Malkin avait également fourni un soutien à toutes les nations

Et leurs mercenaires étaient craints par toutes les nations.

Il avait été dit qu’un guerrier Malkin pourrait en tuer un millier.

On avait dit que leurs commandants gardaient toujours leur sang-froid.

On avait dit que leurs généraux possédaient une intuition inhumaine.

Une fois la bataille commencée, ils apportaient toujours la victoire à leurs alliés.

Sur le champ de bataille, ils étaient le symbole de la terreur et de la victoire.

C’était l’état mercenaire de Malkin.

« Sûr que c’est un miracle, d’une manière ou d’une autre nous sommes tous les deux sortis vivants. »

« C’est juste parce que la déesse de la forêt nous a protégés ! »

L’un des mercenaires avait enlevé le collier qu’il portait, sur lequel pendait un pendentif en bois sculpté avec un portrait d’une femme avec des oreilles d’animaux.

Voyant le pendentif, l’autre mercenaire dégaina le poignard sur sa taille.

La lame était peinte en rouge.

« Eh bien, un toast à la déesse de la forêt Reinu, bravo ! »

« S’il vous plaît, accordez-nous la victoire dans la prochaine bataille ! Santé ! »

D’une main brandissant leur pendentif ou leur poignard, leur autre main levait leurs chopes, puis d’une seule gorgée ils burent leurs boissons.

C’était leur façon de prier.

« Ah ~ oui ! »

« La boisson après la bataille est toujours meilleure ! La bière de Malkin est la meilleure ! »

« Et les femmes aussi ! »

« Devons-nous visiter des maisons closes après ? »

« Mais ne le dis pas à ma femme ! »

« Wahahaha! »

Gaiement, ils avaient bu toute la nuit.

La Déesse de la forêt Reinu.

La déesse adorée par les mercenaires Malkin.

Selon le folklore, il y avait cent ans, lorsque Malkin était au bord de la destruction, elle semblait avoir guidé son général. La déesse sauveuse d’une nation.

Ainsi, tous les mercenaires de Malkin croyaient que la déesse de la forêt Reinu leur apparaîtrait quand ils seraient au bord de la mort.

C’est pourquoi les mercenaires vénéraient la déesse.

Ils faisaient des prières pour la bataille, et pour leur propre survie.

C’était comme ça qu’ils pouvaient retourner sur le champ de bataille.

La chose étrange était que parmi les nombreuses nations de ce vaste monde, seul Malkin adorait la déesse de la forêt Reinu.

Comment une telle tradition était-elle née dans ce pays ?

Il y avait une histoire derrière ça.

~ 2 ~

Calendrier du dragon blindé, année 417.

Le roi mercenaire de Malkin avait seulement fondé l’État indépendant des mercenaires de Malkin depuis deux ans quand des crises séparationnistes s’étaient produites dans le royaume d’Asura.

À ce moment, l’État indépendant des mercenaires de Malkin était déjà au bord de la destruction.

Cela n’avait rien d’extraordinaire. Les nations se créent et meurent simplement dans la zone Strife.

Les gens essaieraient toujours de découper leur propre territoire quand l’occasion se présenterait, et développeraient avec eux l’ambition de dominer la terre, pour finalement voir ce rêve brisé.

L’État indépendant des mercenaires de Malkin suivait simplement le sort de tant de nations précédentes.

C’était naturel.

Mais tout était arrivé pour une raison.

Ce qui avait conduit cette nation vers les portes de la mort était une diplomatie ratée.

Une économie basée sur le mercenariat, Malkin avait exercé un pouvoir économique et militaire au-delà de ce qui était typique d’une nation naissante.

Mais c’était aussi la cause.

Malkin était entouré par deux nations, le royaume Dzik et l’empire Blows, et avait attiré leur colère. Après la chute de la diplomatie, les deux nations avaient déclaré la guerre contre Malkin simultanément.

Même pour un État mercenaire qui pouvait combattre au-delà de ses forces, il ne pourrait pas gérer une guerre sur deux fronts. Et malgré une résistance féroce, une forteresse clé fut envahie et plusieurs grandes batailles furent perdues. L’État avait déjà perdu la moitié de ses territoires.

Une nation sans avenir.

Voyant cela, ses mercenaires avaient fui le navire en train de couler vers les régions voisines, certains avaient même fait demi-tour.

La bataille finale avait été livrée dans un grand bassin connu sous le nom de « Vestiges de la Bataille finale de Malkin ».

Jusque-là, les deux États envahisseurs fonctionnaient indépendamment, mais parce que le bassin était flanqué des deux côtés par une forêt infestée de bêtes magiques, leur capacité de manœuvre était grandement restreinte. En conséquence, ils n’avaient pas d’autre choix que de regrouper leurs forces.

Une autre raison cruciale était que ce bassin était d’une grande importance stratégique pour contrôler la capitale voisine après avoir vaincu Malkin.

Ce n’était pas un secret que les vainqueurs se combattraient après la bataille.

Malkin aimerait certainement profiter de l’animosité entre les États alliés, mais il avait besoin d’une grande puissance militaire pour le faire. Leurs forces restantes pouvaient à peine se défendre.

Même ce dernier effort avait exigé tout ce qu’ils pouvaient rassembler.

~ 3 ~

Le capitaine mercenaire de troisième division de Malkin, le mercenaire Vigo, menait dix subordonnés dans une forêt.

C’était la Forêt Interdite, nommée ainsi en raison du grand nombre de bêtes magiques à l’intérieur. Cette forêt était considérée comme trop dangereuse à traverser, depuis les temps anciens, tous les dirigeants locaux interdisaient l’entrée à ses citoyens.

Tous les locaux avaient toujours consenti, même les bûcherons avaient refusé d’entrer dans la Forêt Interdite.

Et bien sûr, pas plus que les armées. Dans cette bataille, les deux forces envahissantes avaient également évité la forêt.

Le roi de l’État indépendant des mercenaires de Malkin en avait pris note.

Il devait passer à travers cette forêt et mener un raid sur l’un des deux camps. C’était une stratégie simple, mais efficace.

Malgré cela, Malkin avait déjà épuisé sa force militaire. Même quelque chose d’aussi simple que passer à travers une forêt, s’ils combattaient contre des bêtes magiques, ce serait sans doute des efforts inutiles. Le raid lui-même se terminerait probablement par un échec.

Mais Malkin était venu avec un plan.

Dans les batailles précédentes, ils avaient capturé des armures de l’empire Blows.

Il faudrait faire en sorte que certains de ses soldats les portent et attaquent l’arrière du camp du royaume de Dzik.

L’alliance entre ces deux nations se maintiendra jusqu’à ce que Malkin soit détruit, mais dès que cette bataille prendra fin, ils se le disputeront probablement immédiatement pour en avoir la suprématie. Avec des alliés comme ça, qui avait besoin d’ennemis ? Les deux nations planifiaient déjà la confrontation finale et manœuvraient en conséquence, de sorte que la tension était forte.

Il suffisait d’un petit coup de pouce pour transformer des amis en adversaires.

L’État indépendant des mercenaires de Malkin devait les pousser à cela.

Le brave et célèbre mercenaire Viga s’était porté volontaire pour mener cette mission. Elle consistait à conduire quelques soldats à travers la forêt et attaquer l’arrière-garde.

Une mission extraordinairement difficile, et même en cas de succès, il y avait peu de chance de revenir en vie.

Même si le raid réussissait, pour éviter la capture, ils devraient se suicider.

Pour empêcher l’identification, aucun article personnel n’avait pu être apporté.

Ils mourraient anonymes, en tant que traîtres. Personne ne chanterait leurs mérites.

Même ainsi, Viga avait dit cela à Malkin.

« Ne crains pas, si je deviens l’esprit qui nous guidera vers la victoire, notre peuple nous fera l’éloge. Une mort héroïque comme l’Empereur Jumeau Migus Gumis, cela ne sera-t-il pas glorieux ? »

Prenant comme exemple les héros morts au combat contre Laplace, Viga prit ce lourd fardeau.

Avec lui venaient dix subordonnés.

Trois escrimeurs de niveau intermédiaires ayant le style du Dieu du Nord et sept mercenaires sans affiliations particulières.

Viga lui-même était avancé dans le style du Dieu de l’épée, mais sans guérisseurs dans le groupe, il manquait d’expérience et de compétences.

Les magiciens étaient une marchandise précieuse dans cette région. Dans cette bataille décisive, la force principale ne pouvait certainement pas affecter quelque chose de si précieux à l’unité sacrificielle. Pourtant, ils devaient réussir à inciter les ennemis à se battre entre eux.

Ha… Jamais je ne m’imaginerais faire du bénévolat pour quelque chose comme ça.

Viga ne pouvait s’empêcher de plaisanter à ce sujet.

Il était un mercenaire depuis sa naissance. Né dans un camp de mercenaires, son père était mort alors que sa mère était encore enceinte, puis sa mère la suivit quand il pouvait à peine s'en souvenir. Il avait finalement été vendu comme un esclave à l’organisation qui était finalement devenue l’État indépendant des mercenaires de Malkin. Les mercenaires l’avaient entraîné dans les champs de bataille, dans l’art de la guerre, il avait survécu jusqu’à ce jour seulement pour l’argent et la survie.

Jamais il n’imaginerait que cela aurait été un honneur de le faire.

Agir comme une sorte de chevalier…

Seuls les chevaliers choisissent l’honneur au mépris de leur vie.

Mais… pensa soudainement Viga.

Peut-être que cela fait de moi un chevalier de l’État indépendant des mercenaires de Malkin.

Penser de cette façon le rendait exceptionnellement fier.

Pour une personne sans domicile comme Viga, l’État indépendant des mercenaires de Malkin avait été une maison durement gagnée.

Il se battait pour protéger sa patrie.

Il s’était moqué de ce type de personnes dans le passé, mais maintenant confronté à la même situation, il se sentait étrangement réconfortant.

« Capitaine, nous sommes presque arrivés »

« Attention, maintenant que nous sommes ici, essayons de mourir par des mains humaines. »

« Hahah, comme tu le dis. »

Jusqu’à présent, ils avaient rencontré très peu de bêtes magiques.

Au cours d’une journée entière de voyage, sans se reposer ou dormir, le fait qu’ils n’avaient eu que deux combats avait été un petit miracle.

Malheureusement, il avait perdu un subordonné.

Même s’ils étaient vigilants, ils ne remarquèrent pas un Tigre à feuilles rouges caché dans les buissons qui l’avait tué.

La bête magique était déjà lourdement blessée. On dirait que c’était aussi la proie de quelque chose d’autre.

Qu’est-ce que pourrait craindre la bête la plus redoutée de la forêt ?

Peut-être le maître de la forêt.

Viga avait entendu parler de rumeurs sur ce Maître de la Forêt. C’était supposément un lézard géant de cinq mètres de long — une bête magique de Grade A — Karentosaurus.

Même si Viga ne savait pas si Karentosaurus existait réellement. Si c’était le cas, il pourrait certainement infliger une blessure aussi lourde au tigre à feuilles rouges de catégorie B.

Bien sûr, si cette créature devait attaquer, Viga et les neuf subordonnés restants ne sortiraient certainement pas indemnes.

En tant que tels, Viga et le reste avaient avancé prudemment.

Heureusement, ils avaient une certaine expérience pour passer à travers les forêts.

Ils avaient compris comment éviter les bêtes magiques, et comment appeler à la rescousse tout en conservant l’initiative en les rencontrant. Pour les vétérans testés au combat comme eux, c’était une compétence nécessaire.

Bien sûr, le groupe de Viga n’était pas le seul à posséder ce genre d’expertise.

« Qui est là ? »

« Ah ! »

Au moment où ils l’avaient réalisé, les deux troupes étaient déjà face à face.

Les deux étaient au nombre de dix.

L’ensemble des vingt hommes portaient les armures de l’empire Blows.

La seule différence entre eux était que seule la troupe de Viga savait qu’ils n’étaient pas à l’empire.

« À qui appartiennent les troupes, dites votre grade et votre stationnement ! »

Un homme se tenait debout dans un ensemble d’armure richement taillée, et exigeait leurs identités.

« Dégainez vos épées, ne laissez pas un homme vivant ! »

Sans réponse, Viga avait crié l’ordre à ses subordonnés. Immédiatement, tous dégainèrent leurs épées et chargèrent contre les soldats de l’Empire Blows.

Ah, des déserteurs, malédiction !

Le capitaine de l’empire Blows détermina brutalement que Viga était un déserteur.

Alors même qu’il avait tort, quand bien même il avait tort, leurs actions étaient restées inchangées. Que ce soit contre des déserteurs ou des soldats ennemis déguisés en soldats de l’Empire Blows, les résultats seraient les mêmes.

« Tuez-les tous ! L’empire Blows n’a pas besoin de lâches qui s’enfuient de la bataille ! »

Les soldats avaient rapidement réagi.

« Ughhh ! »

« Ma… Malédictions… ! »

Rapidement, deux soldats du côté de Viga étaient déjà éliminés. En un instant, ils étaient repoussés d’un pied en arrière.

Les soldats de l’Empire avaient été disciplinés et bien entraînés.

Ce que Viga ne savait pas, c’était que les ennemis devant lui étaient en fait des gardes personnels de l’empereur Blows.

Pourquoi les gardes impériaux s’étaient-ils égarés dans la forêt, si loin de l’empereur ?

C’était arrivé il y a un petit moment.

L’empereur de Blows surveillait personnellement le champ de bataille pour encourager ses soldats.

Soudainement, une bête magique était apparue de la forêt et avait attaqué l’empereur, blessant légèrement sa main. Même si cette créature avait été immédiatement repoussée, et la blessure guérie, le fait que l’empereur avait été attaqué devant ses soldats ne pouvait pas être rejeté.

Pour éviter de saper leur moral et de maintenir le prestige impérial, l’empereur avait déployé ses gardes personnels.

Il leur ordonna de traquer la bête, de la blesser et de récupérer sa peau.

Les gardes impériaux avaient immédiatement sauté dans l’action et avaient marché dans la forêt.

Pourtant, de manière inattendue, plutôt que la bête magique, ce qu’ils avaient trouvé dans la forêt était les troupes de Viga.

« Donc, voilà comment cela se termine… »

Même le meilleur épéiste de Viga tomba facilement face à la garde impériale.

« N’avez-vous pas encore compris ? Votre adversaire est le capitaine de la garde impériale Klein Danoltas ! L'Épéiste Saint Klein ! Pensez-vous encore pouvoir gagner ? »

« Malédiction ! »

« Si vous vous rendez maintenant, je peux encore vous faire grâce ! »

Viga était rempli d’anxiété. De toute évidence, céder n’était pas une option. Le fait qu’ils n’étaient pas des soldats de Blows serait immédiatement exposé une fois capturé et interrogé.

***

Partie 2

Si cela arrivait, la mission échouerait, et Malkin périrait.

Qui gagnerait la suprématie entre le royaume de Dzik et l’empire de Blows restait à voir, mais le pays que Viga et les autres avaient eu autant de mal à construire disparaîtra.

Mais Viga n’avait rien. L’écart de pouvoir était évident. La résistance était futile. L’annihilation était inévitable.

{Malkin, je suis désolé…}

Avec un cœur lourd, Viga s’excusa auprès des camarades qui se tenaient à ses côtés tout ce temps.

Juste à ce moment.

« Goaaaaaah ! »

Un lézard gigantesque était entré en collision.

Un lézard terrifiant, vert vif, de cinq mètres de long.

Son corps impressionnant était couvert de blessures, le sang jaillissait de partout.

Juste comme ça, il s’était écrasé entre Viga et les autres, déversant une bouchée de sang en tombant.

Et dans l’instant suivant.

« Gaaaaaa! »

Une autre bête était apparue.

Celle-ci laissa échapper un cri terrifiant alors qu’elle sautait en l’air. Atterrissant sur la tête du lézard, avec ses deux mains elle l’avait poignardé violemment.

Le lézard poussa un dernier cri et rendit son dernier souffle.

Pendant un bref instant, la foule environnante n’avait pas pu comprendre ce qui s’était passé.

« Quoi ? »

Parce qu’après avoir vaincu le lézard, la bête n’avait pas cessé son mouvement.

Laissant tomber la tête du lézard, en un instant, la bête avait déjà abattu deux soldats de la garde impériale.

« Qu’est-ce que vous faites ? »

Viga fut soudainement convaincu que la bête devant lui était le vrai Maître de la Forêt.

Pourtant, elle avait un contour assez proche de celle de l’homme. Avec sa peau couleur chocolat, les cheveux gris, les oreilles pointues appartenant à une race bestiale.

La bête portait une épée à un seul tranchant, une lueur rouge inquiétante brillait de sa mince lame, ce qui était évidemment précieux.

« Qui êtes-vous ? »

Souffla le Garde impérial. Le Capitaine Klein s’était mis à crier.

« Identifiez-vous ! »

« Grrrr ! »

Mais la bête n’avait pas répondu.

Ce qui était devant elle devait être un ennemi… Ceux qui maniaient les armes contre elle devaient être des ennemis, et elle réagissait en conséquence.

« Gaaaa! »

« Gah, attaque ! »

Avec un rugissement furieux, la bête frappa Klein.

Mais Klein était de niveau Saint de l’Eau. Le style du dieu de l’Eau avait été conçu pour dévier les attaques et les contre-attaques.

Même encore…

« L’épée longue de la Lumière… le style du Dieu de l’Épée… ? »

Le coup de la bête coupa l’épée de Klein en deux.

Mais ce n’était pas tout, l’armure de Klein craqua, puis son tissu, sa peau, ses muscles, ses os et tout…

Finalement, les moitiés supérieure et inférieure de Klein s’étaient séparées.

Même après avoir vu leur capitaine coupé en deux, les gardes impériaux de l’armée de Blows n’avaient pas vacillé.

« Malédiction ! »

« Vous avez tué le capitaine ! »

« Vengez le capitaine ! »

Ils étaient tous au moins de niveau intermédiaire dans le style du Dieu de l’Eau ou le style de Dieu du Nord.

Tous très capables dans leurs propres styles.

Encore —

« Gaaaaa! »

Chaque fois que la bête rugissait et lançait son épée, l’épée et un soldat étaient coupés en deux.

La bête bougeait à la vitesse de l’éclair, et son rugissement allait ratisser les hommes. Personne ne pouvait suivre.

En un clin d’œil, tous les soldats de la garde impériale avaient été anéantis.

« … »

Les forces de Viga étaient gelées.

Ils ne pouvaient pas comprendre ce qui s’était passé. Une bête avait fait irruption et anéanti les forces ennemies. Mais pourquoi ? Dans quel but ?

« Grrrr. »

La bête s’était tournée vers eux, sans aucune raison dans ses yeux.

Ses yeux fixaient les troupes de Viga avec une intention meurtrière, apportant la terreur dans leurs cœurs.

Ce que la bête portait était révélateur, mais ce qu’elle induisait n’était pas le désir, mais la peur.

Envie ?

En effet, la bête était une femme. En apparence, elle était certainement féminine.

Voyant cela, Viga se rappela soudainement quelque chose.

Ce que son instructeur, de niveau Saint de l’épée avait dit une fois.

C’était un épéiste bien entraîné de la Terre Sainte d’Épée qui avait toujours refusé d’expliquer comment il avait fini par devenir un mercenaire. Mais dans ses bavardages, il se souvenait souvent des histoires de ses journées d’entraînement.

Particulièrement à propos d’une personne brutale et obstinée, plus proche d’un chien enragé.

Cet idiot avait effectivement poursuivi le roi de l’épée. Même si elle était une idiote, elle n’était pas une mauvaise personne.

Mais lorsqu’elle était acculée, elle devenait enragée et attaquait ses amis et ses ennemis, elle gagnait l’animosité de tout le monde.

Ce roi de l’épée de son passé, contre cette fille devant lui —

Ils devaient être identiques.

« Ne me dites pas ! »

Viga avait dit, tout en exécutant la courtoisie du style du Dieu de l’épée que son instructeur lui avait également enseigné.

Agenouillé sur un genou, la tête baissée, acte de respect et de captivité.

« Vous êtes le roi de l’épée, Ghyslaine Dedorudia-sama ? »

Dès qu’il avait dit ces mots —

La bête avait arrêté de bouger.

Après un moment, Ghyslaine avait retrouvé ses sens.

« On m’a raconté une fois vos histoires, mais je ne m’attendais jamais à vous rencontrer ici ! »

« Avez-vous vu une fille à proximité, des cheveux roux, environ 12 ans ou un garçon de 10 ans, bon en magie, qui travaille pour elle ? »

Ghyslaine n’avait pas tenu compte des commentaires de Viga.

Juste avec des yeux injectés de sang, elle demanda cela froidement à Viga.

« Non, je n’ai pas… »

Viga secoua la tête en fouillant les informations qu’il venait de luire.

Une fille aux cheveux rouges de 12 ans.

Un garçon magicien de 10 ans.

Ayant vécu une longue vie, il avait certainement vu quelques esclaves qui correspondent à cette description. Mais certainement pas des locaux, alors il ne pouvait que secouer la tête.

Puisque c’est la Forêt Interdite où les bêtes magiques se cachent.

Pourquoi des enfants seraient-ils dans un endroit comme celui-ci ?

« Hein, alors, excusez-moi. »

Cela dit, Ghyslaine s’apprêta à partir.

Mais après quelques pas, elle s’était soudainement retournée, s’était arrêtée et s’était renseignée.

« Dites, où suis-je ? »

Viga informa consciencieusement Ghyslaine qu’ils se trouvaient dans la partie médiane du continent central appelée la zone Strife, une forêt de l’État indépendant des mercenaires de Malkin sur le côté nord de la zone Strife.

Il n’avait probablement pas besoin d’avouer sa mission actuelle. Mais considérant que Ghyslaine venait de leur sauver la vie, et craignait pour leur destin de peur de la mettre en colère, il était automatiquement passé en mode de gestion de crise.

« C’est impossible. »

Ghyslaine ne pouvait pas le croire.

Parce qu’elle ne comprenait pas pourquoi elle finirait ici.

Viga avait soigneusement demandé les détails.

Il s’était avéré que Ghyslaine travaillait comme garde du corps de la fille dans la région de Fittoe du royaume d’Asura. Ils avaient été attaqués, et avant qu’elle s’en rendait compte, ils avaient été avalés par un flamboiement de lumière. Quand elle avait repris connaissance, elle s’était retrouvée dans cette forêt. Ensuite, elle était entrée dans une frénésie en combattant une bête magique et avait tué ses ennemis par accident.

« En tout cas, c’était sans aucun doute l’État indépendant des mercenaires de Malkin, qui fait partie de la zone Strife. »

« … Je vois. »

Ghyslaine avait commencé à réfléchir.

Viga ne pouvait pas deviner à quoi pensait Ghyslaine.

Après cinq secondes de réflexion, elle leva les yeux vers le ciel.

« Alors, je devrais aller au sud en direction d’Asura. »

Après avoir vérifié la position du soleil, Ghyslaine se dirigea vers le sud.

Dans la même direction que les troupes de Viga.

« Attendez un peu, il y a un territoire ennemi. »

« Et quoi ? »

« Ces mots… avez-vous un plan ? »

« Si quelqu’un essaie de m’arrêter, je le trancherais. »

Les yeux sans émotion de Ghyslaine se demandèrent si elle n’avait pas encore retrouvé sa santé mentale.

Viga ne savait pas quoi dire.

Qu’est-ce qui la pousserait à aller aussi loin ?

« Ce serait mieux si Rudeus et Eris-sama restaient ensemble, mais s’ils se séparaient comme je l’ai fait… je dois partir. »

En entendant cela, Viga avait finalement compris.

{Donc nous sommes les mêmes ?}

Pour le roi de l’épée, ces deux enfants, en particulier la fille aux cheveux rouges, devaient être plus importants que toute autre chose.

Elle était tellement désespérée de protéger ce qui lui était le plus précieux.

« Alors pour l’instant, que diriez-vous de travailler ensemble, puisque nous avons aussi nos propres raisons de prendre cette direction ? »

« Cela me convient. »

Viga avait senti une once de fierté.

Bien que leurs buts différaient, et que le roi de l’épée avait eu le sien à protéger, temporairement ils pouvaient être des camarades d’armes.

En conséquence, Viga, ses troupes et Ghyslaine quittèrent la forêt pour lancer un raid surprise sur le royaume Dzik.

Ils avaient eu de la chance.

Avec la bataille prête à s’engager contre Malkin, l’attention des forces de Dzik avait été déplacée vers le front.

Pendant ce temps, l’empereur Blows s’inquiétait de plus en plus du retour de ses gardes. Il commença à soupçonner que Dzik en profitait et tendit un piège aux gardes impériaux, les détruisant.

En observant de plus près, les forces de Dzik avaient campé trop près de la forêt. Peut-être qu’ils cachaient une force plus importante dans la forêt ?

Les soupçons étaient difficiles à surmonter une fois plantés.

En vérité, le roi Dzik était un lâche, et à la place avait choisi son camp pour éviter d’être attaqué par l’Empire de Blows et avait incidemment placé son camp contre la forêt —

Le résultat de tout cela avait été le succès miraculeux du raid de Viga.

Le raid était en cours. Ghyslaine rugit, et avec Viga criant à califourchon sur elle, ils s’étaient précipités dans le camp ennemi, et s’étaient retrouvés à l’extérieur de la tente du roi Dzik.

Le roi Dzik fut choqué de voir les troupes de Viga sortir de la forêt. Voyant leurs tenues, il était convaincu d’un raid de l’empire Blows. Immédiatement, il ordonna à ses troupes de marcher contre l’empire Blows, tout en préparant sa propre retraite.

À peine dix secondes plus tard…

Le roi Dzik était mort par l’épée de Ghyslaine.

Si le roi Dzik avait survécu, peut-être aurait-il réalisé que les troupes de Viga n’étaient pas des forces de l’empire Blows et il aurait annulé son ordre… Mais l’ordre d’un roi était absolu, et les forces du royaume de Dzik chargeaient celle de l’Empire Blows.

Même si c’était plus tôt que prévu, sachant qu’ils finiraient par se faire battre, l’empire Blows avait riposté en nature.

L’État indépendant des mercenaires de Malkin avait également agi.

Une bataille désordonnée venant de trois côtés.

En dépit d’être enveloppé par les forces ennemies, Viga était encore en vie.

Bien qu’il avait été envoyé en mission suicide dans le cadre d’un raid de feinte contre le royaume de Dzik, il avait trouvé une stratégie de survie.

Séparé de ses subordonnés, avec seulement un allié restant.

Celle devant ses yeux.

Après cette silhouette couleur chocolat et l’épée rouge qui brillait, Viga ne pouvait que regarder comme elle avait tué un ennemi après l’autre. Jamais auparavant Viga n’avait été témoin d’une aide aussi fiable. Il ressentait même un peu de fierté d’être capable de la protéger.

Après un moment, plus aucune armure du royaume de Dzik ne resta debout, seules les forces de l’Empire Blows restèrent.

Une étrange fille brandissant une épée rouge qui entrait sur le champ de bataille était un spectacle étrange, mais voyant qu’elle coupait les soldats du royaume de Dzik avec Viga, ils pensaient que le renfort était arrivé.

À ce moment-là, l’État indépendant des mercenaires de Malkin avait fait aussi une intrusion. La coopération entre les forces ayant été divisées, le front allié s’était effondré, et l’État indépendant des mercenaires de Malkin, numériquement inférieur, avait réussi à percer les lignes de front.

La bataille s’était rapidement transformée en une mêlée.

Au milieu de la féroce bataille, Viga et Ghyslaine se séparèrent.

Après un certain temps, il avait réuni des forces alliées.

L’État indépendant des mercenaires de Malkin avait applaudi quand ils avaient vu le visage de Viga et tous s’étaient précipités pour l’entourer et le protéger.

Mais Viga ne se retira pas à l’arrière et resta au combat.

Au fur et à mesure de la bataille, Viga devint couvert de boue et de sang, de la tête aux pieds, difficile de distinguer l’un de l’autre.

Son œil gauche avait été frappé, juste au moment où il essayait d’en comprendre l’origine, il l’avait vu.

Viga avait été témoin de ce moment.

Sous une bannière particulièrement grande.

Un homme avec une lourde barbe noire vêtue d’une luxueuse armure de l’Empire Blows.

Le rouge de l’épée de la femme à la peau de chocolat brillait, et cet homme barbu… La tête de l’Empereur Blow tomba.

« Ha… Ha… Haaaahahah! »

Viga éclata de rire, et continuant à rire, il continua sa bataille.

Finalement, il avait survécu à la bataille.

L’État indépendant des mercenaires de Malkin avait remporté la bataille décisive.

~ 4 ~

Pour avoir accompli cet exploit, le mercenaire Viga avait été récompensé par le titre de général.

Il avait été crédité pour la victoire dans la bataille décisive, et même reconnu comme le héros fondateur de l’État indépendant des mercenaires de Malkin.

Le mercenaire Viga avait également accompli d’autres actions, et avait été respecté parmi les grands généraux de l’histoire de Malkin, mais c’est une autre histoire.

Pourtant, le grand général Viga avait commencé à agir étrangement depuis cette bataille.

Il portait sur son cou un pendentif sculpté avec le portrait d’une race bestiale, et il colorait son épée en rouge.

« C’est un sortilège. »

Puis ses subalternes avaient commencé à copier son agissement, et d’autres aussi, jusqu’à ce que finalement la pratique se répandit et que cela finisse dans l’état actuel.

Quelqu’un lui avait une fois demandé quelle magie c’était, et Viga avait répondu.

« Parce que dans cette bataille la déesse m’a accordé son aide, je l’imite. »

À la suite de ses agissements et ses déclarations, les gens avaient inventé la déesse de la forêt Reinu.

Le nom de la Déesse était en fait Ghyslaine.

Mais ce nom, Ghyslaine, était difficile à prononcer pour les gens de cette partie du continent central.

Leur prononciation s’était déformée avec le temps et était finalement devenue simplement Reinu.

Apparu hors de la forêt, la déesse sauveuse nationale qui avait sauvé et avait guidé le grand général, « La déesse de la forêt Reinu. »

Après une centaine d’années, la déesse de la forêt Reinu était venue à être vénérée comme le protecteur de Malkin, et le soutien spirituel de chaque mercenaire là-bas.

Bien sûr, Ghyslaine elle-même n’avait jamais su tout cela.

Après ça, où Ghyslaine était-elle allée ?

Avait-elle survécu ?

Si elle avait survécu, était-elle revenue en sécurité dans le royaume d’Asura ?

Était-elle capable de se réunir avec cette fille, si précieuse pour elle… ?

Le mercenaire Viga ne le saura jamais.

***

Illustrations

 

***

Bonus anime : l’entretien avec le nouveau tuteur

« Cela va prendre un certain temps »

Quand j’entendis cela, j’avais pensé « eh, encore ? ».

« Prenez votre temps. »

Les mots avec lesquels je répondis étaient les mêmes que précédemment, mais cette fois, j’avais ajouté un léger soupir à la fin. Ce n’était pas génial de ma part, mais c’était à prévoir.

« Alors, je vais prendre congé », dit l’homme avant de quitter la pièce.

C’était un peu léger. Cependant, au moment où il partit, il tourna sa pitié vers moi.

Même moi, j’avais eu pitié de mon sort, comme si je venais de perdre mon travail.

« Uuh… »

J’avais posé mes coudes sur la table avant de soupirer à nouveau.

J’avais levé les yeux au plafond et je vis une araignée collée au coin du mur.

« Une petite araignée… »

Le fondateur de la famille Boreas était un homme qui avait la colère facile. S’il voyait ce petit insecte à l’intérieur de sa maison, il appellerait immédiatement la servante chargée du nettoyage pour la fouetter, et il allait parfois même jusqu’à lui couper la tête. Ainsi, même parmi les nobles, on disait de ne pas laisser sa fille aller en apprentissage dans cette maison. Cela avait changé à travers les générations de propriétaires. En fait, les servantes de cette maison étaient toutes affiliées à la tribu des bêtes.

Au début, il n’y avait qu’une seule femme de chambre. Une fille enlevée dans une grande forêt et vendue comme esclave sur le marché. Elle avait été achetée par un précédent seigneur de la maison et était devenue une servante. On disait qu’elle n’était pas douée et qu’elle mettait le propriétaire en colère presque immédiatement lorsqu’elle échouait à accomplir des tâches simples.

Cependant, bien que le propriétaire l’ait réprimandée, elle n’avait jamais été condamnée au fouet ou à la décapitation.

Pourquoi ? C’était que, lorsqu’il vit ses oreilles d’animal trembler pendant qu’il la grondait, sa colère disparut tout simplement. Je ne savais pas si cette anecdote était vraie, mais, ce qui était certain, c’était qu’après la mort de ce seigneur, il n’y eut plus aucun papier disant qu’un chef de la maison Boreas, connu pour sa colère, avait traité sa servante de façon déraisonnable. Ça devait donc être la vérité.

Personnellement, je n’étais pas de nature colérique. Les chefs de la maison de Boreas étaient une exception.

Bien sûr, j’aime les hommes bêtes, mais…

« Ma chère… Phillip, Phillip ! »

Une voix soudaine était parvenue à mes oreilles, j’avais déplacé mon regard du plafond vers l’avant. C’était la silhouette de ma belle épouse, Hilda. Bien sûr, elle n’est pas un homme bête, c’est une noble d’Asura. Même ainsi, les aristocrates de haut rang comme nous ne sont pas autorisés à se marier entre eux en tant qu’aristocrates Asura de sang pur, car ils sont très stricts dans leur lignée. Mais cela ne veut pas dire que je ne peux pas tomber amoureux d’elle. Mon amour pour les hommes bêtes et pour les femmes sont deux choses différentes.

« Oh Hilda, qu’est-ce qu’il y a ? »

« Le petit qui vient de quitter la maison, n’est-ce pas… ? »

« C’est le tuteur d’Éris. Il est déjà une célébrité dans la capitale alors j’ai pensé que ça lui conviendrait. »

« Je vois… »

Hilda fit un visage sombre. Je n’étais habituellement pas de nature colérique. Mais quand il s’agissait de notre fille Éris, le fort sang de la famille Boreas montait en elle. Elle se mettait facilement en colère, n’écoutait pas les gens, elle était aussi mauvaise pour se souvenir des choses. Il y avait même des rumeurs disgracieuses qui l’appelaient le singe rouge des Boreas. La rumeur et son auteur furent écrasés, mais la rumeur elle-même n’avait pas disparu. Et parce qu’une rumeur n’avait pas de racines, elle ne pouvait pas être effacée aussi facilement. L’éducation d’Éris était faite d’une telle série d’épreuves. Si elle allait à l’école, elle casserait toutes les dents d’un camarade de classe en quelques jours, si elle était assignée à un tuteur, ce n’était qu’une question de temps avant qu’elle ne lui casse toutes les dents, ou si elle ne le pouvait pas, elle le harcèlerait la nuit ou boycotterait ses leçons.

A l’origine, j’avais besoin d’un adulte pour la gronder quand c’était nécessaire. Hilda et moi lui avions reproché de ne pas le faire, mais mon père avait défendu Éris. Comme il le disait, dans la haute aristocratie d’Asura, il fallait être fort.

Il avait raison sur ce point. J’étais bien sûr son parent, mais je ne pouvais pas m’opposer fortement à lui.

Et même si mon père la défendait, il y eut des moments où je m’étais demandé si Éris ne devait pas être sévèrement punie pour ses actions.

Honnêtement, quand je pensais à son avenir, je ne ressentais que de l’anxiété.

« Dis, est-ce qu’Éris va vraiment bien ? Elle a déjà 6 ans, mais nous ne pouvons pas la présenter à d’autres familles aristocratiques dans cet état. »

Je suppose que c’était la même chose pour Hilda, c’était pourquoi elle était venue me consulter.

« Tu as… raison. »

Si nous continuons à l’élever comme ça, elle pourrait devenir une femme indigne de l’aristocratie.

Elle ne pouvait pas interagir socialement, n’avait aucun sens des affaires publiques, était ignorante, arrogante et violente. Telle était notre Éris. C’est une situation que je voudrais éviter, à la fois en tant que parent et en tant que garant du nom de Boreas. Pourquoi aurais-je tort ?

« Monsieur, puis-je entrer ? »

Soudainement, une nouvelle personne était apparue à la porte de mon bureau.

« Thomas ? Qu’est-ce qu’il y a ? »

« Eh bien… C’est… »

J’avais froncé les sourcils en regardant le rapport du majordome.

*****

Devant mes yeux se trouvait une femme. Même parmi les hommes bêtes, elle avait une peau brune rare, c’était une femme, mais elle n’avait presque pas de graisse, elle était très mince, mais ses muscles bien entraînés étaient bien visibles. Si seulement elle mangeait un peu, elle retrouverait probablement sa graisse rapidement. Son œil était caché par un cache-œil, à sa taille se trouvait une lame, du type de celle utilisée par les utilisateurs du style du Dieu de l’épée. Mais au fait, la veste qu’elle portait n’était-elle pas traditionnellement portée par les hauts apprentis du style Dieu de l’épée ? Son pelage gris n’était pas très brillant, probablement parce qu’elle n’en avait pas pris soin. J’aimerais lui faire prendre son bain maintenant et la brosser pendant toute une journée.

« C’est donc vous qui avez sauvé Éris, n’est-ce pas ? »

Éris était allée jouer avec son grand-père à la rivière et il semblerait que cette femme était celle qui l’avait récupérée après qu’elle soit tombée dans l’eau.

Éris lui avait donné sa boîte à lunch alors qu’elle était sur le point de mourir de faim.

« Oh, je peux enseigner l’art de se battre avec une épée. »

« Je vois. »

Il semblerait que cette femme s’appelait Ghislaine. D’après mes recherches, c’était une épéiste de rang S. C’était un chevalier de grand talent qui détenait le titre de « Reine de l’épée ». Mais au fait, pourquoi une personne d’un tel talent se trouverait-elle dans la région de Fittoa ? Même ses yeux ressemblaient à ceux d’un épéiste. Si je disais quelque chose qu’elle n’appréciait pas, elle pouvait me tuer en un instant… Même si j’étais un aristocrate.

« Je ne peux pas permettre à un être dangereux de devenir le tuteur de notre fille. Parce que mon père l’a permis, je vais l’envisager, mais laissez-moi vous poser quelques questions. Est-ce que ça vous dérange ? »

« Pas du tout… »

Je le dis encore une fois, j’aimais les hommes bêtes. Surtout leur queue. Elle bougeait en suivant leurs sentiments, on pouvait dire que c’était un organe fantastique que nous, les humains, n’avions pas. J’avais toujours regardé leurs queues, au moins depuis que je suis enfant. Tous les jours, quand ils étaient félicités, quand ils trouvaient un insecte qu’ils n’aimaient pas dans le jardin, quand ils étaient en colère, quand ils étaient en chaleur, j’avais remarqué que leur queue ne bougeait pas de la même façon. Si je regardais la queue d’un homme bête maintenant, je comprendrais tout de suite ce qu’il ressentait. Cette femme appelée Ghislaine, elle était nerveuse en ce moment. Elle avait peut-être l’allure d’un épéiste, mais pour l’instant, on dirait qu’elle était un peu inquiète du résultat de cet entretien. Et malgré son apparence, c’était plutôt mignon. Cependant, le mouvement de la queue semblait simple uniquement pour ceux qui n’avaient pas reçu d’entraînement spécial. Par conséquent, il y avait aussi une possibilité que cette femme soit une espionne envoyée par une autre maison.

« Tout d’abord, votre titre de “Reine de l’épée” est bien réel ? »

« Oui, il l’est. »

« Avez-vous des preuves ? »

Juste au moment où j’avais dit ça, elle dégaina son épée.

« C’est l’une des sept épées sacrées, “Hirasō” » (ndlr : essence de paix).

Le dieu de l’épée de cette génération était un collectionneur. Parmi sa collection se trouvaient 7 épées particulièrement puissantes appelées les « sept épées sacrées », elles étaient données aux disciples qui atteignaient le rang de roi de l’épée.

« Je comprends. Mais c’est une histoire étrange, pourquoi une personne ayant atteint le rang de Roi de l’épée mourrait-elle de faim dans un tel endroit ? »

« Eh bien, c’est… »

« Vous me cachez des informations ? »

« Ce n’est pas… Je voyageais, mais je n’ai plus d’argent. Je ne pouvais pas accepter de demande, je pensais chasser les démons, mais il n’y en a pas dans cette région. J’ai pensé que je pourrais au moins boire de l’eau pour tromper ma faim, mais quand je l’ai remarqué, je ne pouvais déjà plus bouger. »

Ce genre d’histoire arrivait souvent chez les épéistes. Surtout pour ceux qui étaient au-dessus du rang B, ils ne pouvaient pas trouver facilement du travail dans le Royaume d’Asura. Contrairement à d’autres pays, ici, l’extermination et la soumission des monstres étaient effectuées presque exclusivement par les chevaliers du Royaume ou les soldats privés de certains seigneurs. Il y avait même assez de soldats pour mettre un chevalier dans les plus petits villages. À cause de cela, le nombre de demandes d’aventuriers, surtout ceux de rang B ou plus, avait fortement diminué. Quand on y pensait, il n’était pas anormal qu’un rang S ait du mal à trouver un emploi. Ainsi, la plupart des aventuriers de ce royaume partaient dans un autre pays une fois qu’ils avaient atteint le rang D environ.

« Si vous êtes vraiment un aventurier de rang S, vous devriez pouvoir faire quelque chose avant d’être au bord de la famine. »

« … Peut-être pour les autres rangs S, mais mon seul talent est de bouger mon épée. »

Quand je vis sa queue tomber, car elle manquait d’énergie pour la bouger, j’avais pensé qu’elle disait peut-être la vérité.

« Il semble qu’il y ait une Reine de l’Épée très stupide. Au bord de la famine dans ce riche royaume d’Asura. »

« … »

Elle me regardait fixement. Je regardais sa queue qui semblait me dire « Je ne suis pas contente, mais je ne peux pas répliquer à cela ». Comme prévu, ils n’enverraient pas un espion avec une raison aussi stupide. On pouvait penser que la famille Boreas engageait toute personne suspecte ayant des oreilles d’animal, mais il y avait aussi une voie plus naturelle pour s’infiltrer, qui n’attirerait pas la méfiance.

« Mais d’abord, pourquoi êtes-vous venue ici ? Vous avez dit que vous étiez en voyage, mais il n’y a rien que vous n’ayez jamais vu avant ici, je me trompe ? »

« J’ai entendu dire que des amis à moi vivaient ici. »

« Des amis ? Comment s’appellent-ils ? »

« Paul et Zenith. »

« Paul… Ça veut dire que vous êtes cette Ghislaine des “crocs du loup noir” ? »

« C’est moi. »

« C’est surprenant. »

« Les crocs du loup noir ». Paul m’en avait parlé, c’était le nom de son groupe quand il était encore un aventurier.

« Vous avez donc rencontré Paul ? »

« Non, je me suis perdue en chemin. »

« Ça vous dérange si je demande à Paul si vous êtes la bonne personne ? »

« Non. »

Sa queue s’était remise à trembler comme si elle était soulagée. C’était comme si elle me disait « Avec ça, je peux prouver mon identité ». Eh bien, Paul était vraiment populaire. Et le fait que même les hommes bêtes l’aimaient me rendait jaloux.

« Je vois. Il semblerait que vous soyez la vraie Ghislaine Dedoldia. »

« C’est ce que je vous disais. »

« Vous avez dit que vous vouliez enseigner l’art du sabre à notre Éris, mais comment comptez-vous lui apprendre ? En fait, elle est du genre à ne pas vraiment écouter les autres. »

« Je ne peux lui enseigner que les bases. Après lui avoir appris à se déplacer raisonnablement, je lui demanderai de s’entraîner tous les jours, de manier son épée tous les jours, et de répéter jusqu’à ce qu’elle puisse le faire correctement. »

« Notre Éris peut-elle vraiment apprendre à bien le faire ? »

« Je n’en sais rien. Mais je vous promets que j’apprendrai à Éris à manier l’épée. »

L’art de l’épée. Quand j’y pensais, nous n’avions pas encore décidé de donner ce type de leçons à Éris. C’était peut-être violent, mais c’était toujours mieux que de regarder le feu en se demandant ce qui se passerait si elle apprenait l’art du sabre toute seule et devenait plus violente.

« L’épée… Qu’en penses-tu, Hilda ? »

En pensant ainsi, je m’étais tournée vers Hilda qui était assise à côté de Ghislaine depuis le début et qui restait silencieuse. Elle me regardait. Elle avait l’air jalouse, peut-être était-elle inquiète que je flirte avec Ghislaine.

« … L’épée ? C’est inutile pour une dame. »

« Bien que l’on ne puisse pas dire que ce soit totalement inutile pour les aristocrates. »

Pour les nobles du Royaume d’Asura, un art martial était une sorte de statut. Même si, traditionnellement, c’était pour les garçons, nous ne demandions pas aux filles de l’apprendre.

Mais ce n’était pas comme s’il n’y avait pas d’exception.

Une femme compétente pouvait être choisie comme chevalier gardien d’une reine ou d’une princesse. Chevalier tutélaire de la famille royale était une position honorifique pour un noble avec un statut spécial et une aide pour le futur. Il y avait beaucoup de femmes chevaliers gardiens dans le passé.

Mais, bien sûr, comme vous aviez affaire à la famille royale, votre étiquette devait être parfaite. L’étiquette, c’était ce que Éris détestait le plus.

« Si… »

Juste au moment où je pensais à diverses choses, Hilda essaya de dire quelque chose.

« Si cette enfant ne peut pas vivre comme une aristocrate et qu’on doit l’exclure de la maison, il vaudrait mieux qu’elle puisse manier ne serait-ce qu’une épée. »

Sur ces mots, j’avais décidé d’engager Ghislaine.

*****

Finalement, je l’avais engagée, mais, est-ce qu’Éris pouvait vraiment apprendre l’art de l’épée ? Vu la taille des bras de Ghislaine, être l’escorte d’Éris était suffisant, mais comme Ghislaine elle-même avait dit qu’elle lui enseignerait, cela posait un souci. Comme les tuteurs que j’avais engagés jusqu’à présent, je me demandais si elle ne serait pas mise à la porte tout de suite si Éris ne l’écoutait pas.

« Éris, regarde d’abord cette épée, touche-la comme tu veux. »

« Vraiment ? »

« Oui, la lame ou la poignée, fais comme tu veux. »

L’épée en bois qu’Éris avait reçue l’avait remplie de joie, encore plus lorsqu’on lui avait dit qu’elle pouvait trancher avec. Elle avait souri comme je ne l’avais jamais vu auparavant.

« Alors, j’arrive ! »

« Viens. »

Juste après la courte réponse de Ghislaine, Éris commença à courir vers elle, et frappa directement devant elle. Ghislaine arrêta l’épée d’Éris. J’avais ensuite pu entendre de légers bruits de tapotement. À l’écoute de ces bruits, Éris avait commencé à devenir de plus en plus heureuse, son sourire était devenu plus éclatant.

Mais, au prochain mouvement, un grand bruit se fit entendre et Éris vola dans la direction opposée. Éris s’était écrasée sur le sol, attrapa de la poussière, glissa et s’arrêta. Puis elle leva la tête et cligna des yeux.

« Qu’est-ce que tu fais ? Viens et contre-attaque, maintenant, lève-toi ! Viens autant de fois que tu veux ! »

« OK ! »

Après cela, Éris était venue vers Ghislaine encore et encore et s’était écrasée au sol encore et encore. Elle commença alors à respirer plus fort.

Je savais qu’Éris n’aimait pas ce genre de situations. Celle où elle ne pouvait pas faire ce qu’elle voulait. Au train où allaient les choses, j’étais sûr qu’elle allait commencer à sécher les cours dès demain.

Alors que j’essayais de partir avec un sourire amer, j’avais soudainement vu le visage d’Éris. Même si Ghislaine l’avait fait voler à plusieurs reprises, celle-ci ramassa son épée et se releva à plusieurs reprises pour attaquer à nouveau. Cependant, il n’y avait aucun signe de regret ou d’irritation sur son visage. Seulement un sourire éclatant.

 

 

« … Ce qu’elle aime est différent… ? »

Si Éris ne pouvait vraiment pas devenir une dame, la prochaine fois, j’appellerais Paul pour qu’il lui enseigne les bases d’un aventurier.

Et au moment où je pensais à ça, je quittais déjà l’endroit.

« Thomas, prépare une chambre pour Ghislaine. »

« Très bien. »

Et avec ça, un autre professeur d’épée avait rejoint la maison.

***

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4 commentaires :

  1. Il n’y a pas de tome 3 ?

  2. La traduction du WN est-elle à 100% correcte ? J’ai remarqué une différence entre le votre et celui en anglais (le moment ou Éris dort et que Rudeus remet sa chemise pour ne pas qu’elle ait froid).

    Dans la traduction anglaise, Rudeus touche… certaines parties de son corps mais pas dans celle-ci, pourquoi ?

    • Bonsoir

      Cela s’appelle de la censure. La team anglaise à volontairement censuré ce passage afin de le rendre plus lisible. Je me suis donc basé sur le WN japonais original pour ce passage. Donc oui la trad est bonne.

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